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   Le samedi 27 juillet
  1946. 
  254>   463.1 - La petite péninsule de Tarichée s'avance dans le lac en
  formant une anse profonde au sud-ouest, ainsi il n'est pas inexact de dire
  que, plutôt qu'une péninsule, c'est un isthme entouré d'eau sur presque tout
  son pourtour, et qui reste réuni à la terre par une sorte de couloir. C'était
  du moins ainsi au temps de Jésus, à l'époque où je la vois. Je ne sais pas si
  par la suite, au cours de vingt siècles, les sables et les graviers charriés
  par un petit torrent, qui débouche juste dans l'anse au sud-ouest, ont pu
  modifier l'aspect de l'endroit en ensablant la petite baie et en élargissant
  par conséquent la langue de terre de l'isthme.          
   
  255>
  La baie est tranquille, azurine, avec des bandes couleur de jade là où se
  reflète les feuillages verts des arbres qui s'avancent de la côte vers le
  lac. Des barques nombreuses se balancent légèrement sur les eaux presque
  calmes.        
   
  Ce qui me frappe, c'est une digue bizarre : avec ses arches qui reposent
  sur les graviers de la rive, elle forme une sorte de promenade, un môle, que
  sais-je, qui se dirige vers l'ouest. Je ne comprends pas si on l'a faite pour
  orner, ou pour quelque but utile qui m'échappe. Ce passage, digue ou môle,
  est recouvert d'une épaisse couche de terre où sont plantés des arbres très
  rapprochés, plutôt petits, qui forment une galerie verte au-dessus de la
  route. Beaucoup de gens passent le temps sous cette galerie bruissante à laquelle la brise, les eaux et les
  frondaisons apportent l'agrément appréciable de la fraîcheur.        
   
  On voit nettement l'embouchure du Jourdain et l'écoulement des eaux du lac
  dans le lit du fleuve qui fait quelques tourbillons, quelques engorgements
  près des piles d'un pont, je dirais romain à cause de son architecture qui
  repose sur des piles robustes, construites en taille-mer    
  (je ne sais si je m'explique bien, je veux dire comme ceci :  )        
   
  contre les arêtes desquelles le courant vient se briser avec tout un jeu
  nacré de lumières, sous le soleil qui les frappe à l'endroit où les eaux se
  brisent et débordent pour s'écouler dans la gorge du fleuve, encaissé, après
  s'être étendues à leur aise dans le lac. Presque au bout du pont, sur l'autre
  rive, une petite ville toute blanche, dont les maisons sont éparses dans la
  verdure d'une campagne fertile, et plus en haut vers le nord, mais sur la côte
  orientale du lac, le bourg qui précède Hippos et les bois qui s'élèvent sur la falaise, au-delà
  desquels se trouve Gamla, bien visible au sommet de sa colline.  
   
  Une foule de gens ont suivi Jésus depuis Emmaüs et elle s'est augmentée de
  ceux qui déjà l'attendaient à Tarichée. Parmi eux, Jeanne venue avec sa
  barque. Jésus se dirige justement vers la digue plantée d'arbres et il
  s'arrête au milieu, sur la droite les eaux du lac, sur la gauche la plage.
  Les gens qui le peuvent se placent sur la route ombragée, ceux qui n'y
  trouvent pas place descendent sur la plage, encore un peu humide à cause de
  la forte marée nocturne ou pour quelque autre raison, et ombragée en partie
  par les arbres de la digue. D'autres font accoster les barques et y prennent
  place à l'ombre des voiles.  
   
    463.2 - Jésus fait signe qu'il va parler, et tout le monde se
  tait.        
   
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  256> "Il est dit : "Tu t'es mû pour sauver ton
  peuple, pour le sauver grâce à ton Christ". Il est dit : "Et je me réjouirai dans
  le Seigneur et j'exulterai en Dieu, mon Sauveur".    
   
  Le peuple d'Israël a pris pour lui cette parole et lui a donné un sens
  national, personnel, égoïste, qui ne correspond pas à la vérité sur la
  personne du Messie. Il lui a donné un sens étroit qui abaisse la grandeur de
  l'idée messianique au niveau d'une manifestation de puissance humaine et d'un
  écrasement des conquérants trouvés en Israël, par le Christ.   
   
  Mais la vérité est différente. Elle est grande, illimitée. Elle vient du Dieu
  vrai, du Créateur et Seigneur du Ciel et de la Terre, du Créateur de
  l'Humanité, de Celui qui a multiplié les astres dans le firmament et a
  couvert la Terre de plantes de toutes espèces, et l'a peuplée
  d'animaux ; comme Il a mis les poissons dans les eaux, et les oiseaux
  dans l'air, de la même façon Il a multiplié les enfants des hommes, de
  l'homme créé par Lui, pour être le roi de la création et sa créature de
  prédilection.     
   
  Maintenant, comment pourrait-il, le Seigneur, Père du genre humain tout
  entier, être injuste pour ses enfants, de ses enfants, des enfants de
  ceux qui sont nés de l'Homme et de la Femme, formés par Lui avec comme
  matière la terre, et avec l'âme, son divin souffle ? Et comment traiter
  les uns d'une manière différente des autres, comme s'ils ne venaient pas
  d'une source unique, comme si non pas de Lui, mais de quelque autre être
  surnaturel et antagoniste, il avait été créé d'autres branches, et par
  conséquent seraient étrangers, bâtards, méprisables ?         
   
    Le vrai Dieu n'est pas un pauvre dieu de tel
  ou tel peuple, une idole, une figure irréelle. Il est la Réalité sublime, Il
  est la Réalité universelle, Il est l'Être Unique, Suprême, Créateur de toutes
  les choses et de tous les hommes. Il est donc le Dieu de tous les hommes.
  Il les connaît, même si eux ne le connaissent pas. Il les aime, même si eux,
  faute de le connaître ne l'aiment pas, ou si le connaissant mal ils l'aiment
  mal, ou si le connaissant ils ne savent pas l'aimer.            
   
    La paternité ne cesse pas quand un enfant
  est ignorant, sot ou mauvais. Le père s'efforce d'instruire son enfant, car
  l'instruire c'est de l'amour. Le père peine pour rendre moins sot son enfant
  déficient.     
   
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  257> Le
  père, par ses larmes, par son indulgence, par des châtiments salutaires, par
  des pardons miséricordieux, essaie de corriger son enfant mauvais et de le
  rendre bon. C'est ce que fait l'homme-père. Et le Dieu-Père serait-il par
  hasard inférieur à l'homme-père ? Voilà alors que le Dieu-Père aime tous
  les hommes et veut leur salut. Lui, Roi d'un Royaume infini, Roi éternel,
  regarde son peuple, formé de tous les peuples répandus sur la Terre et Il
  dit : "Voilà le peuple de ceux que J'ai créés, le peuple qui doit
  être sauvé par mon Christ. Voilà le peuple pour lequel a été créé le Royaume
  des Cieux. Et voici l'heure de le sauver par le Sauveur".    
   
    463.3 - Qui est le Christ ? Qui est le Sauveur ? Qui
  est le Messie ? Nombreux sont les grecs présents ici, et nombreux sont
  ceux, même s'ils ne sont pas grecs, qui savent ce que veut dire le mot
  "Christ". Le Christ est le consacré, celui qui a été oint de
  l'huile royale pour accomplir sa mission. Consacré pour quoi ? Serait-ce
  pour la gloire mesquine d'un trône ? Serait-ce pour celle plus grande
  d'un sacerdoce ? Non. Consacré pour réunir sous un sceptre unique, en un
  peuple unique, sous une doctrine unique, tous les hommes, pour qu'ils soient
  frères entre eux, et enfants d'un unique Père, des enfants qui connaissent le
  Père, et qui suivent sa Loi pour prendre part à son Royaume.           
   
  Roi, au nom du Père qui l'a envoyé, le Christ règne comme il convient à sa
  nature, c'est-à-dire divinement, parce que de Dieu. Dieu a mis toute
  chose pour servir de marchepied à son Christ, mais non pour accabler, mais
  bien pour sauver tous les hommes. En fait, son nom est Jésus, qui en langue
  hébraïque signifie Sauveur. Quand le Sauveur aura sauvé des embûches et de la
  blessure la plus cruelle, il aura sous ses pieds une montagne et une
  multitude de toutes races couvrira la montagne, pour symboliser que Lui règne
  et s'élève au-dessus de la Terre entière et au-dessus de tous les peuples.  
   
  Mais le Roi sera nu, sans autre richesse que son Sacrifice, pour symboliser
  que Lui ne tend qu'aux choses de l'esprit et que les choses de l'esprit se
  conquièrent et se rachètent avec les valeurs de l'esprit et l'héroïsme du
  sacrifice et non par la violence et l'or. Il le sera pour répondre - à ceux
  qui le craignent, comme à ceux qui par un amour faux l'exaltent ou le
  rabaissent en voulant en faire un roi selon le monde, comme à ceux qui le
  haïssent sans autre raison que la crainte d'être dépouillés de ce qui leur
  est cher - qu'il est un Roi spirituel, cela seulement, envoyé pour enseigner
  aux esprits le moyen de conquérir le Royaume, l'unique Royaume que je suis
  venu fonder.          
   
  Haut de page.         
   
  258>   Moi, je ne donne
  pas de lois nouvelles. Pour les Israélites, je confirme la Loi du Sinaï. Je
  dis aux gentils : la loi pour posséder le Royaume n'est autre chose que
  la loi de la vertu que toute créature morale s'impose en s'élevant par
  elle-même et qui, grâce à la foi au Dieu vrai, devient de loi morale et de
  vertu humaine, une loi de morale surhumaine.        
   
    463.4 - O gentils ! Vous avez l'habitude de proclamer dieux
  les grands hommes de vos nations et vous les rangez parmi les troupes des
  dieux nombreux et irréels dont vous peuplez l'Olympe. Vous vous êtes créés
  tous ces dieux pour avoir quelque chose à quoi vous puissiez croire, car la
  religion,   une religion est
  nécessaire à l'homme, comme est nécessaire une foi, la foi étant l'état
  permanent de l'homme, et l'incrédulité un accident anormal.         
   
  Et ce n'est pas toujours que ces hommes élevés au rang de dieux ont une
  valeur même simplement humaine, car leur grandeur vient ou de la force
  brutale, ou de leurs astuces puissantes, ou bien encore d'une puissance
  acquise d'une façon quelconque. De sorte qu'ils emmènent avec eux, comme
  qualités surhumaines, des misères que l'homme sage voit pour ce qu'elles
  sont : pourritures de passions déchaînées.        
   
  Que je dise la vérité, cela le prouve le fait que dans votre Olympe
  chimérique vous n'avez pas su mettre un seul de ces grands esprits qui ont
  réussi à avoir l'intuition de l'Être suprême et ont été des intermédiaires
  actifs entre l'homme animal et la Divinité, qu'ils ont senti instinctivement
  par leur esprit méditatif et vertueux. De l'esprit qui raisonne du
  philosophe, du vrai grand philosophe, à l'esprit du vrai croyant qui adore le
  vrai Dieu, il n'y a qu'un pas, alors que de l'esprit du croyant au moi
  de l'astucieux, du tyran ou de celui dont l'héroïsme n'est que matériel, il y
  a un abîme.        
   
  Et pourtant, dans votre Olympe, vous n'avez pas placés ceux qui par la vertu
  de leur vie se sont tellement élevés au-dessus de la masse humaine qu'ils se
  sont approchés des royaumes de l'esprit, mais ceux que vous avez craints
  comme des maîtres cruels, ou que vous avez adulés avec une servilité
  d'esclaves, ou bien que vous avez admirés comme des modèles vivants de cette
  liberté des instincts animaux qui, pour vos appétits anormaux, paraissent le
  but et la fin de la vie.    
   
  Haut de page.         
   
  259>
  Et vous avez envié ceux qui ont été admis parmi les dieux, laissant de côté
  ceux qui se sont approchés davantage de la divinité par la pratique et la
  doctrine enseignée et vécue d'une vie vertueuse.           
   
  Maintenant en vérité je vous donne le moyen de devenir des dieux. Celui qui fait ce que je dis, et croit ce que
  j'enseigne, montera vers l'Olympe véritable et sera dieu, dieu, fils de Dieu
  dans un Ciel où il n'y a pas de corruption d'aucune sorte et où l'Amour est
  l'unique loi. Dans un Ciel où l'on s'aime spirituellement sans la pesanteur
  et les pièges des sens pour rendre ennemis l'un de l'autre les habitants,
  ainsi qu'il arrive dans vos religions.           
   
  Je ne viens pas vous demander des actes bruyamment héroïques. Je viens vous
  dire : vivez comme des créatures douées d'une âme et de la raison, et
  non comme des brutes. Vivez de manière à mériter de vivre, de vivre
  réellement, par la partie immortelle qui est en vous dans le Royaume de Celui
  qui vous a créés.  
   
    463.5 - Moi, je suis la Vie. Je viens vous enseigner la route
  pour aller à la Vie. Je viens pour vous donner la Vie à vous tous, et vous la
  donner pour vous ressusciter de votre mort, de votre tombeau de péché et
  d'idolâtrie. Je suis la Miséricorde. Je viens vous appeler, vous réunir tous.
  Je suis le Christ Sauveur. Mon Royaume n'est pas de ce monde. Et pourtant,
  pour celui qui croit en Moi et en ma parole, un royaume naît dans son cœur,
  dès les jours de ce monde, et c'est le Royaume de Dieu, le Royaume de Dieu en
  vous.       
   
  Il est dit de Moi que je suis Celui qui amènera la justice entre les nations.
  C'est vrai. Car si les citoyens de toutes les nations faisaient ce que
  j'enseigne, haines, guerres, vexations, prendraient fin.      
   
  Haut de page.         
   
  260>
  Il est dit de Moi que je n'élèverai pas la voix pour maudire les pécheurs, ni
  la main pour détruire ceux qui sont comme des roseaux brisés et des mèches
  fumantes à cause de leur manière inconvenante de vivre. C'est vrai. Je suis
  le Sauveur, et je viens pour fortifier ceux qui sont croulants, pour donner
  de l'huile à ceux dont la mèche est fumeuse faute de combustible.      
   
  Il est dit de Moi que je suis Celui qui ouvre les yeux aux aveugles et qui
  tire de prison les prisonniers, et amène à la lumière ceux qui étaient dans
  les ténèbres de la prison. C'est vrai. Les aveugles les plus aveugles ce sont
  ceux qui même avec la vue de l'âme ne voient pas la Lumière, c'est-à-dire le
  vrai Dieu. Moi qui suis la Lumière du monde, je viens pour qu'ils voient. Les
  prisonniers les plus prisonniers sont ceux qui ont pour prisons leurs
  passions mauvaises. Toute autre chaîne disparaît avec la mort du prisonnier,
  mais les chaînes des vices durent et enchaînent même après la mort de la
  chair. Moi, je viens les défaire. Je viens pour faire sortir des ténèbres de
  la prison souterraine de l'ignorance de Dieu, tous ceux que le paganisme
  étouffe sous l'amas de ses idolâtries.    
   
    463.6 - Venez à la Lumière et au Salut. Venez à Moi car mon
  Royaume est le vrai Royaume et ma Loi est bonne. Elle ne vous demande que
  d'aimer le Dieu Unique et votre prochain, et par conséquent de répudier les
  idoles et les passions qui vous rendent durs de cœur, arides, sensuels,
  voleurs, homicides.  
   
  Le monde dit : "Accablons celui qui est pauvre, faible, seul.
  Que la force soit notre droit, la dureté le fond de notre être, que
  l'intransigeance, la haine, la férocité soient nos armes. Puisqu'il ne réagit
  pas, que le juste soit foulé aux pieds ; opprimons la veuve et
  l'orphelin dont la voix est faible".     
   
  Moi, je dis : soyez pleins de douceur et de mansuétude, pardonnez à vos
  ennemis, secourez les faibles ; soyez justes dans les ventes et les
  achats ; soyez magnanimes même quand vous avez le droit de votre côté.
  Ne profitez pas de votre puissance pour accabler ceux qui déjà ont de la
  peine. Ne vous vengez pas. Laissez à Dieu le soin de votre sauvegarde. Soyez
  modérés en toutes vos tendances, car la tempérance est la preuve de la force
  morale, alors que la concupiscence est la preuve de la faiblesse. Soyez des
  hommes et non pas des brutes, et ne craignez pas d'être descendus trop bas et
  de ne pouvoir vous relever.        
   
  Haut de page.         
   
  261>
  En vérité je vous le dis : une eau bourbeuse peut redevenir une eau pure
  en s'évaporant au soleil, elle se purifie en se laissant chauffer et élever
  vers le ciel pour retomber en une pluie pure et une rosée salutaire, pourvu
  qu'elle sache se laisser frapper par le soleil, de la même façon les esprits
  qui s'approcheront de la grande Lumière qu'est Dieu, et qui crieront vers
  Lui : "J'ai péché, je suis fange mais j'aspire à Toi, Lumière"
  deviendront des esprits qui montent purifiés vers leur Créateur. Enlevez à la
  mort son horreur en faisant de votre vie une monnaie pour acquérir la Vie.
  Dépouillez-vous du passé comme d'un vêtement souillé et revêtez-vous de la
  vertu.         
   
  Je suis la Parole de Dieu, et je vous dis en son Nom que celui qui aura foi
  en Lui et bonne volonté, et qui aura le regret du passé et une droite
  intention pour l'avenir, qu'il soit hébreu ou gentil, deviendra fils de Dieu
  et possesseur du Royaume des Cieux. Je vous ai dit au commencement :
  "Qui est le Messie ?" Je vous dis maintenant : c'est Moi
  qui vous parle et mon Royaume est dans vos cœurs si vous l'accueillez, et
  ensuite il sera au Ciel que je vous ouvrirai si vous savez persévérer dans ma
  Doctrine. Le Messie c'est cela et rien de plus. C'est le Roi d'un royaume
  spirituel dont, par son Sacrifice, il ouvrira les portes à tous les hommes de
  bonne volonté"  
   
    463.7 - Jésus a fini de parler et il va s'éloigner en prenant un
  petit escalier qui va de la digue à la rive. Il veut peut-être rejoindre la
  barque de Pierre qui tangue près d'un quai rudimentaire. Mais il se retourne
  tout à coup et regardant dans la foule il crie :       
   
  "Qui m'a appelé pour son esprit et sa chair ?"  
   
  Personne ne répond.        
   
  Il répète la question et tourne ses yeux magnifiques sur la foule qui
  l'entoure par derrière, non seulement sur la route, mais aussi en bas sur la
  grève. Encore le silence.    
   
  Matthieu remarque :        
   
  "Maître, qui sait combien, en ce moment, ont soupiré vers Toi sous
  l'émotion de tes paroles..."          
   
  "Non Une âme a crié : "Pitié" et je l'ai entendue. Et
  pour vous dire que c'est vrai, je lui réponds : "Qu'il te soit fait
  selon ta demande car il est juste le mouvement de ton cœur".         
   
  Et grand, magnifique, il tend impérieusement la main vers le rivage.       
   
  Haut de page.         
   
  262>
  Il essaie encore d'aller vers le petit escalier, mais il trouve en face de
  Lui Kouza, descendu, on le comprend, de quelque barque, et qui le
  salue profondément.      
   
  "Je te cherche depuis plusieurs jours. J'ai fait le tour du lac,
  toujours à ta poursuite, Maître. Il est urgent que je te parle. Sois mon
  hôte. J'ai beaucoup d'amis avec moi."  
   
  "Hier, j'étais à Tibériade."           
   
  "On me l'a dit, mais je ne suis pas seul. Tu vois ces barques qui s'en
  vont vers l'autre rive. Il y en a là plusieurs qui veulent te voir.  
   
  Parmi eux aussi, de tes disciples. Viens, je t'en prie, dans ma maison,
  au-delà du Jourdain."      
   
  "C'est inutile, Kouza. Je sais ce que tu veux me dire."           
   
  "Viens, Seigneur."  
   
  "Des malades et des pécheurs m'attendent. Laisse-moi..."   
   
  "Nous aussi nous t'attendons, malades d'angoisse pour ton bien. Et il y
  a aussi des gens qui souffrent dans leur chair, même..."        
   
  "Tu as entendu mes paroles ? Pourquoi donc insistes-tu ?"  
   
  "Seigneur, ne nous repousse pas, nous..."        
   
    463.8 - Une femme s'est frayé un passage dans la foule. Je suis
  maintenant suffisamment au courant des vêtements des hébreux pour comprendre
  qu'elle ne l'est pas, et que ses vêtements ne sont pas ceux d'une femme
  honnête. Mais pour voiler ses traits et ses grâces, peut-être trop
  provocantes, elle a mis un long voile qui l'enveloppe toute entière, bleu
  clair comme son ample vêtement et pourtant provocant à cause de sa forme qui
  laisse découverts ses bras très beaux. Elle se jette à terre et rampe dans la
  poussière jusqu'à ce qu'elle arrive à toucher le vêtement de Jésus qu'elle
  prend entre ses doigts et dont elle baise la frange. Elle pleure et éclate en
  sanglots.          
   
  Jésus, qui était sur le point de répondre à Kouza : "Vous êtes dans
  l'erreur et...", abaisse les yeux et il dit :  
   
  "Était-ce toi qui m'appelais ?"    
   
  "Oui... et je ne suis pas digne de la grâce que tu m'as faite. Je
  n'aurais pas dû même t'appeler avec mon esprit. Mais ta parole... Seigneur...
  je suis une pécheresse. Si je découvrais mon visage, plusieurs te diraient
  mon nom. Je suis... une courtisane... et une infanticide... et le vice
  m'avait rendue malade... J'étais à Emmaüs, je t'ai donné un bijou... tu me
  l'as rendu... et un de tes regards... m'est descendu dans le cœur... Je t'ai
  suivi... Tu as parlé. J'ai en moi tes paroles : "Je suis fange,
  mais j'aspire vers Toi, Lumière". J'ai dit : "Guéris mon âme
  et après, si tu le veux, ma chair". Seigneur, ma chair est guérie... et
  mon âme ?"            
   
  Haut de page.         
   
  263>
  "Ton âme est guérie à cause de ton repentir. Va et ne pèche jamais plus.
  Tes péchés te sont remis."          
   
  La femme baise de nouveau le bord du vêtement et elle se relève. En le
  faisant, son voile glisse.      
   
  "La Galazia ! La Galazia !"
  crient plusieurs.     
   
  Et ils l'injurient, prennent du gravier et du sable et en jettent sur la
  femme qui se penche et reste apeurée.         
   
    463.9 - Jésus, le regard sévère, lève la main. Il impose le
  silence.    
   
  "Pourquoi l'insultez-vous ? Vous ne le faisiez pas quand elle était
  pécheresse. Pourquoi maintenant qu'elle se rachète ?"      
   
  "Elle le fait parce qu'elle est vieille et malade" crient plusieurs
  avec mépris.        
   
  En réalité la femme, bien qu'elle ne soit plus très jeune, est encore bien
  loin d'être vieillie et laide comme ils le disent. Mais la foule est ainsi.   
   
  "Passe devant Moi, et descend dans cette barque. Je t'accompagnerai à la
  maison par une autre route" ordonne Jésus.   
   
  Et il dit aux siens :             
   
  "Mettez-la au milieu de vous et accompagnez-la."     
   
  Mais la colère de la foule, excitée par quelque Israélite intransigeant, se
  retourne tout entière contre Jésus et ils disent en criant :    
   
  "Anathème ! Faux Christ ! Protecteur des prostituées !
  Qui les protège les approuve. Bien plus ! Il les approuve parce qu'il en
  jouit" et d'autres phrases du même genre que les gens crient ou plutôt
  aboient.    
   
  Elles viennent surtout d'un petit groupe d'énergumènes Israélites, je ne sais
  pas de quelle caste, et tout en criant ils lancent des poignées de sable
  humide qui atteignent le visage de Jésus avec violence.     
   
  Il lève son bras et essuie sa joue sans protester. Non seulement cela, mais
  d'un geste il arrête Kouza et quelques autres qui voudraient réagir en sa
  faveur, et il dit :   
   
  "Laissez-les faire. Pour sauver une âme, je souffrirais bien
  davantage ! Je pardonne !"            
   
  Zénon, celui d'Antioche, qui ne s'était jamais éloigné du Maître,
  s'écrie :  
   
  Haut de page.         
   
  264>
  "Maintenant, vraiment, je sais qui tu es ! Un vrai Dieu et non pas
  un faux rhéteur ! La grecque a dit la vérité ! Tes paroles aux
  Thermes m'avaient déçu. Celles-ci m'ont conquis. Le miracle m'a étonné. Ton
  pardon des offenses m'a conquis. Adieu, Seigneur ! Je penserai à Toi et
  je réfléchirai à tes paroles."         
   
  "Adieu, homme. Que la Lumière éclaire ton cœur."   
   
    463.10 - Kouza insiste de nouveau pendant qu'ils vont vers le quai
  et que sur la digue se produit une bagarre entre romains et grecs d'un côté
  et Israélites de l'autre.         
   
  "Viens, pour quelques heures seulement. C'est nécessaire. Je te
  reconduirai moi-même. Tu es bienveillant pour les prostituées, et tu veux
  être inexorable avec nous ?"           
   
  "C'est bien. Je viendrai. En fait, c'est nécessaire..."    
   
  Il se retourne vers les apôtres qui sont déjà dans les barques :        
   
  "Allez en avant, je vous rejoindrai..."    
   
  "Tu vas seul ?" demande Pierre peu content.  
   
  "Je suis avec Kouza..."      
   
  "Hum ! Et nous, on ne peut pas venir ? Pourquoi veut-il
  t'avoir avec ses amis ? Pourquoi n'est-il pas venu à
  Capharnaüm ?"   
   
  "Nous y sommes venus. Vous n'y étiez pas" rétorque Kouza.           
   
  "Vous n'aviez qu'à nous attendre. Voilà tout !"           
   
  "Au contraire, nous sommes venus sur vos traces."   
   
  "Venez maintenant à Capharnaüm. Est-ce le Maître qui doit aller chez
  vous ?"  
   
  "Simon a raison" disent les autres apôtres.      
   
  "Mais pourquoi ne voulez-vous pas qu'il vienne avec moi ? Est-ce
  par hasard la première fois qu'il vient dans ma maison ? Est-ce que par
  hasard vous ne me connaissez pas ?"   
   
  "Bien sûr que nous te connaissons. Mais nous ne connaissons pas les
  autres, voilà."  
   
  "Et que craignez-vous ? Que je sois ami des ennemis du
  Maître ?"            
   
  "Je ne sais rien, moi ! Je me souviens de la fin du prophète Jean,
  moi !"  
   
  "Simon ! Tu m'offenses. Je suis un homme d'honneur. Je te jure
  qu'avant qu'on enlève un cheveu au Maître, je me ferais transpercer. Tu dois
  me croire ! Mon épée est à ton service..."   
   
  Haut de page.         
   
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  "Hé !... Qu'ils te transpercent, toi... À quoi cela
  servirait-il ? Après... Oui, je le crois, je te crois... Mais toi une
  fois mort, ce serait son tour. Je préfère ma rame à ton épée, ma pauvre
  barque, et surtout nos simples cœurs à son service."          
   
  "Mais j'ai avec moi Manahen. As-tu confiance en
  Manahen ? Et le pharisien Éléazar, que tu connais, et le chef de synagogue Timon, et Nathanaël ben
  Fada. Tu ne le connais pas lui. Mais
  c'est un chef important, et il veut parler avec le Maître. Et il y a Jean,
  surnommé l'Antipa d'Antipatride,
  favori d'Hérode le Grand, maintenant âgé et puissant, propriétaire de toute
  la vallée de Gahas, et..."  
   
  "Assez ! Assez ! Tu me dis des grands noms, mais qui ne me
  disent rien, sauf deux... et moi, je vais venir aussi..."       
   
  "Non, c'est avec le Maître qu'ils veulent parler..."      
   
  "Ils veulent ! Et qui sont-ils ? Ils veulent ?! Et moi,
  je ne veux pas. Embarque ici, Maître, et partons. Moi, je ne veux entendre
  parler de personne, je ne me fie qu'à moi-même, moi. Allons, Maître. Et toi
  va en paix dire à ces gens que nous ne sommes pas des vagabonds, qu'ils
  savent où nous trouver."      
   
  Et il pousse Jésus avec peu d'égards, pendant que Kouza proteste à haute
  voix.  
   
    463.11 - Jésus décide définitivement :    
   
  "Ne crains pas, Simon. Il ne m'arrivera aucun mal. Je le sais, et il est
  bien que j'y aille. Cela est bon pour Moi. Comprends-moi..." et il le
  fixe de ses yeux splendides comme pour lui dire : "N'insiste pas,
  comprends-moi. Il y a des raisons qui me conseillent d'y aller."     
   
  Simon cède à contrecœur, mais il cède comme subjugué... Cependant il murmure
  entre ses dents, mécontent.  
   
  "Pars tranquille, Simon. Moi-même je ramènerai mon Seigneur et le
  tien" promet Kouza.       
   
  "Quand ?"   
   
  "Demain."   
   
  "Demain ?! Il faut tant de temps pour dire deux mots ? Nous
  sommes entre tierce et sexte... Avant le soir, s'il n'est pas avec nous, nous
  venons chez toi, ne l'oublie pas. Et pas nous seuls..."           
   
  Et il le dit sur un ton qui ne laisse pas de doute sur ses intentions.            
   
  Jésus met la main sur l'épaule de Pierre.         
   
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  "Je te dis, Simon, qu'ils ne me feront pas de mal. Montre que tu crois
  en ma vraie nature. C'est Moi qui te le dis. Je sais. Ils ne me feront rien.
  Ils veulent seulement s'expliquer avec Moi... Va... Conduis la femme à
  Tibériade, arrête-toi aussi chez Jeanne. Tu pourras voir qu'ils ne m'enlèvent
  pas avec des barques et des soldats..."         
   
  "Bon, mais sa maison, (et il montre Kouza) je la connais. Je sais qu'en
  arrière, il y a la terre, ce n'est pas une île. En arrière il y a Galgala et
  Gamla, Aéra, Arbel, Gerasa, Bozra, et Pella et Ramot
  et combien d'autres villes !..."      
   
  "Mais, ne crains pas, te dis-je ! Obéis. Donne-moi un baiser,
  Simon. Va ! Et à vous aussi"  
   
  Il les embrasse et les bénit. Quand il voit la barque s'éloigner, il leur
  crie :          
   
  "Ce n'est pas mon heure. Et tant que ce n'est pas mon heure, rien ni
  personne ne pourra lever la main sur Moi. Adieu, amis."          
   
  Il se tourne vers Jeanne qui paraît visiblement troublée et pensive, et il
  lui dit :  
   
  "Ne crains pas. Il est bien que cela arrive. Va en paix."          
   
  Et à Kouza :            
   
  "Allons. Pour te montrer que je n'ai pas peur, et pour te
  guérir..."  
   
  "Je ne suis pas malade, Seigneur..." 
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