Vision du lundi 8 octobre 1945.
495> Je revois le lac de Méron en un sombre jour pluvieux...
Boue et nuages. Silence et brouillard. L'horizon disparaît dans les nuages.
Les chaînes de l'Hermon sont ensevelies sous des couches de nuages
bas. Mais de cet endroit - un plateau surélevé situé près du petit lac tout
gris et jaunâtre à cause de la boue des mille ruisseaux gonflés, et à cause
du ciel nuageux de novembre - on découvre bien ce petit miroir d'eau alimenté
par le Jourdain supérieur, qui en débouche ensuite pour alimenter l'autre lac
plus grand de Génésareth.
Le soir descend, de plus en plus triste et pluvieux, pendant que Jésus
s'achemine par la route qui coupe le Jourdain après le lac de Méron, pour
prendre un sentier qui mène directement à une maison...
(Jésus dit : "Ici vous mettrez la vision des orphelins Mathias et
Marie, donnée le 20 Août 1944.")
Une autre douce vision de Jésus et
de deux enfants.
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496> Je vois Jésus qui passe par un petit
chemin à travers champs. Ils doivent être ensemencés depuis peu, car la terre
est encore fine et foncée comme après un récent ensemencement. Jésus s'arrête
pour caresser deux enfants : un garçon de pas plus de quatre ans et une
fillette qui peut en avoir huit ou neuf, Ce doit être des enfants très
pauvres car ils ont deux pauvres petits vêtements déteints et même déchirés,
et une petite figure triste et souffrante.
Jésus ne demande rien. Il les regarde seulement fixement pendant qu'il les
caresse. Puis il se hâte vers une maison qui est au bout du petit chemin. Une
maison de campagne, mais bien tenue, avec un escalier extérieur qui monte du
sol sur la terrasse, sur laquelle se trouve une tonnelle de vigne, maintenant
dépouillée des grappes et des feuilles. Seules quelques dernières feuilles
déjà jaunies pendent et remuent par l'effet du vent humide d'une maussade
journée d'automne. Sur le parapet de la maison, des colombes roucoulent en
attendant l'eau que le ciel gris et nuageux annonce.
Jésus, suivi des siens, pousse la grille rustique du petit mur en pierres
sèches qui entoure la maison, et entre dans la cour, nous dirions l'aire, où
se trouve un puits et dans un coin le four. Je suppose que c'est
cela ce débarras aux murs plus sombres à cause de la fumée qui en sort
maintenant et que le vent pousse vers la terre.
Au bruit des pas une femme se présente sur le seuil du débarras et, après
avoir vu Jésus, le salue joyeusement et court vers la maison pour avertir.
Voici qu'un homme vieillot et
gras se présente sur la porte de
la maison et se hâte vers Jésus. "Grand honneur, Maître, de te
voir !" il le salue.
Jésus dit son salut : "La paix soit avec toi. Et il ajoute :
La nuit arrive et la pluie va venir. Je te demande un abri et un pain pour
Moi et mes disciples."
"Entre, Maître. Ma maison est à Toi. La servante va défourner le pain.
Je suis bien aise de te l'offrir avec du fromage de mes brebis et des fruits
de ma propriété. Entre, entre, le vent est humide et froid..." et avec
empressement il tient ouverte la porte en s'inclinant au passage de Jésus.
Mais ensuite il change subitement de ton en s'adressant à quelqu'un qu'il
voit et il dit en colère : "Encore toi, ici ? Va-t-en. Il n'y a rien pour toi. Va-t-en.
Tu as compris ? Ici, il n'y a pas de place pour les vagabonds..."
Et il murmure entre ses dents : "...et peut-être aussi de voleurs
comme toi."
Une petite voix plaintive répond : "Pitié, seigneur. Un pain au
moins pour mon petit frère. Nous avons faim..."
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497> Jésus, qui était entré dans la vaste cuisine égayée par
un grand feu qui fait l'office d'une lampe, vient sur le seuil. Son visage
est changé. Sévère et triste, il demande, non pas à l'hôte, mais en général,
il semble le demander à l'aire silencieuse, au figuier dépouillé, au puits
sombre : "Qui est-ce qui a faim ?"
"Moi, Seigneur. Mon frère et moi. Un pain seulement et nous nous en
irons."
Jésus est maintenant dehors, dans l'air de plus en plus sombre, à cause du
crépuscule qui avance et de la pluie imminente. "Avance" dit-il.
"J'ai peur, Seigneur !"
"Viens, te dis-je. N'aie pas peur de Moi."
De derrière du coin de la maison, la fillette
s'amène. À son misérable petit vêtement se cramponne son petit frère. Ils
viennent pleins de crainte. Un regard timide à Jésus, un regard apeuré au
maître de maison qui lui fait les gros yeux et qui dit : "Ce sont
des vagabonds, Maître. Et des voleurs. Il n'y a qu'un instant, je l'ai
surprise à fouiller près du pressoir. Certainement elle voulait entrer pour
voler. Qui sait d'où ils viennent. Ils ne sont pas du pays."
Jésus semble l'écouter. Il regarde très fixement la fillette au petit visage
pâle et aux tresses défaites, deux nattes qui lui tombent sur les oreilles,
attachées au bout avec deux morceaux de chiffon. Mais le visage de Jésus
n'est pas sévère quand il regarde la pauvre petite. Il est triste, mais il
sourit pour l'encourager. "Est-ce vrai que tu voulais voler ? Dis
la vérité."
"Non, Seigneur. J'avais demandé un morceau de pain, parce que j'ai faim.
On ne me l'a pas donné. J'ai vu une croûte huilée, là, par terre, près du
pressoir et je suis allée la prendre. J'ai faim, Seigneur. Hier on m'a donné
un seul pain, et je l'ai gardé pour Mathias...
Pourquoi ne nous ont-ils pas mis avec maman dans le tombeau ?" La
fillette pleure désolée et son frère fait comme elle.
"Ne pleure pas." Jésus la console en la caressant et en l'attirant
à Lui. "Réponds: d'où es-tu ?"
"De la plaine d'Esdrelon."
"Et tu es venue jusqu'ici ?"
"Oui, Seigneur."
"Il y a longtemps que ta mère est morte ? Et as-tu ton
père ?"
"Mon père est
mort tué par le soleil au temps de la moisson et maman à la dernière lune...
elle et l'enfant qui naissait, sont morts..." Elle pleure davantage.
"Tu n'as pas de parent ?"
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498> "Nous venions de si loin ! Nous étions
pauvres... Puis le père a dû se mettre en service. Maintenant il est mort, et
maman avec lui."
"Qui était le maître ?"
"Le pharisien Ismaël."
"Le pharisien Ismaël !... (Impossible de traduire la manière dont
Jésus répète ce nom). Tu es partie volontairement ou bien il t'a renvoyée ?"
"Il m'a renvoyée, Seigneur. Il a dit : "Sur le chemin, les
chiens affamés !"
"Et toi, Jacob, pourquoi n'as-tu pas donné un pain à ces petits ?
Un pain, un peu de lait et une poignée de foin pour délasser leur
fatigue ? ..."
"Mais... Maître... j'ai du pain juste pour moi... et du lait, il y en a
peu. ..et les mettre dans la maison. ..Ils sont comme des bêtes vagabondes,
ces gens-là. Si on leur fait bon visage, ils ne s'en vont plus..."
"Et tu manques de place et de nourriture pour ces deux malheureux ?
Tu peux le dire vraiment, Jacob ? L'abondance de la moisson, du vin, la
quantité d'huile, les fruits nombreux ont rendu célèbre ton domaine cette
année à cause de ce qu'il a produit ? Te le rappelles-tu encore ?
L'année précédente, la grêle avait abîmé tes biens et tu étais inquiet pour
ta vie... Je suis venu et je t'avais demandé un pain... Tu m'avais entendu
parler un jour et tu m'étais resté fidèle. ..et dans ta peine tu m’as ouvert
ton cœur et ta maison et tu m'as donné un pain et un abri. Et Moi, en sortant
le matin suivant, que t'ai-je dit ? "Jacob, tu as compris la Vérité. Sois
toujours miséricordieux et tu obtiendras miséricorde. Pour le pain que tu as
donné au Fils de l'homme, ces champs te donneront abondance de blé et seront
chargés comme s'ils avaient sur eux les grains de sable de la mer, les
oliviers seront chargés d'olives et tes pommiers plieront sous le poids des
fruits". Tu as eu tout cela et tu es le plus riche de la région cette
année. Et tu refuses un pain à deux enfants !..."
"Mais Toi, tu étais le Rabbi..."
"Justement parce que je l'étais, je pouvais faire du pain avec des
pierres. Eux, non. Maintenant je te dis : tu vas voir un nouveau miracle
et tu en auras de la peine, une grande peine... Mais alors, en te
frappant la poitrine, dis : "Je l'ai mérité" Jésus s'adresse
aux enfants : "Ne pleurez pas. Allez à cet arbre
et cueillez."
"Mais il est dépouillé, Seigneur" objecte la fillette.
"Va."
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499> La fillette va et revient avec son vêtement relevé et rempli
de belles pommes rouges.
"Mangez et venez avec Moi" et aux apôtres: "Allons porter ces
deux petits à Jeanne de Chouza. Elle
sait se rappeler les bienfaits reçus et elle est miséricordieuse pour l'amour
de Celui qui a été miséricordieux avec elle. Allons."
L'homme, abasourdi et mortifié, essaie de se faire pardonner : "Il
fait nuit, Maître. La pluie peut tomber pendant que tu es en route. Rentre
dans ma maison. Voici que la servante va défourner le pain... Je t'en
donnerai aussi pour eux."
"Inutile. Tu le donnerais non par amour, mais par peur du châtiment
promis."
"Ce n'est donc pas cela (et il montre les pommes cueillies sur l'arbre
d'abord dépouillé et que les deux affamés mangent avec avidité) ce n'est donc
pas cela le miracle ?"
"Non." Jésus est très sévère.
"Oh ! Seigneur, Seigneur, aie pitié de moi ! J'ai
compris ! Tu veux me punir dans mes récoltes ! Pitié,
Seigneur !"
"Ce ne sont pas tous ceux qui me disent, "Seigneur", qui me
possèderont car ce n'est pas par la parole, mais par les actes que l'on
montre de l'amour et du respect. Tu auras la pitié que tu as eue."
"Je t'aime, Seigneur."
"Ce n'est pas vrai. M'aime celui qui aime, car cela est mon
enseignement. Tu n'aimes que toi-même. Quand tu m'aimeras comme je l'ai
enseigné, le Seigneur reviendra. Maintenant je m'en vais. Ma demeure est dans
l'accomplissement du bien, dans la consolation des affligés, quand j'essuie
les larmes des orphelins. Comme une poule déploie ses ailes sur ses poussins
sans défense, de même je déploie mon pouvoir sur ceux qui souffrent et qui
sont tourmentés. Venez, enfants. Vous aurez bientôt une maison et du pain.
Adieu, Jacob."
Et non content de marcher, il fait prendre dans les bras la fillette
fatiguée. C'est André qui la prend et l'enveloppe dans son manteau. Jésus prend
le petit et ils s'en vont, par le petit chemin désormais obscur, avec leur
charge pitoyable qui ne pleure plus.
Pierre dit : "Maître ! C'est une grande chance
pour eux que tu sois survenu. Mais pour Jacob"... Que vas-tu faire,
Maître ?"
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