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Marie d'Agréda (1602-1665)
"La Cité mystique de Dieu" – Livre 6,
Chapitre 7.
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§ 1121 – L'entrée triomphale de Jésus.
457> Lorsque fut arrivé le jour qui
répond au dimanche des Rameaux, le Sauveur s'approcha de Jérusalem avec ses
disciples, accompagné d'une grande multitude d'anges qui bénissaient la
charité si tendre qu'il manifestait envers les hommes, et son zèle si
ardent pour leur salut éternel. Et, ayant marché environ deux lieues, il ne
fut pas plutôt arrivé à Bethphagé, qu'il envoya, deux de ses disciples chez
un homme de considération dont la maison n'était pas éloignée, et avec son agrément ils amenèrent
à leur Maître une ânesse et son poulain, que, personne n'avait encore
monté.
458> Et, après que les disciples les
eurent couverts de leurs manteaux, le Sauveur prit le chemin de Jérusalem
et se servit dans ce triomphe de l'ânesse et de l'ânon, ainsi que l'avaient
prédit les prophètes Isaïe et Zacharie plusieurs siècles auparavant, afin que les prêtres et les
docteurs de. la loi ne puissent prétexter leur
ignorance. Les quatre, évangélistes ont aussi décrit ce triomphe
merveilleux de Jésus-Christ et racontent ce que virent ceux qui y
assistèrent. Pendant que le Rédempteur
s'avançait, les disciples et tout le peuple avec eux, le reconnaissaient
par leurs acclamations pour le Messie, pour le fils de David, le Sauveur du
monde et le véritable Roi. Les uns disaient : "La paix soit dans le ciel et la gloire dans les lieux les plus
hauts; béni soit le Roi qui vient au nom du Seigneur"; les autres
disaient : "Hosanna, Fili David ! Sauvez-nous, Fils de David; béni soit
le règne de notre père David, qui est déjà arrivé". Tous.
coupaient des palmes et des branches d'arbres en signe de triomphe et d'allégresse,
et les répandaient en étendant leurs manteaux sur le chemin par où devait
passer le nouveau triomphateur des armées, notre Seigneur Jésus-Christ.
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§ 1122 –
Jésus n'est pas reconnu par tous.
459> Toutes ces marques de culte et d'admiration,
toutes ces acclamations que les hommes donnaient au Verbe incarné
prouvaient le pouvoir de sa Divinité, d'autant plus que c'était le moment
auquel les prêtres et les pharisiens l'attendaient dans cette même ville
pour le faire mourir. Car s'ils n'eussent été mus et excités intérieurement
par la vertu divine qui éclatait dans les miracles qu'il avait faits, il
n'eût pas été possible que tant de gens réunis, dont beaucoup étaient
idolâtres et les autres ses ennemis déclarés, l'eussent publiquement
reconnu pour le véritable Roi, pour le Sauveur et le Messie, et se fussent
soumis à un homme pauvre, humble et persécuté, qui venait sans pompe
guerrière, sans armes, sans escorte, sans richesses, sans chars de triomphe
ni chevaux superbes. En apparence, tout lui manquait; il entrait sur un
petit ânon; il paraissait n'avoir rien que de méprisable dans l'opinion
d'un monde plein de vanité; son air, toujours grave, serein, majestueux,
répondait seul à sa dignité cachée, mais tout le reste était contraire à ce
que le monde estime et applaudit. Ainsi l'on découvrait par ses effets la
puissance divine, qui mouvait par sa force les cœurs des hommes et les
contraignait à se soumettre à leur Créateur et Restaurateur.
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§ 1123 –
Adoration universelle du Sauveur.
Mais, outre le mouvement universel que l'on remarqua dans Jérusalem à
cause de la divine lumière dont le Seigneur éclaira l'esprit de tous ses
habitants, afin qu'ils reconnussent notre Sauveur, ce triomphe s'étendit
sur toutes les créatures, ou sur plusieurs plus capables de raison, pour
accomplir ce que le Père éternel avait promis à son Fils, comme
on l'a vu plus haut.
460> Car, tandis que notre Sauveur
Jésus-Christ faisait son entrée dans Jérusalem, l'ange saint Michel fut
envoyé aux limbes pour donner connaissance de ce mystère aux saints, aux
patriarches et aux prophètes qui s'y trouvaient; ils eurent tous en même
temps une vision particulière de cette entrée et de ses circonstances, de
sorte que du fond de leur retraite ils adorèrent notre divin maître, le
reconnurent pour le véritable Dieu et le Rédempteur du monde, et lui firent
de nouveaux cantiques de gloire et de louanges pour son triomphe admirable
sur la mort, sur le péché et sur l'enfer. Le pouvoir divin s'étendit aussi
sur les cœurs de beaucoup d'autres personnes qu'il toucha dans l'univers
entier. Ainsi ceux qui avaient quelque connaissance de Jésus-Christ,
non-seulement dans la Palestine et dans les lieux circonvoisins, mais en
Égypte et en d'autres royaumes, se sentirent poussés à adorer en esprit le
Rédempteur en cette heure solennelle, comme ils le firent avec une joie
singulière que leur causa l'influence de la divine lumière qu'ils reçurent
à cet effet, quoiqu'ils ne comprissent bien ni le principe ni le but de
l'impulsion à laquelle ils obéissaient. Elle ne leur fut pourtant pas
inutile, car elle les fit singulièrement avancer dans la foi et dans la
pratique des bonnes œuvres. Et, afin que le triomphe que notre Sauveur
remportait dans cette occasion sur la mort fût plus glorieux, le Très-Haut
ne permit pas qu'elle eût en ce jour le moindre droit sur la vie d'aucun
des mortels; il ne mourut donc personne dans le monde ce jour-là, quoique
bien des gens fussent naturellement morts, si le Tout-puissant
ne l'eût empêché, afin que le triomphe de Jésus-Christ fût tout à fait
prodigieux.
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§ 1124 –
Victoire sur les démons et seconde expulsion des marchands du Temple.
461> Cette
victoire que le Sauveur remporta sur la mort fut suivie de celle qu'il
remporta sur l'enfer; et celle-ci fut beaucoup plus glorieuse, quoiqu'elle
fût plus cachée. Car dans le même temps que les hommes commencèrent à
invoquer notre divin Maître et à le reconnaître pour le Sauveur et pour le
Roi qui venait au nom du Seigneur, les démons sentirent le pouvoir de sa
droite qui les chassa du monde tous tant qu'ils étaient, et les précipita
dans les profonds cachots de l'enfer, de sorte que durant le peu de temps
que Jésus-Christ continua encore sa marche, il ne resta aucun esprit malin
sur la terre : tous roulèrent dans les abîmes, aussi pleins de terreur que
de rage. Dès lors ils craignirent plus qu'ils n'avaient
encore fait, que le Messie ne se trouvât dans le monde, et se
communiquèrent le sujet de cette crainte, comme je le dirai dans le
chapitre suivant. Le triomphe du Sauveur dura jusqu'à ce qu'il fût entré
dans Jérusalem, et les saints anges qui l'accompagnaient adressèrent à sa
divinité, dans un concert d'harmonie ineffable, de nouvelles hymnes de
louanges. En entrant dans la ville au milieu des applaudissements de tous
ses habitants, il descendit de l'ânon, et dirigea ses pas du côté du
Temple, où il opéra les merveilles que les évangélistes racontent, et qui
excitèrent une admiration universelle. Il renversa les tables de ceux qui
vendaient et achetaient dans le Temple, témoignant le zèle
qu'il avait pour l'honneur de la maison de son Père, et en chassa ceux qui
en faisaient une maison de négoce et une caverne de voleurs.
462> Mais aussitôt que le triomphe fut
achevé, la droite du Seigneur suspendit l'influence qu'elle avait fait
sentir aux cœurs des habitants de cette ville. Les justes en profitèrent en
restant justifiés ou en devenant meilleurs; les autres reprirent leurs
vices et leurs mauvaises habitudes, parce qu'ils n'usèrent pas de la
lumière et des inspirations que la bonté divine leur envoya. Et parmi tant
de personnes qui avaient reconnu publiquement notre Seigneur Jésus-Christ
pour le roi de Jérusalem, il n'y en eut pas une seule qui s'offrît à le
loger, et qui le reçût dans sa maison.
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§ 1125 – Marie
suivait en pensée l'entrée triomphale.
Le Sauveur demeura dans le Temple, où il instruisit le peuple jusqu'au
soir. Et pour attester le respect que l'on devait avoir pour ce saint lieu,
pour cette maison de prière, il ne voulut pas permettre qu'on lui apportât
même un vase d'eau pour boire; et sans avoir pris ce rafraîchissement ni
aucune nourriture, il s'en retourna ce même soir à Béthanie, d'où il était
parti, et continua ensuite de se rendre les jours suivants à Jérusalem
jusqu'à sa Passion. La bienheureuse Vierge passa ce
jour-là à Béthanie retirée dans sa solitude, d'où elle voyait par une
vision particulière tout ce qui arrivait dans le triomphe admirable
de son Fils et de son Maître.
463> Elle vit ce que les anges faisaient
dans le ciel, ce que les hommes faisaient sur la terre, ce qu'éprouvaient
les démons dans l’enfer, et comment en toutes ces merveilles le Père
éternel accomplissait les promesses qu'il avait faites à son Fils incarné
et lui donnait l'empire sur tous ses ennemis. Elle vit aussi tout ce que
notre Sauveur fit dans ce triomphe et dans le Temple. Elle entendit cette
voix du Père qui vint du ciel d'une manière intelligible pour tous les
assistants, et qui, répondant à notre Seigneur Jésus-Christ, lui dit :
"Je vous ai glorifié, et je vous glorifierai de nouveau". Ces paroles faisaient connaître
qu'outre la gloire et le triomphe que le Père avait donnés ce même jour au
Verbe incarné, il le glorifierait de nouveau et l'exalterait après sa mort
: car les paroles du Père éternel renferment tout cela ; et c'est ce que
l'auguste Marie entendit et pénétra avec une joie inexprimable.
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Anne-Catherine Emmerich (1774–1824)
"Visions" – Tome 3 – Vie publique de Notre
Seigneur, Troisième année - Chapitre 58 : Entrée triomphante du Rédempteur
à Jérusalem.
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L'ânesse et l'ânon.
75> Le lendemain,
de bonne heure, Jésus fit venir Erémenzear et Silas, et leur enjoignit d'aller à Jérusalem, non par la
grande route, mais par un chemin détourné, qui passait par Bethphagé au
travers des jardins et des champs. Ils devaient frayer la route et ouvrir
les barrières qui empêchaient le passage. Près d'une hôtellerie, en avant
de Bethphagé, ils trouveraient, dans une prairie, une ânesse avec son ânon.
Ils devaient délier l'ânesse, et, si quelqu'un leur disait quelque chose,
répondre que telle était la volonté du Seigneur. Ensuite ils fraieraient le
chemin jusqu'au Temple, et reviendraient aussitôt à Bethphagé.
Les deux disciples partirent sur-le-champ ; ils
firent des trouées dans les haies, et ôtèrent du chemin tout ce qui faisait
obstacle. Les ânes appartenaient à des gens qui étaient allés au Temple, et
les avaient laissés là. Les disciples attachèrent l'ânesse : l'ânon resta
libre. Je les vis ensuite arriver au Temple. Les marchands de comestibles
que le Seigneur en avait chassés dernièrement s'y étaient de nouveau
installés. Les disciples se rendirent
auprès d'eux et leur ordonnèrent de se retirer, parce que le Seigneur
allait faire son entrée. Lorsqu'ils eurent pris toutes ces dispositions,
ils retournèrent à Bethphagé par la grande route, en passant de l'autre
côté de la montagne des Oliviers.
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Enseignement sur la prudence.
Jésus, avant divisé les disciples en deux troupes, envoya d'avance à
Jérusalem, par le grand chemin, les plus anciens, qui étaient d'ordinaire
avec les apôtres. Ils devaient aller par petits groupes et se rendre chez
Marie mère de Marc, chez Véronique, Nicodème, les fils de Siméon et
d'autres amis de Jésus, pour leur annoncer l'entrée du Seigneur. Jésus prit
avec lui les apôtres et les plus jeunes disciples ; les sept femmes, ayant
Marie à leur tête, suivirent à quelque distance. Il y avait sur le chemin,
près d'une maison de plaisance, un jardin planté de beaucoup d'arbres ;
Jésus s'y arrêta, et envoya deux de ses disciples jusqu'à Bethphagé pour chercher
l'ânesse, et dire que le Seigneur en avait besoin.
76> Jésus s'arrêta là assez longtemps.
Il y avait autour de lui une foule de gens qui écoutaient son instruction.
La salle où il parlait, debout sur une estrade, était ornée de verdure et
de guirlandes de fleurs, et on avait suspendu au plafond un dais de
feuillage fort élégant. La salle était soutenue par des colonnes lisses,
entre lesquelles je vis les saintes femmes l'écouter. La cour qui précédait
la maison était pleine de disciples et d'autres personnes. Jésus enseigna
les disciples sur la prévoyance et sur la nécessité d'agir avec
discernement, car ils lui avaient demandé pourquoi il avait pris le chemin
détourné. Il répondit que c'était pour éviter un danger inutile, ajoutant
qu'il fallait prendre toutes ses précautions, et ne pas tout laisser au
hasard : c'était aussi pour cela qu'il avait fait d'avance attaché l'ânesse
dans cet endroit.
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Le cortège.
Cependant, les deux disciples envoyés a Bethphagé
avaient délié l'ânesse, et attendaient, entourés de beaucoup de monde,
l'arrivée du seigneur et de sa suite. Alors Jésus régla l'ordonnance du
cortège. Il dit aux apôtres que, dès ce moment, comme après sa mort, ils
devaient être partout à la tête des fidèles ; puis il les fit marcher
devant lui deux à deux. Pierre était le premier ; après lui venaient ceux
qui plus tard annoncèrent l'Évangile aux contrées les plus lointaines. Jean
et Jacques le Mineur précédaient immédiatement Jésus.
Quand les deux disciples qui attendaient à Bethphagé virent le cortège de
Jésus approcher, ils allèrent au-devant de lui avec les deux animaux. Les
disciples mirent sur le dos de l'ânesse les manteaux et les couvertures
qu'ils avaient apportés de chez Lazare. Ensuite, le Seigneur revêtit une
robe de fête, que portait l'un de ses disciples ; elle était de fine laine
blanche et avait par-derrière une espèce de queue : il mit aussi une large
ceinture, sur laquelle il y avait des lettres, et se passa autour du cou
une étole qui lui descendait jusqu'aux genoux, et aux extrémités de
laquelle était brodée, en couleur brune, quelque chose qui ressemblait à
deux écussons. Les deux disciples, placés des deux côtés de l'ânesse,
aidèrent le Seigneur à monter. L'animal n'avait pas de bride ; sa tête
était découverte ; il avait autour du cou une bande d'étole assez étroite,
qui pendait en avant. Je ne saurais dire si Jésus monta sur l'ânesse ou sur
l'ânon, car tous deux étaient de même taille : quoi qu'il en soit, l'un des
deux animaux marchait librement à côté de l’autre.
77> Les apôtres et les disciples
avaient à la main des rameaux de palmiers, cueillis dans le jardin qu'ils
venaient de quitter. Éliad marchait de l'un des
côtés du Seigneur, Silas de l'autre, Erémenzear derrière lui ; puis venaient tous les
nouveaux disciples. Dès que le cortège se fut mis en marche, les femmes s'y
joignirent deux par deux, ayant à leur tête la sainte Vierge, qui
d'ordinaire se tenait en arrière, et se regardait comme la dernière de
toutes. Ils entonnèrent aussitôt des cantiques, et les gens de Bethphagé
les suivirent en foule.
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Jérusalem pavoise.
Cependant à
Jérusalem ces marchands et ces gens, qu'Érémenzear
et Silas avaient pressés d'évacuer le Temple,
parce que le Seigneur y voulait faire son entrée, s'étaient mis tout joyeux
à décorer le chemin : ils enlevèrent le pavé et plantèrent des arbres dont
les cimes attachées ensemble formaient des arcades, et auxquels pendaient
des fruits jaunes ressemblant à de grosses pommes. Les disciples qui
étaient allés, le matin même, à Jérusalem, prévenir les amis de Jésus, une
foule nombreuse d'étrangers venus à Jérusalem pour la fête (tous les
chemins étaient couverts de voyageurs, enfin beaucoup de Juifs qui avaient
entendu le dernier discours de Jésus, se portèrent en masse du côté de la
ville où il devait entrer. Il y avait là aussi des gens de contrées
lointaines, qui avaient appris la résurrection de Lazare, et qui désiraient
voir le Sauveur.
Lorsqu'en venant de Bethphagé on arrivait sur le mont des Oliviers, on
voyait, entre les hauteurs qui bordaient le chemin, le Temple s'élever en
face de soi. Le chemin qui conduisait de là à Jérusalem passait au milieu
de plantations et de jardins, et était fort agréable.
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Les pierres crieront.
78> Les apôtres et les disciples qui
accompagnaient jésus chantaient et poussaient des cris d'allégresse, tandis
que le peuple, venant de la ville, se pressait en foule au-devant de lui.
Cependant, plusieurs vieux prêtres en habits sacerdotaux barrèrent le
chemin aux apôtres, qui furent intimidés et n'osèrent rien dire : ils
accusèrent en même temps jésus de ne pas contenir ses partisans dans
l'ordre, et lui demandèrent pourquoi il ne leur interdisait pas tout ce
bruit. Jésus leur répondit que si ces derniers gardaient le silence, les
pierres du chemin elles-mêmes crieraient. Sur quoi ils se retirèrent.
De leur côté, les princes des prêtres tinrent conseil ; ils mandèrent
devant eux les maris et les parents dont les femmes et les enfants étaient
sortis de Jérusalem pour aller au-devant de Jésus, les firent enfermer dans
la grande cour du tribunal, et envoyèrent des gens pour espionner.
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La foule en liesse.
Cependant le peuple coupait des branches d'arbres et en jonchait le
chemin; on se dépouillait de ses manteaux, qu'on étendait par terre ; on
chantait, on poussait des cris de joie. Les enfants avaient quitté les
écoles malgré leurs maîtres, et joignaient leurs acclamations à celles de
la multitude. Véronique en avait deux auprès d'elle ; elle jeta son voile,
et ôta à l'un des enfants une partie de ses vêtements, qu'elle étendit sur
le chemin. Elle se joignit aux saintes femmes qui fermaient la marche. Le
chemin était tellement couvert de branches d'arbres et de vêtements, que le
cortège ne cessa de marcher comme sur un tapis moelleux, sous les
guirlandes de verdure qu'on avait suspendues entre les maisons. Jésus avait
dit aux disciples de faire attention à ceux qui étendraient leurs vêtements
devant lui, qui y jetteraient des branches d'arbres ou qui feraient l'une
et l'autre chose. Les derniers étaient ceux qui sacrifieraient, non
seulement leurs biens, mais leurs personnes mêmes à son service.
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Jésus pleure sur la ville.
Jésus versa des larmes, et les apôtres pleurèrent aussi, quand il dit que
beaucoup de ceux qui maintenant l'acclamaient si joyeusement,
l'accableraient bientôt d'outrages, et que l'un d'eux le trahirait. En même
temps il regarda la ville et pleura sur sa destruction prochaine.
Lorsqu'il eut passé la porte, l'allégresse fut à son comble, et on lui
amena un grand nombre de malades. Jésus s'arrêta à plusieurs reprises,
descendit de sa monture, et les guérit tous sans exception. Il y avait dans
la foule beaucoup de ses ennemis, qui criaient et faisaient grand bruit.
79> Plus on approchait du Temple,
plus la décoration du chemin s'embellissait. Des deux côtés, on voyait des
barrières, derrière lesquelles de petits animaux à longs cous, des
chevreaux et des agneaux avec des guirlandes autour de la tête,
bondissaient au milieu des arbustes comme dans de petits jardins. Il y
avait toujours là, mais particulièrement vers le temps de la Pâque, des
animaux sans tache, destinés au sacrifice. Le cortège mit près de trois
heures à se rendre de la porte de la ville au Temple, par un chemin d'une
demi-lieue environ.
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Seconde expulsion des marchands du
Temple.
Lorsqu'ils furent arrivés au Temple, on ramena l'âne où on l'avait
pris. Les vendeurs du Temple étaient couchés sur des bancs derrière leurs
marchandises ; il y en avait aussi par-derrière et au-dessus d'eux. Dans
les cours, on voyait beaucoup de bétail ; ce jour-là le Seigneur chassa les
vendeurs avec plus de vivacité que la première fois, et il resta longtemps
dans les parvis, car ils étaient là en grand nombre, avec des gens de
mauvaise vie. Ensuite il enseigna longtemps, assis sur un banc
d'échangiste, d'où il avait chassé ceux qui s'y tenaient. Plusieurs
personnes vinrent à lui, accompagnées d'enfants et de malades qu'il guérit.
La foule nombreuse qui l'entourait en poussa des cris de joie. Je vis, plus
avant dans le Temple, une belle porte qui brillait comme de l'or, derrière
laquelle plusieurs Juifs très âgés étaient assis et priaient.
Au moment où Jésus s'approcha de cette porte, ces vieux prêtres se
retirèrent dans la partie du Temple où était l'autel des sacrifices. Marie
et les autres femmes allèrent seulement jusqu'à l'entrée puis elles se
mirent à l'écart pour éviter la foule.
Les Juifs avaient fait fermer toutes les maisons, ainsi que les portes de
la ville ; aussi, lorsque le Seigneur eut mis pied à terre devant le
Temple, et que les disciples voulurent ramener l'ânesse, ils furent obligés
d'attendre jusqu'au soir que la porte fût rouverte. Tout ce monde dut rester
à jeun la journée entière, car toutes les maisons de cette partie de la
ville étaient barricadées. Madeleine était fort triste de ce que Jésus ne
trouvait rien à prendre pour se soutenir.
80> Le soir, on ouvrit les portes. Les
saintes femmes retournèrent à Béthanie les premières ; Jésus et les apôtres
les y suivirent peu de temps après. Madeleine, qui se tourmentait de ce que
le Seigneur et les siens n'avaient rien pris à Jérusalem, leur prépara
elle-même un repas. Quand le Seigneur, à la nuit tombante, entra dans la
cour de la maison de Lazare, elle apporta de l'eau dans un bassin, lui lava
les pieds et les essuya avec un linge, qu'elle portait sur son épaule.
Ensuite, tandis que Jésus prenait un peu de nourriture, elle s'approcha de
sa personne et répandit sur sa tête un parfum. J'entendis Judas murmurer
quand Madeleine passa devant lui ; mais elle répondit qu'elle ne pourrait
jamais assez reconnaître ce que le Seigneur avait fait pour elle et pour
son frère.
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Commentaires
des récits synoptiques des voyantes.
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Dans
les récits ci-dessus, on peut remarquer que :
Marie d'Agréda et Anne-Catherine Emmerich,
situent bien, comme Maria Valtorta, deux expulsions des marchands du Temple.
Cette deuxième expulsion est conforme aux évangiles synoptiques (Matthieu,
Marc et Luc).
Aucune des deux voyantes ne reprend, pour
la seconde expulsion, les évènements propres à la première : le fouet,
l'annonce de la résurrection, l'altercation sur la datation du Temple.
Seule Maria Valtorta cite la deuxième
admonestation de Jésus "Il est
écrit : Ma maison sera appelée maison de prière. Pourquoi donc en avez-vous
fait une caverne de voleurs ?" Cette admonestation fait écho à la
première sans lui être identique toutefois.
- Ainsi Jean cite pour la première admonestation : "Otez tout cela d’ici et ne faites pas de la maison de mon
Père une maison de trafic."
- Les synoptiques citent unanimement pour la seconde :
- "Il est écrit: Ma
maison sera appelée une maison de prière. Mais vous, vous en faites un repaire de brigands !" (Matthieu)
- "N’est-il pas écrit :
Ma maison sera appelée une maison de prière pour toutes les nations ? Mais
vous, vous en avez fait un
repaire de brigands !" (Marc)
- "Il est écrit : Ma
maison sera une maison de prière. Mais vous, vous en avez fait un repaire de brigands !" (Luc).
Avertissement de ne pas faire dans le premier cas, constat de dépravation
dans le second.
Aucunes des deux voyantes ne reprend la
précision apportée par Marc qui situe au lendemain du dimanche des rameaux
l'expulsion des marchands du Temple (Marc 11, 11-12).
Aucunes ne reprend l'intégralité du
dialogue envoyant les disciples (anonymes, sauf pour Anne-Catherine
Emmerich) chercher l'ânesse et son ânon à Betphagé, comme dans les
évangiles synoptiques :
- "Rendez-vous au village qui
est en face de vous; et aussitôt vous trouverez, à l’attache, une ânesse
avec son ânon près d’elle; détachez-la et amenez-les-moi. Et si quelqu’un
vous dit quelque chose, vous direz: "Le Seigneur en a besoin, mais
aussitôt il les renverra" (Matthieu)
- "Allez au village qui est en
face de vous, et aussitôt, en y pénétrant, vous trouverez, à l’attache, un
ânon que personne au monde n’a encore monté. Détachez-le et amenez-le. Et
si quelqu’un vous dit: "Que faites-vous là ?" Dites : "Le
Seigneur en a besoin et aussitôt il va le renvoyer ici" (Marc).
- "Allez au village qui est en
face et, en y pénétrant, vous trouverez, à l’attache, un ânon que personne
au monde n’a jamais monté; détachez-le et amenez-le. Et si quelqu’un vous
demande : "Pourquoi le détachez-vous ?" Vous direz ceci :
"C’est que le Seigneur en a besoin" (Luc).
- Marie d'Agréda mentionne :
"Et, ayant marché environ deux
lieues, il ne fut pas plutôt arrivé à Bethphagé, qu'il envoya, deux de ses
disciples chez un homme de considération dont la maison
n'était pas éloignée, et avec son agrément ils amenèrent à leur Maître une
ânesse et son poulain, que, personne n'avait encore monté" (ci-dessus, page 457).
- Pour Anne-Catherine Emmerich "Près d'une hôtellerie, en avant de
Bethphagé, ils (Erémenzear et Silas)
trouveraient, dans une prairie, une ânesse avec son ânon. Ils devaient
délier l'ânesse, et, si quelqu'un leur disait quelque chose, répondre que
telle était la volonté du Seigneur. Ensuite ils fraieraient le chemin
jusqu'au Temple, et reviendraient aussitôt à Bethphagé". La
voyante précise "Les ânes appartenaient à des gens qui étaient allés au Temple, et
les avaient laissés là" (ci-dessus, page 75).
- Maria Valtorta rapporte seule le dialogue, mais il
est laconique : "Voilà Sion
là-bas au fond. Allez prendre l'ânesse et l'ânon. Dites à l'homme :
"Il les faut pour le Rabbi Jésus". Le propriétaire, un
certain Cléanthe,
était connu et sympathisant (EMV 589).
D'autre part, on a argué qu'il ne pouvait
y avoir deux expulsions des marchands du Temple. Jésus, à la fin de son
ministère, serait un être traqué et condamné qui n'aurait pu commettre une
telle bravade. Une telle analyse va à l'encontre du récit des rameaux qui
montre Jésus venant au grand jour et au milieu d'une foule en liesse, dans
le repaire de ses adversaires.
Une telle analyse est aussi incompatible avec la suite de l'Évangile qui
décrit un Jésus enseignant au grand jour et en toute tranquillité au milieu
du Temple… jusqu'à son arrestation de nuit.
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