


7.461. - Complotto presso Cusa per l'elezione di Gesù a re. Il greco
Zenone e la lettera di
Sintica con la notizia della
morte di Giovanni di Endor.
4.459. - At Johanna
of Chuza's. Letters from Antioch.
4.461 - Confabulación
en casa de Cusa para elegir a Jesús rey. El
griego Zenón y la carta de Síntica con la noticia de la muerte de Juan de
Endor.
8.510 - Bei
Johanna des Chuza; Briefe aus
Antiochia.
Samedi 11 août 29
(15 Ab 3789)
Tibériade.

Ce n'est pas beau la guerre.
Le sort des
femmes du monde.
Chouza et Manaën
ne comprennent pas encore que Jésus, est Roi d'un Royaume spirituel et
universel.
Je dois me
défendre de mes amis et de mes ennemis, pareillement injustes.
Sintica poursuit
son évangélisation et prophétise l'expansion du christianisme.
Mort de Jean
d'Endor qui pardonne à Judas.

-
Accostage au quai de Jeanne ........................................ 493
- Marie et
Mathias accourent à la voix de Jésus..........
494
- Mathias rêve
d'un roi temporel ........................................ 495
- Discours : Mon
Royaume est spirituel ......................... 496
- Accueil de la
part de Jonathas ........................................ 497
- Et de la part de Jeanne 497
- Jeanne est déçue de Chouza ........................................ 497
-
Qui voudrait que Jésus remplace Hérode ....... 498
- Discours : Mon Royaume est spirituel (suite) ............ 498
-
Si la Loi était dans les cœurs... ........................................ 499
- L'homme
d'Antioche se présente à Jésus ........ 500
- Ce qu'il a
appris de Sintica ........................................ 501
- La lettre
annonce la mort de Jean d'Endor ............... 502
- Jésus demande
à l'étranger un service .................... 503
- Et l'invite à ne pas haïr 503
-
Réactions à la nouvelle de cette mort.....................
504
- La lettre (L'histoire du messager Zénon ........ 504
-
Le rôle futur de Rome) ... ........................................ 505
- Pierre ne veut
rien manquer ........................................ 506
- La lettre
(Pourquoi Sintica est à Antioche 507
- Mort sublime de Jean d'Endor) ........................ 507
-
Pierre insiste pour tout entendre.......................
508
- La lettre (La mort
prochaine de Jésus) ..................... 509
- Pierre demeure sur son appétit ........................... 509
-
La lettre (Sintica s'est rapprochée des romains 510
- Pour préparer
le terrain aux apôtres) ........................ 511
- Jésus
s'éloigne avec Marie ........................................ 512
- Pour lire avec elle les passages cachés ....... 512
- La lettre (Je te ferai connaître par les gentils .............. 512
-
Jean d'Endor a pardonné au traître)............................ 513
- Prière de
Jésus et de Marie ........................................ 514
Par Jean-François Lavère

Maria Valtorta a-t-elle été à Antioche de Syrie … au temps de Jésus ? On peut
légitimement se poser la question à la lecture des descriptifs précis qu'elle
en fait !
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Tome 6, chapitre 153.
461.
Chez Jeanne de Chouza.
Lettre d’Antioche.
Vision
du mardi 23 juillet 1946
493> Tibériade a déversé tous ses
habitants sur les rives du lac ou sur le lac lui-même pour qu'ils trouvent du
rafraîchissement dans la brise qui court sur les eaux et secoue les arbres
des jardins le long de la rive. Dans cette ville, il y a un mélange de
nombreuses races réunies là pour des motifs variés. Les riches se détendent
sur des barques de plaisance confortables, ou bien sous les ombres vertes des
jardins ils regardent l'évolution des bateaux sur les eaux bleu turquoise,
déjà épurées de la couleur jaune qu'y avait apportée l'orage du soir précédent.
Les pauvres, et surtout les enfants, s'ébattent sur la plage, là où les
petites vagues viennent mourir. La fraîcheur de l'eau, qui les atteint plus
haut qu'ils ne voudraient, leur fait pousser de petits cris qui rappellent
ceux des hirondelles.
494> Les barques de Pierre
et de Jacques approchent de la rive et se dirigent vers
le petit môle.
"Non. Au jardin de Jeanne" commande Jésus.
Pierre obéit sans parler et la barque, suivie de sa sœur jumelle, exécute un virage parfait qui laisse un sillage écumeux
en forme de point d'interrogation pour se replier sur la jetée du jardin de
Chouza où il accoste et s'arrête. Jésus descend le premier et il donne la
main aux deux Marie pour les aider à monter sur le petit quai.
"Vous, maintenant, allez au grand môle et mettez-vous à prêcher le
Seigneur. Vous allez voir un homme s'approcher pour vous demander où je suis.
C'est l'homme d'Antioche. Conduisez-le-moi après avoir congédié la
foule."
"Oui... mais... Que devons-nous dire aux gens ? Prêcher ta venue
ou prêcher ta doctrine ?"
"Ma venue. Dites qu'à l'aurore je parlerai à Tarichée et guérirai
les malades. Que l'un de vous surveille les
barques, ou mettez quelque disciple à le faire, pour qu'elles soient prêtes
pour le départ. Allez et que la paix soit avec vous." Et il se dirige
vers la grille qui sert de clôture sur le débarcadère. Les deux Marie le
suivent silencieusement.
Dans le grand jardin où des rosées tardives fleurissent bien qu'en petit nombre, on ne voit personne. Mais on entend les cris
heureux des deux petits qui jouent. En passant la main à travers les
arabesques de la grille, Jésus cherche à déplacer le verrou, mais il n'y
réussit pas. Il cherche s'il y a quelque chose qui puisse faire du bruit et
attirer l'attention. Mais il n'y a rien.
Alors, en entendant plus proches les voix des deux enfants, il appelle à haute voix : "Marie !" Du
coup, les deux voix se taisent... Jésus répète :
"Marie !"...
Voilà que là-bas, au milieu du pré, tenu rasé comme un tapis d'où s'élèvent des touffes de rosiers bien tenus, il aperçoit
marchant à petits pas, circonspecte, un doigt sur les lèvres, ses yeux
inquisiteurs scrutant dans tous les sens, la fillette, et puis, quelques pas
en arrière, suivi d'un agnelet blanc comme de l'écume, voilà Mathias.
"Marie ! Mathias !" crie Jésus à haute voix.
La voix guide les regards innocents. Les deux enfants tournent les yeux vers
la grille et voient Jésus, le visage contre les barres, qui leur sourit.
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495> "Le
Seigneur ! Cours, Mathias, vers maman... Appelle Elle ou Michée...
Qu'ils viennent ouvrir..."
"Vas-y toi. Moi, je vais vers le Seigneur..." et ils courent tous
les deux, les bras tendus, deux papillons,
l'un blanc, l'autre rosé avec leur petite tête brune. Mais heureusement, en
courant, ils appellent les serviteurs, et ceux-ci accourent, armés
d'arrosoirs et de râteaux, de sorte que finalement la grille s'ouvre et les
deux enfants se réfugient dans les bras de Jésus qui les embrasse et franchit
le seuil en les tenant par la main.
"Maman est à la maison avec ses amies. On nous renvoie, parce qu'on ne
veut pas de nous" explique rapidement Mathias.
"Ne parle pas si mal. Maman nous renvoie parce que ces dames sont
romaines et elles parlent encore de leurs dieux et nous, que Jésus a sauvés,
nous ne devons connaître que Lui seul. C'est pour cela, Seigneur. Mathias est
trop petit et ne comprend pas" dit-elle, gracieusement, avec son bon
sens d'enfant qui a souffert et qui par conséquent est plus mûre, plus adulte
que son âge ne le comporte.
"Le père aussi nous renvoie quand viennent ceux de la Cour. Et ils me
plairaient, parce que ce sont presque tous des soldats... des guerriers... La
guerre ! C'est beau, la guerre ! Elle donne la victoire ! Elle
renvoie les romains. A bas Rome ! Vive le Royaume d'Israël" crie
fièrement le petit.
"Ce n'est pas beau la guerre, Mathias,
et quand on ne remporte pas la victoire, de sujets, on devient
esclaves."
"Mais ton Règne doit arriver, et pour qu'il arrive on fera la guerre. Et on les renverra tous, même Hérode, et tu
seras roi."
"Mais tais-toi, sot. Tu sais que tu ne dois pas répéter ce que tu
entends. Ils font bien de te chasser. Tu ne sais pas
que tu peux faire du mal au père, à la mère, et aussi à Jésus, en parlant
ainsi ?" dit Marie. Et puis elle explique : "Un jour est
venu celui qui est comme un prince et un parent d'Hérode et qui est ton
disciple, pour parler avec le père. Et ils criaient si fort, ils
n'étaient pas seuls, mais avec beaucoup d'autres..."
"Tous beaux, avec de belles épées, et ils parlaient de guerre..."
interrompt Mathias.
"Tais-toi, dis-je ! Et ils criaient si fort que l'on a entendu et
ce sot, depuis lors, ne fait qu'en parler.
Dis-le-lui Toi qu'il ne doit pas... Maman l'a dit, et le père a menacé de
l'envoyer au sommet du grand Hermon, dans une grotte avec un esclave sourd et
muet, jusqu'à ce qu'il ait appris à se taire. Et là, il devrait se taire car
s'il parle avec l'esclave celui-ci n'entend pas et ne répond pas, s'il crie
les aigles et les loups arrivent pour le manger..."
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496> "Un châtiment terrible !" dit Jésus en
souriant et il caresse l'enfant qui a perdu
sa hardiesse et qui se serre contre Jésus comme s'il voyait déjà les aigles
et les loups prêts à le dévorer tout entier y compris sa petite langue
imprudente. "Un châtiment vraiment terrible !" répète-t-il.
"Hé ! oui, et moi, j'ai peur que cela lui arrive et de rester sans
Mathias, et je pleure... Mais lui n'a pas pitié ni de maman ni de moi, et il
nous fera mourir de douleur..."
"Je ne le fais pas exprès... J'ai entendu... et je parle... C'est si
beau... de penser que les romains seront vaincus,
que Hérode et Philippe seront chassés, et que Jésus sera Roi d'Israël"
termine-t-il en mourant et en cachant son visage contre les vêtements de
Jésus pour amortir encore plus le son de sa voix.
"Mathias ne dira jamais plus ces choses. Il me le promet à Moi, et il
tiendra parole. N'est-ce pas ? Ainsi lui ne sera pas dévoré, Jeanne et
Marie ne mourront pas de douleur, Chouza ne sera pas fâché, et Moi, je ne
serai pas haï. Parce que tu vois, Mathias ? Tu me fais haïr en disant
ces choses. Te plaît-il que Jésus soit persécuté ? Pense quel remords si
un jour tu devais te dire à toi-même : "J'ai fait persécuter Jésus
qui m'a sauvé, et tout cela pour avoir répété ce que j'ai entendu par hasard".
Ces gens étaient des hommes, et les hommes perdent souvent Dieu de vue, parce
qu'ils sont pécheurs. Ne voyant pas Dieu, ils ne voient pas la Sagesse et ils
font des erreurs même dans un bon but, ou dans un but qu'ils croient tel.
Mais les enfants sont bons, leurs esprits voient Dieu, et Dieu repose dans
leur cœur. Par conséquent, ils doivent comprendre les choses avec sagesse et
dire que mon Royaume ne se fera pas par la violence sur la Terre, mais par
l'amour dans les cœurs. Et ils doivent prier pour que les hommes comprennent
ce Royaume, comme le comprennent les enfants. Les prières des enfants sont
portées par leurs anges au Ciel et le Très-Haut les transforme en grâces. Et
Jésus a besoin de ces grâces pour faire de ces hommes, qui pensent à la guerre
et au royaume temporel, des apôtres qui comprennent que Jésus est paix et que
son Royaume est spirituel et céleste. Tu vois cet agnelet ? Pourrait-il
en dévorer un autre ?"
"Hé ! non ! S'il pouvait le faire, le père ne nous en aurait
pas fait cadeau pour nous faire mettre en
pièces."
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497> "Voilà, tu as
bien dit. Le père aussi qui est dans les Cieux ne m'aurait pas envoyé si
j'avais eu la puissance et la volonté de mettre en pièces. Je suis l'Agneau
et le Berger. Et je suis doux et plein de mansuétude comme l'agneau, et je
suis Celui qui réunit par l'amour avec la verge du bon Pasteur et non avec la
lance et l'épée du guerrier. As-tu compris ? Et me promets-tu à Moi,
précisément à Moi, de ne plus parler de certaines choses ?"
"Oui, Jésus. Mais... aide-moi, Toi... parce que tout seul..."
"Je t'aiderai. Regarde, je te caresse les lèvres et ainsi elles sauront
rester closes."
"Mon Maître ! Sainte est cette soirée qui me permet de te voir !"
dit Jonathas en accourant de la maison et en se
prosternant aux pieds de Jésus.
"Paix à toi, Jonathas. Puis-je voir Jeanne ?"
"Elle va venir. Elle a congédié les romaines pour venir te
trouver."
Jésus le regarde d'un air interrogateur, mais ne lui demande rien. Il marche dans la direction de la maison, en
écoutant Jonathas qui parle de Chouza "absolument buté contre
Hérode" et qui dit : "Pour l'amour de ma maîtresse, je te prie
de le modérer car il veut faire des choses qui... ne feraient de bien ni à
Toi, ni à lui, pas à Toi surtout."
Jeanne, dans un splendide vêtement blanc sur lequel, de la tête, descend un voile qui paraît un filigrane d'argent tant
il est broché de fils de ce métal - et je ne sais pas comment la légèreté de
l'étoffé supporte cette broderie brochée d'argent - ceinte d'un fin diadème,
qui pointe légèrement sur le devant, comme une mitre ornée de perles, de
lourdes boucles d'oreilles ornées de perles, un collier de perles autour du
cou, des bracelets et des bagues pareillement garnis - une apparition de
beauté, pure et gracieuse - elle vient en hâte vers le Seigneur, et sans se
soucier de ses beaux vêtements, elle se prosterne dans la poussière du
sentier et dépose un baiser sur les pieds de Jésus.
"Paix à toi, Jeanne."
"Quand tu es avec moi, il y a toujours la paix en moi et dans ma maison... Mère !..." et elle va baiser les
pieds de Marie, mais Marie l'accueille, les bras ouverts et l'embrasse. Elle
échange aussi un baiser avec Marie d'Alphée.
Après les salutations, Jésus dit : "Je dois te parler,
Jeanne."
"Me voici, Maître. Marie, ma maison est à toi : commande ce qu'il
faut. Je vais avec le Maître..."
Jésus s'est déjà déplacé pour aller dans le pré, bien en vue de tout le monde, mais assez isolé pour que personne ne puisse
entendre.
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498> Jeanne le rejoint.
"Jeanne, je dois recevoir quelqu'un qui vient d'Antioche, envoyé par
Sintica, certainement. J'ai pensé le faire dans ta maison, ici, dans ton
jardin..."
"Tu es le maître de tout ce qui appartient à Jeanne."
"Même de ton cœur ?" Jésus la regarde fixement.
"Tu sais, déjà, Maître ! J'en
étais presque certaine. Maintenant, je le suis tout à fait. Chouza...
l'incohérence des hommes est bien grande ! Le sentiment de leur intérêt
est bien fort ! Et leur pitié pour leurs femmes est bien faible !
Nous sommes... Que sommes-nous donc, nous, les femmes des meilleurs ? Un
joyau que l'on montre ou que l'on cache selon que cela peut être utile... Une
mime qui doit rire ou pleurer, attirer ou repousser, parler ou se taire, se
montrer ou rester cachée, selon les désirs de l'homme... toujours dans son
intérêt... Il est triste, notre sort, Seigneur ! Et dégradant,
aussi !"
"En compensation, il vous est donné de savoir vous élever plus haut par l'esprit."
"C'est vrai. Tu as su par Toi-même ou bien on t'en a parlé ? As-tu
vu Manaën ? Il te cherchait..."
"Non, je n'ai vu personne. Il est ici ?"
"Oui. Nous sommes tous ici... Je veux dire : tous les courtisans
d'Hérode... et plusieurs parce qu'ils le haïssent.
Parmi eux aussi Chouza depuis que, par la volonté d'Hérodiade, Hérode se
plaît à mortifier son intendant... Seigneur, tu te souviens qu'à Béther il
voulait me séparer de Toi, parce qu'il craignait la disgrâce d'Hérode ?
Il n'est passé que quelques mois... et déjà maintenant il veut que je... Oui,
Seigneur, lui voudrait que je te persuade d'accepter son aide pour devenir
roi à la place du Tétrarque... Moi, je dois le dire puisque je suis femme,
soumise par conséquent à l'homme, et en plus femme Israélite, par conséquent
plus que jamais soumise aux volontés de l'époux. Je le dis donc... Et je ne
te donne pas de conseil... parce que j'espère savoir déjà que Toi...
oh ! tu ne te feras pas roi avec l'aide de lanciers gagés. Oh !...
qu'ai-je dit ! Je ne devais pas parler ainsi... Je devais te laisser
d'abord entendre Chouza, Manaën et d'autres... Et si je me taisais, est-ce
que je ne faisais pas mal ?... Seigneur, aide-moi à voir clair..."
"Tu y vois clair, Jeanne. Ce ne sera
pas avec les cohortes romaines, ni avec les lances Israélites que Moi je me
ferai roi, même si
Rome et Israël voulaient pacifier cette région en
se servant de Moi. J'ai déjà compris suffisamment pour me rendre compte.
Mathias a eu des paroles imprudentes. Jonathas a fait allusion à des
mécontentements. Tu dis le reste.
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499> Moi, je complète ainsi : une folle conception de
mon royaume pousse ceux qui sont bons, sans être encore justes, comme Manaën,
à créer des mouvements tendant à établir le royaume d'Israël selon l'idée
fixe de la plupart. Un besoin piquant, brûlant, de se venger d'un affront en
pousse d'autres, parmi lesquels ton époux, à la même
chose. C'est sur ces deux motifs que fait levier l'astuce des pharisiens, des
sadducéens, des scribes et aussi des hérodiens pour se défaire de Moi en me
faisant voir aux yeux de ceux qui nous dominent tel que je ne suis pas. Tu as
congédié les romaines pour me dire cela, pour ne pas trahir Chouza, ni Manaën,
ni les autres. Mais je te dis, en vérité, que ceux qui m'ont compris
davantage, ce sont les gentils. Ils m'appellent le philosophe, peut-être
jugent-ils que je suis un rêveur, un irréaliste, un malheureux, selon eux
pour qui tout repose sur la violence. Mais ils ont compris, eux au moins ont
compris, que je ne suis pas de cette Terre, et que mon Royaume n'est pas de
cette Terre. Ils ne me craignent pas, mais craignent ceux qui me suivent. Ils
ont raison. Ceux qui me suivent, les uns par amour, les autres par orgueil,
seraient capables de faire n'importe quoi, pour réaliser leur idée :
faire de Moi, le Roi des rois, le Roi universel, un pauvre roi d'un état
minuscule... Et, en vérité, je dois me garder davantage de ce complot qui se
développe dans l'ombre, encouragé par mes vrais ennemis qui ne sont pas au
palais proconsulaire de Césarée, ni à celui du Légat à Antioche, ni non plus
à l'Antonia, mais qui sont sous les tefilim, les franges et les zizits des vêtements hébraïques et spécialement sous les larges
tefilim et les floconneux zizits
qui ornent les amples vêtements des pharisiens et des scribes pour manifester
une adhésion encore plus large à la Loi. Mais la Loi est dans le cœur, pas
sur les vêtements... Si la Loi était dans leurs cœurs, ceux qui se haïssent
entre eux, mais qui maintenant s'unissent, oubliant cette haine pour me nuire
- la haine qui creuse des fossés profonds entre les castes d'Israël et qui
maintenant n'est plus divisé mais nivelé parce que les fossés sont pleins de
la haine qu'ils ont pour Moi - si la Loi était dans leurs cœurs, au lieu
d'être suspendue et attachée à leurs vêtements, à leurs fronts, à leurs
mains, comme un sauvage s'attache des amulettes, des coquillages, des os, des
becs de vautours, par superstition ou comme ornement, si cette Loi était dans
leurs cœurs, si la Sagesse était inscrite non pas dans les tefilim, mais sur les fibres de leurs cœurs, ils
comprendraient qui je suis et qu'ils ne peuvent aller contre Moi pour me
détruire comme Verbe et comme Homme.
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500> Je
dois donc me défendre de mes amis et de mes ennemis, pareillement injustes
dans leur haine comme dans leur amour. Je dois chercher à diriger l'amour et
à apaiser la haine. Je le fais pour accomplir mon devoir, et je le ferai
jusqu'à ce que j'aie édifié le Royaume, en en arrosant les pierres de mon
Sang pour les cimenter. Quand je vous aurai aspergé de mon Sang, vos cœurs ne
vacilleront plus. Je parle des cœurs qui me sont fidèles. Du tien, Jeanne,
ainsi partagée entre les deux forces et les deux amours qui sont sur toi et
en toi : Chouza-Moi."
"Mais tu vaincras, Seigneur."
"Je vaincrai, oui."
"Cherche pourtant à sauver Chouza aussi... Aime celui que j'aime."
"J'aime celui qui t'aime."
"Aime Chouza qui t'aime..."
"Le mensonge n'est pas pour ce front pur comme les perles qui le ceignent et qui rougit maintenant dans l'effort de
vouloir se persuader et me persuader que Chouza m'aime."
"Et pourtant, il t'aime."
"Oui, par intérêt. Comme par intérêt, il ne m'aimait pas à Zio et à Siram... Mais voici Simon de Jonas avec l'étranger. Allons à
leur rencontre..."
Ils s'en vont jusqu'au vaste vestibule qui est sur l'arrière de la maison, plutôt un portique en demi-cercle qu'un
vestibule et qui ouvre sur le parc. Ainsi le parc se prolonge dans la maison
par ce vestibule en demi-cercle ouvert sur le jardin et orné de colonnes avec
des tiges de rosiers maintenant sans fleurs et de charmants rameaux de
jasmin, constellés de fleurs et d'autres plantes grimpantes pourpres dont
j'ignore le nom.
"La paix soit avec toi, étranger. Tu voulais me voir ?"
"Salut et gloire, Seigneur. Je voulais te voir. J'ai
une lettre pour Toi. C'est une femme
grecque qui me l'a donnée à Antioche. Je suis... Non, je ne suis plus grec.
J'ai pris la nationalité romaine pour continuer mon travail. Je suis
fournisseur des milices romaines. Je les hais, mais il est avantageux de les
ravitailler. A cause de ce qu'ils nous ont fait, je devrais mêler de la ciguë
à la farine, mais il faudrait les empoisonner tous, pas quelques-uns. Ce
serait inutile, ce serait pire... Ils se croient tout permis parce qu'ils
sont forts. Ce sont des barbares en comparaison des grecs. Ils nous ont tout volé pour s'orner de ce qui était à nous et essayer de
paraître civilisés.
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501> Mais une fois grattée la croûte qui est teinte de notre
civilisation, on découvre toujours un Amulius, un
Romulus, un Taquin... On découvre toujours un Brutus, meurtrier de son
bienfaiteur. Maintenant ils ont Tibère ! C'est encore peu pour
eux ! Ils ont Séjan. Ils ont ce qu'ils méritent. Le fer, les chaînes, les
crimes qu'ils ont commis, se retournent contre eux-mêmes et mordent les
chairs de ces brutes de romains. C'est peu, encore trop peu. Mais ils
n'échapperont pas à la loi : quand le monstre sera devenu énorme, il
s'écroulera par son propre poids et pourrira. Et les vaincus riront devant
l'énorme cadavre et ils redeviendront les vainqueurs. Qu'il en soit
ainsi ! Tous les pieds des conquérants pour accabler celle qui nous a
écrasés par sa brutale expansion... Mais pardonne-moi, Seigneur. La
perpétuelle douleur m'a bouleversé encore une fois... Je disais qu'une
grecque m'a donné une lettre pour Toi, et elle m'a dit que tu es le Vertueux
parfait. Vertueux... Tu es jeune pour l'être... Les grands esprits de
l'Hellade ont dépensé leur vie pour le devenir un peu... Et pourtant la femme
m'a dit ton Idée. Si vraiment tu crois à ce que tu enseignes, tu es grand...
Est-il vrai que tu vis pour te préparer à la mort pour donner au monde la
sagesse de vivre en dieu et non en brute, comme le font maintenant les
hommes ? Est-il vrai que tu affirmes qu'il n'y a qu'une richesse qui
mérite qu'on l'atteigne : celle de la vertu ? Est-il vrai que tu es
venu pour racheter, mais que la rédemption commence en nous-mêmes, quand on
suit tes enseignements ? Est-il vrai que nous possédons une âme et que
nous devons en prendre soin car c'est une chose divine, immortelle,
incorruptible par sa nature, mais à laquelle, en vivant en brutes, nous
pouvons faire perdre son caractère divin, sans pouvoir la détruire ?
Réponds, ô Grand !"
"C'est vrai. Tout est vrai."
"Par Zeus, c'est cela que disait notre très Grand. Mais cela semblait une musique à laquelle il manquait
une note, une lyre à laquelle il manquait
une corde. De temps à autre on sentait un vide que le philosophe ne
franchissait pas. Tu l'as comblé, si réellement tu es venu non seulement pour
enseigner mais encore pour mourir sans y être contraint par personne, mais
par la volonté personnelle d'obéir à Dieu, ce qui change ta mort de suicide
en sacrifice... Par la divine Pallas ! Aucun de nos dieux n'a jamais
fait cela. J'en déduis donc que tu es au-dessus d'eux. La grecque dit qu'ils
n'existent pas et que Toi seul tu existes... Je parle donc à un Dieu ?
Et un Dieu peut-il écouter ainsi un ravitailleur voleur et qui hait son
ennemi, un homme misérable ? Pourquoi m'écoutes-tu ?"
"Parce que je vois ton âme."
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502> "Tu la vois ?!!! Comment est-elle ?"
"Difforme, sale, serpentine, amère, ignorante, bien que ton intelligence
soit bien différente de celle d'un barbare. Mais à l'intérieur de ce temple souillé, il y a un autel qui attend, comme
celui qui est à l'Aréopage et qui attend la même chose. Il attend le Dieu
vrai."
"Toi alors, puisque la grecque dit que tu es le Dieu vrai. Mais, par
Zeus, c'est vrai ce que tu dis de mon âme. Tu es plus clair et plus sûr que
l'oracle de Delphes. Mais tu prêches la paix, l'amour et le pardon :
difficiles vertus. Et tu prêches la continence et l'honnêteté en toute
matière... Être cela c'est être des dieux, plus grands que des dieux, car
eux... oh, ils ne sont pas pacifiques, honnêtes, magnanimes !... Ils
sont la perfection des mauvaises passions de l'homme, sauf Minerve qui, au
moins, est sage... Diane, elle-même !... Pure, mais cruelle... Oui, être
ce que tu prêches, c'est être plus que des dieux. Si je le devenais... par le
charmant Ganymède ! Lui, tout jeune homme enlevé par l'aigle de l'Olympe
et devenu échanson des dieux. Mais Zénon, passé de fournisseur de vivres à
des maîtres barbares à l'état de dieu... Mais permets-moi de m'enfermer dans
cette pensée et, pendant ce temps, lis la lettre de la femme..." et
l'homme se met à marcher comme un péripatéticien.
Pierre, fatigué, et voyant que la conversation se prolongeait s'était
commodément installé sur un siège de l'atrium et dans l'ambiance fraîche,
dans la douceur des coussins qui recouvraient le
siège, il s'était mis tranquillement à sommeiller... Pourtant il doit avoir
gardé une oreille attentive, car il est réveillé par le bruit du sceau que
l'on brise et du parchemin que l'on déroule. Il se lève en frottant ses yeux
que ferme encore le sommeil. Il s'approche du Maître qui lit debout sous un
lustre de plaques de mica délicatement violacée. La lumière est faible, juste
suffisante pour éclairer l'endroit sans lui enlever l'enchantement du clair
de lune dans les nuits sereines. Aussi Jésus tient très haut la feuille pour
lire les mots et Pierre, qui est beaucoup plus petit et se tient tout près de
Lui, essaie d'allonger le cou, de se lever sur la pointe des pieds pour voir,
mais il n'y arrive pas.
"C'est Sintica, hein? Que dit-elle ?" il répète sa demande et
dit en suppliant : "Lis tout haut, Maître !"
Mais Jésus répond : "Oui, c'est elle... Après..." et il
continue de lire et, après avoir lu la
première feuille, il la plie, la passe dans les plis de sa ceinture et se met
à lire la seconde feuille.
Haut de page
503> "Comme elle en a écrit long, hein ?! Comment
va Jean ? Et quel est cet homme ?" Pierre insiste comme un
enfant. Jésus est tellement absorbé qu'il ne l'entend plus. La seconde
feuille est finie et elle subit le sort de la première.
"Elles s'abîment, ainsi. Passe-moi les feuilles pour que je les
tienne..." et certainement il pense : "et pour que je les
lorgne." Mais, en levant les yeux pour suivre les mains du Maître, qui
déroulent la troisième et dernière feuille, il voit briller une larme
suspendue dans les cils blonds de Jésus.
"Maître ?! Tu pleures ?! Pourquoi, mon Maître ?" et
il le serre contre lui en le prenant à la taille avec son bras musclé et
court.
"Jean est mort..."
"Oh ! le pauvre ! Quand ?"
"Aux premières chaleurs... et en nous désirant tellement..."
"Oh ! pauvre Jean !... Mais déjà... il était à bout !...
Et la douleur de la séparation... Tout cela
à cause des serpents ! Si je savais leurs noms !... Lis tout haut,
Seigneur. Jean, moi je l'aimais bien !"
"Plus tard. Plus tard, je lirai. Tais-toi maintenant."
Jésus lit attentivement... Pierre se dresse encore plus pourvoir... La lecture est finie. Jésus replie la feuille et il dit:
"Appelle ma Mère.’
"Tu ne lis pas ?"
"J'attends les autres... Entre-temps, je vais congédier cet homme."
Et pendant que Pierre va à la maison où les femmes disciples sont avec Jeanne, Jésus va trouver le grec :
"Quand pars-tu ?"
"Oh ! Je dois aller à Césarée chez le Proconsul et puis à Joppé
après avoir acheté des marchandises. Je partirai
d'ici un mois, assez tôt pour éviter les tempêtes de novembre. Je partirai
par mer. As-tu besoin de moi ?"
"Oui, pour répondre. La grecque dit que je puis me fier à toi."
"On dit que nous sommes faux, mais nous sommes capables aussi de ne pas l'être. Fie-toi à moi. Tu peux préparer
l'écrit et me chercher pour les Tabernacles chez Cléante. C'est lui qui me
fournit le fromage de Judée pour les tables des romains. Troisième maison
après la fontaine du village de Bethphagé. Tu ne
peux te tromper."
"Toi aussi tu ne peux te tromper si tu suis la route où tu as mis
le pied. Adieu, homme. La civilisation grecque
t'amène à la chrétienne."
"Tu ne me reproches pas de haïr ?"
"Te rends-tu compte que je devrais le faire ?"
"Oui, parce que tu réprouves la haine comme une passion indigne et que
tu as horreur de la vengeance."
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504> "Et toi, qu'en
penses-tu ?"
"Que celui qui ne hait pas et pardonne, est plus grand que Zeus."
"Atteins alors cette grandeur... Adieu, homme. Que ta famille aime Sintica et, dans l'exil où vous êtes, prenez les
chemins de la Patrie immortelle: le Ciel. Celui qui croit en Moi et met en
pratique mes paroles aura cette Patrie. Que la Lumière t'éclaire. Va en
paix."
L'homme salue et s'éloigne. Puis il s'arrête, revient en arrière, demande : "Je ne t'entendrai pas
parler ?"
"A l'aurore, je vais parler à Tarichée. Mais après, je vais vers la
Syro-Phénicie, et ensuite, je ne sais pas par quel
chemin, à Jérusalem."
"Je te chercherai, et demain je serai à Tarichée pour juger si tu es
aussi éloquent que sage."
Il s'en va définitivement.
Les femmes sont dans l'atrium, et elles commentent avec Pierre la mort de Jean. Mais sont arrivés aussi ceux qui
étaient restés en ville pour prévenir que le lendemain matin le Rabbi serait
à Tarichée. Et tous parlent du pauvre Jean et sont anxieux de savoir.
"Il est mort, Fils !"
"Oui, il est dans la paix."
"Il a vraiment fini de souffrir."
"Il est définitivement sorti de prison."
"Il aurait été juste qu'il ne souffrît pas la dernière douleur de
l'exil."
"Une purification de plus."
"Oh ! je ne voudrais pas pour moi cette purification. N'importe
quelle autre, mais ne pas mourir loin du
Maître !"
"Et pourtant... nous mourrons tous ainsi... Maître... emmène-nous avec
Toi !" dit André après les autres.
"Tu ne sais pas ce que tu demandes, André. C'est ici votre place jusqu'à
ce que je vous appelle. Mais écoutez ce qu'écrit Sintica.
"Sintica du Christ, au Christ Jésus, salut.
L'homme qui te portera ces feuilles est mon compatriote. Il m'a promis de te
chercher jusqu'à ce qu'il te trouve en se réservant comme dernier endroit
Béthanie où il laissera la lettre chez Lazare s'il n'a pu te trouver nulle
part. C'est quelqu'un qui se remet, comme il peut, de tout le mal qu'il a
reçu, lui et ses ancêtres, de la part de Rome. Par trois fois Rome les a
frappés, de multiples manières, et toujours avec ses méthodes.
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505> Lui, avec sa finesse
de grec, dit qu'il trait les vaches du Tibre pour leur faire cracher les
chèvres helléniques. Il est le fournisseur de la maison du Légat et de
nombreuses maisons romaines de cette petite Rome, de cette grande ville, reine
de l'Orient. En outre, après les aliments raffinés pour les riches, il a
réussi à s'assurer, d'une manière astucieuse faite d'hommages serviles qui
voilent une haine implacable, les fournitures des cohortes d'Orient. Je
n'approuve pas sa façon de faire, mais chacun a sa méthode. Moi j'aurais
préféré le pain mendié le long des routes aux écrins d'or que lui donne
l'oppresseur. Et c'est ainsi que j'aurais toujours agi si maintenant un autre
motif, qui n'est pas intéressé, ne m'avait pas poussée à imiter le grec pour
atteindre mon but.
Mais, au fond, c'est un brave homme et ce sont de braves gens que sa femme, ses trois filles et son fils. Je les ai
connus dans la petite école d'Antigonea et comme la mère était malade au
commencement du printemps, je l'ai soignée avec le baume, et ainsi je suis
entrée dans leur maison. Beaucoup de maisons m'auraient reçue comme maîtresse
de broderie, maisons nobles et maisons de commerce, mais j'ai préféré
celle-là pas précisément parce que ses habitants sont grecs. Je vais
t'expliquer.
Je te prie d'être indulgent pour Zénon même si tu ne peux approuver ses vues. Il est comme certains terrains
arides, quartzeux en surface, mais excellents sous une croûte dure. J'espère réussir
à enlever cette croûte formée par tant de souffrances et à mettre à nu le bon
terrain. Il serait d'un grand secours pour ton Église, car Zénon est connu et
il a des relations avec quantité de gens d'Asie mineure et de Grèce, sans
compter Chypre, Malte et jusqu'à l'Ibérie où il a partout des parents et des
amis, grecs comme lui et persécutés, et aussi des romains des milices ou de
la magistrature, très utiles, un jour, à ta cause.
Seigneur, au moment où j'écris, de l'une des terrasses de la maison je vois
Antioche avec ses quais sur le fleuve, le palais du Légat dans l'île, ses rues royales, ses murs aux centaines de
tours puissantes, et si je me retourne, je vois le sommet du Sulpius qui me domine avec ses casernes, et le second
palais du Légat. Je me trouve ainsi entre les deux manifestations de la
puissance romaine, moi, pauvre femme sujette, seule. Mais elles ne me font
pas peur. Je pense au contraire que ce qui est impossible au déchaînement des
éléments et à la force d'un peuple entier révolté, sera fait par la faiblesse
qui ne porte pas ombrage, la faiblesse apparente que méprisent les puissants,
de ceux qui sont une force parce qu'ils possèdent Dieu : Toi.
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506> Je pense, et je te le dis, que
cette force romaine sera la force chrétienne quand elle t'aura connu, et que
c'est par les citadelles de la romanité païenne qu'il faudra commencer le
travail parce qu'elles seront toujours les maîtresses du monde et une
romanité chrétienne voudra dire une chrétienté universelle. Quand cela
arrivera-t-il? Je ne sais, mais je sens que cela arrivera. C'est pour cela
que je regarde en souriant ces témoignages de la puissance romaine, en
pensant au jour où ils mettront leurs enseignes et leur force au service du
Roi des rois. Je les regarde comme on regarde des amis qui ne savent pas
encore qu'ils le sont, qui feront souffrir avant d'être conquis, mais qui,
une fois conquis, te porteront, porteront la connaissance de Toi jusqu'aux
confins du monde.
Moi, pauvre femme, voilà ce que j'ose dire à ceux qui sont mes grands frères en Toi. Quand ce sera l'heure de conquérir
le monde à ton Royaume, il ne faudra pas commencer par Israël trop renfermé
dans son rigorisme mosaïque aigri par les pharisiens et les autres castes
pour être conquis, mais par ici, par le monde romain, par ses ramifications -
les tentacules par lesquels Rome étrangle toute foi, tout amour, toute
liberté différente de ce qu'elle veut, au service de ses intérêts - c'est par
ici que devra commencer la conquête des esprits à la Vérité.
Tu le sais. Seigneur. Mais je parle pour les frères qui ne peuvent croire que nous aussi, les gentils, nous aspirons au
Bien. C'est aux frères que je dis que sous la cuirasse païenne il y a des
cœurs déçus par le vide du paganisme, qui ont la nausée de la vie qu'ils
mènent dictée par les coutumes, qui sont las de la haine, du vice, de la
dureté. Il y a des esprits honnêtes, mais qui ne savent pas où s'appuyer,
pour trouver un assouvissement à leurs aspirations au Bien. Donnez-leur une
Foi qui les assouvisse, ils mourront pour elle en la portant toujours plus en
avant, comme un flambeau dans les ténèbres, comme les athlètes des jeux
helléniques".
Jésus replie la première feuille. Ceux qui l'ont écouté commentent le style,
la force, les idées de Sintica, et ils se demandent pourquoi elle n'est plus
à Antigonea. Pendant ce temps, Jésus déroule la
seconde feuille.
Pierre, qui jusque-là était resté assis, se rapproche comme pour mieux entendre et recommence à se dresser sur la pointe
des pieds, pour voir, en se serrant contre Jésus.
"Simon, il fait si chaud, et tu me serres" dit Jésus en souriant.
"Retourne à ta place. N'as-tu pas entendu jusqu'à présent ?"
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507> "Entendu ? Oui.
Mais je n'ai pas vu, et maintenant je veux voir, car c'est à partir de cette
feuille que tu as changé et que tu as pleuré... Et ce n'est pas simplement
pour Jean... On savait bien qu'il était mourant..."
Jésus sourit, mais pour empêcher Pierre de jeter un coup d’œil par derrière sur l'écrit, il s'adosse à la colonne la
plus près ne se souciant pas de s'éloigner de la lumière du lustre qui, en
revanche, s'il n'éclaire pas la feuille, éclaire vivement le visage de Jésus.
Pierre, bien décidé à voir, à comprendre, traîne un tabouret en face de Jésus et il s'y assoit en tenant les yeux fixés
sur le visage du Maître.
"Je suis tellement convaincue de cela que, restée seule, j'ai quitté
Antigonea pour Antioche, certaine de pouvoir travailler davantage sur ce
terrain où, comme à Rome, toutes les races se fondent et se mélangent, que là
où Israël est maître... Je ne puis, moi, femme, partir à la conquête de Rome,
mais si je ne puis rejoindre la Ville, de la fille la plus belle de la Ville,
celle qui ressemble le plus à sa mère dans tout l'Univers, je jette la
semence... Sur combien de cœurs tombera-t-elle ? En combien
germera-t-elle ? En combien se trouvera-t-elle transportée ailleurs et
attendra les apôtres pour germer ? Je ne sais pas. Je ne cherche pas à
savoir. J'agis. J'offre au Dieu que j'ai connu et qui satisfait mon esprit et
mon intelligence, mon travail. C'est en ce Dieu que je crois comme à un Dieu
unique et tout puissant. Je sais qu'il ne déçoit pas celui qui a bonne
volonté. Cela me suffit et soutient mon effort.
Maître : Jean est mort le sixième jour avant les nones de juin selon les romains, à peu près à la nouvelle lune de Tamuz pour les hébreux.
Seigneur... A quoi bon te dire ce que tu sais ? Je le dis pourtant à
cause des frères. Jean est mort en juste, et pour
dire la vérité sur ses souffrances, je devrais dire en martyr.
Je l'ai assisté avec toute la pitié qu'une femme peut avoir, avec tout le respect que l'on a pour un héros, avec tout
l'amour que l'on a pour un frère, mais cela n'a pas empêché une souffrance
telle que moi, non par ennui ou par lassitude, mais par compassion, je priais
l'Eternel de l'appeler à la paix. Lui disait : 'A la liberté'.
Quelles paroles sortaient de sa bouche ! Comment donc un homme, qui est descendu jusque dans les bas-fonds, comme
lui le disait, peut-il s'élever à une sagesse si lumineuse ? Oh! la mort
est vraiment le mystère qui dévoile notre origine, et la vie est le décor qui
cache le mystère.
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508> Un décor qui nous est donné sans linéaments et sur
lequel nous pouvons tracer ce que nous voulons. Il avait écrit beaucoup de
choses, et toutes n'étaient pas belles. Mais les dernières étaient sublimes.
Du ciel ténébreux d'en bas. sur lequel se trouvaient des dessins de douleur
humaine et d'humaine violence, comme un sage artiste il était passé à des
traits de plus en plus lumineux décorant de vertu le cours de sa vie
chrétienne, pour finir dans la clarté éblouissante d'une âme perdue en Dieu.
Moi je te le dis : il n'a pas parlé mais chanté son dernier poème. Il
n'est pas mort, mais il s'est élevé. Et je ne
pouvais distinguer exactement quand c'était l'homme qui parlait ou quand
parlait déjà l'esprit fils de Dieu.
Seigneur : j'ai lu, tu le sais, toutes les œuvres des philosophes
afin d'y chercher une pâture pour une âme attachée
par la double chaîne de l'esclavage et du paganisme. Mais c'était des œuvres
d'hommes. Ici. ce n'était plus des paroles humaines, c'était des paroles d'un
super-homme, d'un esprit royal, ou plutôt d'un esprit à demi-divin.
J'ai veillé sur le mystère, qui d'ailleurs n'aurait pas été compris par ceux qui nous logeaient : bons avec l'homme,
mais Israélites dans le sens le plus large et le plus complet du mot... Et
quand dans les dernières touches de l'amour, Jean ne fut plus qu'une
expression d'amour, j'ai éloigné tout le monde et j'ai recueilli, moi seule,
ce que certainement tu sais...
Seigneur... cet homme est mort, 'il est finalement sorti de la prison et
entré dans la liberté' comme il le disait avec son filet de voix des derniers jours, et avec un regard embrasé par
l'extase en me serrant la main et en me dévoilant par ses paroles le Paradis.
Cet homme est mort en m'enseignant à vivre, à pardonner, à croire, à aimer.
Il est mort en me préparant au dernier temps de ta vie.
Seigneur, je sais tout : dans les soirées d'hiver il m'avait instruit
sur les prophètes. Je connais le Livre comme une
vraie Israélite, mais je sais aussi ce que le Livre ne spécifie pas...
Mon Maître et mon Seigneur... je l'imiterai ! Et je voudrais la même faveur mais je pense qu'il est plus héroïque de ne
pas la demander et de faire ta Volonté..."
Jésus replie la feuille et il va prendre la troisième.
"Non, non, Maître !" s'exclame Pierre. "Ce ne peut
être... Il y a autre chose. La feuille n'a pas pu se terminer aussi
vite ! Tu ne lis pas tout ! Pourquoi, Seigneur ? Vous,
protestez. Sintica a écrit plus pour nous que pour Lui et Lui ne lit pas."
"N'insiste pas, Pierre !"
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509> "Si, j'insiste ! Oui, j'insiste ! J'ai
vu, sais-tu, que ton œil allait plus bas tout d'un coup et j'ai vu par
transparence que tu n'as pas lu les dernières
lignes. Je ne serai pas tranquille tant que tu n'auras pas lu la fin de cette
feuille. Tu avais pleuré auparavant !... Et quoi ? Y a-t-il par
hasard de quoi pleurer dans ce que tu as lu ? C'est une peine, oui, de
le savoir mort... mais une pareille mort ne fait pas pleurer ! Moi, je
croyais qu'il avait eu une mauvaise mort, en perdant son esprit... Au
contraire... Lis, allons ! Mère ! Jean ! Vous qui obtenez
tout..."
"Écoute-le, mon Fils, et même si c'est quelque chose de pénible à
apprendre, nous boirons tous le calice..."
"Qu'il en soit comme vous voulez...
"Je connais le Livre comme une vraie Israélite. Mais je sais aussi
ce que le Livre ne spécifie pas : que
désormais ta passion ne tardera pas à s'accomplir puisque Jean est mort et
que tu lui as promis un court séjour dans les Limbes. Lui
me l'a dit. Et il m'a dit que tu lui avais promis de l'enlever avant
qu'il connût comment et jusqu'où peut arriver la haine d'Israël envers Toi,
et cela pour empêcher que par amour pour Toi, il ne haïsse ceux qui te
tortureront. Maintenant il est mort... et tu es donc près de mourir... Non,
de vivre. Vraiment de vivre avec ta Doctrine, avec Toi-même en nous, avec la
Divinité en nous après que le Sacrifice nous aura rendu la vie de l'âme, la
Grâce, l'union avec le Père, avec le Fils, avec l'Esprit Saint.
Maître, mon Sauveur, mon Roi, mon Dieu... forte est ma tentation, ou plutôt
elle a été forte, de te rejoindre maintenant que Jean dort avec son corps dans le tombeau et qu'avec son
esprit il repose dans l'attente. Te rejoindre pour être avec mes sœurs
disciples, près de ton autel. Mais les autels doivent être ornés non
seulement de la victime mais de guirlandes en l'honneur de Dieu, en l'honneur
de qui on offre le sacrifice. Je mets ma guirlande violette de disciple
lointaine au pied de ton autel. J'y mets l'obéissance, le travail, le
sacrifice de ne pas te voir et de ne pas t'entendre... Ah ! Ce sera bien
dur ! C'est bien dur maintenant que sont terminés tes colloques
surnaturels avec Jean, et que je n'en ai plus la jouissance !...
Seigneur, lève ta main sur ta servante pour qu'elle sache faire seulement ta
Volonté et qu'elle sache te servir".
Jésus plie la feuille et regarde les visages de ceux qui l'écoutent. Ils sont pâles, mais Pierre murmure : "Je ne
comprends pas pourquoi tu as pleuré... Je croyais qu'il y avait autre
chose..."
"Je pleurais parce que je comparais l'uxoricide, l'ancien galérien, et l'esclave païenne avec de trop nombreux
Israélites."
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510> "J'ai
compris ! Tu es angoissé de voir les hébreux inférieurs aux gentils, et les prêtres et les chefs inférieurs aux
galériens. Tu as raison. J'étais sot ! Quelle femme que cette
femme ! Dommage qu'elle ait dû s'éloigner !..."
Jésus déplie la troisième feuille.
"Et sache imiter en tout ton disciple et frère qui est déjà dans la
paix, qui y est allé après avoir accompli toutes les purifications... en ton
honneur et pour alléger tes souffrances".
"Ah ! non, ensuite !" Pierre a sauté agilement de son
siège avant que Jésus puisse s'écarter et
il voit qu'il n'est pas possible que Jésus en soit là où son œil regarde. Il
faut remarquer que le parchemin s'enroule sur lui-même à mesure qu'on le
laisse libre en haut, et ainsi plusieurs lignes sont désormais cachées en
haut de la feuille.
Jésus lève la tête, et avec le visage plus doux que triste, doux mais plein de fermeté, il repousse son apôtre et lui
dit : "Pierre, ton Maître sait ce qui te fait du bien !
Laisse-moi te donner ce qui est bon pour toi..."
Pierre est touché par ces paroles et davantage par le regard de Jésus, tellement implorant, et dans ses yeux brille une
larme qui va tomber. Il descend de son siège en disant :
"J'obéis... Mais que pouvait-il bien y avoir à cet endroit ?!"
Jésus reprend la lecture : "Et maintenant que j'ai parlé des
autres, je parle de moi. J'ai quitté Antigonea
après la sépulture de Jean. Ce n'est pas que je n'y ai pas été bien traitée,
mais parce que je me rendais compte que ce n'était pas là ma place. C'était
plutôt une impression : je sentais qu'il me fallait le faire. Comme je
te l'ai dit, j'avais connu beaucoup de familles parce que beaucoup venaient
nous trouver. J'ai préféré m'installer auprès de celle de Zénon parce que
précisément c'est dans ce milieu que je compte travailler.
Une dame romaine voulait me recevoir dans sa splendide maison près des colonnades d'Hérode. Une très riche syrienne me
proposait une place de directrice dans la fabrique d'étoffes que son mari, de
Tyr, a installé à Séleucie. Une prosélyte, veuve, mère de sept enfants, qui
habite près du pont de Séleucie voulait m'avoir en souvenir de Jean qui avait
été le maître de ses garçons. Une famille gréco-assyrienne qui possède des
magasins dans une rue près du Cirque, me demandait d'aller chez elle, parce
que, à l'époque des jeux, je pouvais leur être utile. Enfin un romain, déjà
centurion, je crois, certainement militaire, resté ici avec je ne sais quel
fonction précise, guéri lui aussi par le baume, insistait pour m'avoir.
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511> Non, je ne voulais pas les riches, ni les marchands. Je
voulais des âmes, et des âmes grecques et
romaines, parce que je sens que c'est par elles que doit commencer
l'expansion de ta Doctrine dans le monde. Et me voici dans la maison de
Zénon, sur les pentes du Sulpius près des casernes.
La citadelle surplombe, menaçante, de son sommet. Cependant, avec son aspect
si peu engageant, elle vaut mieux que les riches palais de l'Onpholus et du Nimpheus, et j'y
ai des amis. Un soldat qui te connaît, du nom d'Alexandre : un cœur
simple d'enfant enfermé dans un grand corps de soldat. Et le tribun lui-même, arrivé depuis peu de Césarée, qui sous sa chlamyde possède un cœur droit. Dans sa rude simplicité,
Alexandre est plus proche de la Vérité. Mais le tribun aussi t'admire comme
un rhéteur parfait, un philosophe 'divin', comme il dit, il n'est pas hostile
à la Sagesse, s'il ne peut pas encore accueillir la Vérité. Mais les
conquérir, eux et leurs familles, en te faisant quelque peu connaître, cela
veut dire jeter la semence de cette connaissance au septentrion et au midi, à
l'orient et à l'occident, parce que les troupes sont comme les grains secoués
par le van ou plutôt des balles que le tourbillon,
dans notre cas le vouloir des Césars et les besoins de l'empire, répand dans
toutes les directions.
Un jour viendra où tes apôtres, comme des oiseaux qui prennent leur vol, se répandront sur la Terre, et ce sera pour
eux une grande aide de trouver dans les lieux de leur apostolat une personne,
une seule, même une seule qui n'ignore pas que tu as existé. C'est dans cette
pensée aussi que je soigne les membres souffreteux des anciens gladiateurs,
et les blessures des jeunes gladiateurs. C'est pour cela aussi que je n'évite
plus les dames romaines, pour cela que je supporte ceux qui me faisaient
souffrir... Tout. Pour Toi.
Si je me trompe, donne-moi les conseils de ta sagesse. Sache seulement, mais
cela tu le sais, que mes erreurs viennent de mon incapacité, mais pas de la
malice.
Seigneur, ta servante t'en a tant dit... un rien pourtant de ce qu'elle a dans le cœur. Mais tu vois mon esprit,
Seigneur... Quand verrai-je ton visage ? Quand reverrai-je ta Mère, les
frères ?... La vie est un rêve qui passe. La séparation passera. Je
serai en Toi et avec eux, et ce sera la joie et la liberté pour moi, pour moi
aussi, comme pour Jean.
Je me prosterne à tes pieds, mon Sauveur, bénis-moi en me donnant ta paix. A
Marie de Nazareth, aux disciples mes compagnes, paix et bénédiction. Aux
apôtres et aux disciples, paix et bénédiction. A Toi, Seigneur, gloire et
amour".
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512> J'ai lu. Mère, viens
avec Moi. Vous, attendez-moi, ou bien reposez-vous. Je ne vais pas rentrer.
Je reste en prière avec ma Mère. Jeanne, si
on me cherche, je suis dans le pavillon près du lac."
Pierre a tiré Marie à part, et il lui parle, excité, mais à voix basse. Marie lui sourit et murmure quelque chose, puis
elle rejoint son Fils qui suit le sentier à peine visible dans la nuit.
"Que voulait Simon de Jonas ?"
"Savoir, mon Fils. C'est un enfant... un grand enfant... Mais il est
si bon."
"Oui, il est très bon, et il t'a priée, toi qui es toute bonne, pour
savoir... Il a trouvé le point faible : toi
et Jean. Je le sais, je fais semblant de ne pas le savoir, mais je le sais.
Mais je ne puis toujours céder pour lui faire plaisir... Il ne fallait pas,
Jonathas. Nous serions restés même dans l'obscurité" dit-il en voyant
Jonathas qui accourt avec une lanterne d'argent qu'il met sur la table et des
coussins qu'il place sur les sièges du pavillon.
"C'est Jeanne qui l'a commandé. Paix à Toi, Maître."
"Et à toi."
Ils restent seuls.
"Je disais que je ne puis toujours lui faire plaisir. Ce soir, je ne le
pouvais pas. Toi seule tu peux savoir les points que j'ai tus. C'est pour
cela que j'ai voulu t'avoir avec moi, et aussi pour rester avec toi, Maman...
Rester avec toi, dans les dernières heures avant une séparation c'est
rassembler une si grande et si douée force pour en être riche dans les heures
nombreuses de solitude au milieu du monde qui ne me comprend pas ou me
comprend mal. Et rester avec toi, dans les premières heures d'un retour,
c'est retrouver tout de suite des forces dans ta douceur, après tous les
calices que je dois boire dans le monde... et qui sont si rebutants et si
amers."
Marie le caresse sans parler. Debout près de Jésus assis, c'est la Mère qui réconforte le Fils. Mais il la fait asseoir et
lui dit : "Écoute..." et alors Marie, attentive, assise en
face de Lui, devient la disciple suspendue aux
lèvres de Jésus son Maître.
"Sintica écrit en parlant d'Antioche : "Je ne sais pas
toujours distinguer où cesse la volonté des hommes et où commence celle de
Dieu car je ne suis pas sage, mais ce qui m'a amenée ici, c'est une volonté
plus forte que mon désir, et peut-être cela a été la volonté de Dieu. Il est
certain que, sans doute par une grâce du Ciel, j'aime désormais cette
ville : avec les sommets du Casios et de l'Aman,
qui veillent
sur elle des deux côtés, et la crête verte des Montagnes noires plus
lointaines, elle me rappelle beaucoup ma Patrie perdue.
Haut
de page
513> Et il me semble que
c'est le premier pas du retour vers ma terre, et ce n'est pas le premier pas
d'une pèlerine qui y retourne pour y mourir, mais d'une messagère de vie, qui
vient donner la vie à celle qui fut sa mère. Il me semble que c'est d'ici,
après m'être reposée comme une hirondelle qui reprendra son vol, et m'être
nourrie de Sagesse, que je dois voler là-bas vers la ville où j'ai vu la
lumière, et de laquelle je veux, je voudrais m'élever vers la Lumière lorsque
je lui aurai donné la Lumière qui m'a été donnée.
Ceux qui sont mes frères en Toi, je le sais, n'approuveraient pas cette manière de voir. Ce n'est que pour eux qu'ils
veulent ta Sagesse, mais ils se trompent. Un jour ils comprendront que le
monde attend, et que le monde qu'ils méprisent sera le meilleur. Moi, je leur
prépare le chemin. Pas ici seulement, mais avec ceux si nombreux qui
séjournent ici et puis retournent dans d'autres pays, et je ne me préoccupe
pas tellement de savoir si ce sont des gentils ou des prosélytes, des grecs
ou des romains, ou des autres colonies de l'empire ou de la Diaspora. Je
parle, j'éveille le désir de te connaître... La mer ne s'est pas faite d'une
nuée qui s'y est déversée; elle est faite de nuées, de nuées innombrables qui
se déversent sur la Terre, et s'en vont vers la mer. Je serai une nuée, la mer
ce sera le christianisme. Je veux multiplier la connaissance de ta personne,
pour contribuer à former la mer du christianisme. Moi, grecque, je sais
parler aux grecs, non pas tant à cause de la langue que de la communauté de
vues... Moi, autrefois esclave des romains, je sais travailler leurs esprits
dont je connais les points sensibles. Et, après avoir vécu parmi les hébreux,
je sais aussi comment m'y prendre avec eux, spécialement ici où les
prosélytes sont nombreux. Jean est mort pour ta gloire. Moi, je vivrai pour
ta gloire. Bénis nos esprits".
Et plus loin, là où elle parle de la mort de Jean, là où je n'ai pas laissé
Simon lire, elle a écrit : "Jean est mort après avoir accompli
toutes les purifications, même la dernière, de pardonner à ceux qui, par
leurs manières d'agir, l'ont tué et t'ont contraint à l'éloigner. Je sais
leurs noms, au moins du principal d'entre eux. Jean me l'a révélé en me
disant : 'Méfie-toi toujours de lui. C'est un traître. Il m'a trahi, il
le trahira Lui et ses compagnons, mais je pardonne à l'Iscariote comme Lui
pardonnera. Il est déjà si grand l'abîme où il gît, que je ne veux pas le
faire plus profond en lui refusant de lui pardonner de m'avoir tué en me
séparant de Jésus.
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514> Mon pardon ne le
sauvera pas. Rien ne le sauvera, car c'est un démon. Je ne devrais pas le
dire, moi qui ai été assassin, mais j'avais au moins une offense pour me rendre
fou. Lui s'attaque à quelqu'un qui ne lui a pas fait de mal, et il finira par
trahir son Sauveur. Mais je lui pardonne car la bonté de Dieu a fait sortir
mon bien de sa haine pour moi. Tu vois ? J'ai tout expié. Lui, le
Maître, me l'a dit hier soir. J'ai
tout expié. Maintenant je sors de prison, maintenant j'entre vraiment dans la
liberté, libre aussi du poids du souvenir du péché de Judas de Kériot envers
un malheureux qui avait trouvé la paix près de son Seigneur'.
Moi aussi, à son exemple, je lui pardonne de m'avoir arrachée à Toi, à la
Mère bénie, aux sœurs mes condisciples, de m'avoir empêchée de t'entendre, de
te suivre jusqu'à la mort, pour être présente à ton triomphe de Rédempteur.
Et je le fais à cause de Toi, en ton honneur, et pour alléger tes
souffrances. Sois en paix, mon Seigneur. Le nom de l'opprobre qui se trouve
dans les rangs de ceux qui te suivent ne sortira jamais de mes lèvres et,
avec cela, rien ne sortira de ce que j'ai entendu près de Jean quand son moi parlait avec ton invisible et béatifiante
Présence. J'ai hésité, me demandant si je viendrais te voir avant de me fixer
dans ma nouvelle demeure, mais j'ai senti que je me serais trahie par la
répulsion que j'ai pour l'Iscariote, et que je t'aurais nui auprès de tes
ennemis. J'ai donc sacrifié ce réconfort... certaine que le sacrifice ne sera
pas sans fruit ni sans récompense".
Voilà, Mère. Pouvais-je lire ceci à Simon ?"
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