Contexte et circonstances de
l’intervention.
Invité par
la Fondation de Viareggio, Mgr Paolo Giuletti,
archevêque de Lucques (le diocèse de Maria Valtorta) a célébré la messe du
soixantième anniversaire de sa mort, le 12 octobre 2021 en l’église
paroissiale Sant’Andrea de Viareggio.
L’archevêque de Lucques est l’autorité ecclésiastique référente pour la cause
de la mystique. C’est lui qui est habilité à autoriser ou non l’introduction
de la cause de Maria Valtorta.
En 2001 Mgr Bruno Tommasi, archevêque de
Lucques (1991-2005), avait accueilli favorablement la demande d’ouverture de
sa cause en béatification que présentaient unanimement les 9 Servites de
Marie de Florence où reposent ses restes. Cette demande avait été transférée
à la conférence des évêques de Toscane qui n’avait pas donné suite, « du
moins pour le moment » à cette demande. La demande était axée sur la
reconnaissance de l’Œuvre de Maria Valtorta, or on ne béatifie pas une œuvre.
En 2011, la commémoration du 50éme anniversaire de la mort de Maria
Valtorta avait été célébrée à Florence par Mgr Pier Giacomo De Nicolò, ancien Nonce apostolique et archevêque de Martana (Ombrie), mais il n’avait pas caractérisé l’œuvre
de Maria Valtorta. Les interventions des Servites s’étaient centrées sur les « vertus
héroïques » de Maria Valtorta.
En 2019, Mgr Benvenuto Italo Castellani, nouvel archevêque de Lucques
(2005-2019), avait autorisé, sur requête de la Fondation Héritière,
l’ouverture de l’enquête sur les mérites de Maria Valtorta et avait accepté
de la confier au Vicariat de Rome, le diocèse même du Pape.
L’intervention de Mgr Giulietti était donc
particulièrement attendue, d’autant qu’il a été le premier à caractériser
officiellement ses visions.
Comme on le lira, l’archevêque ne se prononce pas sur l’origine
« extraordinaire ou non » de l’Œuvre. Il se calque ainsi sur la
position de Pie XII qui en avait fait de même tout en encourageant sa
publication.
Mgr Giulietti se conforme aussi à l’avis de la
Conférence des évêques d’Italie qui avait jugé que l’Œuvre « devait être
considérée comme » une œuvre
de Maria Valtorta ce qui correspond à l’avis porté sur les révélations
privées qui, même reconnues, ne doivent être crues que de foi humaine et dont
l’authenticité ne peut être cautionnée par l’Église.
Cependant, comme on pourra le constater, Mgr Giulietti
reconnaît très clairement l’action de l’Esprit-Saint dans le récit de Maria
Valtorta. Il déclare donc officiellement qu’il est parfaitement licite et
profitable de lire « cet enrichissement ».
La mystique […] a maintes
fois offert des enrichissements. Ce sont les révélations privées. Vous savez
qu'elles ne lient pas la foi, mais elles peuvent faire le bien, elles ont
fait le bien. Au cours de l'histoire, nous avons eu plusieurs de ces œuvres
qui ont en quelque sorte représenté le visage du Seigneur Jésus, sa parole
dont les hommes ont besoin de se sentir proches, avec une vivacité en accord
avec l'époque.
Alors il faut être reconnaissant de cette vitalité, oui, il faut être
reconnaissant de cette vitalité. C'est l'action de l'Esprit qui parle et agit
dans le peuple de Dieu pour une compréhension toujours plus grande du mystère
révélé, ainsi que pour une capacité toujours nouvelle de l'incarner dans la
vie, de le vivre dans la charité comme nous l'avons entendu dans l’Évangile.
Il rejoint
ainsi l’avis de Mgr George Hamilton Pearce, archevêque métropolitain émérite
des Fidji qui écrivait en 1986 :
Je trouve (l’œuvre)
remarquablement inspirante. Il m’est impossible d’imaginer que quelqu’un
puisse lire cette œuvre monumentale, avec un esprit ouvert, et ne pas en être
convaincu que l’auteur ne peut être autre que l’Esprit Saint de Dieu.
Une œuvre
qui ramène à la figure du Christ possède, selon le cardinal Ratzinger, le
critère de vérité et de valeur d’une révélation privée
Ce point est important à considérer dans cette homélie qui intervient au
moment où, en France, certains ont voulu déclarer illicite la lecture de
Maria Valtorta en promulguant un « bref avertissement » entièrement
à charge et non-documenté au-delà de l’admissible.
Texte de l’homélie de Mgr Giulietti.
Haut
de page.
Nous avons
écouté les paroles de Paul qui dit : « Je n'ai pas honte de l'Évangile » (Rm 1,16). Il sait que l'annonce de l'Évangile, de la
grâce de Dieu manifestée dans le Seigneur Jésus, de sa vie terrestre, est ce
qui compte le plus dans le ministère apostolique et dans la vie chrétienne ;
la connaissance de Jésus, l'accueil de sa personne, la vie avec lui et pour
lui.
C'est pourquoi Paul n'a pas honte de l'Évangile.
Mais ensuite, dans le reste du passage de la Lettre aux Romains, il parle
aussi d'une autre possibilité de connaissance de Dieu offerte à tous les
peuples, c'est-à-dire la possibilité d'appréhender quelque chose de Dieu à
travers la création (Rm 1, 20), celle dont le
Psaume que nous avons proclamé parle aussi (Ps 18A (19). Ce n'est pas un
message dont les paroles sont entendues, mais il atteint tout le monde. La
création qui témoigne de la grandeur, de la beauté et de la sagesse du
Créateur ne se répand pas avec des mots, ce n'est pas une annonce faite de
mots, mais elle atteint tout le monde comme le soleil, comme quelque chose à
laquelle on ne peut échapper.
Il me semble alors que ces deux réflexions, ces deux dimensions de la
connaissance de Dieu, - l'annonce de l'Évangile en la personne du Seigneur
Jésus, mais aussi les possibilités que le Seigneur offre à tous les hommes de
le connaître -, nous amènent à réfléchir précisément sur la circonstance qui
nous rassemble ce soir, c'est-à-dire sur la personne de Maria Valtorta pour
laquelle nous prions dans les 60 ans de sa mort.
Dans ses visions elle déclare combler les lacunes de l'Évangile, car
l'Évangile, car les évangiles, le récit du Seigneur fait par les Apôtres et
consigné par les premières communautés chrétiennes, ne nous dit
incontestablement pas tout.
Jean dit que tout n'a pas été écrit. Il a été écrit ce qu'il faut pour que
vous croyiez (Jn 21,30-31), puis il ajoute : si
tout ce que Jésus a fait avait été écrit, tous les livres du monde n'auraient
pas suffi à contenir ses actions (Jn 22,25).
Et depuis la piété chrétienne, au fil du temps, sous de nombreuses formes
différentes, a intégré à la logique de l'amour, à la logique du besoin qu’a
l'amour d'avoir des images, des récits, quelque chose qui peut faire rendre
proche de ce qui est annoncé, a intégré les paroles de l'Evangile.
Elles sont le langage de la Mystique, mais aussi le langage de l'art, le
langage de la musique et le langage de la littérature, toutes les expressions
dans lesquelles on reconnaît encore une inspiration de Dieu. Combien de fois
entend-t-on dire que ce peintre est inspiré - car véritablement ces
expressions qui naissent de l'action de l'esprit humain, conduisent à une
lecture qui offre des moyens pour entrer plus profondément dans les
Évangiles, pour les sentir plus proches, plus appropriés, plus conformes,
peut-être à la sensibilité de cette époque car alors ces expressions
connaissent des formulations différentes aussi selon l'esprit du temps.
Combien d'expressions, la mystique chrétienne - peinture, art, musique -
a-t-elle inventée, donnée, acceptée au cours des siècles par l'action
vraiment efficace de l'Esprit, pour que l'Évangile puisse toucher le cœur
encore plus que ne peut le faire la parole inspirée pour répondre à un besoin
qui est un besoin humain, c'est un besoin de notre nature, celui de donner
une figure, de donner un visage à celui que l'Evangile ne nous représente
évidemment pas, mais combien de visages du Seigneur Jésus avons-nous vus
représentés par les plus grands artistes, tous aussi très différents les uns
des autres.
Pourtant ces visages nous ont rapprochés de l'Évangile, ces représentations
qui ne sont pas évangéliques, mais naissent parfois d'une profonde
inspiration intérieure, nous ont rapprochés de l'Évangile, les intégrant sans
doute car l'Évangile nous dit peu sur le visage de Jésus, sur ses yeux, sur
la façon dont il portait ses cheveux, sa taille. Mais nous avons besoin, nous
les hommes avons besoin, quand nous parlons d'un être cher, de l'imaginer. Et
ici l'art entre en jeu, mais aussi ses mots, le ton de sa voix, les
représentations sacrées, mais aussi l'environnement dans lequel il a vécu.
Quand les peintres devaient représenter le Seigneur, ils imaginaient des
choses que l'Évangile ne dit pas, car ils avaient besoin de donner un cadre à
la parole de l'Évangile qui aiderait les hommes de leur temps à ressentir
cette présence plus proche, plus actuelle, plus stimulante, car il est revêtu
de cette humanité dont nous avons besoin et que le Seigneur lui-même a voulue
pour lui. Nous dépeignons Jésus parce que Jésus est Dieu qui est apparu dans
la chair, manifesté dans la chair, c'est-à-dire dans l'histoire, dans la culture,
dans la langue, mais aussi dans le visage, dans le trait, dans la parole qui
nous échappe mais que quelqu'un a vu. Jean dit ce que nos yeux ont vu, ce que
nos mains ont touché, ce que nos oreilles ont entendu, nous vous l'annonçons
(1 Jn 1,1).
Et cela continue d'être un besoin. Certes, la piété chrétienne, le chemin de
foi du chrétien se nourrit de la parole de l'Évangile, de la vie de salut des
sacrements, mais il se nourrit aussi de culture, il se nourrit aussi de ce
que l'esprit de la vitalité du peuple de Dieu donne à différentes personnes
d'enrichir, d'enrichir cette réalité fondamentale de la vie chrétienne.
Et la mystique, de ce point de vue, a maintes fois offert des
enrichissements. Ce sont les révélations privées. Vous savez qu'elles ne
lient pas la foi, mais elles peuvent faire le bien, elles ont fait le bien.
Au cours de l'histoire, nous avons eu plusieurs de ces œuvres qui ont en
quelque sorte représenté le visage du Seigneur Jésus, sa parole dont les
hommes ont besoin de se sentir proches, avec une vivacité en accord avec
l'époque.
Alors il faut être reconnaissant de cette vitalité, oui, il faut être
reconnaissant de cette vitalité. C'est l'action de l'Esprit qui parle et agit
dans le peuple de Dieu pour une compréhension toujours plus grande du mystère
révélé, ainsi que pour une capacité toujours nouvelle de l'incarner dans la
vie, de le vivre dans la charité comme nous l'avons entendu dans l’Évangile (Lc 11, 37-41). Les générations chrétiennes réécrivent
l'Évangile à chaque fois. Il y a ce beau roman de Mario Pomilio,
Le Cinquième
Évangile (Il quinto evangelio). La recherche de ce livre
imaginaire amène finalement à prendre conscience que chaque génération
chrétienne réécrit l'Évangile. Non pas parce qu'il change les quatre
évangiles, mais parce qu'en quelque sorte elle les repense, les actualise,
les réexprime dans sa culture. Et ce n'est pas seulement l'action de l'homme,
mais c'est l'action de l'Esprit car c'est l'Esprit qui nous guide vers une
compréhension toujours plus profonde et actuelle de cet Évangile dont Paul n'a
pas honte et dont nous n'avons pas honte non plus. Nous n'avons aucunement
honte de toutes les manifestations de l'Esprit qui conduisent en quelque
sorte à une compréhension toujours plus profonde et toujours plus actuelle du
mystère du Christ.
Bien sûr, chaque génération a sa manière d'entrer
dans ce mystère, oui, chaque génération chrétienne - pour la sensibilité du
temps où elle vit, pour les besoins spirituels qu'elle a, pour les défis
auxquels elle doit faire face - a besoin de l'Esprit pour la guider,
comprendre originellement le mystère du Christ qui est le même hier,
aujourd'hui et éternellement.
Chers frères et sœurs, en cette célébration eucharistique, dans laquelle nous
nous souvenons de Maria Valtorta, nous exprimons notre gratitude pour cela et
pour d'autres signes et manifestations que l'Esprit Saint a donnés à certains
enfants de l'Église qui nous ont conduit, comme cela s'est souvent produit, à
comprendre plus profondément et à aimer plus intensément l'unique Seigneur
qui a parlé de l'unique Évangile dont aucun de nous ne devrait jamais avoir
honte.
(Traduction
maria-valtorta.org, 24/10/2021)
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