Vision du mardi 1er février 1944
207> 32.1 - Je vois partir d'une petite maison très modeste un
couple de personnes. D'un petit escalier extérieur descend une très jeune
mère avec, entre ses bras, un bébé dans un lange blanc.
Je reconnais, c'est notre Maman. C'est toujours elle, pâle
et blonde, agile et si gentille en toutes ses démarches. Elle est vêtue de
blanc, avec un manteau d'azur pâle qui l'enveloppe. Sur la tête un voile
blanc. Elle porte son Bébé avec tant de précautions. Au pied du petit
escalier, Joseph l'attend auprès d'un âne gris. Joseph est habillé de
marron clair, aussi bien pour l'habit que pour le manteau. Il regarde Marie et lui sourit. Quand
Marie arrive près de l'âne, Joseph se passe la bride sur le bras gauche, et
prend pour un moment le Bébé qui dort tranquille pour permettre à Marie de
mieux s'installer sur la selle. Puis, il lui rend Jésus et ils se
mettent en marche.
Joseph marche à côté de Marie en tenant toujours la monture par la bride et
en veillant qu'elle marche droit et sans trébucher. Marie tient Jésus sur son
sein et, par crainte que le froid ne puisse Lui nuire, elle étend sur Lui un
pli de son manteau. Ils parlent très peu, les deux époux, mais ils se
sourient souvent.
La route qui n'est pas un modèle du genre se déroule à travers une campagne
que la saison a dépouillée. Quelque autre voyageur se rencontre avec les deux
ou les croise, mais c'est rare.
32.2 - Plus
tard, on voit apparaître des maisons et des murs qui enserrent une ville. Les
deux époux entrent par une porte, puis commence le parcours sur le pavé très
disjoint de la ville. La marche devient beaucoup plus difficile, soit à cause
du trafic qui fait arrêter l'âne à tout moment, soit parce que sur les
pierres et les crevasses qui les interrompent il a de continuelles secousses
qui dérangent Marie et l'Enfant.
La route n'est pas plane : elle monte bien que légèrement. Elle est
étroite entre les hautes maisons aux entrées aussi étroites et basses et aux
rares fenêtres sur la rue. En haut, le ciel se montre avec tant de morceaux
d'azur de maison à maison ou de terrasse à terrasse. En bas sur la rue, il y
a des gens qui crient et croisent, d'autres personnes à pied ou à âne, ou
conduisant des ânes chargés et d'autres, en arrière d'une encombrante
caravane de chameaux.
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208> À un certain endroit passe avec
beaucoup de bruits de sabots et d'armes une patrouille de légionnaires
romains qui disparaissent derrière une arcade qui enjambe une rue très
étroite et pierreuse.
Joseph tourne à gauche et prend une rue plus large et plus belle. J'aperçois
l'enceinte crénelée que je connais déjà tout au fond de la rue.
Marie descend de l'âne près de la porte où se trouve une sorte d'abri pour
les ânes. Je dis "abri" parce que c'est une espèce de hangar ou
mieux d'abri couvert jonché de paille avec des piquets munis d'anneaux pour
attacher les quadrupèdes. Joseph donne quelque argent à un garçon qui est
accouru, pour acheter un peu de foin et il tire un seau d'eau à un puits
rudimentaire situé dans un coin, pour la donner à l'âne. Il
rejoint ensuite Marie et ils entrent tous deux dans l'enceinte du Temple.
32.3 - Ils se dirigent d'abord vers un portique où se trouvent
ces gens que Jésus fustigea plus tard vigoureusement : les marchands de
tourterelles et d'agneaux et les changeurs. Joseph achète deux blanches
colombes. Il ne change pas d'argent. On se rend compte qu'il a déjà ce qu'il
faut.
Joseph et Marie se dirigent vers une porte latérale où on accède par huit
marches, comme on dirait qu'ont toutes les portes, en sorte que le cube du
Temple est surélevé au-dessus du sol environnant. Cette porte a un grand hall
comme les portes cochères de nos maisons en ville, pour en donner une idée,
mais plus vaste et plus décoré. La il y a à droite et à gauche deux sortes
d'autels c'est-à-dire deux constructions rectangulaires dont au début je ne
vois pas bien a quoi elles servent. On dirait des bassins peu profonds car
l'intérieur est plus bas que le bord extérieur surélevé de quelques
centimètres.
Un prêtre accourt ; je ne sais si c'est Joseph qui a appelé ou s’il
vient de lui-même. Marie offre les deux pauvres colombes et moi qui comprends
leur sort, je détourne les yeux. J'observe les ornements du très lourd
portail, du plafond, du hall. Il me semble pourtant voir, du coin de l’œil,
que le prêtre asperge Marie avec de l'eau, Ce doit être de l'eau, car je ne
vois pas de tache sur son habit. Puis, Marie, qui, en même temps que les
colombes, avait donné au prêtre une petite poignée de monnaie (j'avais oublié
de le dire), entre avec Joseph dans le Temple proprement dit, accompagnée par
le prêtre.
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209> Je regarde de tous
côtés. C'est un endroit très orné. Sculptures à têtes d'anges avec rameaux et
ornements courent le long des colonnes, sur les murs et le plafond. Le jour
pénètre par de longues et drôles fenêtres, étroites, sans vitres
naturellement et disposées obliquement sur le mur. Je suppose que c'est pour
empêcher d'entrer les averses.
32.4 - Marie avance jusqu'à un certain point, puis s'arrête. À
quelques mètres d'elle il y a d'autres marches et au-dessus une autre espèce
d'autel au-delà duquel il y a une autre construction.
Je m'aperçois que je croyais être dans le Temple et au contraire j'étais au
dedans des bâtiments qui entourent le Temple proprement dit, c'est-à-dire le
Saint, et au-delà duquel il semble que personne, en dehors des prêtres, ne
puisse entrer. Ce que je croyais être le Temple n'est donc qu'un
vestibule fermé qui, de trois côtés, entoure le Temple où est renfermé le
Tabernacle. Je ne sais si je me suis très bien expliquée, mais je ne suis pas
architecte ou ingénieur.
Marie offre le Bébé, qui s'est éveillé et tourne ses petits yeux innocents
tout autour, vers le prêtre, avec le regard étonné des enfants de
quelques jours. Ce dernier le prend sur ses bras et le soulève à bras tendus,
le visage vers le Temple en se tenant contre une sorte d'autel qui est
au-dessus des marches. La cérémonie est achevée. Le Bébé est rendu à sa Mère
et le prêtre s'en va.
32.5 - Il y a des gens, des curieux qui regardent. Parmi eux se
dégage un petit vieux, courbé qui marche péniblement en s'appuyant sur une
canne, Il doit être très vieux, je dirais plus qu'octogénaire. Il s'approche
de Marie et lui demande de lui donner pour un instant le Bébé. Marie le
satisfait en souriant.
C'est Syméon, j'avais toujours cru qu'il appartenait à la caste
sacerdotale et au contraire, c'est un simple fidèle, à en juger du moins par
son vêtement. Il prend l'Enfant, l'embrasse. Jésus lui sourit avec la
physionomie incertaine des nourrissons. Il semble qu'il l'observe
curieusement, parce que le petit vieux pleure et rit à la fois et les larmes
font sur sa figure des dessins emperlés en s'insinuant entre les rides et
retombant sur la barbe longue et blanche vers laquelle Jésus tend les
mains : C'est Jésus, mais c'est toujours un petit bébé et, ce qui remue
devant lui, attire son attention et lui donne des velléités de se saisir
de la chose pour mieux voir ce que c'est. Marie et Joseph sourient, et aussi
les personnes présentes qui louent la beauté du Bébé.
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210> J'entends les paroles du saint vieillard
et je vois le regard étonné de Joseph, l'émotion de Marie, les réactions du
petit groupe des personnes présentes, les unes étonnées et émues aux paroles
du vieillard,
les autres prises d'un fou rire. Parmi ces derniers se trouvent des hommes
barbus et de hautains membres du Sanhédrin qui hochent la tête. Ils regardent
Syméon avec une ironique pitié.
Ils doivent penser que son grand âge lui a fait perdre la tête.
32.6 - Le sourire de Marie s'éteint en une plus vive pâleur,
lorsque Syméon lui annonce la douleur. Bien qu'elle sache, cette parole
lui transperce l’âme.
Marie s'approche davantage de Joseph pour trouver du réconfort; elle serre
passionnément son Enfant sur son sein et, comme une âme altérée, elle boit
les paroles d'Anne qui, étant femme, a pitié de la souffrance de Marie et
lui promet que l'Éternel adoucira
l'heure de sa douleur en lui communiquant une force surnaturelle :
"Femme, Celui qui a donné le Sauveur à son peuple ne manquera pas de te
donner son ange pour soulager tes pleurs. L'aide du Seigneur n'a pas manqué
aux grandes femmes d'Israël et tu es bien plus que Judith et que Yaël. Notre
Dieu te donnera un cœur d'or très pur pour résister à la mer de douleur par
quoi tu seras la plus grande Femme de la création, la Mère. Et toi, Petit,
souviens-toi de moi à l'heure de ta mission."
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