Vision
du jeudi 7 février 1946
504> "Où allons-nous alors que
la nuit descend ?" se demandent entre eux les apôtres. Et ils
parlent de ce qui est arrivé. Mais ils ne disent rien à haute voix pour ne
pas accabler le Maître qui visiblement est très préoccupé.
La nuit descend alors qu'ils cheminent toujours derrière le Maître pensif.
Mais un village se montre au pied d'une chaîne de monts très découpés.
"Arrêtons-nous ici pour passer la nuit" ordonne Jésus. "Ou
plutôt, arrêtez-vous ici. Moi, je vais prier sur ces monts..."
"Seul ? Ah ! non ! Sur l'Adomin,
tu n'y va pas seul ! Avec tous ces voleurs qui sont à l'affût, non tu
n'y vas pas !..." dit Pierre bien décidé.
"Et que veux-tu qu'ils me fassent? Je n'ai rien !"
"Tu as... Toi-même. Je parle des vrais voleurs, ceux qui te haïssent. Et
pour eux ta vie suffit. Tu ne dois pas être tué comme... comme... ainsi,
voilà, dans une vile embuscade. Pour donner la
possibilité à tes ennemis d'inventer je ne sais quoi pour éloigner les foules
même de ta doctrine" réplique Pierre.
"Simon de Jonas a raison, Maître" dit Jude
Thaddée. "Ils seraient capables de faire disparaître ton corps et de
dire que tu t'es enfui, te sachant démasqué. Ou bien
de... te porter dans un endroit malfamé, dans la maison d'une courtisane,
pour pouvoir dire : "Voyez où et comment il est mort ? Dans
une rixe pour une courtisane". Tu as bien dit : "Persécuter
une doctrine signifie en accroître la puissance" et j'ai remarqué,
parce que je ne l'ai jamais perdu de vue, que le fils de Gamaliel
t'approuvait de la tête pendant que tu le disais. Mais cependant on dit avec
raison que couvrir de ridicule un saint et sa doctrine est l'arme la plus
sûre pour faire tomber et enlever l'estime des foules pour le saint."
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505> "Oui, et cela ne doit
pas arriver pour Toi" termine Barthélemy.
"Ne te prête pas au jeu de tes ennemis" ajoute le Zélote.
"Pense que ce ne serait pas seulement Toi, mais la Volonté qui t'a
envoyé, qui serait anéantie par cette imprudence, et on verrait ainsi que les
fils des Ténèbres ont été, au moins momentanément, victorieux de la
Lumière."
"Mais oui ! Tu ne cesses de dire, et tu nous transperces le cœur en
le disant, que tu dois être tué. Je me rappelle ton reproche à Simon Pierre
et je ne te dis pas : "Que cela n'arrive jamais". Mais je ne
crois pas être Satan si je dis : "Au moins que cela arrive de telle
manière que tu en sois glorifié, que ce soit un sceau non équivoque pour ton
Être saint et une condamnation certaine pour tes ennemis. Que les foules
sachent, puissent avoir des indices qui leur permettent de se rendre compte
et de croire". Cela au moins, ô Maître. La mission sainte des Macchabées
n'apparut jamais telle que lorsque Jude, fils de Matthatias,
mourut en héros et en sauveur sur le champ de bataille. Tu veux aller sur l'Adomin ? Nous aussi avec Toi. Nous sommes tes
apôtres ! Où tu vas, Toi le Chef, nous devons aller, nous tes
ministres" dit Thomas, et peu de fois je l'ai entendu parler avec une
éloquence aussi solennelle.
"C'est vrai ! C'est vrai ! Et s'ils t'assaillent, ils doivent
nous assaillir les premiers !" disent plusieurs.
"Oh ! ils ne vont pas nous assaillir si facilement ! Ils sont
en train de soigner la brûlure des paroles de Claudia et... ils sont rusés,
tellement, trop ! Ils ne manqueront pas de réfléchir que Ponce saurait
qui frapper pour ta mort. Ils se sont trop trahis, et aux yeux de Claudia, et
ils vont y penser pour étudier des pièges plus sûrs qu'une vulgaire
agression. Peut-être notre peur est stupide. Nous ne sommes plus de pauvres
inconnus comme auparavant. Maintenant il y a Claudia !" dit
l'Iscariote.
"C'est bien, c'est bien... Mais ne risquons pas le coup. Que veux-tu
faire ensuite sur l'Adomin ?" demande
Jacques de Zébédée.
"Prier et chercher un endroit où nous pourrons prier tous, dans les
jours à venir, pour nous préparer à de nouvelles luttes et de plus en plus
acharnées."
"Des ennemis ?"
"Et aussi de notre moi. Il a grand besoin d'être fortifié."
"Mais n'as-tu pas dit que tu veux aller aux confins de la Judée et
au-delà du Jourdain ?"
"Oui et j'y irai. Mais après la prière. J'irai à Acor et puis, par Doco, à Jéricho."
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506> "Non, non Seigneur ! Ce sont des
endroits funestes pour les saints d'Israël. N'y
va pas, n'y va pas. Je te le dis, je le sens ! Il y a quelque chose qui
le dit en moi : n'y va pas ! Au nom de Dieu, n'y va
pas !" crie Jean qui semble près de perdre connaissance comme s'il
était pris par un sentiment de peur extatique... Tous le regardent étonnés
car ils ne l'ont jamais vu ainsi. Mais personne ne se moque de lui. Ils ont
tous l'impression d'être devant un fait surnaturel, et ils gardent
respectueusement le silence. Jésus même se tait tant qu'il ne voit pas Jean
revenir à son aspect habituel et dire : "O mon Seigneur, comme j'ai
souffert !"
"Je le sais. Nous irons à Carit. Que
dit ton esprit ?" (Je suis profondément frappée par le respect avec
lequel Jésus s'adresse à l'apôtre inspiré...)
"C'est à moi que tu le demandes, Seigneur ? Au pauvre enfant sot,
Toi, Sagesse toute Sainte ?"
"À toi, oui. Le plus petit est le plus grand quand,
avec humilité, il entre en communication avec son Seigneur, pour le bien des
frères. Parle..."
"Oui, Seigneur. Allons à Carit. Ils s'y
trouvent des gorges sûres pour se recueillir en Dieu, et toutes proches sont
les routes de Jéricho et pour la Samarie. Nous descendrons pour réunir ceux
qui t'aiment et qui espèrent en Toi, et nous te les conduirons, ou nous te
conduirons à eux, et ensuite encore nous nous nourrirons de prière... Et le
Seigneur descendra pour parler à nos esprits... pour ouvrir nos oreilles qui
entendent le Verbe, mais ne le comprennent pas entièrement... pour envahir
surtout nos cœurs par ses feux. Car c'est seulement si nous brûlons que nous
saurons résister aux martyres de la Terre. Car c'est seulement si auparavant
nous avons éprouvé le doux martyre du complet amour, que nous pourrons être
prêts à subir ceux de la haine humaine... Seigneur... qu'ai-je dit?"
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