"L'Évangile tel qu'il m'a été révélé"
de Maria Valtorta

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CHAPITRE V 
LA VOCATION UNIVERSELLE À LA SAINTETÉ DANS L'ÉGLISE 

Introduction

39. Cette Église, dont le saint Concile expose le mystère, la foi lui reconnaît une sainteté sans défaillance. En effet, le Christ, Fils de Dieu, qui avec le Père et le Saint-Esprit est proclamé "le seul Saint" (1), a aimé l'Église comme son épouse et s'est donné pour elle afin de la sanctifier (cf. Eph. 5, 25-26). Il l'a unie à lui comme son corps et l'a comblée du don de l'Esprit-Saint, pour la gloire de Dieu. Voilà pourquoi tous les membres de l'Église, tant ceux qui appartiennent à la hiérarchie que ceux qui sont dirigés par elle, sont appelés à la sainteté, selon l'expression de l'Apôtre: "La volonté de Dieu c'est votre sanctification" (I Thess. 4, 3; Eph. 1, 4). Cette sainteté de l'Église se manifeste constamment et doit se manifester par les richesses de la grâce que l'Esprit-Saint produit chez les fidèles; elle s'exprime différemment en chacun de ceux qui, dans la conduite de leur vie, parviennent, en édifiant le prochain, à la perfection de la charité; elle apparaît en quelque sorte proprement dans la pratique des conseils qu'on appelle d'ordinaire "évangéliques". Cette pratique des conseils, embrassée par beaucoup de chrétiens sous l'impulsion du Saint-Esprit, soit privément, soit dans une condition ou un état reconnus dans l'Église, porte et doit porter dans le monde un témoignage remarquable et un éclatant exemple de cette sainteté.

L'appel universel à la sainteté

40. Le Seigneur Jésus, Maître et Modèle divin de toute perfection, a prêché cette sainteté de la vie, dont lui-même est l'auteur et qu'il conduit à son achèvement, à tous et à chacun de ses disciples, quelle que soit sa condition: "Soyez donc parfaits comme votre Père céleste est parfait"(2) (Mt. 5, 48). En effet, il envoya à tous le Saint-Esprit qui les incite intérieurement à aimer Dieu de tout leur coeur, de toute leur âme, de tout leur esprit et de toutes leurs forces (cf. Mc 12, 30), et à s'aimer les uns les autres comme le Christ les a aimés (cf. Jn 13, 34; 15, 12). Les adeptes du Christ, appelés par Dieu et justifiés en Jésus-Christ non à cause de leurs oeuvres, mais selon le dessein et la grâce de Dieu, sont vraiment devenus, dans le baptême de la foi, fils de Dieu et participants de la nature divine et ont été, par conséquent, réellement sanctifiés. Ils doivent donc, avec l'aide de Dieu, maintenir et perfectionner dans leur vie cette sainteté qu'ils ont reçue. L'Apôtre les exhorte à vivre "comme il convient à des saints" (Eph. 5, 3), à se revêtir, "comme il convient à des élus de Dieu, saints et agréables, de sentiments de miséricorde, de bonté, d'humilité, de mansuétude et de patience" (Col. 3, 12), et à recueillir les fruits de l'Esprit en vue de leur sanctification (cf. Gal. 5, 22; Rom. 6, 22). Et puisque tous nous commettons bien des fautes (cf. Jac. 3, 2), nous avons continuellement besoin de la miséricorde de Dieu et devons demander chaque jour: "Remets-nous nos dettes" (3) (Mt. 6, 12). 

Il est donc clair pour tous que chacun des fidèles, peu importe son état ou son rang, est appelé à la plénitude de la vie chrétienne et à la perfection de la charité (4). Au reste, par une telle sainteté il contribue à rendre plus humaine la manière de vivre dans la société terrestre elle-même. A l'acquisition de cette perfection les fidèles emploieront leurs forces, salon la mesure du don du Christ; si bien que, suivant ses traces, devenus conformes à son image et soumis en tout à la volonté du Père, ils se consacreront de tout coeur à la gloire de Dieu et au service du prochain. Ainsi la sainteté du Peuple de Dieu donnera des fruits abondants, comme la vie de tant de saints le manifeste excellemment dans l'histoire de l'Église. 

La pratique multiforme de l'unique sainteté

41. En divers genres de vie et parmi des occupations différentes, c'est une unique sainteté que cultivent ceux qui sont mus par l'Esprit de Dieu; obéissant à la voix du Père et adorant le Père en esprit et en vérité, ils suivent le Christ pauvre, humble et chargé de la croix, pour mériter de participer à sa gloire. Chacun doit, selon ses capacités et sans aucune hésitation, s'engager dans la voie de la foi vive qui éveille l'espérance et opère par la charité. 

A l'image du Grand-Prêtre éternel, pasteur et évêque de nos âmes, les pasteurs du troupeau du Christ doivent, avant toutes choses, accomplir leur ministère dans la sainteté, avec élan, humilité et courage. Un tel ministère ainsi rempli sera pour eux un moyen idéal de sanctification. Élus à la plénitude du sacerdoce, ils reçoivent une grâce sacramentelle qui leur permet d'exercer parfaitement le devoir de la charité pastorale par la prière, l'offrande du saint sacrifice et la prédication, par tout ce qui sollicite l'attention et requiert l'activité d'un évêque (5). Qu'ils ne craignent pas de donner leur propre vie pour les brebis et, se faisant les modèles de leur troupeau (cf. I Petr. 5, 3), qu'ils suscitent également par leur exemple, au sein de leur Église, une sainteté sans cesse grandissante. 

A l'instar des évêques, dont ils forment la couronne spirituelle (6), et ayant part grâce au Christ, éternel et unique Médiateur, à la grâce que comporte la charge d'évêque, les prêtres doivent, par l'accomplissement quotidien de leur devoir, grandir dans l'amour de Dieu et du prochain, conserver intact le lien de la communion sacerdotale, abonder en toutes sortes de biens spirituels et donner à tous le vivant témoignage de Dieu (7); tels ces prêtres qui, au cours des siècles, dans un ministère souvent humble et obscur, ont laissé un magnifique exemple de sainteté, et dont l'Église de Dieu fait la louange. En s'acquittant du devoir de la prière et du saint sacrifice en faveur de leurs ouailles et pour toue le peuple de Dieu, en ayant conscience de ce qu'ils font et en imitant ce qu'ils touchent (8), loin d'être arrêtés par les soucis, les périls et les fatigues de l'apostolat, ils parviendront, au contraire, par ces moyens, à une haute sainteté, s'ils ont soin de nourrir et d'alimenter leur action aux sources inépuisables de la contemplation pour la joie de l'Église de Dieu tout entière. Tous les prêtres, et principalement ceux qui, d'après le titre spécial de leur ordination, sont appelés prêtres diocésains, se rappelleront combien la fidélité à leur évêque, leur généreuse coopération avec lui contribuent grandement à leur sanctification. 

Cette mission et cette grâce du sacerdoce suprême, les ministres d'ordre inférieur et, en premier lieu, les diacres y participent également de façon particulière. Officiant aux mystères du Christ et de l'Église (9), ceux-ci doivent se maintenir purs de tout vice, plaire à Dieu et s'employer à toutes sortes de bonnes oeuvres devant les hommes (cf. I Tim. 3, 8-10 et 12-13). Les clercs, appelés par le Seigneur, mis à part pour son service et qui se préparent sous la vigilance des pasteurs, à la charge de ministres sacrés, doivent conformer leurs esprits et leurs coeurs à une élection aussi sublime. Adonnés à l'oraison, fervents dans la charité, qu'ils soient attentifs à tout ce qui est vrai, juste et de bonne renommée, agissant uniquement pour la gloire et l'honneur de Dieu. A ces clercs il faut joindre les laïcs choisis par Dieu et que l'évêque invite à s'adonner plus complètement aux oeuvres apostoliques et à travailler fructueusement dans la vigne du Seigneur (10). 

Les époux et les parents chrétiens, engagés dans la voie qui leur est propre et fidèles à leur amour, doivent s'aider mutuellement dans la grâce durant toute leur vie. Les enfants, qu'ils ont généreusement acceptés de la main de Dieu, ils les élèveront dans la doctrine chrétienne et leur inculqueront le sens des vertus évangéliques. Ils offriront ainsi à tous l'exemple d'un amour inlassable et généreux, ils édifieront la communauté fraternelle de la charité et deviendront témoins et coopérateurs de la fécondité de la Mère Église, en signe et en participation de l'amour dont le Christ a aimé son Epouse, avec lequel il s'est livré pour elle (11). Un exemple analogue nous est encore proposé par les personnes veuves et les gens non mariés qui peuvent, eux aussi, contribuer notablement à la sainteté et à l'activité de l'Église. Quant à ceux qui se livrent à des travaux souvent pénibles, ils doivent par ces réalisations humaines se perfectionner, aider leurs concitoyens, améliorer les conditions sociales et celles de la création tout entière; et mieux encore, par une charité active, une joyeuse espérance, par le support mutuel des épreuves, imiter le Christ, lui dont les mains s'exercèrent aux travaux manuels et qui travaille continuellement avec le Père au salut de tous les hommes. Enfin, par leur travail de chaque jour, ils doivent s'élever à une plus haute sainteté qui fera d'eux aussi des apôtres. 

Quant à ceux qui sont accablés par la pauvreté, la faiblesse, la maladie et l'adversité, ou qui souffrent persécution pour la justice, qu'ils se sachant unis de façon particulière au Christ souffrant pour le salut du monde. Le Seigneur dans son Évangile les a proclamés bienheureux et "le Dieu... de toute grâce, qui nous a appelés à sa gloire éternelle dans le Christ, après ces quelques souffrances, achèvera son oeuvre, vous affermira, vous fortifiera, vous rendra inébranlables" (I Petr. 5, 10). 

Tous les fidèles donc se sanctifieront davantage chaque jour dans leur condition, dans les devoirs de leur état ou les circonstances de leur vie et par tout ce dont nous venons de parler, à condition de tout accueillir avec foi de la main du Père céleste et de coopérer avec la volonté divine en manifestant à tous, dans l'accomplissement de leur tâche temporelle, la charité dont Dieu a aimé le monde. 

Voie et moyens de la sainteté

42. "Dieu est amour; et celui qui demeure dans l'amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui" (I Jn 4, 16). Or Dieu a répandu son amour dans nos coeurs par l'Esprit-Saint qui nous a été donné (cf. Rom. 5, 5); voilà pourquoi le don primordial et souverainement nécessaire est la charité, par laquelle nous aimons Dieu par-dessus toute chose et le prochain par amour pour lui. Mais pour que la charité, comme le bon grain, croisse et produise des fruits, chacun des fidèles doit s'ouvrir à la parole de Dieu et, avec l'aide de la grâce, accomplir effectivement la volonté divine, recevoir fréquemment les sacrements, surtout l'Eucharistie, et participer souvent aux célébrations liturgiques. Ils s'appliqueront constamment à la prière, à l'abnégation d'eux-mêmes, à servir assidûment leurs frères et à la pratique de toutes les vertus. La charité, en effet, en tant que lien de la perfection et accomplissement de la loi (cf. Col. 3. 14; Rom. 13, 10), règle, informe et conduit à leur fin tous les moyens de sanctification (12). Ainsi la charité envers Dieu et envers le prochain est-elle la marque distinctive qui caractérise le vrai disciple du Christ. 

Jésus, le Fils de Dieu, a manifesté sa charité en offrant sa vie pour nous: nul donc n'a un plus grand amour que celui qui donne sa vie pour lui et pour ses frères (cf. I Jn 3, 16; Jn 15, 13). Dès l'origine, des chrétiens ont été appelés - et toujours certains le seront, - à rendre à la face de tous, et surtout des persécuteurs, ce suprême témoignage de l'amour. Aussi le martyre, où le disciple devient semblable au Maître, en acceptant volontiers la mort pour le salut du monde, où il lui devient conforme par l'effusion du sang, est-il estimé par l'Église comme une faveur du plus haut prix et la marque de la suprême charité. Et si ce privilège échoit au petit nombre, tous doivent cependant être prêts à confesser le Christ devant les hommes et à le suivre sur le chemin de la croix, dans les persécutions qui ne manquent jamais à l'Église. 

Pareillement la sainteté de l'Église affectionne particulièrement les multiples conseils dont le Seigneur dans l'Évangile propose l'observance à ses disciples (13). En tête de ces conseils il faut placer le don précieux de la grâce, que le Père accorde à quelques-uns (cf. Mt. 19, 11; I Cor. 7, 7), de se consacrer à Dieu seul (14) par la virginité ou le célibat, avec un coeur plus facilement intègre (cf. I Cor. 7, 32-34). Cette parfaite continence en vue du Royaume des cieux, l'Église, qui en a toujours eu une très haute idée, la considère comme un signe et un stimulant de la charité et comme une source peu commune de fécondité spirituelle dans le monde. 

L'Église se souvient aussi de l'avertissement de l'Apôtre invitant les fidèles à la charité, les exhortant à avoir en eux les mêmes sentiments qui furent en Jésus-Christ, lequel "s'est anéanti lui-même en prenant la nature d'esclave... en se faisant obéissant jusqu'à la mort (Phil. 2, 7-8), et pour nous "de riche qu'il était se fit pauvre" (II Cor. 8, 9). Cette charité et cette humilité du Christ ne peuvent en aucun moment se passer de l'imitation ou du témoignage qu'en donnent ses disciples. Notre Mère l'Église se réjouit donc de constater qu'en son sein beaucoup d'hommes et de femmes suivent de plus près cet anéantissement du Sauveur et le manifestent de façon plus éclatante en embrassant la pauvreté dans la liberté des fils de Dieu et en renonçant à leur propre volonté; en d'autres termes, que des chrétiens se soumettent à un homme pour l'amour de Dieu, en ce qui regarde la perfection, au-delà de l'étroite mesure du précepte, afin de se conformer davantage au Christ obéissant (15). 

Tous les fidèles donc sont invités - et même tenus - à rechercher la sainteté et la perfection de leur état. A cette fin, qu'ils s'efforcent d'orienter leurs tendances dans la voie droite, de peur que l'usage des choses de ce monde et un attachement aux richesses contraire à l'esprit de la pauvreté évangélique n'entravent chez eux la poursuite de la charité parfaite. C'est ainsi en effet que l'Apôtre nous met en garde: Ceux qui usent de ce monde ne doivent pas s'y arrêter; car elle passe, la figure de ce monde (16) (Cf. I Cor. 7, 31 gr.). 


CHAPITRE V

(1) Missel Romain, Gloria in excelsis. Cf. Lc 1, 35; Mc 1, 24; Lc 4, 34; 1o. 6, 69 (ho hagios tou Theou); Act. 3, 14; 4, 27 et 30; Hebr. 7, 26; I Io. 2, 20; Apoc. 3, 7. 

(2) Cf. Origenes, Comm. Rem. 7, 7: PG 14, 1122 B. Ps.-Macarius, De Oratione, 11: PG 34, 861 AB. S. Thomas, Summa Theol. lI-II, q. 184, a 3, 

(3) Cf. S. Augustinus, Retract. II, 18: PL 32, 637 s. - Pius XII, Litt. Encycl. Mystici Corporis, 29 juin 1943: AAS 35 (1943) p. 225. 

(4) Cf. Pius XI, Litt. Encycl. Rerum omnium, 26 janv. 1923: AAS 15 (1923) p. 50 et pp. 59-60. Litt. Encycl. Casti Connubii, 31 déc. 1930: AAS 22 (1930) p. 548. Pius XII, Const. Apost. Provida Mater, 2 févr. 1947: AAS 39 (1947) p. 117. Alloc. Annus sacer, 8 déc. 1950: AAS 43 (1951) pp. 27-28. Alloc. Nel darvi. 1 iuillet 1956: AAS 48 (1956) p. 574 s. 

(5) Cf. s. Thomas, Summa Theol. II-II, q. 184, a. 5 et 6. De perf. vitae spir., c. 18. Origenes, In Is. Hom. 6, 1: PG 13, 239. 

(6) Cf. S. lgnatius M., Magn. 13, 1: ed. Funk, I, p. 241. 

(7) Cf. S. Pius X, Exhort. Haerent animo, 4 août 1908: AAS 41 (1908) p. 560 s. Cod. Iur. Can., can. 124. Plus XI, Litt. Encycl. Ad catholici sacerdotii, 20 déc. 1935: AAS 28 (1936) p. 22 s.

(8) Ordo consecrationis sacerdotalis, exhortation initiale. 

(9) Cf. S. lgnatius M., Trall. 2, 3: ed. Funk, 1, p. 244. 

(10) Cf. Pius XII, Alloc. Sous la maternelle protection. 9 déc. 1957: AAS 50 (1958) p. 36. 

(11) Pius XI, Litt. Encycl. Casti Connubii, 31 déc. 1930: AAS 22 (1930) p. 548 s. Cf. S. Io. Chrysostomus. In Ephes. Hom. 20, 2: PG 62, 136 ss. 

(12) Cf. S. Augustinus, Enchir. 121, 3~ PL 40, 288. S. Thomas, Summa Theol. II-II, q. 184, a. 1. Plus XII, Exhort. Apost. Menti nostrae, 23 sept. 1950: AAS 42 (1950) p. 660. 

(13) Sur les conseils en général, cf. Origenes, Comm. Rem. X, 14: PG 14, 1275 B. S. Augustinus. De S. Virginitate, 15, 15: PL 40, 403. S. Thomas Summa Theol. I-II, q. 100, a. 2 C (in fine); II-II, q. 44, a. 4, ad 3. 

(14) Sur l'excellence de la sainte virginité, cf. Tertullianus, Exhort. Cast. 10: PL 2, 925 C. S. Cyprianus, Hab. Virg. 3 et 22: PL 4, 443 B et 461 A s, S. Athanasius (7) De l/irg.: PG 28, 252 ss. S. Io. Chrysostomus, De Virg.: PG 48, 533 ss. 

(15) Sur la pauvreté en esprit, cf. Mt. 5, 3 et 19, 21; Mc 10, 21; Lc 18, 22; sur l'obéissance est rappelé l'exemple du Christ in Io. 4, 34 et 6, 38; Phil. 2, 8-10; Hébr. 10, 5-7. Les Pères et les fondateurs d'Ordres en parlent continuellement. 

(16) Sur la pratique effective des conseils évangéliques qui n'est pas imposée à tous, cf. S. Io. Chrysostomus, In Matth. Hem. 7, 7: PG 57, 81 s. S, Ambrosius, De Viduis, 4, 23: PL 16, 241 s. 


CHAPITRE VI 
LES RELIGIEUX
 

La profession des conseils évangéliques dans l'Église

43. Les conseils évangéliques de la chasteté consacrée à Dieu, de la pauvreté et de l'obéissance, fondés sur les paroles et les exemples du Seigneur et recommandés par les Apôtres, les Pères, les docteurs et les pasteurs de l'Église, sont un don divin que l'Église a reçu de son Seigneur et qu'elle conserve toujours avec sa grâce. Guidée par l'Esprit-Saint, l'autorité de l'Église s'est, pour sa part, employée à les interpréter, à en régler la pratique et, en s'inspirant d'eux, à constituer même des états de vie stables. Tel un arbre dont la semence divine éclate, dans le champ du Seigneur, en ramifications aussi diverses qu'admirables, il en est résulté une efflorescence de genres de vie - vie solitaire ou vie commune - et de familles de toute espèce, qui développent leurs ressources tant pour le bien de leurs membres que pour celui de tout le Corps du Christ (1). En effet, ces familles procurent à leurs membres le soutien d'une plus grande stabilité dans la manière de vivre, d'une doctrine éprouvée capable de conduire à la perfection, d'une communion fraternelle dans la milice du Christ et d'une liberté fortifiée par l'obéissance. Ceux-ci pourront alors remplir en sécurité et garder avec fidélité l'engagement de leur profession, et marcher joyeusement dans la voie de la charité (2). 

Si l'on considère la constitution divine et hiérarchique de l'Église, un tel état n'est pas intermédiaire entre la condition cléricale et la condition laïque; mais, à partir de ces deux conditions, quelques fidèles sont appelés par Dieu à jouir d'un don spécial dans la vie de l'Église et, chacun à sa manière, à aider celle-ci dans sa mission salvatrice (3). 

Nature et importance de l'état religieux dans l'Église

44. Par les voeux ou d'autres liens sacrés qui, de soi, s'en rapprochent et par lesquels il s'obligent à observer les trois conseils évangéliques déjà mentionnés, le fidèle se donne totalement à Dieu dans un suprême acte d'amour; si bien que c'est à un titre nouveau et tout à fait particulier qu'il s'attache au service de Dieu et à son honneur. Sans doute par le baptême il est mort au péché et consacré à Dieu; cependant il cherche à recueillir des fruits plus abondants de la grâce baptismale et, par la profession des conseils évangéliques dans l'Église, il entend se libérer des entraves qui pourraient diminuer chez lui la ferveur de la charité autant que la perfection du culte divin, et il se consacre plus intimement au service de Dieu (4). Au reste, la consécration sera d'autant plus parfaite que des liens plus solides et plus stables signifieront davantage l'union indissoluble du Christ avec l'Église, son Epouse. 

Par la charité à laquelle ils conduisent (5), les conseils évangéliques unissent d'une manière spéciale leurs adeptes à l'Église et à son mystère; aussi convient-il que la vie spirituelle de ces derniers soit consacrée au bien de toute l'Église. De là vient pour eux le devoir de travailler, dans la mesure de leurs forces et selon la vocation qui est la leur, soit par la prière, soit par d'autres activités, à enraciner et à consolider dans les âmes le Règne du Christ et à l'étendre à toutes les parties du monde. Pour ce motif l'Église protège et soutient, elle aussi, le caractère particulier des divers Instituts religieux. 

Ainsi, la profession des conseils évangéliques apparaît-elle comme un signe qui peut et doit inciter efficacement tous les membres de l'Église à l'accomplissement joyeux des devoirs inhérents à leur vocation chrétienne. En effet, le Peuple de Dieu ne possède pas ici de cité permanente, mais chemine, en quête de ta cité future; l'état religieux, qui rend ses adeptes plus libres à l'égard des soucis terrestres, manifeste donc davantage à tous les croyants les biens célestes déjà présents en ce monde, témoigne plus éloquemment de la vie nouvelle et éternelle acquise par la Rédemption du Christ et annonce avec plus de force la future résurrection et la gloire du Royaume céleste. De même l'état religieux imite plus fidèlement et sans cesse représente dans l'Église le genre de vie que le Fils de Dieu a embrassé, quand il est venu dans le monde pour faire la volonté du Père, et qu'il a lui-même proposé aux disciples qui l'accompagnaient. Enfin, cet état manifeste d'une manière spéciale que le Royaume de Dieu l'emporte sur toutes les choses terrestres et en découvre les exigences suprêmes; il fait éclater aux yeux de tous les hommes la grandeur incomparable de la puissance du Christ-Roi et la richesse infinie de l'Esprit-Saint qui opère admirablement dans l'Église. 

Aussi un tel état, qui est constitué par la profession des conseils évangéliques, s'il n'appartient pas à la structure hiérarchique de l'Église, est cependant lié de près à sa vie et à sa sainteté. 

L'autorité de l'Église à l'égard des religieux

45. La hiérarchie ecclésiastique a pour mission de paître le Peuple de Dieu et de le conduire vers des pâturages fertiles (cf. Ezéch. 34, 14). Il lui appartient donc de régler avec sagesse par ses lois la pratique des conseils évangé1iques, source abondante de charité envers Dieu et envers le prochain (6). En outre c'est elle qui, docile aux impulsions de l'Esprit-Saint, accueille les règles proposées par des hommes et des femmes éminents et, une fois terminée la révision de ces règles, les approuve authentiquement. Avec son autorité vigilante, elle accorde sa protection et son assistance aux instituts érigés en tous lieux pour l'édification du Corps du Christ, afin qu'ils croissent, se développent et fleurissent selon l'esprit des fondateurs. 

Afin de pourvoir le mieux possible aux besoins de tout le troupeau du Seigneur, chaque institut de perfection et chacun de ses membres peuvent être soustraits par le souverain Pontife, en raison de sa primauté sur l'Église universelle et en considération du bien général, à la juridiction de l'Ordinaire du lieu et n'être soumis qu'à lui seul (7). De même ceux-ci peuvent-ils être laissés ou confiés à leur propre autorité patriarcale. Tout en servant l'Église selon le genre de vie qui leur est particulier. les religieux doivent aux évêques, conformément aux lois canoniques, respect et obéissance en raison de l'autorité pastorale qui appartient aux évêques dans les églises particulières et en vue de l'unité et de la concorde nécessaires dans le travail apostolique (8). 

L'Église, par la sanction de sa loi, ne se contente pas d'élever la profession religieuse à la dignité d'un état canonique; par son action liturgique, elle la présente comme un état consacré à Dieu. L'Église elle-même, en effet, de par l'autorité que Dieu lui a confiée, reçoit les voeux de ceux qui font la profession, elle supplie Dieu, par sa prière publique, de les aider et de leur accorder ses grâces, elle les recommande à Dieu et leur impartit la bénédiction spirituelle, en associant leur offrande au sacrifice eucharistique. 

Grandeur de la consécration religieuse

46. Avec une grande sollicitude, les religieux mettront l'Église à même de manifester chaque jour davantage, grâce à eux et en toute vérité, aux infidèles comme aux fidèles, le Christ en contemplation sur la montagne, le Christ annonçant le royaume de Dieu aux foules, le Christ guérissant les malades et les blessés, convertissant les pécheurs à une meilleure vie, bénissant les enfants, faisant du bien à tous, et obéissant toujours à la volonté du Père qui l'a envoyé (9). 

Enfin tous auront égard au fait que la profession des conseils évangéliques, qui comporte le renoncement à des biens sans doute très estimables, loin de s'opposer au progrès véritable de la personne humaine, cherche plutôt, par sa nature même, à le promouvoir au plus haut point. Les conseils volontairement embrassés selon la vocation propre à chacun aident considérablement, en effet, à la purification du coeur et à la liberté spirituelle. Ils tiennent continuellement en éveil la ferveur de la charité et, ainsi qu'il est prouvé par l'exemple de tant de saints fondateurs, ils sont davantage capables de conformer le chrétien à cette vie de virginité et de pauvreté que le Christ Notre-Seigneur a choisie pour lui et que la Vierge, sa Mère, embrassa. Il ne faut pas penser que les religieux, du fait de leur consécration, deviennent étrangers aux hommes et inutiles dans la cité terrestre. Même si parfois ils n'apportent pas une aide directe à leurs contemporains, ils leur sont cependant présents d'une manière plus profonde dans la tendresse du Christ, et ils collaborent spirituellement avec eux, afin que l'édification de la cité terrestre soit toujours fondée dans le Seigneur et dirigée vers lui, et que ceux qui l'édifient ne travaillent pas en vain (10). 

En conséquence, le saint Concile encourage et loue les hommes et les femmes, Frères et Soeurs qui, dans les monastères, les écoles les hôpitaux ou les missions, embellissent l'Epouse du Christ par leur persévérante et humble fidélité à la consécration dont on vient de parler, et qui rendent généreusement à tous les hommes les services les plus divers. 

Conclusion

47. Chacun de ceux qui sont appelés à la profession des conseils s'emploiera avec le plus grand soin à persévérer et à exceller davantage dans la vocation à laquelle Dieu l'a appelé. Il en résultera pour l'Église une plus abondante sainteté et pour l'unique et indivisible Trinité, qui est dans le Christ et par lui la source de toute sainteté, une gloire toujours plus grande. 


CHAPITRE VI

(1) Cf. Rosweydus, Vitae Patrum, Antwerpiae. 1628. Apophtegmata Patrum: PG 65. Palladius, Historia Lausiaca: PG 34, 995 ss.; ed. C. Butlet, Cambridge 1898 (1904). Pius XI, Const. Apost. Umbratilem, 8 juillet 1924; AAS 16 (1924) pp. 386-387. Pius XII, Alloc. Nous sommes heureux, 11 avr. 1958: AAS 50 (1958) p. 283. 

(2) Paulus VI. Alloc. Magno gaudio, 23 mai 1964: AAS 56 (1964) p. 566. 

(3) Cf. Cod. Iur. Can., c. 487 et 488, 4°. Pius XII, Alloc. Annus sacer, 8 déc. 1950: AAS 43 (1951) p. 27 s. Pius XII, Const. Apost. Provida Mater, 2 févr. 1947: AAS 39 (1947.} p. 120 ss. 

(4) Paulus VI, 1. c., p. 567. 

(5) Cf. S. Thomas, Summa Theol. II-ll, q. 184, a. 3 et q. 188, a. 2. S. Bonaventura, Opusc. XI, Apologia Pauperum, c. 3, 3: ed. Opera, Quaracchi, t. 8, 1898, p. 245 a. 

(6) Cf. Conc. Vat. I, Schema De Ecclesia Christi, cap. XV, et Adnot. 48: Mansi 51, 549 s. et 619 s. -- Leo XIII, Epist. Au milieu des consolations, 23 déc. 1900: ASS 33 (1900-01) p. 361. Pius XII, Const. Apost. Provida Mater, 1. c., p. 114 s.

(7) Cf. Leo XIII, Const. Romanos Pontifices, 8 mai 1881: ASS 13 (1880-81) p. 483. Pius XII. Alloc. Annus sacer, 8 déc. 1950: AAS 43 (1951) p. 28 s. 

(8) Cf. Plus XII, Alloc. Annus sacer. 1. c., p. 28. Pius XII, Const. Apost. Sedes Sapientiae, 31 mai 1956: AAS 48 (1956) p. 355. Paulus VI, 1. c. pp. 570-571. 

(9) Cf. Pius XII, Litt. Encycl. Mystici Corporis, 29 juin 1943: AAS 35 (1943) p. 214 s. 

(10) Cf. Pius XII. Alloc. Annus sacer, 1. c., p. 30. Alloc. Sous la maternelle protection, 9 déc. 1957: AAS 50 (1958) p. 39 s. 

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