Le choix de Pierre comme chef de l’Église.
Horrible vision de Lucifer, l’ange déchu (la Bête).
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Jésus dit :
"Écris donc.
Dans le surnaturel, il ne faut jamais avoir peur. Celui qui te dicte sait ce
qui est dit, et celui qui te lit comprend parce que je l’ai mis dans les
conditions de comprendre. Chasse donc toutes les arrière-pensées humaines.
Souviens-toi que tu es mon porte-parole et que tu dois donc dire ce que je te
dis, sans réfléchir en termes humains sur l’impression que les autres
pourraient en avoir.
Je disais donc : les raisons pour lesquelles
je fis de Pierre le chef de l’Église, au lieu de Jean le bien-aimé, sont
diverses et toutes justes. N’allez pas mettre dans la balance l’amour de
Pierre et celui de Jean pour en tirer le motif de mon choix. Vos poids et vos
mesures n’ont pas cours au Ciel. Ce furent deux amours différentes, comme
d’ailleurs étaient différents les tempéraments, les âges, les formes de
l’amour. Amour différentes mais tournées vers le même but, moi, et également
chères à mes yeux. Éliminez donc les "mais" et les "si"
de l’amour de tout ceci.
Pierre était le plus mûr des apôtres, déjà respecté comme chef par d’autres
pêcheurs qui devinrent disciples par la suite; comme je l’ai dit, il connaissait la vie dans tous ses replis de lumière
et d’ombre; il était doté de force de caractère, de hardiesse et d’une impulsivité
nécessaire dans les circonstances. Il connut, par sa pénible expérience la
faiblesse d’une heure et il put comprendre les faiblesses des autres aux
heures de doute et de danger.
Je l’ai déjà dit : il n’était pas celui qui m’aimait le plus. C’était
quelqu’un qui m’aimait de toute sa capacité d’aimer comme du reste tous les
douze, y compris Judas, jusqu’à ce qu’il prête l’oreille au séducteur.
Il
fallait dans l’Église, qui devait se former parmi tant de luttes et de
pièges, quelqu’un qui sût s’imposer aux autres par l’âge, l’autorité,
l’expérience et l’impétuosité. Et qui mieux, que Pierre dans ces quatre
qualités nécessaires à la formation de l’Église ?
Jean était le plus jeune. Avec l’âme d’une fleur, il ne connaissait pas le
mal de la vie. C’était un lys au bouton encore fermé sur la blancheur
immaculée de son intérieur. Il s’ouvrit au moment où mon regard descendit
dans son cœur et il n’eut plus d’yeux que pour moi. C’était un enfant au cœur
de héros et de colombe.
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170> Pierre était le soutien de mon cœur qui voyait
le présent et l’avenir, mais Jean était mon réconfort. Que de réconfort
uniquement de son doux sourire, de son regard pur, de ses paroles si rares,
mais toujours si aimantes ! Être près de Jean était pour moi comme de me
reposer à la fraîcheur d’un puits, ombragé de plantes, sur un tapis de
fleurs. La paix émanait de lui.
Mais est-ce que je pouvais l’imposer, par prudence et justice, aux autres
plus âgés ? Il faut garder à l’esprit le fait que c’étaient des hommes,
destinés à la perfection, mais encore des hommes. Voilà pourquoi mon
intelligence préféra Pierre, adulte connaisseur des misères spirituelles,
impulsif, autoritaire, à Jean, le doux rêveur, jeune, ignorant de la vie.
Pierre, c’était la "pratique", le génie pratique; Jean,
c’était la "poésie", le génie poétique. Mais quand les temps
sont durs, on a besoin non seulement de plumes de poète, mais de poings de
fer pour tenir fermement la barre du gouvernail.
En revanche, j’ai donné à mon bien-aimé la
vision des temps futurs après lui avoir fait mes confidences les plus secrètes
et lui avoir confié ma Mère. Je pourrais dire que Jean est le dernier dans
l’ordre du temps et le premier dans l’ordre de l’avenir, des grands prophètes.
Parce qu’il ferme le cycle commencé par Moïse en rapport avec l’Agneau qui,
par son immolation, sauve le monde, et qu’il soulève le voile qui enveloppe
le dernier jour.
Néanmoins, croyez qu’au Ciel, ma splendeur couronne le front de Pierre et celui
de Jean de la même lumière, et il vaudrait mieux pour vous de ne pas comparer
en termes humains des êtres surhumains".
Jésus dit encore :
"Considère ma beauté et ma splendeur
par rapport à la noire monstruosité de la Bête.
N’aie pas peur de regarder même si c’est un spectacle repoussant. Tu es dans
mes bras. Elle ne peut s’approcher et te nuire. La vois-tu ? Elle ne te
regarde même pas. Elle a déjà tant de proies à poursuivre.
Alors, penses-tu que ça vaille la peine de me quitter pour la suivre ? Et
pourtant, le monde la suit et me quitte pour elle.
Regarde comme elle est repue et palpitante. C’est son heure de fête. Mais
regarde aussi comme elle cherche l’ombre pour agir. Elle déteste la Lumière,
et elle s’appelait Lucifer
! Vois-tu comme elle hypnotise ceux qui ne sont pas marqués de mon Sang ? Elle
accumule les efforts parce qu’elle sait que c’est son heure et que mon heure
approche où elle sera vaincue à jamais.
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171> Son infernale ruse et son intelligence
satanique sont une incessante opération de mal pour accroître sa proie, en
opposition à notre opération de bien, unique et trine. Mais la ruse et
l’intelligence ne prévaudraient pas s’il y avait chez les êtres humains mon
Sang et leur honnête volonté. Il manque aux humains trop de choses pour avoir
des armes à opposer à la Bête, et elle le sait, et elle agit ouvertement sans
même plus se voiler d’apparences mensongères.
Que sa laideur dégoûtante te pousse à une diligence et à une pénitence
toujours accrues. Pour toi et pour tes malheureux frères, dont l’âme est
aveuglée ou séduite, qui ne voient pas ou qui, le voyant, courent à la
rencontre du Malin, pour en obtenir l’aide d’une heure qu’ils auront à payer
d’une éternité de damnation".
Je dois expliquer, sinon vous
n’y comprendrez rien.
Ça fait depuis le soir du 18 que Jésus me fait voir une horrible bête, mais
si horrible qu’elle me fait horreur et me donne envie de hurler. Son nom est
bien connu. Et le bon Jésus me fait comprendre que son aspect reste inférieur
à la réalité, car aucune réalité humaine ne peut arriver à représenter avec
exactitude la suprême Beauté et la suprême Laideur.
Maintenant je vais vous décrire l’affreuse bête.
Il me semble voir un grand trou noir et très profond. Je comprends qu’il est
très profond, mais je n’en vois que l’orifice, que remplit entièrement un
monstre horrible. Ce n’est pas un serpent, ni un crocodile, ni un dragon, ni
une chauve-souris, mais il a quelque chose de tous les quatre.
Une tête longue et pointue sans oreilles et avec deux yeux sournois et
féroces, toujours à la chasse de proies, une bouche très vaste et armée de
dents bien aiguës, toujours occupée à attraper au vol quelque imprudent qui
arrive à la portée de ses mandibules. Bref, la tête tient beaucoup du serpent
pour la forme et du crocodile pour les dents. Un cou long et flexible qui
donne beaucoup d’agilité à la tête effrayante.
Un affreux corps visqueux recouvert d’une peau comme celle des anguilles
(pour donner une idée), c’est-à-dire sans écailles, d’une couleur entre le
rouille, le violet, le gris foncé... Je ne saurais. Il a même la couleur des
sangsues.
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172> À la hauteur des épaules et des
hanches (je dis ‘hanches’ parce que c’est là que finit le ventre palpitant et
gonflé de proies et que commence la longue queue qui se termine en pointe),
quatre pattes courtes et palmées comme celles du crocodile. Aux épaules, deux
ailes de chauve-souris.
La bête ne remue pas son grand corps dégoûtant. Elle ne remue que la queue,
qui s’agite en forme de ‘s’, et l’horrible tête aux yeux fascinateurs et aux
mâchoires exterminatrices.
Miséricorde divine ! Quelle bête affreuse ! De son antre noir, elle dégage
ténèbres et horreur. Je vous assure que hier, où je la voyais dans toute sa
vive précision — et je ne comprenais pas ce qu’elle faisait là — j’avais
envie de hurler de dégoût. Heureusement que je voyais qu’elle ne regardait
pas dans ma direction, comme par répulsion. Répulsion mutuelle plutôt. Si
c’est une pâle représentation de Satan, que doit-il bien être ? C’est assez
pour en mourir deux fois d’affilée !
Heureusement aussi que, si la bête se tenait dans un coin, mon Jésus blanc,
beau, blond était tout près, tout près... Lumière dans la lumière ! En
comparant la lumineuse et réconfortante personne du Christ avec la forme de
l’autre, son regard si doux, clair, avec le regard oblique de l’autre, il y a
vraiment de quoi plaindre les infortunés pécheurs destinés au second parce
qu’ils ont repoussé Jésus.
Eh bien, maintenant que je l’ai vue... Je voudrais ne plus la voir parce
qu’elle est trop affreuse. Je vais prier pour que le moins possible de
malheureux finissent dans ses griffes, mais je prie
le bon Dieu de m’enlever cette vision.
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