"L'Évangile tel qu'il m'a été révélé"
de Maria Valtorta

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Dans "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé"
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 Tant que le monde existera, il y aura toujours des phases de croissance et de décroissance de la religion. Mais, même quand elle semblera morte, elle sera tout de même vivante. 2.100

 La religion romaine 3.27

 C'est de Dieu que je viens comme tous. Car Lui en a mis la capacité dans l'esprit de tous les hommes et, chez les plus sages, une intelligence supérieure qui les fait paraître vraiment des demi-dieux par une puissance qui dépasse les limites de l'humanité. Oui, parce que c'est Lui qui leur a fait écrire ces vérités qui déjà sont de la religion sinon divine comme la tienne, du moins morale, et capable de garder les âmes "vivantes" non pas pour la durée du séjour ici, sur la terre, mais pour toujours. 4.147

 La diversité des religions, et l’œuvre de Dieu 4.150

 La religion des vertus pratiquées héroïquement prédispose l'âme à la Religion vraie et à la connaissance de Dieu. 4.154

 Ici, dans cette région où tant de races se sont mélangées, il y a un écheveau embrouillé de religions. Tellement embrouillé que... ce ne sont plus que des religions impraticables, des effilochures de religions qui ne servent plus à rien. Au milieu, rigide et intransigeante, la religion juive qui, par son poids, brise les fils déjà usés des autres sans rien obtenir. 5.56

 Les religions, les idées religieuses par conséquent, ce sont l'amour, la pensée et le désir d'aller là où se trouve Celui ou ceux en qui nous croyons, que nous aimons et désirons. (Barthélemy à Aurea Galla, vide de toute culture religieuse) 6.118

 Une religion est nécessaire à l'homme, comme est nécessaire une foi, la foi étant l'état permanent de l'homme, et l'incrédulité un accident anormal. 6.155

 La vraie religion consiste en cela, […] Vivre, en un mot, en hommes et non pas en brutes, par respect aussi envers soi-même. 7.188

 C'est uniquement de l'amour que Dieu peut tirer de la Création, et cet amour, qui est intelligent et libre uniquement chez les anges et les hommes, est la gloire de Dieu, la joie des anges, la religion pour les hommes. 8.16


Dans les autres ouvrages de Maria Valtorta
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Cahiers de 1944                                                                                                          Voir le sommaire des "Cahiers" =>

  Catéchèse du 10 janvier : Il y a un filet de vérité dans toutes les religions révélées, déposé par moi (l'Esprit-Saint), qui suis celui qui irrigue et féconde. En outre, comme le jaillissement puissant d’une source éternelle, je déborde de tous côtés de l’Église catholique du Christ et, par le moyen de la grâce, des sept dons et des sept sacrements, je transforme les catholiques fidèles en serviteurs du Seigneur, en élus pour le Royaume, en fils de Dieu, en frères du Christ, en dieux dont le destin est si infiniment sublime qu’il mérite qu’on se sacrifie pour le posséder.


Dans les textes fondamentaux chrétiens

Dans la Bible
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Dans le catéchisme de l'Église catholique
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Dans d'autres sources
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Simone Weil (1909 – 1943)

Amour des pratiques religieuses

L'amour de la religion instituée, quoique le nom de Dieu y soit nécessairement présent, n'est pourtant pas, par lui-même, un amour explicite, mais implicite de Dieu. Car il n'enferme pas un contact direct, immédiat avec Dieu. Dieu est présent dans les pratiques religieuses, quand elles sont pures, de la même manière que dans le prochain et dans la beauté du monde ; non pas davantage.

La forme que prend dans l'âme l'amour de la religion diffère beaucoup selon les circonstances de la vie. Certaines circonstances empêchent que cet amour prenne même naissance ou bien le tuent avant qu'il ait pu prendre beaucoup de force. Certains hommes contractent malgré eux, dans le malheur, la haine et le mépris de la religion, parce que la cruauté, l'orgueil ou la corruption de certains de ses ministres les ont fait souffrir. D'autres ont été élevés dès leur enfance dans un milieu imprégné de cet esprit. Il faut penser qu'en pareil cas, par la miséricorde de Dieu, l'amour du prochain et celui de la beauté du monde, s'ils sont assez forts et assez purs, sont suffisants pour conduire l'âme à n'importe quelle hauteur.

L'amour de la religion instituée a normalement pour objet la religion dominante du pays ou du milieu où on a été élevé. C'est à elle que tout homme pense d'abord, par l'effet d'une habitude entrée dans l'âme avec la vie, toutes les fois qu'il pense à un service de Dieu.

La vertu des pratiques religieuses peut être conçue tout entière d'après la tradition bouddhiste concernant la récitation du nom du Seigneur. On dit que le Bouddha aurait fait vœu d'élever jusqu'à lui, dans le Pays de la Pureté, tous ceux qui réciteraient son nom avec le désir d'être sauvés par lui ; et qu'à cause de ce vœu la récitation du nom du Seigneur a réellement la vertu de transformer l'âme.

La religion n'est pas autre chose que cette promesse de Dieu. Toute pratique religieuse, tout rite, toute liturgie est une forme de la récitation du nom du Seigneur, et doit en principe avoir réellement une vertu ; la vertu de sauver quiconque s'y adonne avec ce désir.

Toutes les religions prononcent dans leur langue le nom du Seigneur. Le plus souvent, il vaut mieux pour un homme nommer Dieu dans sa langue natale plutôt que dans une langue étrangère. Sauf exception, l'âme est incapable de s'abandonner complètement au moment où elle doit s'imposer le léger effort de chercher les mots d'une langue étrangère, même bien connue.

Un écrivain dont la langue natale est pauvre, peu maniable et peu répandue dans le monde est très fortement tenté d'en adopter une autre. Il y a eu quelques cas de réussite éclatante, comme Conrad, mais très rares. Sauf exception un tel changement fait du mal, dégrade la pensée et le style ; l'écrivain reste médiocre et mal à l'aise dans le langage adopté.

Un changement de religion est pour l'âme comme un changement de langage pour un écrivain. Toutes les religions, il est vrai, ne sont pas également aptes à la récitation correcte du nom du Seigneur. Certaines sans doute sont des intermédiaires très imparfaits. Il faut que la religion d'Israël, par exemple, ait été un intermédiaire vraiment très imparfait pour qu'on ait pu crucifier le Christ. La religion romaine ne méritait peut-être même à aucun degré le nom de religion.

Mais d'une manière générale la hiérarchie des religions est une chose très difficile à discerner, presque impossible, peut-être tout à fait impossible. Car une religion se connaît de l'intérieur. Les catholiques le disent du catholicisme, mais c'est vrai de toute religion. La religion est une nourriture. Il est difficile d'apprécier par le regard la saveur et la valeur alimentaire d'un aliment qu'on n'a jamais mangé.

La comparaison des religions n'est possible dans une certaine mesure que par la vertu miraculeuse de la sympathie. On peut dans une certaine mesure connaître les hommes si en même temps qu'on les observe du dehors on transporte en eux pour un temps sa propre âme à force de sympathie. De même l'étude de différentes religions ne conduit à une connaissance qui si on se transporte pour un temps, par la foi, au centre même de celle qu'on étudie. Par la foi au sens le plus fort du mot.

C'est ce qui n'arrive presque jamais. Car les uns n'ont aucune foi ; les autres ont foi exclusivement dans une religion et n'accordent aux autres que l'espèce d'attention qu'on accordent des coquillages de forme étrange. D'autres encore se croient capables d'impartialité parce qu'ils ont une vague religiosité qu'ils tournent indifféremment n'importe où. Il faut au contraire avoir accordé toute son attention, toute sa foi, tout son amour à une religion particulière pour pouvoir penser à chaque autre religion avec le plus haut degré d'attention, de foi et d'amour qu'elle comporte. De même ce sont ceux qui sont capables d'amitié, non les autres, qui peuvent aussi s'intéresser de tout leur cœur au sort d'un inconnu.

Dans tous les domaines, l'amour n'est réel que dirigé sur un objet particulier ; il devient universel sans cesser d'être réel seulement par l'effet de l'analogie et du transfert.

Soit dit en passant, la connaissance de ce que sont l'analogie et le transfert, connaissance pour laquelle la mathématique, les diverses sciences et la philosophie sont une préparation, a ainsi un rapport direct avec l'amour.

Aujourd'hui, en Europe et peut-être même dans le monde, la connaissance comparée des religions est à peu près nulle. On n'a même pas la notion de la possibilité d'une telle connaissance. Même sans les préjugés qui nous font obstacle, le pressentiment de cette connaissance est déjà quelque chose de très difficile. Il y a entre les différentes formes de vie religieuse, comme compensation partielle des différences visibles, certaines équivalences cachées que peut-être le discernement le plus aigu peut seulement entrevoir. Chaque religion est une combinaison originale de vérités explicites et de vérités implicites ; ce qui est explicite chez l'une est implicite dans telle autre. L'adhésion implicite à une vérité peut quelquefois avoir autant de vertu qu'une adhésion explicite, et quelquefois même beaucoup plus. Celui qui connaît le secret des cœurs connaît seul aussi le secret des différentes formes de la foi. Il ne nous a pas révélé ce secret, quoi qu'on dise.

Quand on est né dans une religion qui n'est pas trop impropre à la prononciation du nom du Seigneur, quand on aime cette religion natale d'un amour bien orienté et pur, il est difficile de concevoir un motif légitime de l'abandonner, avant qu'un contact direct avec Dieu soumette l'âme à la volonté divine elle-même. Au-delà de ce seuil, le changement n'est légitime que par obéissance. L'histoire montre qu'en fait, cela se produit rarement. Le plus souvent, toujours peut-être, l'âme parvenue aux plus hautes régions spirituelles est confirmée dans l'amour de la tradition qui lui a servi d'échelle.

Si l'imperfection de la religion natale est trop grande, ou si elle apparaît dans le milieu natal sous une forme trop corrompue, ou bien si les circonstances ont empêché de naître ou tué l'amour de cette religion, l'adoption d'une religion étrangère est légitime. Légitime et nécessaire pour certains ; non pas sans doute pour tous. Il en est de même à l'égard de ceux qui ont été élevés sans aucune pratique religieuse.

Dans tous les autres cas, changer de religion est une décision extrêmement grave, et il est encore bien plus grave de pousser un autre à le faire. Il est encore infiniment plus grave d'exercer en ce sens une pression officielle dans des pays conquis.

En revanche, malgré les divergences religieuses qui existent sur les territoires d'Europe et d'Amérique, on peut dire qu'en droit, directement ou indirectement, de près ou de loin, la religion catholique est le milieu spirituel natal de tous les hommes de race blanche.

La vertu des pratiques religieuses consiste dans l'efficacité du contact avec ce qui est parfaitement pur pour la destruction du mal. Rien ici-bas n'est parfaitement pur, sinon la beauté totale de l'univers, qu'il n'est pas en notre pouvoir de ressentir directement avant d'avoir beaucoup avancé vers la perfection. Cette beauté totale n'est d'ailleurs enfermée dans rien de sensible, quoiqu'elle soit sensible en un sens.

Les choses religieuses sont des choses sensibles particulières, existant ici-bas, et pourtant parfaitement pures. Non pas par leur manière d'être propre. L'église peut être laide, les chants faux, le prêtre corrompu et les fidèles distraits. En un sens cela n'a aucune importance. C'est ainsi que si un géomètre, pour illustrer une démonstration correcte, trace une figure où les droites sont tordues et les cercles allongés, cela n'a aucune importance. Les choses religieuses sont pures en droit, théoriquement, par hypothèse, par définition, par convention. Ainsi leur pureté est inconditionnée. Nulle souillure ne peut l'atteindre. C'est pourquoi elle est parfaite. Mais non pas parfaite à la manière de la jument de Roland, qui avec toutes les vertus possibles avait l'inconvénient de ne pas exister. Les conventions humaines sont sans efficacité, à moins qu'il ne s'y joigne des mobiles qui poussent les hommes à les observer. En elles-mêmes elles sont de simples abstractions ; elles sont irréelles et n'opèrent rien. Mais la convention selon laquelle les choses religieuses sont pures est ratifiée par Dieu même. Aussi est-ce une convention efficace, une convention qui enferme une vertu, qui par elle-même opère quelque chose. Cette pureté est inconditionnée et parfaite, et en même temps réelle.

C'est là une vérité de fait, qui par suite n'est pas susceptible de démonstration. Elle n'est susceptible que de vérification expérimentale.

En fait la pureté des choses religieuses est presque partout manifeste sous la forme de la beauté, quand la foi et l'amour ne font pas défaut. Ainsi les paroles de la liturgie sont merveilleusement belles ; et surtout la prière sortie pour nous des lèvres mêmes du Christ est parfaite. De même l'architecture romane, le chant grégorien sont merveilleusement beaux.

Mais au centre même il y a quelque chose qui est entièrement dépourvu de beauté, où rien ne rend la pureté manifeste, quelque chose qui est uniquement convention. Il faut qu'il en soit ainsi. L'architecture, les chants, le langage, même si les mots sont assemblés par le Christ, tout cela est autre chose que la pureté absolue. La pureté absolue présente ici-bas à nos sens terrestres comme chose particulière, cela ne peut être qu'une convention qui soit convention et rien d'autre. Cette convention placée au point central, c'est l'Eucharistie.

L'absurdité du dogme de la présence réelle en constitue la vertu. Excepté le symbolisme si touchant de la nourriture, il n'y a rien dans un morceau de pain à quoi la pensée tournée vers Dieu puisse s'accrocher. Ainsi le caractère conventionnel de la présence divine est évident. Le Christ ne peut être présent dans un tel objet que par convention. Il peut y être de ce fait même parfaitement présent. Dieu ne peut être présent ici-bas que dans le secret. Sa présence dans l'Eucharistie est vraiment secrète, puisque aucune partie de notre pensée n'est admise au secret. Aussi est-elle totale.

Nul ne songe à s'étonner que des raisonnements opérés sur des droites parfaites et des cercles parfaits qui n'existent pas aient des applications effectives dans la technique. Pourtant cela est incompréhensible. La réalité de la présence divine dans l'Eucharistie est plus merveilleuse, mais non pas plus incompréhensible.

On pourrait dire en un sens, par analogie, que le Christ est présent dans l'hostie consacrée par hypothèse, de la même manière qu'un géomètre dit qu'il y a deux angles égaux dans tel triangle par hypothèse.

C'est parce qu'il s'agit d'une convention que la forme de la consécration importe seule, non l'état spirituel de celui qui consacre.

Si c'était autre chose qu'une convention, ce serait une chose au moins partiellement humaine, non pas totalement divine. Une convention réelle, c'est une harmonie surnaturelle, en prenant harmonie au sens pythagoricien.

Seule une convention peut être ici-bas la perfection de la pureté, car toute pureté non conventionnelle est plus ou moins imparfaite. Qu'une convention puisse être réelle, c'est un miracle de la miséricorde divine.

La notion bouddhiste de la récitation du nom du Seigneur a le même contenu, car un nom aussi est une convention. Pourtant l'habitude de confondre dans nos pensées les choses avec leur nom le fait facilement oublier. L'Eucharistie est conventionnelle à un plus haut degré.

Même la présence humaine et charnelle du Christ était autre chose que la pureté parfaite, puisqu'il a blâmé celui qui le nommait bon, puisqu'il a dit : "Il vous est avantageux que je m'en aille." Il est donc vraisemblablement plus complètement présent dans un morceau de pain consacré. Sa présence est plus complète pour autant qu'elle est plus secrète.

Pourtant cette présence fut sans doute encore plus complète, et aussi encore plus secrète, dans son corps charnel, au moment où la police se saisit de ce corps comme de celui d'un repris de justice. Mais aussi fut-il alors abandonné de tous. Il était trop présent. Ce n'était pas soutenable pour des hommes.

La convention de l'Eucharistie ou toute autre analogue est indispensable à l'homme ; la présence sensible de la pureté parfaite lui est indispensable. Car l'homme ne peut diriger la plénitude de son attention que sur une chose sensible. Et il a besoin de diriger parfois son attention sur la pureté parfaite. Cet acte seul peut lui permettre, par une opération de transfert, de détruire une partie du mal qui est en lui. C'est pourquoi l'hostie est réellement l'Agneau de Dieu qui enlève les péchés.

Tout le monde sent le mal en soi, en a horreur et voudrait s'en débarrasser. Hors de nous nous voyons le mal sous deux formes distinctes, souffrance et péché. Mais dans le sentiment que nous avons de nous-mêmes cette distinction n'apparaît pas, sinon abstraitement et par réflexion. Nous sentons en nous-mêmes quelque chose qui n'est ni souffrance ni péché, qui est l'un et l'autre à la fois, la racine commune aux deux, un mélange indistinct des deux, en même temps souillure et douleur. C'est le mal en nous. C'est la laideur en nous. Pour autant que nous la sentons, elle nous fait horreur. L'âme la rejette comme on vomit. Elle la transporte par une opération de transfert dans les choses qui nous entourent. Mais les choses devenant ainsi laides et souillées à nos yeux nous renvoient le mal que nous avons mis en elles. Elles nous le renvoient augmenté. Dans cet échange le mal qui est en nous s'accroît. Il nous semble alors que les lieux mêmes où nous sommes, le milieu même où nous vivons nous emprisonnent dans le mal, et de jour en jour davantage. C'est là une terrible angoisse. Quand l'âme épuisée par cette angoisse ne la ressent même plus, il y a peu d'espoir de salut pour elle.

C'est ainsi qu'un malade prend sa chambre et son entourage en haine et en dégoût, un condamné sa prison, et trop souvent un ouvrier son usine.

Ceux qui sont ainsi, il ne sert à rien de leur procurer de belles choses. Car il n'est rien qui ne finisse par être souillé jusqu'à faire horreur, avec le temps, par cette opération de transfert.

Seule la pureté parfaite ne peut pas être souillée. Si au moment où l'âme est envahie par le mal l'attention se porte sur une chose parfaitement pure en y transférant une partie du mal, cette chose n'en est pas altérée. Elle ne renvoie pas le mal. Ainsi chaque minute d'une pareille attention détruit réellement un peu de mal.

Ce que les Hébreux essayaient d'accomplir, au moyen d'une espèce de magie, dans leur rite du bouc émissaire, ne peut être opéré ici-bas que par la pureté parfaite. Le véritable bouc émissaire, c'est l'Agneau.

Le jour où un être parfaitement pur se concentre ici-bas sous forme humaine, automatiquement la plus grande quantité possible de mal diffus autour de lui se concentre sur lui sous forme de souffrance. À cette époque, dans l'Empire romain, le plus grand malheur et le plus grand crime des hommes était l'esclavage. C'est pourquoi il subit le supplice qui était le degré extrême du malheur de l'esclavage. Ce transfert constitue mystérieusement la Rédemption.

De même quand un être humain porte son regard et son attention sur l'Agneau de Dieu présent dans le pain consacré, une partie du mal qu'il contient en lui se porte sur la pureté parfaite et y subit une destruction.

Plutôt qu'une destruction, c'est une transmutation. Le contact avec la pureté parfaite dissocie le mélange indissoluble de la souffrance et du péché. La partie du mal contenu dans l'âme qui a été brûlée au feu de ce contact devient seulement souffrance, et souffrance imprégnée d'amour.

De la même manière, tout ce mal diffus dans l'Empire romain qui se concentra sur le Christ devint en lui seulement souffrance.

S'il n'y avait pas ici-bas de pureté parfaite et infinie, s'il n'y avait que de la pureté finie que le contact du mal épuise avec le temps, nous ne pourrions jamais être sauvés.

La justice pénale fournit une illustration affreuse de cette vérité. En principe c'est une chose pure, qui a pour objet le bien. Mais c'est une pureté imparfaite, finie, humaine. Aussi le contact ininterrompu avec le crime et le malheur mélangés épuise-t-il cette pureté et met-il à la place une souillure à peu près égale à la totalité du crime, une souillure qui dépasse de bien loin celle d'un criminel particulier.

Les hommes négligent de boire à la source de pureté. Mais la Création serait un acte de cruauté si cette source ne jaillissait pas partout où il y a crime et malheur. S'il n'y avait pas de crime et de malheur dans les siècles plus éloignés de nous que deux mille ans, dans les pays non touchés par les missions, on pourrait croire que l'Église a le monopole du Christ et des sacrements. Comment peut-on sans accuser Dieu supporter la pensée d'un seul esclave crucifié il y a vingt-deux siècles, si on pense qu'à cette époque le Christ était absent et toute espèce de sacrement inconnue ? Il est vrai qu'on ne pense guère aux esclaves crucifiés il y a vingt-deux siècles.

Quand on a appris à porter le regard sur la pureté parfaite, la durée limitée de la vie humaine empêche seule d'être sûr qu'à moins de trahison on atteindra dès ici-bas la perfection. Car nous sommes des êtres finis ; le mal en nous aussi est fini. La pureté qui est offerte à nos yeux est infinie. Si peu que nous détruisions de mal à chaque regard, il serait sûr, s'il n'y avait pas de limite de temps, qu'en répétant assez souvent l'opération un jour tout le mal serait détruit. Nous serions alors allés au bout du mal, selon l'expression splendide de la Bhagavat-Gitâ Nous aurions détruit le mal pour le Seigneur de la Vérité, et nous lui apporterions la vérité, comme dit le Livre des morts égyptien.

Une des vérités capitales du christianisme, aujourd'hui bien méconnue de tous, est que le regard est ce qui sauve. Le serpent d'airain a été élevé afin que les hommes, gisant mutilés au fond de la dégradation, le regardent et soient sauvés.

C'est dans les moments où on est, comme on dit, mal disposé, où on se sent incapable de l'élévation d'âme convenable aux choses sacrées, c'est alors que le regard porté sur la pureté parfaite est le plus efficace. Car c'est alors que le mal, ou plutôt la médiocrité, affleure à la surface de l'âme, dans la meilleure position pour être brûlée au contact du feu.

Mais aussi l'opération de regarder est alors presque impossible. Toute la partie médiocre de l'âme, craignant la mort d'une crainte plus violente que celle causée par l'approche de la mort charnelle, se révolte et suscite des mensonges pour se protéger.

L'effort de ne pas écouter ces mensonges, quoiqu'on ne puisse pas s'empêcher d'y croire, l'effort de regarder la pureté est alors quelque chose de très violent ; c'est pourtant absolument autre chose que tout ce qu'on nomme généralement effort, violence sur soi, acte de volonté. Il faudrait d'autres mots pour en parler, mais le langage n'en a pas.

L'effort par lequel l'âme se sauve ressemble à celui par lequel on regarde, par lequel on écoute, par lequel une fiancée dit oui. C'est un acte d'attention et de consentement. Au contraire, ce que le langage nomme volonté est quelque chose d'analogue à l'effort musculaire.

La volonté est au niveau de la partie naturelle de l'âme. Le bon exercice de la volonté est une condition du salut nécessaire sans doute, mais lointaine, inférieure, très subordonnée, purement négative. L'effort musculaire du paysan arrache les mauvaises herbes, mais le soleil et l'eau font seuls pousser le blé. La volonté n'opère dans l'âme aucun bien.

Les efforts de volonté ne sont à leur place que pour l'accomplissement des obligations strictes. Partout où il n'y a pas d'obligation stricte, il faut suivre soit l'inclination naturelle, soit la vocation, c'est-à-dire le commandement de Dieu. Les actes qui procèdent de l'inclination ne sont évidemment pas des efforts de volonté. Et dans les actes d'obéissance à Dieu, on est passif ; quelles que soient les peines qui les accompagnent, quel que soit le déploiement apparent d'activité, il ne se produit dans l'âme rien d'analogue à l'effort musculaire ; il y a seulement attente, attention, silence, immobilité à travers la souffrance et la joie. La crucifixion du Christ est le modèle de tous les actes d'obéissance.

Cette espèce d'activité passive, la plus haute de toutes, est parfaitement décrite dans la Bhagavat-Gîta et dans Lao-Tseu. Là aussi il y a unité surnaturelle des contraires, harmonie au sens pythagoricien.

L'effort de volonté vers le bien est un des mensonges sécrétés par la partie médiocre de nous-mêmes dans sa peur d'être détruite. Cet effort ne la menace aucunement, ne diminue même pas son confort, et cela même s'il s'accompagne de beaucoup de fatigue et de souffrance. Car la partie médiocre de nous-mêmes ne craint pas la fatigue et la souffrance, elle craint d'être tuée.

Il y a des gens qui essaient d'élever leur âme comme un homme pourrait sauter continuellement à pieds joints, dans l'espoir qu'à force de sauter tous les jours plus haut un jour il ne retombera plus, mais montera jusqu'au ciel. Ainsi occupé, il ne peut pas regarder le ciel. Nous ne pouvons pas faire même un pas vers le ciel. La direction verticale nous est interdite. Mais si nous regardons longtemps le ciel, Dieu descend et nous enlève. Il nous enlève facilement. Comme dit Eschyle : "Ce qui est divin est sans effort." Il y a dans le salut une facilité plus difficile pour nous que tous les efforts.

Dans un conte de Grimm, il y a concours de force entre un géant et un petit tailleur. Le géant lance une pierre si haut qu'elle met très longtemps avant de retomber. Le petit tailleur lâche un oiseau qui ne retombe pas. Ce qui n'a pas d'ailes finit toujours par retomber.

C'est parce que la volonté est impuissante à opérer le salut que la notion de morale laïque est une absurdité. Car ce qu'on nomme la morale ne fait appel qu'à la volonté, et dans ce qu'elle a pour ainsi dire de plus musculaire. La religion au contraire correspond au désir, et c'est le désir qui sauve.

La caricature romaine du stoïcisme fait aussi appel à la volonté musculaire. Mais le vrai stoïcisme, le stoïcisme grec, celui auquel saint Jean, ou peut-être le Christ, a emprunté les termes de "logos" et "pneuma", est uniquement désir, piété et amour. Il est plein d'humilité.

Le christianisme d'aujourd'hui, sur ce point comme sur beaucoup d'autres, s'est laissé contaminer par ses adversaires. La métaphore de la recherche de Dieu évoque des efforts de volonté musculaire. Pascal, il est vrai, a contribué à la fortune de cette métaphore. Il a commis quelques erreurs, notamment celle de confondre dans une certaine mesure la foi et l'autosuggestion.

Dans les grandes images de la mythologie et du folklore, dans les paraboles de l'Évangile, c'est Dieu qui cherche l'homme. "Quaerens me sedisti lassus." Nulle part dans l'Évangile il n'est question d'une recherche entreprise par l'homme. L'homme ne fait pas un pas à moins d'être poussé ou bien expressément appelé. Le rôle de la future épouse est d'attendre. L'esclave attend et veille pendant que le maître est à une fête. Le passant ne s'invite pas lui-même au repas de noces, il ne demande pas d'invitation ; il y est amené presque par surprise ; son rôle est seulement de revêtir un vêtement convenable. L'homme qui a trouvé une perle dans un champ vend tous ses biens pour acheter ce champ ; il n'a pas besoin de retourner le champ à la bêche pour déterrer la perle, il lui suffit de vendre tous ses biens. Désirer Dieu et renoncer à tout le reste, c'est cela seul qui sauve.

L'attitude qui opère le salut ne ressemble à aucune activité. Le mot grec qui l'exprime est "Hupomonè" que patientia traduit assez mal. C'est l'attente, l'immobilité attentive et fidèle qui dure indéfiniment et que ne peut ébranler aucun choc. L'esclave qui écoute près de la porte pour ouvrir dès que le maître frappe en est la meilleure image. Il faut qu'il soit prêt à mourir de faim et d'épuisement plutôt que de changer d'attitude. Il faut que ses camarades puissent l'appeler, lui parler, le frapper sans qu'il tourne même la tête. Même si on lui dit que le maître est mort, même s'il le croit, il ne bougera pas. Si on lui dit que le maître est irrité contre lui et le battra à son retour, et s'il le croit, il ne bougera pas.

La recherche active est nuisible, non seulement à l'amour, mais aussi à l'intelligence dont les lois imitent celles de l'amour. Il faut simplement attendre que la solution d'un problème de géométrie, que le sens d'une -phrase latine ou grecque surgisse dans l'esprit. À plus forte raison, pour une vérité scientifique nouvelle, pour un beau vers. La recherche mène à l'erreur. Il en est ainsi pour toute espèce de bien véritable. L'homme ne doit pas faire autre chose qu'attendre le bien et écarter le mal. Il ne doit faire d'effort musculaire que pour n'être pas ébranlé par le mal. Dans le retournement qui constitue la condition humaine, la vertu authentique dans tous les domaines est chose négative, au moins en apparence. Mais cette attente du bien et de la vérité est quelque chose de plus intense que toute recherche.

La notion de grâce par opposition à la vertu volontaire, celle d'inspiration par opposition au travail intellectuel ou artistique, ces deux notions expriment, si elles sont bien comprises, cette efficacité de l'attente et du désir.

Les pratiques religieuses sont entièrement constituées par de l'attention animée de désir. C'est pourquoi aucune morale ne peut les remplacer. Mais la partie médiocre de l'âme a dans son arsenal beaucoup de mensonges capables de la protéger même pendant la prière ou la participation aux sacrements. Entre le regard et la présence de la pureté parfaite elle met des voiles qu'elle est assez habile pour nommer Dieu. Ces voiles, ce sont, par exemple, des états d'âme, sources de joies sensibles, d'espérance, de réconfort, de consolation ou d'apaisement, ou bien un ensemble d'habitudes, ou bien un ou plusieurs êtres humains, ou bien un milieu social.

Un piège difficile à éviter est l'effort pour imaginer la perfection divine que la religion nous offre à aimer. En aucun cas nous ne pouvons rien imaginer qui soit plus parfait que nous-mêmes. Cet effort rend inutile la merveille de l'Eucharistie.

Il faut une certaine formation de l'intelligence pour pouvoir ne contempler dans l'Eucharistie que ce qui y est enfermé par définition ; c'est-à-dire quelque chose que nous ignorons totalement, dont nous savons seulement, comme dit Platon, que c'est quelque chose, et que rien d'autre n'est jamais désiré sinon par erreur.

Le piège des pièges, le piège presque inévitable, est le piège social. Partout, toujours, en toutes choses, le sentiment social procure une imitation parfaite de la foi, c'est-à-dire parfaitement trompeuse. Cette imitation a le grand avantage de contenter toutes les parties de l'âme. Celle qui désire le bien croit être nourrie. Celle qui est médiocre n'est pas blessée par la lumière. Elle est tout à fait à l'aise. Ainsi tout le monde est d'accord. L'âme est dans la paix. Mais le Christ a dit qu'il ne venait pas apporter la paix. Il a apporté le glaive, le glaive qui coupe en deux, comme dit Eschyle.

Il est presque impossible de discerner la foi de son imitation sociale. D'autant plus qu'il peut y avoir dans l'âme une partie de foi authentique et une partie de foi imitée. C'est presque impossible, mais non pas impossible.

Dans les circonstances présentes, repousser l'imitation sociale est peut-être pour la foi une question de vie et de mort.

La nécessité d'une présence parfaitement pure pour enlever les souillures n'est pas restreinte aux églises. Les gens viennent apporter leurs souillures dans les églises, et cela est très bien. Mais il serait bien plus conforme à l'esprit du christianisme qu'en plus de cela le Christ allât porter sa présence dans les endroits les plus souillés de honte, de misère, de crime et de malheur, dans les prisons, dans les tribunaux, dans les refuges de miséreux. Une séance de tribunal devrait commencer et finir par une prière commune des magistrats, de la police, de l'accusé, du public. Le Christ devrait ne pas être absent des lieux où l'on travaille, de ceux où l'on étudie. Tous les êtres humains devraient pouvoir, quoi qu'ils fassent, où qu'ils soient, avoir le regard fixé tout le long de chaque journée sur le serpent d'airain.

Mais aussi il devrait être reconnu publiquement, officiellement, que la religion ne consiste pas en autre chose qu'en un regard. Tant qu'elle prétend être autre chose, il est inévitable ou qu'elle soit enfermée à l'intérieur des églises, ou qu'elle étouffe tout en tout autre lieu où elle se trouve. La religion ne doit pas prétendre occuper dans la société une autre place que celle qui convient à l'amour surnaturel dans l'âme. Mais il est vrai aussi que beaucoup de gens dégradent la charité en eux-mêmes parce qu'ils veulent lui faire occuper dans leur âme une place trop grande et trop visible. Notre Père ne réside que dans le secret. L'amour ne va pas sans pudeur. La foi véritable implique une grande discrétion même vis-à-vis de soi-même. Elle est un secret entre Dieu et nous auquel nous-mêmes n'avons presque aucune part.

L'amour du prochain, l'amour de la beauté du monde, l'amour de la religion sont des amours en un sens tout à fait impersonnels. L'amour de la religion pourrait facilement ne pas l'être, parce que la religion a rapport à un milieu social. Il faut que la nature même des pratiques religieuses y remédie. Au centre de la religion catholique se trouve un peu de matière sans forme, un peu de pain. L'amour dirigé sur ce morceau de matière est nécessairement impersonnel. Ce n'est pas la personne humaine du Christ telle que nous l'imaginons, ce n'est pas la personne divine du Père soumise elle aussi en nous à toutes les erreurs de notre imagination, c'est ce fragment de matière qui est au centre de la religion catholique. C'est ce qu'il y a en elle de plus scandaleux et c'est en quoi réside sa plus merveilleuse vertu. Dans toutes les formes authentiques de vie religieuse il y a de même quelque chose qui en garantit le caractère impersonnel. L'amour de Dieu doit être impersonnel, tant qu'il n'y a pas encore eu contact direct et personnel ; autrement c'est un amour imaginaire. Ensuite il doit être à la fois personnel et de nouveau impersonnel en un sens plus élevé.

"L'attente de Dieu" – éditions La Colombe/Livre de poche – Paris 1963 - p. 175 à 197

 


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Fiche mise à jour le 11/02/2010