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   Le jeudi 7 mars 1946. 
  
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    398.1 – Et voici Hébron au milieu de
  ses bois et de ses prés. L'entrée de Jésus est saluée par des cris d'hosannas
  par les premiers qui le voient et qui en partie vont l'annoncer dans tout le
  village.          
   
  Le chef de la synagogue accourt, accourent les miraculés de l'année précédente et puis les notables. Chacun veut avoir
  le Seigneur comme hôte. Mais Jésus dit, en remerciant tout le monde :           
   
  "Non, je ne reste que le temps de vous parler... Allons donc à la
  pauvre, à la sainte maison du Baptiste. Que je la salue elle aussi... C'est
  une terre de miracle. Vous ne le savez pas."  
   
  "Oh! nous le savons, Maître. Ceux qui ont été guéris là sont parmi
  nous!..." disent plusieurs.   
   
    "Bien avant l'an dernier elle a été une
  terre de miracle. Elle l'a été il y a trente-trois ans pour la première fois,
  quand la grâce du Seigneur reverdit les entrailles desséchées afin d'en faire
  un arbre pour la douce pomme de mon Précurseur. Elle le fut il y a
  trente-deux ans quand par une opération mystérieuse, je l'ai présanctifié
  alors que nous étions, lui et Moi, deux fruits qui mûrissaient dans
  un sein profond. Et puis quand j'ai rendu au
  père de Jean l'usage de la parole. Mais, aux secrètes opérations de l'Incarné
  pas encore né, se rattache depuis deux ans un grand miracle que vous tous
  ignorez. Vous rappelez-vous la femme qui habitait à l'intérieur de cette
  maison ?..."            
   
  "Qui, Aglaé ?"
  demandent plusieurs.   
   
  "Elle. Je lui ai rendu la vie, non pas dans ses entrailles mais dans son
  âme desséchée par le paganisme et par le péché, et je l'ai rendue féconde en
  justice, en la délivrant de ce qui la retenait, aidé par sa bonne volonté. Et
  je vous la donne en modèle. Ne vous scandalisez pas. En vérité je vous dis
  qu'elle mérite d'être citée en exemple et imitée, car il y en a peu en Israël
  qui ont fait autant de chemin que cette païenne pécheresse pour rejoindre les
  sources de Dieu."       
   
  "Nous la croyions enfuie avec d'autres amants... Certains disaient
  qu'elle était changée, qu'elle était bonne... Mais nous disions :
  "C'est un caprice !" Et il y en avait même qui disaient
  qu'elle était venue à Toi pour... pécher..." explique le chef de la
  synagogue.          
   
  "Elle est venue en fait me trouver, mais pour être rachetée."       
   
  "Nous avons fait un péché de jugement..."     
   
  "Pour cela je vous dis: "Ne jugez pas".            
   
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  280> "Et où est-elle
  maintenant ?"     
   
  "Dieu seul le sait. Dans une dure pénitence, certainement. Priez pour la
  soutenir... Je te salue, ô maison sainte de mon Parent et Précurseur !
  Paix à toi ! Bien que maintenant tu sois vide et désolée, toujours paix
  à toi, ô sainte demeure de paix et de foi !"       
   
  Jésus entre, en bénissant, dans le jardin devenu inculte et avance au milieu
  des herbes envahissantes. Il côtoie ce qui autrefois était une tonnelle ou
  des espaliers bien rangés de lauriers et de buis, et qui maintenant sont un
  fouillis ébouriffé de lierres, de clématites, de liserons qui les étouffent.
  Il va au fond, vers les restes de ce qui était le tombeau, et il reste là.    
   
    398.2 – Les gens forment un cercle
  silencieux autour de Lui.      
   
  "Fils de Dieu, peuple d'Hébron, écoute !         
   
  Pour que vous ne soyez pas troublés et induits en erreur de jugement sur
  votre Sauveur comme vous l'avez été pour la pécheresse, je viens vous confirmer et vous fortifier dans la foi.
  Je viens vous donner le viatique de ma parole pour qu'elle reste lumineuse en
  vous à l'heure des ténèbres et pour que Satan ne vous fasse pas perdre le
  chemin du Ciel.          
   
  Il viendra bientôt des heures où vos cœurs diront en
  gémissant les
  paroles du psaume d'Asaph, chantre prophétique, et vous direz :
  "Pourquoi, ô Dieu, nous as-tu rejetés pour toujours ? Pourquoi ta
  fureur s'enflamme-t-elle contre les petites brebis que Tu fais paître  ?" et vous pourrez vraiment alors élever comme
  un droit de protection la Rédemption désormais accomplie, et crier :
  "Ce peuple est le tien et Tu l'as racheté !" pour invoquer la
  protection contre les ennemis qui auront fait tout le mal possible dans le
  Sanctuaire véritable où Dieu réside comme au Ciel, dans le Christ du
  Seigneur, et qui, après avoir, pour commencer, abattu le Saint, chercheront
  ensuite à abattre ses murs : ses fidèles. Vrais profanateurs et
  persécuteurs de Dieu, plus que Nabuchodonosor  et qu'Antiochos , plus que ceux qui viendront après, ils lèvent déjà les
  mains pour m'abattre dans leur orgueil sans limites qui ne veut pas de
  conversion, qui ne veut pas de foi, de charité, de justice et qui, comme le
  levain dans une masse de pâte, gonfle et déborde du Sanctuaire, devenu la citadelle
  des ennemis de Dieu.          
   
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  281> Fils, écoutez ! Quand vous serez persécutés pour
  m'avoir aimé, fortifiez votre cœur en pensant qu'avant vous j'ai été le Persécuté.
  Souvenez-vous qu'ils ont déjà dans la gorge le hurlement de leur cri de
  triomphe et qu'ils préparent les bannières pour qu'elles flottent au vent
  dans une heure de victoire, et que sur chaque bannière il y aura un mensonge
  contre Moi qui semblerai être le Vaincu, le Malfaiteur, le Maudit.       
   
    398.3 – Vous secouez la tête ?
  Vous ne croyez pas ? Votre amour vous empêche de croire... C'est une
  grande chose que l'amour ! Une grande force... et un grand danger !
  Oui, un danger.  Le
  choc de la réalité à l'heure des ténèbres sera d'une violence surhumaine dans
  les cœurs que l'amour, pas encore parfaitement réglé, rend aveugles.
  Vous ne pouvez pas croire que Moi, le Roi, le Puissant, je puisse être à la
  merci de gens de rien. Vous ne pourrez le croire alors surtout, et un doute
  naîtra : "Etait-ce vraiment Lui ? Et s'il l'était, comment
  a-t-il pu être vaincu ?"           
   
  Rendez vos cœurs plus forts pour cette heure-là ! Sachez-le :
  "en un instant" les ennemis du Saint
  auront brisé les portes, jetant tout par terre, et allumé un feu de haine
  pour le Saint de Dieu; ils auront abattu et jeté par terre le Tabernacle du
  Nom très Saint, en disant dans leurs cœurs : "Faisons cesser sur la
  Terre toutes les fêtes de Dieu" car c'est une fête d'avoir Dieu parmi
  vous, en disant : "Que ne se voient plus ses enseignes, qu'il n'y
  ait plus aucun prophète qui nous connaisse pour ce que nous sommes". Mais rapidement,
  plus rapidement encore, Celui qui a donné ses
  limites à la mer et qui a écrasé dans les
  eaux les têtes immondes des crocodiles sacrés et de leurs adorateurs, Celui
  qui a fait jaillir les sources et couler les torrents et desséché des fleuves
  pérennes, Celui qui a fait le jour et la nuit, l'été et le printemps, la vie
  et la mort, Celui qui a tout fait, fera ressusciter, comme il est dit, son
  Christ, et Il sera Roi. Roi pour l'éternité. Et ceux qui seront restés fermes
  dans la foi régneront avec Lui au Ciel.          
   
  Rappelez-vous cela. Et quand vous me verrez élevé et méprisé, ne chancelez pas. Et quand vous serez élevés et
  méprisés, ne chancelez pas.     
   
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  282>   398.4 – Oh ! Père ! mon
  Père ! Moi, je te prie, au nom de ceux-ci qui te sont chers et qui me sont chers. Exauce ton Verbe, écoute le
  Propitiateur ! N'abandonne pas aux animaux les âmes de ceux qui te
  louent en m'aimant, n'oublie pas pour toujours les âmes de tes petits. Prends
  soin, ô Dieu bon, de tes promesses parce que les lieux ténébreux de la Terre
  sont des repaires d'iniquité d'où sort la terreur pour effrayer tes petits.
  Père ! Oh ! mon Père ! Que l'humble qui espère en Toi ne
  reparte pas confondu ! Que le pauvre et le besogneux louent ton Nom pour
  l'aide que Tu leur donneras !  
   
  Lève-toi, ô Dieu ! Je t'en prie pour cette heure, pour ces heures !
  Lève-toi, ô Dieu ! À cause du sacrifice de
  Jean et de la sainteté de tes patriarches et de tes prophètes ! À cause
  de mon sacrifice, mon Père, défends ce troupeau qui est le tien et le
  mien ! Donne-lui la lumière dans les ténèbres, la foi et la force contre
  les séducteurs ! Donne-toi, ô Père ! Donne-nous, maintenant, demain
  et toujours jusqu'à l'entrée dans ton Royaume ! Nous, dans leurs cœurs
  jusqu'au moment où eux soient là où Nous sommes dans les siècles des siècles.
  Et qu'il en soit ainsi."  
   
  Comme il n'y a pas de miracles à accomplir, Jésus passe dans les rangs de la foule extasiée et il bénit, un par un, ses
  auditeurs. Il reprend sa marche sous le soleil déjà haut que rendent
  supportable les frondaisons des arbres et l'air de la montagne.   
   
    398.5 – Par derrière, en groupes, les
  apôtres parlent entre eux. Ils parlent sans arrêt.  
   
  "Quels discours ! Ils font frémir !" dit Barthélemy.             
   
  "Mais comme ils sont tristes ! Ils font pleurer !"
  soupire André.             
   
  "Hé ! c'est son adieu. J'ai raison, moi. Il va vraiment vers le
  trône" s'exclame Judas Iscariote.          
   
  "Le trône ? Hum ! Il me semble qu'il parle de persécutions
  plutôt que d'honneurs !" observe Pierre.    
   
  "Mais non ! Le temps des persécutions est fini ! Ah !
  moi, je suis heureux !" crie l'Iscariote.       
   
  "Tant mieux pour toi ! Moi je voudrais être encore
  aux jours où nous étions inconnus, il y a deux ans... ou à "La Belle
  Eau"... J'ai peur des jours à venir..." dit Jean.  
   
    "Parce que tu as un cœur de faon...
  Mais moi ! Je vois déjà l'avenir... Des cortèges !... Des
  chanteurs !... Un peuple prosterné !... Les honneurs des autres
  nations !... Oh ! c'est l'heure ! Les chameaux de Madian 
  et les foules de partout viendront... et ce ne seront pas les trois pauvres
  Mages... mais une multitude...      
   
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  283> Israël grand comme Rome. Plus que
  Rome... Dépassées les gloires des Macchabées, celles de Salomon... toutes les
  gloires... Lui, le Roi des rois... et nous ses amis... Oh ! Dieu
  Très-Haut ! Qui me donnera la force pour cette heure ?... Si mon
  père vivait encore !..."  
   
  Judas est exalté. Son visage resplendit quand il évoque l'avenir qu'il rêve
  de vivre...         
   
    398.6 – Jésus est très en avant. Mais
  il s'arrête, le futur roi selon Judas, et assoiffé, il joint ses mains pour
  prendre de l'eau dans un ruisselet et boire... comme l'oiseau du bois ou
  l'agneau en train de paître. Puis il se retourne et dit :          
   
  "Ici il y a des fruits sauvages. Cueillons-en pour apaiser notre
  faim..."   
   
  "Tu as faim, Maître ?" demande le Zélote.     
   
  "Oui" avoue humblement Jésus.         
   
  "Bien sûr ! Hier soir tu as tout donné à ce malheureux !"
  s'exclame Pierre.          
   
  "Mais pourquoi n'as-tu pas voulu t'arrêter à Hébron ?" demande
  Philippe.          
   
  "Parce que Dieu m'appelle ailleurs. Vous, vous ne savez pas."      
   
  Les apôtres haussent les épaules et se mettent à cueillir les petits fruits
  encore verts des arbres sauvages épars sur les pentes des montagnes. Il
  semble que ce sont des petites pommes sauvages. Et le Roi des rois s'en
  nourrit en même temps que ses compagnons qui font des grimaces à cause de
  l'âpreté du fruit sauvage et vert. Jésus, absorbé, mange et sourit.      
   
  "Tu me fais presque enrager !" s'exclame Pierre.     
   
  "Pourquoi ?"         
   
  "Parce que tu pouvais être bien et faire plaisir à ceux d'Hébron et, au
  contraire, tu te fais mal au ventre et tu t'agaces les dents sur ce poison
  amer et plus acide que de l'herbe au vitriol !"           
   
  "Oh ! J'ai vous qui m'aimez ! Quand je serai élevé et que
  j'aurai soif et faim, je penserai avec regret à cette heure, à cette
  nourriture, à vous qui maintenant êtes avec Moi, et qui alors..."      
   
  "Mais alors tu n'auras ni soif ni faim ! Un roi a de tout ! Et
  nous te serons encore plus proches !" s'exclame l'Iscariote. 
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