Vision du mercredi 10 avril 1946
166> 1Jésus entre dans la maison de son
hôte, peu éloignée du Temple mais dans la direction du
quartier qui est aux pieds de Tophet.
167> C'est une maison pleine
de dignité, un peu austère, de strict pratiquant, et même de pratiquant
exagéré. Je crois que les clous eux-mêmes sont placés
pour leur nombre et leur position comme le prescrit quelques-uns des six cent
treize préceptes. Pas un dessin dans les étoffes, pas un ornement sur les
murs, pas un bibelot... rien de ces petites choses qui, même dans les maisons
de Joseph
et de Nicodème et des
pharisiens de Capharnaüm eux-mêmes, sont là pour embellir la maison. Cette
maison transpire de toutes parts l'esprit de son propre maître. Glaciale,
tellement elle est dépouillée de tout ornement. Austère dans les meubles
sombres et lourds, équarris comme autant de sarcophages. Repoussante. Une
maison qui n'accueille pas mais enserre hostilement celui qui y pénètre.
Et Elchias le fait
remarquer et s'en vante. "Tu vois, ô Maître, comme je suis respectueux?
Tout le dit. Regarde: des rideaux sans dessins, des meubles sans ornements,
rien comme vases sculptés ou comme lampadaires qui imitent les fleurs. Il y a
tout, mais tout est réglé suivant le précepte: "Tu ne te feras pas de
sculptures, ni de représentations de ce qui est là-haut au ciel, ni en bas
sur la terre, ou dans les eaux au-dessous de la terre". Ainsi en est-il dans ma maison comme dans mes
vêtements et ceux de ma maison. Moi, par exemple, je n'approuve pas en ton
disciple (l'Iscariote) ces
travaux sur le vêtement ou sur le manteau. Tu me diras: "Il y en a
beaucoup qui en portent". Tu diras: "Ce n'est qu'une grecque" . Bon ! Mais avec ces angles, avec ces formes, cela
rappelle trop les signes de l'Égypte. Horreur ! Chiffres
démoniaques ! Signes de nécromancie ! Sigles de Belzébuth !
Cela ne te fait pas honneur, ô Judas de Simon, de les porter, ni à Toi, Maître, de le lui permettre."
Judas répond par un petit rire sarcastique. Jésus répond humblement :
"Plus que les signes des vêtements, je veille à ce qu'il n'y ait pas de
signes d'horreur dans les cœurs. Mais je vais prier et même je prie dès
maintenant mon disciple de porter des habits moins ornés pour ne scandaliser
personne."
Judas a un bon mouvement : "Vraiment mon Maître m'a dit plusieurs
fois qu'il aurait préféré plus de simplicité dans mes vêtements. Mais moi...
j'ai fait ce que je voulais parce qu'il me plaît d'être habillé ainsi."
"C'est mal, très mal. Qu'un galiléen fasse la leçon à un juif c'est très
mal pour toi qui étais du Temple... oh !" Elchias se montre tout à
fait scandalisé et ses amis font chorus.
Haut de page
168> Judas est déjà las
d'être bon. Et il réplique: "Oh ! alors il y aurait tant de choses
pompeuses à enlever même pour vous du Sanhédrin ! S'il vous fallait enlever tous les dessins mis pour couvrir la
physionomie de vos âmes, vous feriez bien triste figure."
"Comment parles-tu ?"
"Comme quelqu'un qui vous connaît."
"Maître ! Mais tu l'entends ?"
"J'entends et je dis qu'il faut de l'humilité de part et d'autre, et
dans les deux la vérité, et une compassion réciproque. Dieu seul est
parfait."
"Bien dit, ô Rabbi !" dit l'un des amis... Une voix timide,
solitaire, dans le groupe pharisaïque et doctoral.
"Mal dit, au contraire, réplique Elchias. Le Deutéronome est clair dans
ses malédictions. Il dit : "Maudit celui qui fait des images
sculptées ou fondues, choses abominables, œuvres de mains d'artisans et...
"
"Mais ce sont des vêtements, ce ne sont pas des sculptures" répond
Judas.
"Fais silence, toi. Ton Maître parle. Elchias, sois juste et fait la
distinction. Maudit celui qui fait des idoles, mais pas celui qui fait des
dessins en copiant ce que le Créateur a mis de beau dans la création. Nous
cueillons aussi des fleurs pour orner..."
"Moi, je n'en cueille pas et je ne veux pas en voir ornées les pièces.
Malheur aux femmes de ma maison si elles font ce péché même dans leurs
pièces. Il n'y a que Dieu qu'il faut admirer."
"Juste pensée. Dieu seul. Mais on peut admirer Dieu même dans une fleur,
en reconnaissant que c'est Lui l'Artisan de la fleur."
"Non ! non ! Paganisme ! Paganisme !"
"Judith s'est parée et aussi Esther dans un but qui était saint..."
"Des femmes ! Et la femme est toujours un être
méprisable.
2Mais je te prie, Maître, d'entrer dans la salle du banquet
pendant que je me retire un moment car je dois parler avec mes amis."
Jésus accepte sans discuter.
"Maître... je respire mal !..." s'exclame Pierre.
"Pourquoi ? Tu te sens mal ?" demandent certains.
"Non. Mais mal à l'aise... comme quelqu'un qui est tombé dans un piège."
"Ne t'agite pas et soyez tous très prudents" conseille Jésus.
Ils restent en groupe et debout jusqu'à ce que rentrent les pharisiens suivis
des serviteurs.
"Aux tables, sans tarder. Nous avons une réunion et nous ne pouvons nous
attarder" ordonne Elchias et il assigne les places alors que déjà les
serviteurs découpent les viandes.
Haut
de page
169> Jésus est à côté d'Elchias et
près de Lui se trouve Pierre. Elchias offre les mets, et le repas commence
dans un silence terrifiant...
Mais ensuite s'échangent les premiers mots, adressés naturellement à Jésus
car on délaisse les douze autres comme s'ils n'étaient pas là.
3Le premier qui
interroge est un
docteur de la Loi. "Maître, tu es donc sûr
d'être ce que tu dis ?"
"Ce n'est pas Moi qui le dis de ma bouche. Les prophètes l'ont dit avant
que je fusse parmi vous."
"Les prophètes !... Toi qui nies que nous soyons saints, peux-tu
aussi considérer comme bonne ma parole si je dis que nos prophètes peuvent
être des exaltés ?"
"Les prophètes sont saints."
"Et pas nous, n'est-ce pas ? Mais regarde que Sophonie joint les
prophètes aux prêtres dans sa condamnation de Jérusalem : "Ses
prophètes sont des exaltés, des hommes sans foi, et ses prêtres profanent les
choses saintes et violent la Loi" . Toi,
tu nous reproches cela continuellement. Mais si tu acceptes le prophète dans
la seconde partie de ce qu'il dit, tu dois l'accepter aussi dans la première
et reconnaître que l'on ne peut s'appuyer sur des paroles qui sont dites par
des exaltés."
"Rabbi d'Israël, réponds-moi. Quand quelques lignes plus loin, Sophonie
dit : "Chante et réjouis-toi, ô fille de Sion... Le
Seigneur a retiré le décret contre toi... le Roi d'Israël est au milieu de
toi" , ton
cœur accepte-t-il ces paroles ?"
"C'est ma gloire de me les répéter en songeant à ce jour."
"Mais ce sont des paroles d'un prophète, d'un exalté, par
conséquent..."
Le docteur de la Loi reste un moment interdit. Un ami vient à son secours.
"Personne ne peut mettre en doute qu'Israël régnera. Ce n'est pas un,
mais tous les prophètes et les pré-prophètes, c'est-à-dire les patriarches,
qui ont dit cette promesse de Dieu."
"Et pas un des pré-prophètes et des prophètes n'a manqué de m'indiquer
pour ce que je suis."
"Oh ! bien ! Mais nous n'avons pas les preuves ! Tu peux
être, Toi aussi, un exalté. Quelles preuves nous donnes-tu que tu es le
Messie, le Fils de Dieu ? Donne-moi un délai pour que je puisse le
juger."
"Je ne te parle pas de ma mort décrite par David et
par Isaïe , mais
je te parle de ma Résurrection."
"Toi ? Toi ? Toi ressusciter ?
Et qui te fera ressusciter ?"
Haut
de page
170> "Certainement pas vous,
ni le Pontife, ni le monarque, ni les castes, ni le peuple. C'est par
Moi-même que je ressusciterai."
"Ne blasphème pas, ô Galiléen, et ne mens pas !"
"Je ne fais que rendre honneur à Dieu et dire la vérité. Et avec
Sophonie je te dis : "Attends-moi à ma résurrection".
Jusqu'alors tu pourras avoir des doutes, vous pourrez tous en avoir et vous
pourrez travailler à les inoculer au peuple. Mais vous ne le pourrez plus
quand l'Éternel Vivant, après avoir racheté, ressuscitera par Lui-même pour
ne plus mourir. Juge intangible, Roi parfait avec son sceptre et sa justice
il gouvernera et jugera jusqu'à la fin des siècles et il continuera de régner
dans le Ciel pour toujours."
4"Mais tu ne sais
pas que tu parles à des docteurs et à des synhédristes ?" dit
Elchias.
"Et par conséquent ? Vous m'interrogez, Moi je vous réponds. Vous
montrez le désir de savoir. Moi, je vous illustre la vérité. Toi qui pour un
dessin sur un vêtement as rappelé la malédiction du Deutéronome, tu
ne voudras pas me faire venir à l'esprit son autre malédiction :
"Maudit celui qui frappe en cachette son prochain".
"Moi, je ne te frappe pas. Je te donne de la nourriture."
"Non. Mais les questions insidieuses sont des coups donnés dans le dos.
Attention, Elchias, car les malédictions de Dieu se suivent et celle que j'ai
citée est suivie de cette autre : "Maudit celui qui accepte des
cadeaux pour condamner à mort un innocent."
"En ce cas les cadeaux c'est Toi qui les acceptes, Toi, mon hôte."
"Moi, je ne condamne pas, pas même les coupables s'ils se sont
convertis."
"Tu n'es pas juste, alors."
"Non, il est juste. Car il compte que le repentir mérite le pardon, et
c'est pour cela qu'il ne condamne pas" dit cet homme qui dans l'atrium
de la maison a déjà approuvé Jésus.
"Tais-toi donc, Daniel ! Tu veux en savoir plus que nous ? Ou bien
tu es séduit par quelqu'un sur qui il y a encore beaucoup à décider, et qui
ne fait rien pour nous aider à décider en sa faveur?" dit un docteur.
"Je sais que vous êtes les sages et moi un simple juif qui ne sais même
pas pourquoi vous me voulez si souvent parmi vous..."
"Mais parce que tu es un parent ! C'est facile à comprendre !
Et moi, je veux que soient saints et sages ceux qui entrent dans ma
parenté ! Je ne puis permettre l'ignorance en ce qui concerne
l'Écriture, la Loi, les Halachah , Midrashim et l'Hagadah . Et je ne la supporte pas. Il faut tout
connaître, tout observer..."
Haut de page
171> "Et je te suis reconnaissant pour tant de soin.
Mais moi, simple cultivateur, devenu indignement ton parent, je ne me suis
préoccupé de connaître l'Écriture et les Prophètes que pour avoir du
réconfort dans ma vie. Et avec la simplicité de quelqu'un qui n'est pas
savant, je t'avoue que je reconnais dans le Rabbi le Messie précédé de son
Précurseur qui nous l'a indiqué... Et Jean,
tu ne peux le nier, était possédé par l'Esprit de Dieu."
Un silence. Nier que le Baptiste fût infaillible, ils ne le veulent pas. Le
reconnaître infaillible, non plus.
Et alors un autre dit : "Allons... Disons que le Précurseur est le
précurseur de cet ange que Dieu envoie pour préparer la voie au Christ . Et... admettons que dans le Galiléen, il y a une
sainteté suffisante pour juger que c'est Lui cet ange. Après Lui viendra le
temps du Messie. Est-ce que ma pensée ne vous paraît pas conciliante pour
tous ? L'acceptes-tu, Elchias ? Et vous, mes amis ? Et Toi,
Nazaréen ?"
"Non." "Non." "Non." Les trois non sont pleins
d'assurance.
"Comment ? Pourquoi n'approuvez-vous pas ?"
Elchias se tait, ses amis se taisent. Seul Jésus, sincère, répond :
"Parce que je ne puis approuver une erreur. Je suis plus qu'un ange.
L'ange c'était le Baptiste, Précurseur du Christ, et le Christ, c'est
Moi."
5Un
silence glacial, prolongé. Elchias, le coude appuyé sur le lit de table, la
joue appuyée à la main, réfléchit, dur, fermé, comme tous ceux de sa maison.
Jésus se tourne et le regarde, et puis il dit: "Elchias, Elchias, ne
confonds pas la Loi et les Prophètes avec des bagatelles !"
"Je vois que tu as lu ma pensée. Mais tu ne peux nier que tu as péché en
transgressant le précepte."
"Comme toi, et par ruse, par conséquent en faisant une faute plus
grande, tu as transgressé le devoir de l'hospitalité, et tu l'as fait avec la
volonté de le faire. Tu m'as distrait et puis tu m'as envoyé ici, pendant que
tu te purifiais avec tes amis et, à ton retour, tu nous as prié d'être
expéditifs, à cause d'une réunion que tu avais, et tout cela pour pouvoir me
dire : "Tu as péché".
"Tu pouvais me rappeler mon devoir de te donner de quoi te
purifier."
"Il y a tant de choses que je pourrais te rappeler, mais cela ne
servirait qu'à te rendre plus intransigeant et plus hostile."
Haut
de page
172> "Non. Dis-les,
dis-les. Nous voulons t'écouter et..."
"Et m'accuser auprès du Prince des Prêtres. C'est pour cela que je t'ai rappelé
la dernière et l'avant-dernière malédiction. Je
le sais. Je vous connais. Je suis ici, désarmé, parmi vous. Je suis ici,
isolé du peuple qui m'aime et devant lequel vous n'osez pas m'attaquer. Mais
je n'ai pas peur. Mais je ne me plierai pas à des compromissions et je ne
commettrai pas de lâchetés. Et je vous dis votre péché, et celui de toute
votre caste et le vôtre, ô pharisiens, faux purs observateurs de la Loi, ô
docteurs, faux sages, qui confondez et mélangez volontairement le vrai et le
faux bien, qui imposez aux autres et exigez d'eux la perfection jusque dans
les choses extérieures et de vous n'exigez rien. Vous me reprochez, d'accord
avec votre hôte et le mien, de ne pas m'être lavé avant le déjeuner. Vous
savez que je viens du Temple auquel on ne peut accéder qu'après s'être
purifié des impuretés de la poussière et de la route. Voulez-vous alors
avouer que le Lieu Saint est contamination ?"
"Nous nous sommes purifiés avant d'être allés à table."
"Et à nous, on nous a imposé : "Allez-y, attendez". Et
ensuite : "Aux tables sans tarder". Entre tes murs vierges de
dessins il y avait donc un dessein : celui de me tromper. Quelle main
l'a écrit sur les murs, le motif d'une accusation possible ? Ton
esprit ou une autre puissance qui le conduit et que tu écoutes ? Eh
bien, écoutez tous."
6Jésus
se dresse debout, et tenant ses mains appuyées sur le bord de la table, il
commence ses invectives : "Vous autres pharisiens, vous lavez
l'extérieur de la coupe et du plat, et vous vous lavez les mains et les
pieds, comme si le plat et la coupe, les mains et les pieds devaient entrer
dans votre esprit que vous aimez proclamer pur et parfait. Mais ce n'est pas
vous, mais Dieu qui doit le proclamer. Eh bien sachez ce que Dieu pense de
votre esprit. Lui pense qu'il est rempli de mensonge, de souillure et de
violence, il est plein de méchanceté et rien de ce qui vient de l'extérieur
ne peut corrompre ce qui est déjà corruption."
Il détache sa main droite de la table et involontairement commence à faire
des gestes alors qu'il continue : "Mais Celui qui a fait votre
esprit comme Il a fait votre corps, ne peut-Il pas exiger, au moins dans une
égale mesure, pour l'intérieur le respect que vous avez pour
l'extérieur ?
Haut
de page
173> O sots qui changez les deux valeurs
et en intervertissez l'importance, mais est-ce que le Très-Haut ne voudra pas
pour l'esprit un soin plus grand, lui qu'il a fait à sa ressemblance et qui
par la corruption perd la vie éternelle, que pour la main ou le pied dont la
saleté peut être lavée facilement et qui, même s'ils restaient sales
n'auraient pas d'influence sur la pureté intérieure ? Et est-ce que Dieu
peut se préoccuper de la propreté d'une coupe ou d'un plateau alors que ce
sont des choses sans âmes et qui ne peuvent avoir de l'influence sur votre
âme ?
Je lis ta pensée, Simon
Boetos. Non. Elle ne s'impose pas. Ce
n'est pas par souci de santé, pour protéger la
chair, la vie, que vous prenez ces soins, que vous pratiquez ces
purifications. Le péché charnel, et aussi les péchés de gourmandise,
d'intempérance, de luxure, sont plus nuisibles à la chair qu'un peu de
poussière sur les mains ou sur un plat. Et pourtant vous les pratiquez sans
vous préoccuper de protéger votre existence et de sauvegarder votre famille.
Et vous faites des péchés de plusieurs espèces car, outre la contamination de
l'esprit et de votre corps, le gaspillage de substance, le manque de respect
pour les vôtres, vous offensez le Seigneur par la profanation de votre corps,
temple de votre esprit, où devrait se trouver le trône de l'Esprit Saint; et
vous offensez aussi le Seigneur par le péché que vous faites en estimant
qu'il vous revient de vous protéger des maladies qui viendraient d'un peu de
poussière, comme si Dieu ne pouvait intervenir pour vous protéger des maux
physiques si vous recourez à Lui avec un esprit pur.
7Mais
Celui qui a créé l'intérieur n'a-t-Il pas peut-être créé l'extérieur et
réciproquement ? Et n'est-ce pas l'intérieur qui est le plus noble et
qui porte davantage l'empreinte de la divine ressemblance ?
Faites alors des œuvres qui soient dignes de Dieu et non pas des mesquineries
qui ne s'élèvent pas au-dessus de la poussière pour laquelle et de laquelle
elles sont faites, de la pauvre poussière qu'est l'homme considéré comme
créature animale, fange qui a reçu une forme et qui redevient poussière que
disperse le vent des siècles. Faites des œuvres qui demeurent, qui soient des
œuvres royales et saintes, des œuvres couronnées par la divine bénédiction.
Faites des œuvres de charité et faites l'aumône, soyez honnêtes, soyez purs
dans vos œuvres et dans vos intentions et, sans recourir à l'eau des
ablutions, tout sera pur en vous.
Mais que vous croyez-vous ? Que vous
êtes en règle parce que vous payez les dîmes sur les épices ? Non.
Malheur à vous, ô pharisiens, qui payez les dîmes de la menthe et de la rue,
de la moutarde et du
cumin, du fenouil et des autres herbes, et qui négligez ensuite la justice et
l'amour de Dieu. Payer les dîmes est un devoir et il
faut le faire, mais il y a des devoirs plus élevés et eux aussi il faut les
accomplir.
Haut
de page
174> Malheur à celui qui
observe les choses extérieures et néglige celles intérieures basées sur l'amour
de Dieu et du prochain. Malheur à vous, pharisiens, qui aimez les premières
places dans les synagogues et dans les assemblées et qui aimez à être honorés
sur les places publiques et qui ne pensez pas à faire des œuvres qui vous
donnent une place au Ciel et qui vous méritent le respect des anges. Vous
êtes semblables à des tombeaux cachés qui passent inaperçus pour celui qui
les frôle et n'en éprouve pas de dégoût, mais qui serait dégoûté s'il pouvait
voir ce qu'ils renferment. Dieu pourtant voit les choses les plus secrètes et
ne se trompe pas quand Il vous juge."
8Il est interrompu par
un docteur de la Loi, qui lui aussi se lève pour le contredire :
"Maître, en parlant ainsi, tu nous offenses nous aussi; et cela ne te
convient pas parce que nous ensuite nous devons te juger."
"Non. Pas vous. Vous ne pouvez pas me
juger. Vous êtes ceux qu'on juge et non pas ceux qui jugent, et Celui qui
vous juge c'est Dieu. Vous pouvez parler, émettre des sons avec vos lèvres.
Mais même la voix la plus puissante n'arrive pas aux Cieux et ne parcourt pas
toute la terre. Après un peu d'espace, c'est le silence... et après un peu de
temps, c'est l'oubli. Mais le jugement de Dieu c'est une voix qui demeure et
n'est pas sujette à l'oubli. Des siècles et des siècles se sont écoulés
depuis que Dieu a jugé Lucifer et qu'il a jugé Adam, mais la voix de ce
jugement ne s'éteint pas, mais les conséquences de ce jugement existent. Et
si maintenant je suis venu rapporter la Grâce aux hommes, par l'intermédiaire
du Sacrifice parfait, le jugement sur l'acte d'Adam reste ce qu'il est et il
sera toujours appelé "Faute d'origine". Les hommes seront rachetés,
lavés par une purification supérieure à toute autre. Mais ils naîtront avec
cette marque, car Dieu a jugé que cette marque doit exister sur tout être né
de la femme, sauf pour Celui qui a été fait non par œuvre d'homme mais par
l'Esprit Saint, et pour la Préservée et le Présanctifié,
vierges pour l'éternité. La Première pour pouvoir être la Vierge Mère de
Dieu, le second pour pouvoir être le Précurseur de l'Innocent en naissant
déjà pur, par l'effet d'une jouissance anticipée des mérites infinis du
Sauveur Rédempteur.
Haut
de page
175> 9Et
Moi, je vous dis que Dieu vous juge, et il vous juge en disant : "Malheur à vous,
docteurs de la Loi, car vous chargez les gens de fardeaux qu'ils ne peuvent porter,
en faisant un châtiment du Décalogue paternel donné par le Très-Haut à son
Peuple". Lui c'est avec
amour et par amour qu'il l'avait donné, pour que fût aidé par un juste guide,
l'homme, l'éternel enfant, imprudent et ignorant. Et vous à la place des
lisières par lesquelles Dieu soutenait affectueusement ses créatures, pour
leur permettre d'avancer sur sa route et d'arriver à son cœur, vous avez
substitué des montagnes de pierres coupantes, lourdes, torturantes, un
labyrinthe de prescriptions, un cauchemar de scrupules, qui écrasent l'homme,
l’égarent, l'arrêtent, lui font craindre Dieu comme un ennemi. Vous semez
d'obstacles la marche des cœurs vers Dieu. Vous séparez le Père de ses fils.
Vous niez, par vos surcharges, cette douce, bénie, véritable Paternité. Mais vous, de votre côté, ces fardeaux que
vous imposez aux autres, vous ne les touchez pas, pas même du bout du doigt.
Vous vous croyez justifiés seulement pour les avoir imposés. Mais, ô sots,
vous ne savez pas que vous serez jugés sur ce que vous avez jugé être
nécessaire pour se sauver ? Vous ne savez pas que Dieu vous dira :
"Vous disiez que votre parole était sacrée, qu'elle était juste. Eh
bien, Moi aussi, Je la considère comme telle. Et puisque vous l'avez imposée
à tous et que vous avez jugé vos frères sur la façon dont ils l'ont
accueillie et pratiquée, voilà que Moi, Je vous juge sur votre parole et
puisque vous n'avez pas fait ce que vous avez dit de faire, soyez
condamnés" ?
Malheur à vous qui élevez des tombeaux aux prophètes que vos pères ont tués.
Et quoi ? Vous croyez diminuer avec cela la grandeur de la faute de vos
pères ? De la supprimer aux yeux de la postérité ? Non, au
contraire, vous témoignez que vos pères ont fait ces œuvres. Non seulement
cela, mais les approuvez, tout disposés à les imiter, en élevant ensuite un
tombeau au prophète persécuté, pour pouvoir dire : "Nous nous l'avons honoré". Hypocrites ! C'est pour cela
que la Sagesse de Dieu a dit : "Je leur enverrai des prophètes et
des apôtres, et eux en tueront certains et persécuteront les autres, pour que
l'on puisse demander à cette génération le sang de tous les prophètes qui a
été répandu depuis la création du monde et par la suite, depuis le sang
d'Abel jusqu'au sang de Zacharie, tué entre l'Autel et le Sanctuaire".
Oui, en vérité, en vérité je vous dis que de tout ce sang des saints il en
sera demandé compte à cette génération qui ne sait reconnaître Dieu là où Il
est, et persécute le juste et lui perce le cœur parce que le juste est une.
confrontation vivante avec leur injustice.
Haut
de page
176> 10Malheur
à vous, docteurs de la Loi, qui vous vous êtes emparés de la clef de la
science et avez fermé son temple pour éviter d'y entrer et d'être jugés par
elle, et qui n'avez pas permis aux autres d'y entrer. En effet vous savez
que si le peuple était instruit de la vraie Science, c'est-à-dire de la
Science sainte, il pourrait vous juger. Et alors vous préférez qu'il soit
ignorant pour qu'il ne vous juge pas. Et
vous me haïssez parce que je suis la Parole de Sagesse, et vous voudriez
m'enfermer avant le temps dans une prison, dans un tombeau pour que je ne
parle plus.
Mais je parlerai tant qu'il plaira à mon Père que je parle. Et ensuite ce
seront mes œuvres qui parleront plus encore que mes paroles. Et ils parleront
mes mérites plus encore que les œuvres, et le monde sera instruit et il
saura, et il vous jugera. Le premier jugement sur vous. Et puis viendra le second,
le jugement
particulier pour chacun de vous à sa mort, et enfin le dernier :
l'Universel. Et vous vous souviendrez de ce jour, de ces jours et vous,
vous seuls connaîtrez le Dieu terrible que vous vous êtes efforcés d'agiter
comme une vision de cauchemar devant les esprits des simples, alors que vous,
à l'intérieur de votre tombeau, vous vous êtes moqués de Lui et du premier et
principal commandement : celui de l'amour, le dernier donné sur le
Sinaï, que vous n'avez pas respecté et auquel vous n'avez pas obéi.
C'est inutilement, ô Elchias, que tu n'as pas de représentations figurées
dans ta maison. C'est inutilement, ô vous tous, que vous n'avez pas d'objets
sculptés dans vos maisons. C'est à l'intérieur du cœur que vous avez l'idole,
plusieurs idoles. Celle de vous croire des dieux, celles de vos
concupiscences.
11Venez, vous autres.
Partons."
Et, en se faisant précéder par les douze, il sort le dernier.
Un silence...
Puis ceux qui sont restés poussent un grand cri en disant tous
ensemble : "Il faut le poursuivre, le prendre en défaut, trouver
des objets d'accusation ! Il faut le tuer !"
Un autre silence.
Et puis deux s'en vont dégoûtés par la haine et les propos des
pharisiens : l'un est le parent d'Elchias et
l'autre celui qui. par
deux fois, a défendu le Maître. Alors que ceux qui sont
restés se demandent : "Et comment ?"
Un autre silence.
Puis, avec un éclat de rire éraillé, Elchias dit : "Il faut
travailler Judas de Simon..."
"Bon ! C'est une bonne idée, mais tu l'as offensé !..."
"Moi, j'y pense" dit celui que Jésus a appelé Simon Boetos.
"Moi, et Éléazar d'Anna...
Nous allons le circonvenir..."
Haut
de page
177> "Un peu de
promesses..."
"Un peu de peur..."
"Beaucoup d'argent..."
"Non. Pas beaucoup... Des promesses, des promesses de beaucoup d'argent..."
"Et puis ?"
"Quoi : et puis ?"
"Hé ! Puis. Tout terminé, que lui donnerons-nous ?"
"Mais rien ! La mort. Ainsi... il ne parlera plus" dit
lentement et cruellement Elchias.
"Hou ! la mort..."
"Tu en as horreur ? Mais, allons ! Si nous tuons le Nazaréen
qui... est un juste... nous pourrons tuer aussi l'Iscariote qui est un
pécheur..."
Il y a des hésitations...
Mais Elchias, se levant, dit : "Nous demanderons conseil aussi à Anna... Et
vous verrez qu'il... dira que l'idée est bonne. Et vous y viendrez, vous
aussi... Oh ! vous y viendrez..."
|