"L'Évangile tel qu'il m'a été révélé"
de Maria Valtorta

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Constitution dogmatique
Lumen Gentium
sur l'Église


Chapitres : 1 (§ 1 à 8) – 2 – 3 – 4 – 5 – 6 - 7 (§ 48 à 51) - 8 (§ 52 à 69)

 


SS. Paul VI


Chapitre 1
Le mystère de l'Église

Introduction

1.
Le Christ est la Lumière des nations; aussi, en annonçant l'Évangile à toute créature (cf. Mc 16, 15), le saint Concile réuni dans l'Esprit-Saint désire-t-il ardemment illuminer tous les hommes de la lumière du Christ qui resplendit sur le visage de l'Église. Celle-ci, pour sa part, est dans le Christ comme un sacrement ou, si l'on veut, un signe et un moyen d'opérer l'union intime avec Dieu et l'unité de tout le genre humain; elle se propose donc, en suivant de près la doctrine des précédents Conciles, de faire connaître avec plus de précision à ses fidèles et au monde entier sa nature et sa mission universelle. Ce devoir, les conditions actuelles l'imposent à l'Église avec une urgence accrue: il importe en effet que la communauté humaine, toujours plus étroitement unifiée par de multiples liens sociaux, techniques, culturels, puisse atteindre également sa pleine unité dans le Christ.

Le dessein du Père qui veut sauver tous les hommes
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2.
Par une disposition tout à fait libre et mystérieuse de sa sagesse et de sa bonté, le Père éternel a créé l'univers. Il a voulu élever les hommes jusqu'au partage de la vie divine. Et une fois qu'ils eurent péché en Adam, il ne les abandonna pas; sans cesse il leur offrit des secours pour leur salut en considération du Christ rédempteur, "qui est l'image du Dieu invisible, le premier-né de toute créature" (Col. 1, 15). D'autre part, ceux qu'il a choisis, le Père avant tous les siècles les "a d'avance connus et prédestinés à reproduire l'image de son Fils, pour que celui-ci soit le premier-né d'un grand nombre de frères" (Rom. 8, 29). Et ceux qui ont foi dans le Christ, il a voulu les rassembler en la sainte Église qui, préfigurée dès l'origine du monde, admirablement préparée dans l'histoire du peuple d'Israël et l'ancienne Alliance (1), établie en ces temps qui sont les derniers, a été manifestée par l'effusion de l'Esprit et sera glorieusement achevée à la fin des siècles. Alors seulement, comme on peut le lire dans les saints Pères, tous les justes depuis Adam, "depuis le juste Abel jusqu'au dernier élu" (2) seront rassemblés auprès du Père dans l'Église universelle.

La mission du Fils
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3.
Le Fils est donc venu, envoyé par le Père qui nous a choisis en lui dès avant la création du monde et nous a prédestinés à être ses enfants adoptifs, parce qu'il lui a plu de tout réunir en lui (cf. Eph. 1, 4-5 et 10). C'est pourquoi le Christ, afin d'accomplir la volonté du Père, a inauguré ici-bas le royaume des cieux, nous a révélé le mystère du Père et, par son obéissance, a opéré la rédemption. L'Église, qui est 1e royaume du Christ déjà présent sous une forme mystérieuse, croît visiblement dans le monde grâce à la puissance de Dieu. Ce commencement et cette croissance sont signifiés par le sang et l'eau qui sortent du côté de Jésus crucifié (cf. Jn 19, 34) et annoncés par les paroles du Seigneur concernant sa mort en croix: "Et Moi, quand je serai élevé de terre, j'attirerai tout à Moi" (Jn 12, 32 gr.). Chaque fois que le sacrifice de la croix, par lequel "le Christ, notre Pâque, a été immolé" (I Cor. 5, 7), est célébré sur l'autel, l'œuvre de notre rédemption se réalise. En même temps le sacrement du pain eucharistique représente et produit l'unité des fidèles, qui constituent un seul corps dans le Christ (cf. I Cor. 10, 17). Tous les hommes sont appelés à cette union avec le Christ, qui est la lumière du monde, de qui nous venons, par qui nous vivons, vers qui nous tendons.

L'Esprit qui sanctifie l'Église
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4. 
Une fois accomplie l'œuvre que le Père avait donné à faire au Fils sur la terre (cf. Jn 17, 4), l'Esprit-Saint fut envoyé le jour de la Pentecôte, afin de sanctifier l'Église en permanence et qu'ainsi les croyants aient par le Christ, en un seul Esprit, accès auprès du Père (cf. Eph. 2, 18). Il est l'Esprit de vie, la source d'eau jaillissant jusqu'à la vie éternelle (cf. Jn 4, 14; 7, 38-39), par qui le Père vivifie les hommes, morts par suite du péché, jusqu'au moment où il rendra la vie dans 1e Christ à leurs corps mortels (cf. Rom. 8, 10-I1). L'Esprit habite dans l'Église et dans les coeurs des fidèles comme en un temple (cf. I Cor. 3, 16; 6, 19); en eux il prie et rend témoignage de leur adoption filiale (cf. Gal. 4, 6; Rom. 8, 15-16 et 26). Cette Église qu'il amène à la vérité tout entière (cf. Jn 16, 13), qu'il réunit dans la communion et le ministère, il l'édifie encore et la dirige par des dons variés, tant hiérarchiques que charismatiques, et par ses oeuvres il l'embellit (cf. Eph. 4, 11-12; I Cor. 12, 4; Gal. 5, 22). Il la rajeunit par la force de l'Évangile, il la rénove perpétuellement et la conduit enfin à l'union parfaite avec son Epoux (3). Car l'Esprit et l'Epouse disent au Seigneur Jésus "Viens!" (cf. Apoc. 22, 17). Ainsi l'Église universelle apparaît-elle comme "un peuple rassemblé dans l'unité du Père, du Fils et de l'Esprit-Saint" (4).

Le royaume de Dieu
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5. Le mystère de la sainte Église se manifeste dans sa fondation. Le Seigneur Jésus, en effet, inaugura son Église en prêchant la bonne nouvelle, c'est-à-dire la venue du Royaume de Dieu promis depuis des siècles dans les Écritures: "Les temps sont accomplis, le Royaume de Dieu est proche" (Me 1, 15; cf. Mt. 4, 17). Ce Royaume de Dieu, il apparaît aux hommes dans la parole, les oeuvres et la présence du Christ. La parole du Seigneur est comparée au grain semé dans un champ (Mc 4, 14): ceux qui l'écoutent avec foi et s'agrègent au petit troupeau du Christ (Lc 12, 32) ont accueilli le Royaume lui-même. Puis la semence, par sa propre force, germe et se développe jusqu'au temps de la moisson (cf. Mc 4, 26-29). De même les miracles de Jésus sont une preuve que le Royaume est véritablement venu sur terre: "Si c'est par le doigt de Dieu que je chasse les démons, il est déjà venu à vous, le Royaume de Dieu" (Lc 11, 20; cf. Mt. 12, 28). Mais, avant tout, le Royaume se manifeste dans la Personne même du Christ, Fils de Dieu et Fils de l'homme, qui est venu "pour servir et donner sa vie comme rançon d'un grand nombre" (Mc 10. 45).

Et quand Jésus, après avoir souffert la mort en croix pour les hommes, fut ressuscité, il apparut établi comme Seigneur et Christ, comme Prêtre éternel (cf. Act. 2, 36; Héb. 5, 6; 7, 17-21) et il répandit en ses disciples l'Esprit promis par le Père (cf. Act. 2, 33). Dès lors, l'Église pourvue des dons de son Fondateur et attachée à ses préceptes de charité, d'humilité et d'abnégation, reçoit la mission d'annoncer et d'instaurer en toutes les nations le Royaume du Christ et de Dieu dont, sur terre, elle constitue le germe et le commencement. Dans l'intervalle, à mesure qu'elle grandit, elle aspire à l'accomplissement du Royaume, elle espère et souhaite de toutes ses forces être unie à son Roi dans la gloire.

Les images de l'Église
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6. Dans l'Ancien Testament la révélation du Royaume est souvent présentée sous des figures; de même maintenant, c'est par diverses images que la nature intime de l'Église se fait connaître à nous, et ces images empruntées soit à la vie pastorale et au travail des champs, soit à la construction des édifices et même à la famille et aux noces, s'élaborent déjà dans les livres des Prophètes.

L'Église est en effet le bercail dont la porte unique et nécessaire est le Christ (Jn 10, 1-10). Elle est aussi le troupeau, dont Dieu avait annoncé qu'il serait lui-même le pasteur (cf. Is. 40, 11; Ez. 34. 11 suiv.), et dont les brebis, même si elles sont guidées par des pasteurs humains, ne cessent jamais cependant d'être conduites et nourries par le Christ lui-même, le bon Pasteur et le Prince des pasteurs (cf. Jn 10, 11; I Petr. 5, 4), qui a donné sa vie pour les brebis (cf. Jn 10, 11-15).

L'Église est la terre que Dieu cultive, ou encore son champ (I Cor. 3, 9). Dans ce champ grandit l'antique olivier dont la racine sainte fut constituée par les Patriarches et dans lequel s'est faite et se fera la réconciliation des Juifs et des Gentils (Rom. 11, 13-26). L'Église a été plantée par le céleste Cultivateur comme la vigne choisie (Mt. 21, 33-43 par.; cf. Is. 5, 1 suiv.). Le Christ est la vraie vigne qui donne la vie et la fécondité aux sarments, c'est-à-dire à nous qui par l'Église demeurons en lui; et sans lui nous ne pouvons rien faire (Jn 15.1-5).

Plus souvent encore l'Église s'appelle l'édifice de Dieu (I Cor. 3, 9). Le Seigneur lui-même s'est comparé à la pierre que les bâtisseurs ont rejetée mais qui est devenue tête d'angle (Mt. 21, 41 par.; cf. Act. 4, 11; I Petr. 2, 7; Ps. 117, 22). Sur ce fondement l'Église est construite par les Apôtres (cf. I Cor. 3, 11) et c'est de lui qu'elle reçoit fermeté et cohésion. Cet édifice prend diverses appellations: maison de Dieu (I Tim. 3, 15) où habite sa famille, demeure de Dieu dans l'Esprit (Eph. 2. 19-22), "tabernacle de Dieu avec les hommes" (Apoc. 21, 3) et surtout temple sacré, que les saints Pères voient représenté dans des sanctuaires de pierres et qui, dans la Liturgie, est comparé non sans raison à la Cité sainte, à la nouvelle Jérusalem (5). En elle, de fait, nous sommes édifiés dès ici-bas comme des pierres vivantes (cf. I Petr. 2, 5). Et Jean contemple la sainte cité, lors de la rénovation du monde, descendant du ciel d'auprès de Dieu, "prête comme une fiancée toute parée pour son époux" (Apoc. 21, 1 suiv.).

L'Église est même appelée "la Jérusalem d'en haut" et "notre mère" (Gal. 4, 26: Apoc. 12, 17); elle apparaît comme l'épouse immaculée de l'Agneau sans tache (Apoc. 19, 7; 21, 2 et 9; 22, 17). Cette épouse, le Christ "l'a aimée... et il s'est livré lui-même pour elle, afin de la sanctifier" (Eph. 5, 25-26); il se l'est associée par un pacte indissoluble et sans cesse "il la nourrit et la soigne" (Eph. 5, 29), et il a voulu, après l'avoir purifiée, qu'elle lui soit unie et soumise dans l'amour et la fidélité (cf. Eph. 5, 24). Enfin, il l'a comblée pour toujours de dons célestes, afin que nous puissions connaître la charité de Dieu et du Christ pour nous, charité qui dépasse tonte connaissance (cf. Eph. 3, 19). Mais tandis que l'Église accomplit son pèlerinage sur terre, loin du Seigneur (cf. II Cor. 5, 6), elle se sent comme en exil, si bien qu'elle recherche les choses d'en haut, qu'elle a du goût pour les choses d'en haut, là où le Christ est assis à la droite de Dieu, où sa vie reste cachée avec le Christ en Dieu jusqu'au jour où elle apparaîtra avec son Epoux dans la gloire (cf. Col. 3, 1-4).

L'Église, Corps mystique du Christ
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7. Dans la nature humaine qu'il s'est unie, le Fils de Dieu, en remportant la victoire sur la mort par sa mort et sa résurrection, a racheté l'homme et l'a transformé pour en faire une nouvelle créature (cf. Gal. 6, 15; II Cor. 5, 17). Car en communiquant son Esprit, il a mystiquement établi ses frères, appelés d'entre toutes les nations, comme son propre corps.

Dans ce corps la vie du Christ se diffuse en ceux qui croient et qui, par les sacrements, sont unis, d'une façon mystérieuse mais bien réelle, au Christ souffrant et glorifié (6). Par le baptême, en effet, nous sommes rendus conformes au Christ: "En effet, nous avons été baptisés dans un seul Esprit pour former un seul corps" (I Cor. 12, 13). Par ce rite sacré, l'union à la mort et à la résurrection du Christ est à la fois représentée et effectuée: "par le baptême, en effet, nous avons été ensevelis avec lui dans la mort"; et si "nous avons été greffés sur lui par une mort pareille à la sienne, de même le serons-nous par une résurrection pareille" (Rom. 6, 4-5). Dans la fraction du pain eucharistique nous avons réellement part au corps du Seigneur et nous sommes élevés à la communion avec lui et entre nous. "Parce qu'il y a un seul pain, nous ne sommes qu'un corps malgré notre grand nombre, attendu que tous nous recevons notre part de ce pain unique" (I Cor. 10, 17). Ainsi tous nous devenons membres de ce corps (cf. I Cor. 12, 27) "et respectivement, membres 1es uns des autres" (Rom. 12, 5).

Mais de même que tous les membres du corps humain, pour nombreux qu'ils soient, ne forment cependant qu'un corps, de même en est-il des fidèles dans le Christ (cf. I Cor. 12, 12). La diversité des membres et des fonctions se vérifie également dans l'édification du corps du Christ. Unique est l'Esprit, qui distribue ses dons, à la mesure de sa richesse et suivant les besoins des ministères, au profit de l'Église (cf. I Cor. 12, 1-11). Parmi ces dons vient en tête la grâce des Apôtres, à l'autorité desquels l'Esprit lui-même soumet ceux qui ont reçu des charismes (cf. I Cor. 14). C'est le même Esprit qui unifie lui-même le corps par sa propre puissance et au moyen de l'articulation interne des membres entre eux, et qui produit et stimule la charité chez les fidèles. En conséquence, si un membre a quelque souffrance à supporter, tous les membres souffrent avec lui; ou si an membre est honoré, tous les membres partagent sa joie (cf. I Cor. 12, 26).

De ce corps le Christ est le chef. Il est lui-même l'image du Dieu invisible, et en lui tout a été créé. Lui-même est avant toute chose et toutes choses subsistent en lui. Il est le chef du corps qu'est l'Église. Il est le principe, le premier-né d'entre les morts, afin d'avoir en tout la prééminence (cf. Col. 1, 15418). Par la grandeur de sa puissance il règne sur les choses du ciel et de la terre; grâce à sa perfection et à son action qui surpassent tout, il comble des richesses de sa gloire son corps tout entier (7) (cf. Eph. 1, 18-23).

Tous les membres doivent tendre à lui ressembler, jusqu'à ce que le Christ soit formé en eux (cf. Cal. 4, 19). Voilà pourquoi nous sommes englobés dans les mystères de sa propre vie, rendus conformes à lui-même, morts et ressuscités avec lui en attendant, de régner avec lui (cf. Phil. 3, 21; II Tim. 2, 11; Eph. 2, 6; Col. 2, 12; etc.). Cheminant encore sur la terre, suivant ses traces dans les épreuves et la persécution, nous sommes associés à ses souffrances comme le corps à sa tête, et nous souffrons avec lui pour être glorifiés avec lui (cf. Rom. 8, 17).

De lui "tout le corps, desservi et uni par des jointures et des liens, tire son accroissement en Dieu" (Col. 2, 19). Lui-même, dans son corps qui est l'Église, dispense sons cesse les dons des ministères, au moyen desquels nous nous aidons les uns les autres, grâce à lui, en vue du salut, afin que, professant la vérité dans la charité, nous croissions à tous les égards en lui qui est notre Chef (cf. Eph. 4, 11-16 gr.).

Et afin que nous soyons continuellement renouvelés en lui (cf. Eph. 4, 23), il nous a donné d'avoir part à son Esprit. Et cet Esprit, qui est unique et identique dans le Chef et dans les membres, vivifie, unifie et meut tout le corps; si bien que les saints Pères ont pu comparer son rôle à la fonction que l'âme, principe vital, remplit dans le corps humain (8).

Le Christ aime l'Église comme son épouse, et il est le modèle de l'homme qui aime sa femme comme son propre corps (cf. Eph. 5, 25-28); l'Église, pour sa part, est soumise à son Chef (ib. 23-24). "Parce qu'en lui corporellement réside la plénitude de la divinité" (Col. 2, 9), il comble de ses dons divins l'Église qui est son corps et son plérôme (cf. Eph. 1, 22-23), afin qu'elle tende et atteigne à toute la plénitude de Dieu (cf. Eph. 3, 19).

L'Église, à la fois visible et spirituelle
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8. Le Christ, unique Médiateur, a établi et soutient sans cesse ici-bas sa sainte Église, qui est une communauté de foi, d'espérance et de charité, comme un organisme visible (9) par lequel il répand sur tous la vérité et la grâce. Mais la société constituée d'organes hiérarchiques et le Corps mystique du Christ, le groupement visible et la communauté spirituelle, l'Église terrestre et l'Église déjà pourvue des biens célestes ne doivent pas être considérés comme deux entités; ils constituent bien plutôt une seule réalité complexe formée d'un élément humain et d'un élément divin (10). Ainsi, par une analogie qui n'est pas sans valeur, elle est comparable au mystère du Verbe incarné. De même, en effet, que la nature assumée par le Verbe divin lui sert d'instrument de salut, instrument vivant et indissolublement uni à lui-même, de même cet organisme ecclésial sert à l'Esprit du Christ qui le vivifie en vue de la croissance du corps (cf. Eph. 4, 16) (11).

Telle est l'unique Église du Christ que, dans le Symbole, nous reconnaissons comme une, sainte, catholique et apostolique (12), que notre Sauveur, après sa résurrection remit à Pierre pour qu'il la paisse (Jn 21, 17). C'est elle que le même Pierre et les autres Apôtres furent chargés par lui de répandre et de guider (cf. MI. 28, 18 ss), elle enfin qu'il établit pour toujours "colonne et soutien de la vérité" (I Tim. 3, 15). Cette Église, constituée et organisée en ce monde comme une communauté, subsiste dans l'Église catholique, gouvernée par le successeur de Pierre et les évêques en communion avec lui (13), encore que, hors de cet ensemble, on trouve plusieurs éléments de sanctification et de vérité qui, en tant que dons propres à l'Église du Christ, invitent à l'unité catholique.

Le Christ a accompli son oeuvre rédemptrice dans la pauvreté et la persécution; ainsi l'Église est-elle appelée à prendre la même voie pour communiquer aux hommes les fruits du salut. Le Christ Jésus, "possédant la nature divine... s'est anéanti lui-même en prenant la nature de l'esclave" (Phil. 2, 6) et pour nous "s'est fait pauvre, de riche qu'il était" (II Cor. 8, 9). Telle est aussi l'Église; et même si elle a besoin de ressources humaines pour remplir sa mission, elle n'est pas établie pour rechercher la gloire terrestre, mais pour prêcher, même par son exemple, l'humilité et l'abnégation. Le Christ a été envoyé par le Père "pour évangéliser les pauvres... guérir les coeurs brisés" (Lc 4, 18), "chercher et sauver ce qui était perdu" (Lc 19, 10). De même l'Église entoure tous ceux qu'afflige l'infirmité humaine; bien plus, elle reconnaît dans les pauvres et en ceux qui souffrent l'image de son Fondateur pauvre et souffrant, elle s'emploie à soulager leur détresse et veut servir le Christ en eux. Mais tandis que le Christ "saint, innocent, sans souillure" (Hébr. 7, 26) n'a pas connu le péché (II Cor. 5, 21) mais est venu seulement expier les péchés du peuple (cf. Hébr. 2, 17), l'Église, qui renferme en son sein les pécheurs, qui est sainte et, en même temps, doit toujours être purifiée, recherche sans cesse ta pénitence et le renouvellement.

L'Église "va de l'avant, marchant parmi les persécutions du monde et les consolations de Dieu" (14), annonçant la croix et la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu'il vienne (cf. I Cor. 11, 26). C'est la puissance du Seigneur ressuscité qui la fortifie pour lui faire surmonter par la patience et la charité ses peines et ses difficultés intérieures aussi bien qu'extérieures, et, malgré tout, lui faire révéler fidèlement au monde le mystère du Seigneur, mystère encore caché jusqu'à ce qu'il apparaisse à la fin dans sa pleine lumière.


CHAPITRE I

(1) Cf. S. Cyprianus, Epist. 64, 4: PL 3, 1017. CSEL (Hartel), III B, p. 720. S. Hilarius Pict., In Mt. 23, 6: PL 9, 1047. S. Augustinus, passim. S. Cyrillus Alex., Glaph. in Gen. 2, 10: PG 69, 110 A

(2) Cf. S. Gregorius M., Hom. in Evang. 19, 1: PL 76, 1154 B. S. Augustinus, Serm. 341, 9, 11: PL 39, 1499 s. S. Io. Damascenus. Adv. Iconocl. Il: PG 96, 1357.

(3) Cf. S. Irenaeus, Adv. Haer. III, 24, 1: PG 7, 966 B; Harvey 2. 131; ed. Sagnard, Sources Chr., p. 398

(4) S. Cyprianus, De Orat. Dom. 23: PL 4, 553; Hartel, III A, p. 285. S. Augustinus, Seren. 71, 20, 33: PL 38, 463 s. S. Io. Damascenus, .4dv. Iconocl. 12: PG 96. 1358 D.

(5) Cf. Origenes, In Matth. 16, 21: PG 13, 1443 C; Tertullianus, Adv. Marc. 3, 7: PL 2, 357 C; CSEL 47, 3 p. 386. Pour les documents liturgiques, cf. Sacramentarium Gregorianum: PL 78, 160 B. Ou C. Mohlberg, Liber Sacramentorum Romanae Ecclesiae, Romae 1960, p. 111, XC: " Deus, qui ex omni coaptatione sanctorum acternum tibi condis habitaculum... ". Hymnes Urbs Jerusalem beata dans le Bréviaire monastique et Coelestis urbs Jerusalem dans le Bréviaire Romain.

(6) Cf. s. Thomas, Summa Theol. III, q. 62, a. 5, ad 1.

(7) Cf. Pie XII, Litt. Encycl. Mystici Corporis, 29 juin 1943: AAS 35 (1943), p. 208.

(8) Cf. Leo XIII, Epist. Encycl. Divinum illud, 9 mai 1897: ASS 29 (1896-97) p. 650. Pie XII, Litt. Encycl. Mystici Corporis, 1. c., pp. 219-220; Denz. 2288 (3808). S. Augustinus, Serra. 268, 2: PL 38, 1232, et ailleurs. S. Io. Chrysostomus, In Eph. Hom. 9, 3: PG 62, 72. Didyrnus Alex., Trin. 2, 1: PG 39, 449 s. S. Thomas, In Col. 1, 18, lect. 5; ed. Marietti, II, n. 46: "Sicut constituitur unum corpus ex unitate animae, ita Ecclesia ex unitate Spiritus... ".

(9) Leo XIII, Lift. Encycl. Sapientiae christianae, 10 janv. 1890: ASS 22 (1889-90) p. 392. Id., Epist. Encycl. Satis cognitum, 29 juin 1896: ASS 28 (1895-96) pp. 710 et 724 ss. Plus XII, Litt. Encycl. Mystici Corporis, I. c., pp. 199-200.

(10) Cf. Pius XII, Litt. Encycl. Mystici Corporis, 1. c.. p. 221 ss. Id., Litt. Encycl. Humani generis, 12 août 1950: AAS 42 (1950) p. 571.

(11) Leo XIII, Epist. Encycl. Satis Cognitum, 1. c., p. 713.

(12) Cf. Symbolum Apostolicum: Denz. 6-9 (10-13); Symb. Nic.-Const.: Denz. 86 (150); coll. Prof. fidei Trid.: Denz. 994 et 999 (1862 et 1868).

(13) On dit " Sancta (catholica apostolica) Romana Ecclesia ": dans Prof. fidei Trid., 1. c., et dans Conc. Vat. I, Sess. III, Const. dogm. de fide cath.: Denz. 1782 (3001).

(14) S. Augustinus, Civ. Dei, XVIII, 51, 2: PL 41, 614.


CHAPITRE II
LE PEUPLE DE DIEU

La Nouvelle Alliance et le Peuple nouveau
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9. De tout temps et chez toute nation, celui qui craint Dieu et pratique la justice lui fut agréable (cf. Act. 10, 35). Cependant Dieu n'a pas voulu sanctifier et sauver les hommes individuellement et sans qu'aucun rapport n'intervienne entre eux, mais plutôt faire d'eux un peuple qui le reconnaisse vraiment et le serve dans ta sainteté. Il se choisit donc comme peuple le peuple israélite, conclut avec lui une alliance et l'instruisit graduellement en se manifestant lui-même, en faisant connaître le dessein de sa volonté dans l'histoire de ce peuple et en se le consacrant. Tout cela cependant n'advint qu'à titre de préparation et en figure, eu égard à l'alliance nouvelle et parfaite qui devait se réaliser dans le Christ et de la révélation plus complète qu'allait apporter le Verbe même de Dieu fait homme. "Voici venir des jours -- oracle du Seigneur --. où je conclurai avec la maison d'Israël et la maison de Juda une alliance nouvelle... Je mettrai ma loi au fond de leur être et je l'écrirai sur leur coeur. Alors, je serai leur Dieu et eux seront mon peuple... Ils me connaîtront tous, des plus petits jusqu'aux plus grands - oracle du Seigneur" (Jér. 31, 31-34). Puis le Christ scella ce nouveau pacte, c'est-à-dire la nouvelle alliance, en son sang (cf. I Cor. 11, 25) en appelant d'entre les Juifs et les gentils une multitude qui s'unirait non pas selon la chair mais en esprit, afin de constituer le nouveau Peuple de Dieu. En effet ceux qui croient au Christ, engendrés à nouveau d'un germe non point corruptible, mais incorruptible par la parole du Dieu vivant (cf. I Petr. 1, 23), non pas de la chair mais de l'eau et de l'Esprit-Saint (cf. Jn 3, 5-6) constituent "une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis... eux, qui jadis n'étaient pas un peuple, et maintenant sont le peuple de Dieu" (I Petr. 2, 9-10).

Ce peuple messianique a pour chef le Christ "qui a été livré pour nos fautes et est ressuscité pour notre sanctification" (Rom. 4, 25) et qui, maintenant, après s'être acquis un nom qui est au-dessus de tout nom, règne glorieusement dans les cieux. Il est dans l'état de dignité et de liberté propre aux fils de Dieu, dont le coeur est comme le temple de l'Esprit-Saint. Il a pour loi un commandement nouveau, celui d'aimer comme le Christ lui-même nous a aimés (cf. Jn 13, 34). Enfin, il a son terme dans le Royaume de Dieu, inauguré sur terre par Dieu lui-même, destiné à s'étendre dans la suite des âges en attendant de recevoir en Lui son perfectionnement final à la fin des siècles, lorsque le Christ se manifestera, lui qui est notre vie (cf. Col. 3, 4), et que "la création elle-même sera libérée de la servitude de la corruption pour participer à la glorieuse liberté des enfants de Dieu" (Rom. 8, 21). C'est pourquoi ce peuple messianique, s'il ne comprend pas effectivement tous les hommes et n'apparaît parfois que comme un petit troupeau, n'en subsiste pas moins au sein de toute l'humanité comme un germe très fort d'unité, d'espérance et de salut. Etabli par le Christ en communion de vie, de charité et de vérité, il lui sert d'instrument pour la rédemption de tous et il est envoyé au monde entier comme lumière du monde et sel de la terre (cf. Mt. 5, 13-16).

L'Israël selon la chair, cheminant dans la solitude, prend déjà le nom d'Église de Dieu (II Esdr. 13, 1; cf. Nombr. 20, 4; Deut. 23, 1 et suiv.); de même le nouvel Israël, celui de l'ère présente en quête de la cité future et qui ne finit pas (cf. Hébr. 13, 14), s'appelle également l'Église du Christ (cf. Mt. 16, 18). Car le Christ lui-même l'a acquise au prix de son sang (cf. Act. 20, 28), remplie de son Esprit et pourvue de moyens aptes à procurer une union visible et sociale. Dieu a convoqué ta communauté de ceux qui regardent avec foi Jésus, auteur du salut, principe d'unité et de paix, et il en a fait l'Église, afin qu'elle soit pour tous et pour chacun le sacrement visible de cette unité salvifique (1). Cette Église qui doit s'étendre à toute la terre et entrer dans l'histoire humaine, domine en même temps les époques et les frontières des peuples. Au milieu des embûches et des tribulations qu'elle rencontre, elle est soutenue, dans sa marche, par le secours de la grâce divine que lui a promise le Seigneur, afin que, dans la condition de l'humaine faiblesse, elle ne laisse pas d'être parfaitement fidèle, mais demeure la digne épouse de son Seigneur et se renouvelle sans cesse elle-même, sous l'action de l'Esprit-Saint; jusqu'à ce que, par la croix, elle parvienne à la lumière qui ne connaît pas de déclin.

Le sacerdoce commun
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10. Le Christ Seigneur, Pontife pris d'entre les hommes (cf. Hébr. 5, 1-5) fit du nouveau peuple "un royaume de prêtres pour Dieu son Père" (Apoc. 1, 6; 5, 9-10). En effet, par la régénération et l'onction de l'Esprit-Saint, les baptisés sont consacrés pour être une maison spirituelle et un sacerdoce saint, en vue d'offrir des sacrifices spirituels, moyennant toutes les oeuvres du chrétien, et d'annoncer les louanges de Celui qui les a appelés des ténèbres à son admirable lumière (cf. I Petr. 2, 4-10). Que tous les disciples du Christ, en persévérant dans la prière et en louant Dieu ensemble (cf. Act. 2, 42-47), s'offrent donc eux-mêmes comme une hostie vivante, sainte, agréable à Dieu (cf. Rom. 12, 1), qu'ils rendent partout témoignage au Christ et, à qui le demande, rendent compte de l'espérance de la vie éternelle qui est en eux (cf. I Petr. 3, 15).

Le sacerdoce commun des fidèles et le sacerdoce ministériel ou hiérarchique, s'ils diffèrent essentiellement et non pas seulement en degré, sont cependant ordonnés l'un à l'autre puisque l'un comme l'antre participe à sa façon de l'unique sacerdoce du Christ (2). Grâce au pouvoir sacré dont il est investi, le prêtre, ministre du Christ, instruit et gouverne le peuple sacerdotal, accomplit, en qualité de représentant du Christ, le sacrifice eucharistique et l'offre à Dieu au nom de tout le peuple; les fidèles, en vertu de leur sacerdoce royal, ont part à l'offrande eucharistique (3) et exercent leur sacerdoce par la réception des sacrements, la prière et l'action de grâces, par le témoignage d'une vie sainte, par l'abnégation et la charité active.

L'exercice du sacerdoce commun dans les sacrements
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11. Le pouvoir sacré et organiquement structuré de la communauté sacerdotale entre en activité par les sacrements et les vertus. Les fidèles, incorporés à l'Église par le baptême, sont rendus aptes, grâce à leur caractère, à célébrer le culte de la religion chrétienne. Et après avoir été régénérés pour devenir enfants de Dieu, ils sont tenus à professer publiquement la foi qu'ils ont reçue de Dieu par l'Église (4), à laquelle le sacrement de confirmation les unit plus étroitement grâce à l'Esprit-Saint qui les enrichit d'une force particulière. Ainsi se trouvent-ils plus strictement obligés de répandre la foi et de la défendre par la parole et les oeuvres, comme de véritables témoins du Christ (5). En participant au sacrifice eucharistique, source et sommet de toute la vie chrétienne, ils offrent à Dieu la divine Victime et eux-mêmes avec elle (6). " Ainsi tous, aussi bien par l'offrande que par la sainte communion, jouent dans l'action liturgique le rôle qui leur est propre, non pas indistinctement, mais chacun à sa manière. De plus, en se nourrissant du Corps du Christ dans la sainte communion, ils manifestent concrètement l'unité du Peuple de Dieu, qui, dans ce sublime sacrement, est convenablement signifiée et merveilleusement réalisée.

Ceux qui s'approchent du sacrement de pénitence reçoivent de la miséricorde de Dieu le pardon des offenses qu'ils lui ont faites; en même temps ils se réconcilient avec l'Église, que leur péché avait blessée et qui coopère à leur conversion par la charité, l'exemple et la prière. Par l'onction sacrée des malades et la prière des prêtres, toute l'Église recommande les malades au Seigneur souffrant et glorifié, afin qu'elle adoucisse leurs peines et les sauve (cf. Jac. 5, 14-16); et même elle les exhorte à s'unir spontanément à la passion et à la mort du Christ (cf. Rom. 8, 17; Col. 1, 24; II Tim. 2, 11-12; I Petr. 4, 13), pour contribuer ainsi au bien du Peuple de Dieu. En outre, les fidèles .revêtus d'un Ordre sacré sont établis au nom du Christ pour paître l'Église par la parole et la grâce de Dieu. Enfin les époux chrétiens, en vertu du sacrement de mariage par lequel ils expriment, en y participant, le mystère d'unité et d'amour fécond entre le Christ et l'Église (cf. Eph. 5, 32), s'aident réciproquement afin de parvenir à la sainteté dans la vie conjugale comme dans l'acceptation et l'éducation des enfants. Ils ont ainsi, dans leur état de vie et dans leur fonction, un don qui leur est propre au sein du Peuple de Dieu (7). De cette union, en effet, procède la famille, où naissent les nouveaux citoyens de la société humaine qui, par la grâce de l'Esprit-Saint, en vue de perpétuer le Peuple de Dieu à travers les siècles, deviennent par le baptême enfants de Dieu. Dans ce qu'on pourrait appeler l'Église domestique, les parents doivent par la parole et par l'exemple être les premiers à faire connaître la foi à leurs enfants et ils doivent cultiver la vocation de chacun d'entre eux, spécialement la sainte vocation.

Munis de tant de moyens de salut si admirables, les fidèles, quels que soient leur état et leur condition, sont appelés par le Seigneur, chacun en suivant sa voie personnelle, à la perfection de cette sainteté dont le Père jouit en plénitude.

Le sens de la foi et les charismes dans le peuple chrétien
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12. 
Le Peuple saint de Dieu a part également à la fonction prophétique du Christ, en rendant un vivant témoignage à son endroit, avant tout par une vie de foi et de charité et en offrant à Dieu un sacrifice de louange, c'est-à-dire le fruit de lèvres qui confessent son nom (cf. Hébr. 13, 15). L'ensemble des fidèles qui ont reçu l'onction du Saint (cf. I Jn 2, 20 et 27) ne peut pas errer dans la foi; et il manifeste cette prérogative au moyen du sens surnaturel de la foi commun à tout le peuple, lorsque "depuis les évêques jusqu'au dernier des fidèles laïcs" (8), il fait entendre son accord universel dans les domaines de la foi et de la morale. C'est, en effet, dans ce sens de la foi éveillé et nourri par l'Esprit de vérité que le Peuple de Dieu, fidèlement soumis à la conduite du magistère sacré, accueille vraiment non pas une parole humaine mais la parole de Dieu (cf. I Thess. 2, 13), qu'il adhère indéfectiblement "à la foi qui fut une fois pour toutes transmise aux saints" (Jude 3), qu'il approfondit correctement cette même foi et la met plus pleinement en oeuvre.

En outre, le même Esprit-Saint non seulement sanctifie le Peuple de Dieu, le conduit et l'orne de vertus au moyen des sacrements et des ministères mais, "en distribuant à chacun ses dons comme il lui plaît" (I Cor. 12, 11), il dispense également, parmi les fidèles de tout ordre, des grâces spéciales qui les habilitent à assumer des activités et des services divers, utiles au renouvellement et à l'expansion de l'Église, suivant ces paroles: "A chacun la manifestation de l'Esprit est donnée en vue du bien commun" (I Cor. 12, 7). Ces charismes, qu'ils soient extraordinaires ou plus simples et plus répandus, sont ordonnés et adaptés d'abord aux besoins de l'Église: ils doivent donc être accueillis avec gratitude et joie spirituelle. Cependant, il ne faut pas demander imprudemment les dons extraordinaires, pas plus qu'il ne faut en attendre présomptueusement les fruits des travaux apostoliques. C'est à l'autorité ecclésiastique qu'il appartient de juger de l'authenticité et de la mise en oeuvre de ces dons; et c'est aussi à elle qu'il appartient spécialement de ne pas éteindre l'Esprit, mais de tout examiner et de retenir ce qui est bon (cf. I Thess. 5, 12 et 19-21).

L'universalité ou "catholicité" de l'unique Peuple de Dieu
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13. Tous les hommes sont appelés à former le nouveau Peuple de Dieu. En conséquence, ce peuple doit, sans cesser d'être un et unique, s'étendre au monde entier et en tous les siècles afin que s'accomplisse le dessein de Dieu, qui au commencement créa la nature humaine une et voulut ensuite rassembler en un seul corps ses enfants dispersés (cf. Jn 11, 52). A cette fin, Dieu envoya son Fils, qu'il constitua héritier de toutes choses (cf. Hébr. 1, 2), pour être Maître, Roi et Prêtre de l'univers, Chef du peuple nouveau et universel des fils de Dieu. A cette fin aussi Dieu envoya l'Esprit de son Fils, Seigneur et Vivificateur, qui est, pour toute l'Église et pour chacun des croyants, principe de réunion et d'unité dus l'enseignement des Apôtres, dans la communion, dans la fraction du pain et les prières (of. Act. 2, 42 gr.).

En toutes les nations de la terre subsiste l'unique Peuple de Dieu, puisque c'est de toutes les nations qu'il tire ses membres, citoyens d'un Royaume dont le caractère n'est pas terrestre, mais bien céleste. Car tous les fidèles épars à travers le monde sont en communion les uns avec les autres dans l'Esprit-Saint, et ainsi "celui qui habite à Rome sait que les Indiens sont ses membres" (9). Mais comme le Royaume du Christ n'est pas de ce monde (cf. Jn 18, 36), l'Église, Peuple de Dieu, en introduisant ce Royaume, n'enlève rien au bien temporel des peuples, quels qu'ils soient; au contraire, elle favorise et assume, dans la mesure où ces choses sont bonnes, les talents, les richesses, les coutumes des peuples et, en les assumant, les purifie, les renforce et les élève. Elle sait, en effet, qu'il lui faut resserrer ses rangs autour de ce Rois, car c'est à lui que les nations ont été données en héritage (cf. Ps. 2, 8), vers son royaume qu'afflueront richesses et présents (cf. Ps. 71/72, 10; Is. 60, 4-7; Apoc. 21, 24). Ce caractère d'universalité qui distingue le Peuple de Dieu est un don du Seigneur lui-même qui porte l'Église catholique à s'employer efficacement et sans arrêt à rassembler toute l'humanité et la totalité de ses biens sous le Christ Chef, en l'unité de son Esprit (10).

Grâce à cette universalité, chaque élément apporte aux autres et à toute l'Église ses propres dons; en sorte que le tout, comme chaque partie, profite du fait que tous communiquent entre eux et travaillent dans l'unité et sans restriction à la perfection de l'ensemble. En conséquence, le Peuple de Dieu non seulement se rassemble à partir de divers peuples, mais il se compose en lui-même de catégories différentes. Il existe, en effet, entre ses membres une diversité, soit dans les charges (certains membres remplissant une fonction sacrée en vue du bien de leurs frères), soit encore dans l'état de vie et l'orientation, alors que plusieurs, vivant dans l'état religieux, tendent à la sainteté par une voie plus rigoureuse et stimulent leurs frères par leur exemple. De là vient aussi l'existence légitime, dans la communion ecclésiastique, des Églises particulières qui jouissent de traditions propres, sans préjudice du primat de la Chaire de Pierre qui préside à toute l'assemblée de la charité (11), qui protège les légitimes diversités et, en même temps, veille à ce que les différences ne nuisent point à l'unité, mais la servent. De là enfin découle l'existence, entre les éléments qui composent l'Église, des liens d'une union intime en ce qui concerne les biens spirituels, les ouvriers apostoliques et les ressources matérielles. Car les membres du Peuple de Dieu sont appelés à se donner les uns aux autres de leurs biens; et même il faut appliquer à chacune des Églises ces paroles de l'Apôtre: "Que chacun mette au service des autres les dons qu'il a reçus, comme de bons dispensateurs de la grâce divine qui est si variée" (I Petr. 4, 10).

Tous les hommes sont appelés à cette unité catholique du Peuple de Dieu, unité qui annonce et promeut la paix universelle; et c'est à cette même unité qu'ont rapport, c'est à elle que sont ordonnés -- et cela de façons diverses -- soit les fidèles catholiques, soit les autres qui ont foi dans le Christ, soit enfin l'universalité des hommes, appelés au salut par la grâce de Dieu.

Les fidèles catholiques
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14. Le saint Concile s'adresse donc avant tout aux fidèles catholiques. Il enseigne, pourtant, en s'appuyant sur la Sainte Ecriture et la Tradition, que cette Église voyageuse est nécessaire au salut. Seul, en effet, le Christ est Médiateur et voie du salut, lui qui se rend présent pour nous dans son Corps, qui est l'Église. Enseignant expressément la nécessité de la foi et du baptême (cf. Me 16, 16; Jn 3, 5) le Christ lui-même a du même coup affirmé la nécessité de l'Église, dans laquelle on est introduit par le baptême comme par une porte. Aussi ne pourraient-ils pas être sauvés, ceux qui, sans ignorer que Dieu, par Jésus-Christ, a établi l'Église catholique comme nécessaire, refuseraient cependant d'y entrer ou de demeurer en elle.

Sont pleinement incorporés à la communauté ecclésiale ceux qui, possédant l'Esprit du Christ, acceptent toute son économie et tous les moyens de salut établis en elle et sont, par les liens de la profession de foi, des sacrements, de la direction et de la communion ecclésiastiques, unis dans ce même ensemble visible de l'Église, avec le Christ qui la régit par le souverain Pontife et les évêques. D'autre part, n'est pas sauvé, même s'il est incorporé à l'Église, celui qui, faute de persévérer dans la charité, demeure dans le sein de l'Église "de corps ". mais non pas " de coeur" (12). Au surplus, tous les fils de l'Église se rappelleront qu'ils ne doivent pas attribuer leur condition privilégiée à leurs propres mérites, mais à une grâce spéciale du Christ; et que, s'ils n'y correspondent pas dans leurs pensées, leurs paroles et leurs actes, bien loin d'être sauvés, ils seront jugés plus sévèrement (13).

Les catéchumènes qui, sous la motion de Esprit-Saint, veulent expressément être incorporés à l'Église, lui sont unis par ce désir même, et la Mère Église les entoure déjà de son amour et de ses soins.

Les liens de l'Église avec les chrétiens non catholiques
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15. Avec ceux qui, baptisés, s'honorent du nom de chrétiens, mais ne professent pas intégralement la foi ou ne conservent pas l'unité de la communion avec le successeur de Pierre, l'Église se sait unie par de multiples rapports (14). Beaucoup, en effet, vénèrent la sainte Ecriture comme norme de foi et de vie; ils manifestent aussi un authentique zèle religieux, croient avec amour en Dieu le Père tout-puissant et dans le Christ, Fils de Dieu Sauveur (15), sont marqués par le baptême, qui les unit au Christ et, en outre, reconnaissent et acceptent d'autres sacrements dans leurs propres Églises ou communautés. Plusieurs parmi eux ont aussi l'épiscopat, célèbrent la sainte Eucharistie et cultivent la dévotion envers la Vierge Mère de Dieu (16). A cela s'ajoute la communion par la prière et d'autres bienfaits spirituels; et même une union réelle dans l'Esprit-Saint, car l'Esprit agit également en eux par ses dons et ses grâces, avec sa puissance sanctificatrice; et il a donné à certains d'entre eux une vertu qui les a fortifiés jusqu'à l'effusion de leur sang. Ainsi l'Esprit éveille-t-il en tous les disciples du Christ le désir et oriente-t-il leur activité afin que tous s'unissent pacifiquement, de la manière que le Christ a fixée, en un seul troupeau et sous un seul Pasteur (17). Et pour obtenir cette unité la Mère Église ne cesse de prier, d'espérer et d'agir. Elle exhorte ses fils à se purifier et à se renouveler, afin que l'image du Christ resplendisse, plus nette, sur le visage de l'Église.

Les non-chrétiens
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16. Enfin, ceux qui n'ont pas encore reçu l'Évangile sont ordonnés de façons diverses au Peuple de Dieu (18). Et d'abord, le peuple qui reçut les alliances et les promesses et dont le Christ est né selon la chair (cf. Rom. 9, 4-5); peuple élu de Dieu et qui lui est très cher en raison de ses ancêtres, car les dons et la vocation de Dieu sont sans repentance (Rom. 11, 28-29). Mais le dessein de salut englobe aussi ceux qui reconnaissent le Créateur, et parmi eux, d'abord, les Musulmans qui, en déclarant qu'ils gardent la foi d'Abraham, adorent avec nous le Dieu unique, miséricordieux, qui jugera les hommes au dernier jour. Quant à ceux qui cherchent le Dieu inconnu sous les ombres et les figures, Dieu lui-même n'est pas loin d'eux non plus, puisqu'il donne à tous la vie, le souffle et toutes choses (cf. Act. 17, 25-28), et que le Sauveur veut le salut de tous les hommes (cf. I Tim. 2, 4). En effet ceux qui, sans faute de leur part, ignorent l'Évangile du Christ et son Église et cependant cherchent Dieu d'un coeur sincère et qui, sous l'influence de la grâce, s'efforcent d'accomplir dans leurs actes sa volonté qu'ils connaissent par les injonctions de leur conscience, ceux-là aussi peuvent obtenir le salut éternel (19). Et la divine Providence ne refuse pas les secours nécessaires au salut à ceux qui ne sont pas encore parvenus, sans qu'il y ait de leur faute, à la connaissance claire de Dieu et s'efforcent, avec l'aide de la grâce divine, de mener une vie droite. En effet, tout ce que l'on trouve chez eux de bon et de vrai, l'Église le considère comme un terrain propice à l'Évangile (20) et un don de Celui qui éclaire tout homme, pour qu'il obtienne finalement la vie. Mais bien souvent les hommes, trompés par le Malin, se sont abandonnés à la vanité de leurs pensées et ont échangé la vérité divine pour le mensonge, en servant la créature à la place du Créateur (cf. Rom. 1, 21 et 25). Ou encore, en vivant et mourant sans Dieu en ce monde, ils s'exposent au plus grand désespoir. Aussi, en vue de promouvoir la gloire de Dieu et le salut de tous ces hommes, l'Église, se souvenant du commandement du Seigneur qui dit: "Prêchez l'Évangile à toute créature" (Mc 16, 15), s'emploie-t-elle avec sollicitude à développer les missions.

Le caractère missionnaire de l'Église
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17. En effet, le Fils, comme il a été envoyé par le Père, a lui-même envoyé les Apôtres (cf. Jn 20, 21) en disant: "Allez donc, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, leur apprenant à garder tout ce que je vous ai commandé. Et voici que je suis avec vous tous les jours, jusqu'à ta fin du monde" (Mt. 28, 19-20). Et ce mandat solennel d'annoncer la vérité qui sauve, l'Église l'a reçu des Apôtres pour qu'elle l'accomplisse jusqu'aux extrémités de la terre (cf. Act. 1, 8). Dès lors, elle fait siennes les paroles de l'Apôtre: "Malheur....à moi, si je n'évangélise pas" (I Cor. 9, 16) et elle continue sans répit à envoyer des missionnaires jusqu'à ce que les nouvelles Églises soient pleinement établies et qu'elles poursuivent à leur tour l'œuvre de l'évangélisation. En effet l'Esprit-Saint la pousse à travailler à la pleine réalisation du dessein de Dieu, qui a établi le Christ comme principe de salut pour le monde entier. En prêchant l'Évangile, l'Église attire à la foi ceux qui l'écoutent, elle les incite à professer cette foi, elle les dispose au baptême, les arrache à l'esclavage de l'erreur et les incorpore au Christ, afin que par la charité ils croissent en lui jusqu'à la plénitude. Par son activité, elle fait en sorte que toute trace de bien, quelle qu'elle soit, présente dans le cœur et la pensée des hommes, dans leurs rites et leurs cultures, non seulement ne périsse pas, mais soit, au contraire, purifiée, élevée et portée à la perfection pour la gloire de Dieu, la confusion du démon et le bonheur .de l'homme. A chacun des disciples du Christ incombe, pour sa part, la charge de jeter la semence de la foi (21). Mais si tout croyant peut baptiser, il appartient cependant au prêtre de parfaire l'édification du Corps par le sacrifice eucharistique, accomplissant ainsi ce que Dieu a dit par le prophète: "Du levant au couchant mon nom est grand parmi .les Nations et en tout lieu un sacrifice et une offrande pure sont offerts à mon nom" (22) (Mal. 1, 11).

C'est ainsi que l'Église prie et travaille tout ensemble, afin que le monde tout entier devienne le Peuple de Dieu, le Corps du Seigneur et le Temple de l'Esprit-Saint; et que dans le Christ, Chef de tous les êtres, tout honneur et toute gloire soient rendus au Créateur et Père de toutes choses.


CHAPITRE II

(1) Cf. S. Cyprianus, Epist. 69, 6: PL 3, 1142 B; Hartel 3 B, p. 754: " inseparabile unitatis sacramentum ".

(2) Cf. Pius XII, Alloc. Magnificate Dominum, 2 nov. 1954: AAS 46 (1954) p. 669. Litt. Encycl. Mediator Dei. 20 nov. 1947: AAS 39 (1947) p. 555. 

(3) Cf. Pius XI, Litt. Encycl. Miserentissimus Redemptor, 8 mai 1928: AAS 20 (1928) p. 171 s. Pius XII, Alloc. Vous nous avez, 22 septembre 1956: AAS 48 (1956) p. 714. 

(4) Cf. S. Thomas. Summa Theol. III, q. 63, a. 2. 

(5) Cf. S. Cyrillus Hieros., Catech. 17. de Spiritu Sancto. II. 35-37: PG 33, 1009-1012. Nic. Cabasilas, De vita in Christo. lib. III, de utilitate chrismatis: PG 150, 569-580. S. Thomas, Summa Theol. III, q. 65, a. 3 et q. 72, a. I et 5.. 

(6) Cf. Pius XII, Litt. Encycl. Mediator Dei, 20 nov. 1947: AAS 39 (1947), spécialement p. 552s. 

(7) I Cor. 7, 7: " Unusquisque proprium donum (idion charisma) habet ex Deo: alius quidem sic, alius vero sic ". Cf. S. Augustinus, De Dono Persev. 14, 37: PL 45, 1015 s.: " Non tantum continentia Dei donum est, sed coniugatorum etiam castitas ". 

(8) Cf. s. Augustinus, De Praed. Sanct. 14. 27: PL 44. 980. 

(9) Cf. S. Io. Chrysostomus. In Io. Hom. 65, I: PG 59, 361. 

(10) Cf. S. Irenaeus, Adv. Haer. III, 16, 6; III, 22, 1-3: PG 7, 925C-926A et 955C-958A; Harvey 2, 87 s. et 120-123; Sagnard, Ed. Sources Chrét.. pp. 290-292 et 372 ss. 

(11) Cf. s. Ignatius M., Ad Rom., Praef.: Ed. Funk, I. p. 252. 

(12) Cf. S. Augustinus, Bapt. c. Donat. V, 28, 39: PL 43, 197: " Certe manifestum est, id quod dicitur, in Ecclesia intus et foris, in corde, non in corpore cogitandum ". Cf. ib., III, 19, 26: col. 152; V, 18, 24: col. 189; In Io. Tr. 61, 2: PL 35, 1800, et souvent ailleurs. 

(13) Cf. Lc 12, 48: " Omni autem, cul multum datum est, multum quaeretur ab eo ". Cf. aussi Mt. 5, 19-20; 7, 21-22; 25, 41-46; Iac. 2, 14. 

(14) Cf. Leo XIII, Epist. Apost. Praeclara gratulationis, 20 juin 1894; .ASS 26 (1893-94) p. 707. 

(15) Cf. Leo XIII, Epist. Encycl. Satis cognitum, 29 juin 1896; ASS 28 (1895-96) p. 738. Epist. Encycl. Caritatis studium, 25 juillet 1898: ASS 31 (1898-99) p. 11. Pius XII, Radiomessage Nell'Alba, 24 décembre 1941: ASS 34 (1942) p. 21. 

(16) Cf. Pius XI, Litt. Encycl. Rerum Orientalium, 8 sept. 1928: AAS 20 (1928) p. 287. Pius XII, Litt. Encycl. Orientalis Ecclesiae, 9 avr. 1944: AAS 36 (1944) p. 137. 

(17) Cf. lnstr. S.S.C.S. Officii, 20 déc. 1949: AAS 42 (1950) p. 142. 

(18) Cf. S. Thomas, Summa Theol. III, q. 8, a. 3, ad 1. 

(19) Cf. Epist. S.S.C.S. Officii ad Archiep. Boston.: Denz. 3869-72. 

(20) Cf. Eusebius Caes., Praeparatio Evangelica, 1, I: PG 21, 28 AB. 

(21) Cf. Benedictus XV, Epist. Apost. Maximum illud: AAS 11 (1919) p. 440, spécialement p. 451 ss. Pius XI, Litt. Encycl. Rerum Ecclesiae: AAS 18 (1926) p. 68-69. Plus XII, Litt. Encycl. Fidei Donum, 21 avr. 1957: AAS 49 (1957) pp. 236-237. 

(22) Cf. Didachè, 14: ed. Funk, I, p. 32. S. Iustinus, Dial. 41: PG 6, 564. S. Irenaeus, Adv. Haer. IV, 17, 5; PG 7, 1023; Harvey, 2, p. 199 s. Cone. Trial. Sess.22. cap. 1: Denz. 939 (1742). 

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