203> Le
Temple regorge vraiment de gens. Il y manque pourtant l'élément féminin et les
enfants. La persistance d'une saison venteuse et d'averses précoces,
violentes, même si elles sont brèves, doit avoir persuadé les femmes de
partir avec les enfants. Mais les hommes de toute la Palestine et les
prosélytes de la Diaspora remplissent littéralement le Temple pour faire les
dernières prières, les dernières offrandes, et écouter les dernières
instructions des scribes.
Les galiléens qui suivent Jésus sont au complet, avec les
chefs les plus importants au premier rang, et au milieu, très pénétré de sa
qualité de parent, se trouve Joseph
d'Alphée avec son frère Simon. Un
autre groupe serré et qui attend, c'est celui des soixante-douze
disciples. Je les nomme ainsi pour indiquer les disciples choisis par Jésus
pour évangéliser, dont le nombre a changé, et aussi les visages car certains
des anciens n'y sont plus, après la défection qui a suivi le discours sur le
Pain du Ciel, et d'autres nouveaux y sont venus comme Nicolaï
d'Antioche. Un troisième groupe, très uni aussi et très nombreux, c'est
celui des juifs, parmi lesquels je vois les chefs des synagogues d'Emmaüs, d'Hébron, de
Kériot, de Jutta, d'autre
part, est présent le mari de
Sara, et de Béthsur, les parents d'Élise .
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204> Ils sont près de la Belle
Porte, et est claire leur intention d'entourer le Maître dès qu'il va
paraître. En effet Jésus ne peut faire un pas à l'intérieur de l'enceinte
sans que ces trois groupes l'entourent, comme pour l'isoler des malveillants ou
aussi de ceux qui sont seulement des curieux.
Jésus se
dirige vers l'Atrium des Israélites pour les prières, et les autres le
suivent en groupe compact autant que le permet la foule, sourds au
mécontentement de ceux qui doivent s'écarter pour faire place au grand nombre
de personnes qui entourent Jésus. Lui est parmi ses frères. Et il n'est pas
doux comme celui de Jésus le regard, ni humble comme celle de Jésus
l'attitude de Joseph d'Alphée qui
dévisage expressivement certains pharisiens...
Ils prient et puis reviennent dans la Cour des Païens. Jésus s'assoit
humblement par terre, le dos au mur du portique. Il se forme un demi-cercle
qui devient de plus en plus serré à cause des rangs de personnes qui se
placent derrière ceux qui sont plus près de Lui, qui s'assoient ou s'adossent
en restant debout : c'est une convergence de visages et de regards sur un
unique Visage. Les curieux, ceux qui ignorent étant venus de loin, les
malveillants, sont au-delà de cette barrière de fidèles et s'efforcent de
voir en allongeant le cou et en se dressant sur la pointe des pieds.
Jésus écoute en attendant tel ou tel qui Lui demande des conseils ou rapporte
des nouvelles. Ainsi parlent les parents d'Élise, en donnant de ses nouvelles
et en demandant si elle peut venir servir le Maître. Et Lui répond : "Je
ne reste pas ici. Elle viendra plus tard." Le
parent de Marie de Simon, la mère de Judas de Kériot,
lui dit qu'elle est restée pour garder l'exploitation, mais que Marie est
presque toujours avec la mère de Joanne. Judas, étonné,
écarquille les yeux mais ne parle pas. Puis c'est le mari de
Sara qui Lui annonce la naissance d'un autre enfant et Lui demande
comment l'appeler. Jésus répond : "Jean si c'est un garçon, Anne si
c'est une fille." Et le vieux chef de la synagogue d'Emmaüs Lui murmure
doucement quelque cas de conscience, auquel Jésus répond doucement. Et ainsi
de suite.
Pendant ce temps les gens deviennent de plus en plus nombreux. Jésus lève la
tête et regarde. Comme le portique est surélevé de quelques marches, Lui,
tout en restant assis par terre, domine une bonne partie de la cour, de ce
côté, et il voit quantité de visages.
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205> Il se lève et il dit à haute
voix, de toute sa voix juste et forte :
"Que celui qui a soif vienne à Moi et boive ! Du sein de ceux qui
croient en Moi jailliront des fleuves d'eau vive."
Sa voix remplit la vaste cour, les splendides portiques, elle franchit
certainement ceux qui sont de ce côté et se propage ailleurs, dominant toute
autre voix, comme un tonnerre harmonieux plein de promesses. Il parle et puis
se tait quelques instants comme s'il avait voulu énoncer le thème du discours
et ensuite donner le temps à ceux que l'audition n'intéresse pas de s'en
aller sans déranger par la suite. Les scribes et les docteurs se taisent ou
plutôt baissent leurs voix en un murmure certainement malveillant. Gamaliel,
je ne le vois pas.
Jésus s'avance au milieu du demi-cercle qui s'ouvre à son arrivée pour se
refermer ensuite derrière Lui, de sorte que le demi-cercle se change en
anneau. Il marche lentement, majestueusement. Il semble glisser sur les
marbres polychromes du dallage, avec le manteau un peu ouvert qui Lui fait
par derrière une sorte de traîne. Il va jusqu'au coin du portique, de la
marche qui donne sur la cour, et il s'arrête là. Il domine ainsi deux côtés
de la première enceinte. Il lève le bras droit avec le geste qu'il fait
d'ordinaire quand il commence à parier, alors qu'avec la main gauche sur la
poitrine, il tient en place son manteau.
Il répète les paroles du début : "Que
celui qui a soif
vienne à Moi et boive ! Du sein de ceux qui croient en Moi jailliront des
fleuves d'eau vive !
Celui qui vit la théophanie du
Seigneur, le grand Ézéchiel, prêtre et
prophète, après avoir vu prophétiquement les actes impurs dans la maison
profanée du Seigneur, après avoir vu toujours prophétiquement que seuls ceux
qui sont marqués du Tau seront vivants dans la vraie Jérusalem, alors que les
autres connaîtront un et un massacre, une et une condamnation, un et un
châtiment - et
le temps est proche, ô vous qui m'écoutez, il est proche, et plus proche que
vous ne pensez; aussi, je vous exhorte, comme Maître et Sauveur, à ne pas
tarder davantage à vous marquer du Signe qui sauve, à ne pas tarder davantage
à mettre en vous la Lumière et la Sagesse, à ne pas tarder davantage à vous
repentir et à pleurer, pour vous et pour les autres, pour pouvoir vous sauver
— Ézéchiel, après avoir vu tout cela et autre chose encore, parle d'une
terrible vision, celle des ossements desséchés .
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206> Un jour viendra que sur un monde mort, sous
un firmament éteint, apparaîtront au son de la trompette angélique des os et
des os de morts. Comme un ventre qui s'ouvre pour enfanter, ainsi la Terre expulsera de ses entrailles tous les os des hommes qui sont
morts sur elle et ont été ensevelis dans sa boue, depuis Adam jusqu'au
dernier homme. Et ce sera alors la résurrection des morts, pour
le grand et suprême jugement après lequel, comme une pomme de Sodome, le
monde se videra pour devenir un néant, et ce sera la fin du firmament avec ses
astres. Tout prendra fin, sauf deux choses éternelles, éloignées, aux
extrémités de deux abîmes d'une profondeur incalculable, en opposition pour
la forme et l'aspect et pour la manière dont en eux continuera éternellement
la puissance de Dieu: le Paradis: lumière, joie, paix, amour; l'Enfer:
ténèbres, souffrance, horreur, haine.
Mais croyez-vous que, parce que le monde n'est pas encore mort et que les
trompettes angéliques ne sonnent pas le rassemblement, le champ sans limites
de la Terre ne soit pas couvert d'ossements sans vie, desséchés outre mesure,
inertes, séparés, morts, morts, morts ? En vérité je vous dis qu'il en est
ainsi. Parmi ceux qui sont vivants, parce qu'ils respirent encore,
innombrables sont ceux qui sont semblables à des cadavres: aux ossements
desséchés vus par Ézéchiel. Qui sont-ils ? Ce sont ceux qui n'ont pas en eux
la vie de l'esprit.
Il y en a en Israël, comme dans le monde
entier. Et que parmi les gentils et les idolâtres, il n'y ait que des morts
qui attendent d'être vitalisés par la Vie, c'est chose naturelle, et qui ne
fait souffrir que ceux qui possèdent la vraie Sagesse, car Elle leur fait
comprendre que l'Éternel a créé les créatures pour Lui et non pour
l'idolâtrie et s'afflige d'en voir tant dans la mort. Mais si le Très-Haut a cette douleur, et elle est déjà grande, quelle sera sa
douleur pour ceux de son Peuple, qui sont des
ossements blanchis, sans vie, sans esprit ?
Ceux qui ont été élus, préférés, protégés, nourris, instruits
par Lui directement, ou par ses serviteurs et ses prophètes, pourquoi
doivent-ils être coupablement des ossements desséchés, alors que pour eux, il
a toujours coulé du Ciel un filet d'eau vitale, et qui les a abreuvé de Vie
et de Vérité ? Pourquoi se sont-ils desséchés, eux, plantés dans la Terre du
Seigneur ? Pourquoi leur esprit est-il mort, quand l'Esprit éternel a mis à
leur disposition tout un trésor de sagesse pour qu'ils l'atteignent et en
vivent ? Qui
d'entre eux, et par quel prodige, pourront revenir à la Vie, s'ils ont
abandonné les sources, les pâturages, les lumières données par Dieu, s'ils
avancent à tâtons dans la brume, boivent à des sources qui ne sont pas pures,
et se repaissent d'aliments qui ne sont pas saints ?
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207> Ils ne reviendront donc
jamais à la vie? Si. Je le jure au nom du Très-Haut. Beaucoup
ressusciteront. Dieu a déjà préparé le miracle, et même il est déjà à
l'œuvre, il a déjà opéré en certains, et des ossements desséchés se sont
revêtus de vie parce que le Très-Haut, à qui rien n'est interdit, a tenu sa
promesse et la tient, et la complète toujours plus. Lui, du haut des Cieux,
crie à ces ossements qui attendent la Vie : "Voici, je vais répandre en
vous l'esprit et vous vivrez". Et Il a pris son Esprit, Il s'est pris
Lui-même, et Il a formé une chair pour revêtir sa Parole, et l'a envoyée à
ces morts pour qu'en leur parlant se répande de nouveau en eux la Vie.
Que de fois au cours des siècles Israël a crié : "Nos ossements sont
desséchés, notre espérance est morte, nous sommes séparés !" Mais toute
promesse est sacrée, toute prophétie est vraie. Voilà qu'est venu le temps où
l'Envoyé de Dieu ouvre les tombes pour en faire sortir les morts et les
vivifier pour les conduire avec Lui dans le vrai Israël, dans le Royaume du
Seigneur, dans le Royaume de mon Père et du vôtre.
Je suis la Résurrection et la
Vie ! Je suis la Lumière venue pour éclairer ceux qui gisaient dans les
ténèbres ! Je suis la Source d'où jaillit la Vie éternelle.
Celui qui vient à Moi ne connaîtra pas la Mort. Que celui qui a soif de Vie
vienne et boive. Que celui qui veut posséder la Vie, c'est-à-dire Dieu, croie
en Moi, et de son sein jailliront non pas des gouttes, mais des fleuves d'eau
vive. Car ceux qui croient en Moi, formeront avec Moi le Temple nouveau d'où
jaillissent les eaux salutaires dont parle Ézéchiel.
Venez à Moi, à peuples ! Venez à Moi, ô créatures ! Venez former un unique
Temple car je ne repousse personne, mais par amour je vous veux avec Moi,
dans mon travail, dans mes mérites, dans ma gloire.
"Et moi, j'ai vu les eaux qui jaillissaient de dessous la porte de la
maison, à l'orient... Et les eaux descendaient du côté droit, au midi de
l'autel" .
Ce Temple ce sont ceux qui croient dans le Messie du Seigneur, dans le Christ,
dans la Loi Nouvelle, dans la Doctrine du temps du Salut et de la Paix. Comme
les murs de ce temple sont formés de pierres, ainsi d'esprits vivants seront
formées les murailles mystiques du Temple qui ne mourra pas pour toujours et
qui de la Terre s'élèvera vers le Ciel, comme son Fondateur, après la lutte
et l'épreuve.
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208> Cet autel
d'où jaillissent les eaux, cet autel à l'orient, c'est Moi. Et mes eaux
jaillissent de la droite car la droite est la place des élus au Royaume de Dieu. Elles jaillissent de Moi, pour se déverser en mes
élus et les enrichir des eaux vitales, chargés de les conduire, de les
répandre au nord et au midi, au levant et au couchant, pour donner la Vie à
la Terre chez ses peuples qui attendent l'heure de la Lumière, l'heure qui
viendra, qui devra absolument venir pour tout lieu, avant que la Terre cesse
d'exister.
Mes eaux jaillissent et se répandent, mêlées à celles que Moi-même j'ai
données et donnerai à ceux qui me suivent, et tout en étant répandues pour
bonifier la Terre, elles seront unies dans un seul fleuve de Grâce, de plus
en plus profond, de plus en plus vaste, qui s'accroîtra jour après
jour, pas après pas, des eaux des nouveaux fidèles, jusqu'à devenir comme une
mer qui baignera tous les lieux pour sanctifier toute la Terre.
Dieu le veut, Dieu le fait. Un déluge a lavé le monde en donnant la mort aux
pécheurs. Un nouveau déluge, d'un liquide qui ne sera pas de la pluie, lavera
le monde pour lui donner la Vie.
Et, par une mystérieuse action de grâce, les hommes pourront faire partie de
ce déluge sanctificateur en unissant leurs volontés à la mienne, leurs
fatigues à la mienne, leurs souffrances à la mienne. Et le monde connaîtra la
Vérité et la Vie, et qui voudra y participer le pourra. Et il n'y aura que
ceux qui ne voudront pas être nourris des eaux de la Vie qui deviendront un
lieu marécageux et pestilentiel, ou qui resteront tels et ne connaîtront pas
les récoltes abondantes des fruits de grâce, de sagesse, de salut que
connaîtront ceux qui vivront en Moi.
En vérité je vous dis, une fois de plus, que celui qui a soif et vient à Moi,
boira et n'aura plus soif, car ma Grâce ouvrira en lui des sources et des
fleuves d'eau vive. Et celui qui ne croit pas en Moi périra comme un marais
salant où la vie ne peut subsister.
En vérité je vous dis qu'après Moi la Source ne tarira pas, car je ne mourrai
pas, mais je vivrai, et après que je m'en serai allé, allé et non pas
mort, pour ouvrir les Portes des Cieux, un Autre viendra qui est pareil à
Moi, et qui complétera mon œuvre, en vous faisant comprendre ce que je vous
ai dit et en vous incendiant pour faire de vous des "lumières"
puisque vous avez accueilli la Lumière."
Jésus se tait.
La foule, qui a été silencieuse sous l'empire du discours, chuchote maintenant,
et commente de différentes façons.
Quelqu'un dit : "Quelles paroles ! C'est un vrai prophète !"
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209> Un autre : "C'est le
Christ. Je vous le dis. Jean lui-même ne parlait pas ainsi, et aucun
prophète n'est aussi fort."
"Et puis Lui nous fait comprendre les prophètes, même Ezéchiel, dont les
symboles sont si obscurs."
"Tu as entendu, hein ?! Les eaux ! L'autel ! C'est clair !"
"Et les ossements desséchés ?! Tu as vu comme se sont troublés les
scribes et les pharisiens et les prêtres ? Ils ont compris le psaume !"
"Oui ! Et ils ont envoyé les gardes. Mais eux !... Ils ont oublié de le
prendre et ils sont restés comme des enfants qui voient des anges.
Regarde-les là-bas ! Ils semblent ébahis."
"Regarde ! Regarde ! Un magistrat les rappelle et les semonce. Allons
écouter !"
Pendant ce temps, Jésus guérit des malades qu'on Lui a amenés et ne se soucie
pas d'autre chose jusqu'au moment où, se frayant un passage à travers les
gens, un groupe de prêtres et de pharisiens, qui ont à leur tête un homme
d'environ trente, trente-cinq ans, et que tout le monde fuit avec une crainte
qui ressemble à de la terreur, arrive à Jésus.
"Tu es encore ici ? Va-t-en ! Au nom du Souverain Prêtre !"
Jésus se redresse — il était penché sur un paralytique — et il le regarde
avec calme et douceur. Puis il se penche de nouveau pour imposer les mains au
malade.
"Va-t-en ! As-tu compris ? Séducteur des
foules, ou nous te ferons arrêter."
"Va, et loue le Seigneur par une vie sainte" dit Jésus au malade
qui se lève guéri. C'est son unique réponse alors que ceux qui le menacent
crachent leur venin, mais la foule, par ses hosannas, les avertit de ne pas
faire de mal à Jésus.
Mais si Jésus est doux, Joseph d'Alphée ne l'est pas. Il se redresse en bombant
la poitrine, rejetant sa tête en arrière pour paraître plus grand, et il
crie: "Eléazar, Ô toi qui avec tes pareils
voudrais abattre le sceptre du Fils élu de Dieu et de David, sache que tu es
en train de couper tout arbre, et le tien pour commencer, dont tu es si fier,
car ton iniquité agite au-dessus de ta tête l'épée du Seigneur !" et il
dirait autre chose, mais Jésus lui met la main sur l'épaule en disant :
"Paix, paix, mon frère !" et Joseph, rouge d'indignation, se tait.
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210> Ils se dirigent vers la
sortie. Et une fois hors de l'enceinte, on vient rapporter à Jésus que les
chefs des prêtres et des pharisiens ont reproché aux gardes de ne pas avoir
arrêté Jésus, et qu'eux s'étaient excusés en disant que personne n'avait
jamais parlé comme Jésus. Réponse qui avait rendus
fous de rage les princes des prêtres et les pharisiens, parmi lesquels il y
avait plusieurs membres du Sanhédrin, au point que pour prouver aux gardes
qu'il n'y avait que les sots qui pouvaient être séduits par un fou, ils
voulaient aller l'arrêter comme blasphémateur, pour apprendre aussi à la
foule à comprendre la vérité. Mais Nicodème, qui
était présent, s'y était opposé en disant : "Vous ne pouvez procéder
contre Lui. Notre Loi défend de condamner un homme avant de l'avoir entendu
et d'avoir vu ce qu'il fait. Et nous n'avons entendu et vu de Lui que des
choses qui ne sont pas condamnables." Sur quoi la colère des ennemis de
Jésus s'était retournée contre Nicodème qu'ils avaient menacé, insulté et
bafoué, comme si c'était un sot et un pécheur. Et Eléazar ben Anna était
parti personnellement avec les plus furieux, pour chasser Jésus, n'osant
faire rien de plus à cause de la foule.
Joseph d'Alphée est furieux. Jésus le regarde et lui dit: "Tu le vois, ô
frère ?" II n'en dit pas davantage... Mais il y a tant de choses dans
ces mots ! Il y a l'avertissement qu'il a raison, qu'il parle ou se taise, il
y a le rappel de ses paroles, il y a l'indication de ce que sont en Judée les
castes dominantes, de ce qu'est le Temple, et ainsi de suite.
Joseph baisse la tête et il dit : "Tu as raison..." Il se tait,
pensif, puis à l'improviste il jette ses bras au cou de Jésus et il pleure
sur sa poitrine en disant: "Mon pauvre Frère ! Pauvre Marie ! Pauvre
Mère !" Je crois que Joseph, à ce moment, a l'intuition claire du sort
de Jésus...
"Ne pleure pas ! Fais toi aussi, comme Moi, la volonté de notre Père
!" dit Jésus pour le réconforter, et il l'embrasse pour le consoler.
Quand Joseph est un peu calmé, ils se dirigent vers la maison où il loge et
là ils se saluent en s'embrassant. Et Joseph, excessivement ému, dit comme
dernières paroles : "Va en paix, Jésus ! Par dessus tout. Ce que je t'ai
dit près de Nazareth, je te le répète, et plus fortement encore. Va en paix.
Aie seulement le souci de ton travail. Pour le reste, moi, je m'en occupe. Va
et que Dieu te réconforte." Et il l'embrasse encore, l'air paternel, et
il le caresse comme pour laisser sur sa tête sa bénédiction de chef de
famille. Puis Joseph salue ses frères. Aussi Simon les salue. Mais je
remarque que Jacques, je ne sais pour quel motif, est plutôt réservé avec
Joseph, et réciproquement. En revanche avec Simon il y a davantage
d'affection.
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211> Joseph dit à Jacques cette
parole: "Je dois donc dire que tu es perdu pour moi ?"
"Non, frère. Tu dois dire que tu sais où je suis et qu'il te revient de
me trouver. Sans rancune. Je prie beaucoup pour toi, au contraire. Mais dans
les choses de l'esprit, il ne faut pas prendre deux sentiers en même temps.
Tu sais ce que je veux dire..."
"Tu vois que je le défends..."
"Tu défends l'homme et le parent. Ce n'est pas assez pour te donner ces
fleuves de Grâce dont Lui parlait. Défends le Fils de Dieu, sans avoir peur
du monde, sans calculs intéressés, et tu seras parfait. Adieu. Je te confie
notre mère et Marie de Joseph..."
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