Le samedi 30 juin
1915.
352> 205.1 – "Jean d'En-Dor, viens ici
avec Moi. J'ai à te parler" dit Jésus en se montrant sur le seuil.
L'homme accourt en laissant l'enfant auquel il apprenait quelque chose :
"Que veux-tu me dire, Maître ?" demande-t-il.
"Viens avec Moi, au-dessus." Ils montent sur la terrasse et
s'assoient du côté le plus abrité car, bien que ce soit le matin, le soleil
est déjà fort. Jésus tourne son regard vers la campagne cultivée où de jour
en jour le grain prend une teinte dorée et où les fruits grossissent sur les
arbres. Il paraît vouloir suivre par la pensée cette transformation végétale.
"Écoute, Jean. Je crois qu'Isaac va venir
aujourd'hui pour m'amener les paysans de Yokhanan avant leur départ. J'ai dit à Lazare de prêter un char
à Isaac pour qu'ils accélèrent leur retour. Il ne faut pas qu'ils craignent un retard qui pourrait
leur valoir un châtiment. Et Lazare le prête,
car Lazare fait tout ce que je lui dis. Mais de toi, je veux une autre chose.
J'ai ici une somme qui m'a été donnée par une créature pour les pauvres du
Seigneur . Généralement c'est un de mes apôtres qui est chargé de
tenir les comptes et de donner les oboles. C'est Judas de Kérioth, généralement; les autres
parfois. Judas n'est pas ici. Les autres, je ne
veux pas qu'ils sachent ce que je veux faire. Même Judas cette fois ne le
saurait pas. C'est toi qui le feras, en mon nom..."
"Moi, Seigneur ? Moi ? Oh ! je n'en suis pas
digne !..."
"Tu dois t'habituer à travailler en mon nom. N'est-ce pas pour cela que
tu es venu ?"
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353> "Oui, mais je pensais devoir travailler pour
reconstruire ma pauvre âme."
"Et Moi, je t'en donne le moyen. En quoi as-tu péché ? Contre la
Miséricorde et l'Amour. C'est avec la haine que tu as démoli ton âme. C'est
avec l'amour et la miséricorde que tu la reconstruiras. Je t'en donne les
matériaux. Je t'emploierai particulièrement pour les œuvres de miséricorde et
d'amour. Tu es capable de soigner. Tu es capable de parler. Avec cela, tu es
apte à soigner les infirmités physiques et morales, et tu as le pouvoir de le
faire. Tu vas faire tes débuts avec cette œuvre. Tiens la bourse. Tu la
donneras à Michée et à ses amis. Fais-en des parts égales, mais fais comme je
te dis. Tu en fais dix parts, puis tu en donnes quatre à Michée, une pour
lui, une pour Saül, une pour Joël et une pour Isaïe. Et les six autres parts
tu les donnes à Michée pour qu'il les donne au vieux père de Jabé, pour lui
et ses compagnons. Ils pourront ainsi avoir un réconfort."
"C'est bien. Mais qu'est-ce que je leur dis pour justifier ?"
"Tu diras : "C'est pour que vous vous souveniez de prier pour
une âme qui se rachète"
"Mais ils pourront penser que c'est moi ! Ce n'est pas
juste !"
"Pourquoi ? Ne veux-tu pas te racheter ?"
"Il n'est pas juste qu'ils pensent que je sois le donateur."
"Ne te tracasse pas et fais comme je te dis."
"J'obéis... mais, au moins, permets-moi d'y ajouter quelque chose. De
toute façon... maintenant, je n'ai plus besoin de rien. Des livres, je n'en
achète plus. Je n'ai plus de poulets à nourrir. À moi, il me faut si peu...
Tiens, Maître. Je ne garde qu'un peu d'argent pour les dépenses de
sandales..." et, d'une bourse qu'il avait à la ceinture, il sort de
nombreuses pièces de monnaie et les joint à celles de Jésus.
"Dieu te bénisse pour ta miséricorde...
205.2 – Jean, bientôt nous nous
quitterons, car tu iras avec Isaac."
"J'en suis affligé, Maître, mais j'obéis."
"Moi aussi, je souffre de t'éloigner, mais j'ai tant besoin de disciples
itinérants. Je n'y suffis plus. Bientôt je lancerai les apôtres, puis
j'enverrai les disciples. Et tu feras très bien. Je te réserverai pour
des missions spéciales. En attendant, tu te formeras avec Isaac. Il est
tellement bon, et l'Esprit de Dieu l'a vraiment instruit durant sa longue
maladie. Et c'est l'homme qui a toujours tout pardonné...
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354> Nous quitter, du reste, ne veut pas
dire ne plus nous voir. Nous nous rencontrerons souvent et, chaque fois que
nous nous retrouverons, je parlerai spécialement pour toi. Souviens-toi de
cela. .."
Jean se penche, se cache le visage dans les mains en sanglotant et
gémit : "Oh ! alors, dis-moi tout de suite quelque chose qui
me persuade que je suis pardonné... que je puis servir Dieu... Si tu savais,
maintenant que s'est dissipée la fumée de la haine, comme je vois mon âme...
et comme... et comme je pense à Dieu..."
"Je le sais. Ne pleure pas. Reste dans
l'humilité, mais sans t'avilir. S'avilir, c'est encore de l'orgueil. Aie
seulement, seulement l'humilité. Allons, ne pleure pas..."
Jean d'En-Dor se calme peu à peu... Quand il le voit calmé, Jésus dit :
"Viens, allons sous les feuillages des pommiers et réunissons les
compagnons et les femmes. Je parlerai à tous, mais je te dirai comment Dieu
t'aime."
Ils descendent, rassemblant les autres autour d'eux au fur et à mesure qu'ils
arrivent et on s'assoit en cercle à l'ombre de la pommeraie. Lazare aussi,
qui parlait avec le Zélote, se joint à la compagnie. Vingt personnes en tout.
205.3 – "Écoutez. C'est une belle
parabole qui vous guidera par sa lumière dans tant de cas.
Un homme avait deux fils. L'aîné était sérieux,
travailleur, affectueux, obéissant. Le second était intelligent plus que son
aîné, qui en vérité était un peu borné et se laissait guider pour n'avoir pas
à se donner la peine de décider par lui-même; mais il était aussi par contre,
rebelle, distrait, ami du luxe et du plaisir, dépensier et paresseux.
L'intelligence est un grand don de Dieu, mais c'est un don dont il faut user
sagement. Autrement c'est comme certains remèdes qui employés indûment ne
guérissent pas mais tuent. Le père suivait son droit et son devoir en le
rappelant à une vie plus sage, mais c'était sans résultat, sauf d'essuyer des
réponses méchantes et de voir son fils se durcir dans ses idées mauvaises.
Enfin, un jour, après une dispute plus envenimée, le cadet dit:
"Donne-moi ma part des biens. Ainsi je n'entendrai plus tes reproches ni
les plaintes du frère. Chacun sa part et que tout soit fini".
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355> "Prends garde" répondit
le père "tu seras bientôt ruiné. Que feras-tu, alors ? Réfléchis
que je ne serai pas injuste en ta faveur et que je ne reprendrai pas la plus
petite somme à ton frère pour te la donner".
"Je ne te demanderai rien. Sois tranquille. Donne-moi ma part".
Le père fit estimer les terres et les objets précieux. Après avoir constaté
que l'argent et les bijoux avaient autant de valeur que les terres, il donna
à l'aîné les champs et les vignes, les troupeaux et les oliviers, et au cadet
il donna l'argent et les bijoux que le cadet vendit tout de suite pour avoir
tout en argent. Cela fait, en peu de jours, il s'en alla dans un pays
lointain où il vécut en grand seigneur, dépensant ce qu'il avait en bombances
de toutes sortes, se faisant passer pour un fils de roi car il avait honte de
dire : "Je suis un campagnard", reniant ainsi son père.
Festins, amis et amies, vêtements, vins, jeux... vie dissolue... Il vit bien
vite s'épuiser ses réserves et arriver la misère: Et avec la misère, pour
l'alourdir, il survint dans le pays une grande disette qui fit fondre le
reste de ses ressources.
205.4 – Il aurait voulu aller trouver
son père, mais il était orgueilleux et ne s'y décida pas. Il alla alors
trouver un homme riche du pays qui avait été son ami dans l'abondance et il
le pria en disant : "Prends-moi parmi tes serviteurs en souvenir
des profits que je t'ai procurés". Voyez comme l'homme est sot ! Il
préfère se mettre sous le joug d'un maître au lieu de dire à son père :
"Pardon ! Je me suis trompé !" Ce jeune avait appris tant
de choses inutiles avec son intelligence éveillée, mais il n'avait pas voulu
apprendre le dicton de l'Ecclésiastique : "Comme il est infâme,
celui qui abandonne son père, et comme Dieu maudit celui qui tourmente sa
mère".
Il était intelligent, mais il n'était pas sage.
L'homme à qui il s'était adressé, en échange de tout ce dont il avait profité
au détriment du jeune imbécile, mit ce sot à la garde
des porcs. Il était en effet dans un pays païen où il y avait beaucoup de
porcs. II l'envoya donc faire paître dans ses possessions les troupeaux de
porcs. Crasseux, en lambeaux, puant, affamé - car la nourriture était mesurée
pour tous les serviteurs et surtout pour les plus bas placés et lui,
étranger, gardien de porcs et méprisé, il rentrait dans cette catégorie - il
voyait les porcs se rassasier de glands et il soupirait :
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356> "Si je pouvais au moins
m'emplir le ventre de ces fruits ! Mais ils sont trop amers ! La
faim elle-même ne me les fait pas trouver bons". Et il pleurait en
pensant aux riches festins de satrape qu'il avait fait peu de temps avant, au
milieu des rires, des chants, des danses... Et puis il pensait aux honnêtes
repas abondants de sa maison lointaine, aux portions que le père faisait pour
tous impartialement, ne gardant pour lui que la plus petite, heureux de voir
le sain appétit de ses fils... et il pensait aussi aux portions que ce juste
faisait pour ses serviteurs, et il soupirait : "Les domestiques de
mon père, même les plus bas placés ont du pain en abondance... et moi, ici,
je meurs de faim..." Un long travail de réflexion, une longue lutte pour
briser l'orgueil...
205.5 – Enfin vint le jour où, revenu
à l'humilité et à la sagesse, il se leva et dit : "Je vais trouver
mon père ! C'est une sottise cet orgueil qui me tient captif. Et de
quoi ? Pourquoi souffrir en mon corps et plus encore en mon cœur, alors
que je peux obtenir le pardon et le soulagement ? Je vais trouver mon
père. C'est dit. Que lui dirai-je ? Mais me voici, dans cette abjection,
dans ces ordures, mordu par la faim ! Je lui dirai : 'Père, j'ai
péché contre le Ciel et contre toi, je ne suis plus digne d'être appelé ton
fils; traite-moi donc comme le dernier de tes serviteurs, mais, tolère-moi
sous ton toit. Que je te vois passer...' Je ne pourrai lui dire :
'...parce que je t'aime'. Il ne le croirait pas. Mais ma vie le lui dira, et
lui le comprendra et, avant de mourir, il me bénira encore... Oh ! je
l'espère, parce que mon père m'aime". Et revenu le soir au pays, il prit
congé du maître et, mendiant le long du chemin, il revint à sa maison. Voici
les champs paternels... et la maison... et le père qui dirigeait les travaux,
vieilli, amaigri par la souffrance, mais toujours bon... Le coupable, en
voyant cette ruine dont il était la cause, s'arrêta intimidé... mais le père,
tournant son regard, le vit et courut à sa rencontre, car il était encore
loin. Après l'avoir rejoint, il lui jeta les bras autour du cou et
l'embrassa. Le père était le seul à avoir reconnu son fils dans ce mendiant
humilié et lui seul avait eu pour lui un mouvement d'amour.
Le fils, serré entre ses bras, la tête sur les épaules de son père, murmura
au milieu de ses sanglots : "Père, permets-moi de me jeter à tes
pieds".
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357> "Non, mon fils! Pas à mes
pieds, sur mon cœur qui a tant souffert de ton absence et qui a besoin de
revivre en sen- tant ta chaleur sur ma poitrine". Et le fils, pleurant
plus fort, lui dit : "Oh! mon père! J'ai péché contre le Ciel et
contre toi. Je ne suis pas digne que tu m'appelles: fils. Mais permets-moi de
vivre parmi tes serviteurs, sous ton toit, te voyant et mangeant ton pain, en
te servant, en buvant ta respiration. Avec chaque bouchée de pain, avec
chacune de tes respirations, se refera mon cœur si corrompu et il deviendra
honnête..."
Mais le père, le tenant toujours embrassé, le conduisit vers les serviteurs
qui s'étaient rassemblés à distance et qui observaient et il leur dit :
"Vite, apportez ici le plus beau vêtement et des bassines d'eau
parfumée, lavez-le, parfumez-le, habillez-le, mettez-lui des chaussures
neuves et un anneau au doigt. Puis prenez un veau gras et tuez-le. Et qu'on
prépare un banquet. Car mon fils était mort, et maintenant il est ressuscité,
il était perdu et il est retrouvé. Je veux que lui aussi retrouve son simple
amour de petit enfant. Il faut que je lui donne mon amour et que la maison
soit en fête pour son retour. Il doit comprendre qu'il est toujours pour moi
le dernier-né, tel qu'il était dans son enfance lointaine, quand il marchait
à mes côtés me rendant heureux par son sourire et son babil". Et les
serviteurs firent tout cela.
205.6 – Le fils aîné était dans la
campagne et il ne sut rien jusqu'à son retour. Le soir, en revenant à la
maison, il la vit toute illuminée et il entendit le son des instruments et le
bruit des danses venir de l'intérieur. Il appela un serviteur qui courait
affairé et lui dit: "Qu'est-ce qui arrive?" Et le serviteur
répondit: "Ton frère est revenu ! Ton père a fait tuer le veau gras
parce qu'il a reçu le fils sain et guéri de son grand mal, et il a commandé
un banquet. On n'attend que toi pour commencer". Mais l'aîné, en colère
parce qu'il lui paraissait injuste de tant fêter son cadet qui, outre qu'il
était le plus jeune avait été mauvais, ne voulut pas entrer et même il allait
s'éloigner de la maison.
Mais le père, quand il en fut averti, courut dehors et le rejoignit, essayant
de le convaincre et le priant de ne pas assombrir sa joie. L'aîné répondit à
son père : "Et tu veux que moi je n'en sois pas fâché ? Tu es
injuste et méprisant à l'égard de ton aîné. Moi, dès que j'ai pu travailler,
je t'ai servi, et cela fait bien des années. Je n'ai jamais transgressé tes
ordres, ni même négligé tes désirs.
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358> Je suis toujours resté près de toi
et je t'ai aimé pour deux, pour guérir la blessure que t'avait faite mon
frère. Et tu ne m'as même pas donné un chevreau pour faire la fête avec des
amis. Et lui qui t'a offensé, qui t'a abandonné, qui a été paresseux et
dissipateur et qui revient poussé par la faim, tu l'honores, et pour lui tu
as tué le veau le plus beau. Est-ce que cela vaut la peine d'être
travailleurs et sans vices ! Cela, tu ne devais pas me le faire !' , Le père lui dit alors en le serrant contre son
cœur : "Oh ! mon fils ! Et tu peux croire que je ne
t'aime pas parce que je n'étends pas un voile de fête sur tes actions ?
Tes actions sont saintes par elles-mêmes, et le monde te loue pour elles.
Mais ton frère, au contraire, a besoin d'être relevé dans l'estime du monde
et dans sa propre estime. Et tu crois que je ne t'aime pas parce que je ne te
donne pas une récompense visible ?
Mais matin et soir, à chacune de mes respirations et de mes pensées, tu es
présent à mon cœur et à chaque instant je te bénis. Tu as la récompense
continuelle d'être toujours avec moi et tout ce qui est à moi est à toi. Mais
il était juste de faire un banquet et de festoyer ton frère qui était mort et
qui est ressuscité au Bien, qui était perdu et qui est revenu à notre
amour". Et l'aîné se rendit à ces raisons.
205.7 – C'est ce qui arrive, mes amis,
dans la Maison du Père. Et qui se reconnaît dans la situation du cadet de la
parabole, qu'il pense aussi que s'il l'imite dans son retour au Père, le Père
lui dit : "Non pas à mes pieds, mais sur mon cœur qui a souffert de
ton absence et qui maintenant est heureux de ton retour". Que celui qui
se trouve dans la situation de l'aîné et sans faute à l'égard du Père, ne
soit pas jaloux de la joie paternelle, mais qu'il y prenne part en donnant
son amour à son frère racheté.
J'ai dit. Reste, Jean d'En-Dor, et toi, Lazare. Que les autres aillent
préparer les tables. Nous viendrons bientôt."
Tous se retirent. Quand Jésus, Lazare et Jean sont seuls, Jésus dit à Lazare
et à Jean:
"Ainsi en sera-t-il de l'âme chère que tu attends, Lazare, et ainsi en
est-il de la tienne, Jean. La bonté de Dieu dépasse toute mesure"...
205.8 – ...Les apôtres, avec la Mère
et les femmes, vont vers la maison, précédés de Marziam qui saute en courant
devant. Mais il revient vite, prend Marie par la main, et lui dit:
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359> "Viens avec moi. Je dois te
dire une chose en particulier." Et Marie le contente. Ils reviennent
vers le puits qui est dans un angle de la petite cour, tout caché par une
tonnelle touffue qui de la terre monte vers là
terrasse en faisant un arc. Là-derrière se trouve l'Iscariote.
"Judas, que veux-tu ? Va-t-en Marziam...
Parle, que veux-tu ?"
"Je suis en faute... Je n'ose aller vers le Maître, ni affronter les
compagnons. Aide-moi..."
"Je t'aiderai. Mais ne penses-tu pas à la douleur que tu causes ?
Mon Fils a pleuré à cause de toi, et les compagnons en ont souffert. Mais
viens. Personne ne te dira rien. Et, si tu le peux, ne retombe plus dans ces
fautes. C'est indigne d'un homme, et un sacrilège à l'égard du Verbe de
Dieu."
"Et toi, Mère, tu me pardonnes ?"
"Moi ? Moi, je ne compte pas auprès de toi qui t'estimes si grand.
Je suis la plus petite des servantes du Seigneur, Comment peux-tu te
préoccuper de moi, si tu n'as pas pitié de mon Fils ?"
"C'est que moi aussi j'ai une mère, et si j'ai ton pardon, il me semble
avoir le sien."
"Elle n'est pas au courant de cette faute."
"Mais elle m'avait fait jurer d'être bon avec le Maître. Je suis
parjure. Je sens le reproche de l'âme de ma mère."
"Tu le sens ? Et le chagrin et le reproche du Père et du Verbe, tu
ne le sens pas ? Tu es un malheureux, Judas ! Tu sèmes la douleur
en toi et en ceux qui t'aiment."
Marie est très sérieuse et affligée. Elle parle sans amertume mais avec
beaucoup de sérieux. Judas pleure.
"Ne pleure pas, mais deviens meilleur. Viens"
Et elle le prend par la main et entre ainsi dans la cuisine. C'est pour tous
la plus vive stupeur. Mais Marie prévient toute sortie peu charitable. Elle
dit :
"Judas est revenu. Faites comme l'aîné après le discours du père. Jean,
va prévenir Jésus."
Jean de Zébédée part en vitesse.
Un silence pèse dans la cuisine... Puis Judas dit :
"Pardonnez-moi, et toi Simon pour commencer. Tu as un cœur si paternel.
Je suis un orphelin, moi aussi."
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