Vision du jeudi
1er août 1946.
288> 465.1 – "Dirige la barque vers
Bethsaïde" commande Jésus qui est avec Jean dans une petite barque, une vraie
coquille de noix, au milieu du lac qui s'éclaircit lentement en même temps
que la lumière du jour.
289> Jean obéit sans
parler. Un petit vent plutôt énergique tend la petite voile et fait glisser
rapidement la barque qui penche même d'un côté, tant est rapide sa marche. La
côte orientale court rapidement et la courbe du côté nord du lac devient de
plus en plus proche.
"Aborde avant le village. Je veux aller chez Porphyrée
sans être vu par d'autres, et toi, rejoins-moi ensuite à l'endroit habituel
et attends-moi dans la barque."
"Oui, Maître. Et si quelqu'un me voit ?"
"Retiens-les tous sans dire où je suis. J'aurai vite fait."
Jean remarque sur la plage un point qui est favorable pour l'abordage et il
le trouve dans un semblant, un vrai semblant de torrent sableux dans lequel
on a enlevé du sable pour quelque besoin, de sorte qu'il forme un petit golfe
de quelques mètres mais dans lequel une barque peut accoster au bord qui est
à environ cinquante centimètres au-dessus de l'eau.
C'est là qu'il va. La barque frôle légèrement la grève mais réussit à
accoster et Jean la tient arrêtée contre le bord en s'agrippant à une racine
qui sort du sable. Jésus saute sur la rive. Jean appuie la rame contre le
bord et il force pour pousser de nouveau la barque dans le lac. Il y
parvient. Il lève son visage qu'éclairé son bon sourire et il dit :
"Adieu, Maître."
"Adieu, Jean"
Jésus s'éloigne au milieu des arbres alors que Jean louvoie avec sa petite
barque.
465.2 – Jésus tourne vers l'intérieur,
passe à travers les jardins en arrière de Bethsaïde. Il va rapidement pour
éviter d'entrer dans le village quand il va s'animer. Il arrive, sans
rencontrer personne, à la maison de Pierre et frappe à la porte de la
cuisine. Après quelques secondes, la tête de Porphyrée
se fait voir hésitante au-dessus du muret du toit. Elle voit et pousse un
"Oh !" de stupeur. Elle rassemble avec la main sa splendide
chevelure - son unique beauté - toute défaite sur ses épaules, et elle court en
bas par le petit escalier, déchaussée comme elle l'est, dans la toilette
rapide du matin.
"Seigneur, Toi ! Seul ?"
"Oui, Porphyrée. Où est Marziam ?"
"Il dort. Il dort encore. Il est resté un peu triste, un peu languissant
le petit... et je le ménage un peu. C'est l'âge aussi... la croissance...
Quand il dort, il ne pense pas et ne pleure pas..."
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290> "Il pleure souvent ?"
"Oui, Maître. Je crois que c'est sa faiblesse actuelle et je cherche à
le fortifier... et à le consoler... Mais lui dit : "Je reste seul.
Tous ceux que j'aime s'en vont. Quand Jésus ne sera plus là..." et il le
dit comme si tu devais nous quitter... Certes... il a eu beaucoup de peines
dans sa vie... Mais moi, mais Simon, nous l'aimons... tant, crois-le,
Maître."
"Je le sais. Mais son âme devine... Porphyrée, j'ai besoin justement de
te parler de ces choses. C'est pour cela que je suis venu, sans Simon, à
cette heure. Où devons-nous aller pour que Marziam n'entende pas et que
personne ne nous dérange ?"
"Seigneur... Je n'ai que... la chambre nuptiale, ou bien la pièce des
filets... Marziam est au-dessus, j'y étais moi aussi car, pour fuir la
chaleur, nous sommes allés dormir là-haut..."
"Allons dans la pièce des filets. Elle est plus loin et Marziam
n'entendra pas, même s'il s'éveille."
"Viens, Seigneur"
Porphyrée le conduit dans la pièce rustique encombrée de toutes sortes de
choses : filets, rames, provisions, de foin pour les brebis, d'un métier
à tisser...
Porphyrée se hâte de débarrasser une sorte de table appuyée contre le mur et
de l'essuyer avec un paquet d'étoupe pour que le Maître s'y assoie.
"Peu importe, femme, je ne suis pas fatigué."
Porphyrée lève ses yeux pleins de douceur sur le visage défait, fatigué de
Jésus, et elle semble vouloir Lui dire : "Si, tu l'es." Mais,
habituée à se taire, elle ne parle pas.
465.3 – "Écoute, Porphyrée. Tu es
une brave femme et une bonne disciple. Je t'ai
beaucoup aimée depuis que je te connais et c'est avec une grande joie que je
t'ai accueillie comme disciple et que je t'ai confié l'enfant. Je sais que tu
es prudente et vertueuse comme il y en a peu. Et je sais que tu sais te
taire, vertu très rare chez les femmes. Pour toutes ces
raisons, je suis venu te parler en secret et te confier une chose que
personne ne connaît, pas même les apôtres, pas même Simon. Je te la confie
parce que je dois te dire comment tu dois te comporter à l'avenir avec
Marziam... et avec tout le monde... Je suis sûr que tu contenteras ton Maître
pour ce que je te demande et que tu seras prudente comme toujours..."
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291> Porphyrée, qui est devenue vraiment
rouge en entendant l'éloge de son Seigneur, n'acquiesce que de la tête, trop
émue - elle si timide et si habituée à être dominée par des volontés
autoritaires qui s'imposent à elle sans savoir si elle est disposée à
consentir... - trop émue pour dire par des mots qu'elle consent.
"Porphyrée... je ne reviendrai jamais plus par ici, jamais plus jusqu'à
ce que tout soit accompli... Tu sais, n'est-ce pas, ce que je dois
accomplir ?..."
Porphyrée, à ces mots, a laissé aller ses cheveux qu'elle retenait encore sur
la nuque de la main gauche et elle a, plus qu'un cri, un sanglot qu'elle
étouffe en portant ses deux mains à son visage, alors qu'elle glisse à genoux
en gémissant :
"Je le sais, Seigneur, mon Dieu..."
Et elle pleure d'un pleur silencieux qui ne se manifeste que par les larmes
qui dégouttent par terre des doigts appuyés sur le visage.
"Ne pleure pas, Porphyrée. C'est pour cela que je suis venu. Je suis
prêt... et ils sont prêts ceux qui, en servant le Mal, serviront le Bien, en
vérité, parce qu'ils feront lever l'heure de la Rédemption. Elle pourrait
s'accomplir dès maintenant parce que Moi, aussi bien qu'eux, nous sommes
préparés... et toute autre heure qui passe, ou tout événement qui surviendra
ne seront que... un perfectionnement pour leur crime et... pour mon
Sacrifice. Mais même ces heures, nombreuses encore, qui passeront avant cette
heure, serviront... Il y a encore quelque chose à accomplir et à dire
pour que tout ce qui était à accomplir, en me faisant connaître, soit fait...
Mais je ne reviendrai plus ici... Je regarde pour la dernière fois cet
endroit... et j'entre pour la dernière fois dans cette maison honnête... Ne
pleure pas... Je n'ai pas voulu m'en aller sans te dire adieu et te donner la
bénédiction de ton Maître. Je vais emmener Marziam avec Moi. Je vais
l'emmener avec Moi maintenant, en allant vers les confins de la Phénicie, et
puis quand je descendrai en Judée pour les Tabernacles. Il ne me manquera pas
la possibilité de le renvoyer avant le plein hiver. Pauvre enfant ! Il
va jouir de Moi pendant quelque temps.
465.4 – Et puis... Porphyrée, il n'est
pas bien que Marziam soit présent à mon
heure. Tu ne le laisseras donc pas partir pour la
Pâque..."
"Le précepte, Seigneur..."
"Je l'absous du précepte. Je suis le Maître, Porphyrée, et je suis Dieu,
tu le sais. Comme Dieu, je puis l'absoudre à l'avance d'une omission qui n'en
est même pas une, puisque je la commande pour un motif de justice.
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292> L'obéissance à mon ordre est déjà par
elle-même une absolution à l'omission du précepte, car l'obéissance à Dieu -
et c'est aussi un sacrifice pour Marziam - est toujours supérieure à toute
autre chose. Et je suis le Maître. N'est pas un bon Maître celui qui ne
sait pas mesurer les possibilités et les réactions de son disciple, et ne
sait pas réfléchir aux conséquences qu'un effort supérieur à ce qu'un
disciple peut supporter, peut produire en lui. Même en imposant les vertus,
il faut être prudent et ne pas demander un maximum que la formation
spirituelle et les ressources générales de l'être ne peuvent donner. En
exigeant une vertu ou une maîtrise spirituelle trop forte, par rapport au
degré des forces spirituelles, morales et même physiques, atteint par une créature,
on peut produire une dispersion des forces déjà accumulées et un brisement de
l'être dans ses trois degrés : spirituel, moral, physique. Marziam,
pauvre enfant, a déjà trop souffert et a trop connu la brutalité de ses
semblables, jusqu'à éprouver de la haine pour eux. Il ne pourrait supporter
ce que sera ma Passion : une mer d'amour douloureux dans laquelle je
laverai les péchés du monde, et une mer de haine satanique qui essaiera de
submerger tous ceux que j'ai aimés et d'anéantir tout mon travail de Maître. En
vérité je te dis que même les plus forts ploieront sous la marée de Satan, du
moins pour un court laps de temps... Mais je ne veux pas que Marziam ploie et
boive cette eau désolante... C'est un innocent... et il m'est cher... J'ai
pitié, grande pitié, de celui qui a déjà souffert plus que ses forces ne le
lui permettaient... J'ai rappelé dans l'au-delà l'esprit de Jean d'En-Dor..."
"Il est mort Jean ? Oh ! Marziam avait écrit plusieurs
rouleaux pour lui... Une autre souffrance pour l'enfant..."
"Moi, je lui parlerai de la mort de Jean... Je disais que je l'ai enlevé
de la vie pour le préserver lui aussi du choc de cette heure. Jean aussi
avait trop souffert des hommes. Pourquoi réveiller les sentiments
assoupis ? Dieu est bon. Il éprouve ses enfants, mais ce n'est pas un
expérimentateur imprudent... Oh ! si les hommes savaient en faire
autant ! Combien moins de ruines des cœurs, ou même simplement combien
moins de bourrasques dangereuses dans les cœurs !... Mais, pour revenir
à Marziam, il ne doit pas venir à
la prochaine Pâque. Pour le moment, tu ne lui en parleras pas. Quand
ce sera le moment, tu lui parleras ainsi : "Le Maître m'a donné
l'ordre de ne pas t'envoyer à Jérusalem, et il te promet une récompense
singulière si tu Lui obéis". Marziam est bon et il obéira...
465.5 – Porphyrée, c'est cela que je
veux de toi : ton silence, ta fidélité, ton amour."
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293> "Tout ce que tu veux, mon
Seigneur. Tu honores trop ta pauvre servante... Je ne mérite pas tant... Va
en paix, mon Maître et mon Dieu. Je ferai ce que tu veux..." mais la
douleur a raison d'elle et elle tombe le visage contre terre - tout d'abord,
elle était restée à genoux, reposant sur ses talons, les yeux fixés sur le
visage de Jésus - elle tombe à terre, toute couverte du manteau de ses cheveux
de jais, et elle éclate en sanglots : "Mais quelle douleur,
Maître ! Oh ! quelle douleur ! Qu'est-ce qui finit !
Qu'est-ce qui finit pour le monde ! Pour nous qui t'aimons ! Pour
ta servante ! Le Seul ! Le Seul qui m'a vraiment aimée ! qui
ne m'a jamais méprisée ! qui n'a pas été autoritaire avec moi ! qui
m'a traitée comme les autres, moi si ignorante, si pauvre, si sotte !
Oh ! Marziam et moi, car c'est Marziam qui me l'avait dit le premier,
puis nous nous étions tranquillisés... Tout le monde disait que cela ne pouvait
être vrai... Tous : Simon, Nathanaël, Philippe... leurs femmes... et eux
savent, eux sont sages... et Simon... hé ! mon Simon, si tu l'as choisi,
il doit valoir quelque chose !... et tous ! tous disaient que cela
ne peut être... Mais maintenant, c'est Toi qui le dis, c'est Toi qui le
dis... et on ne peut douter de ta parole..."
Elle est vraiment désolée, et sa douleur est émouvante.
Jésus se penche assez pour lui mettre une main sur la tête :
"Ne pleure pas ainsi... Marziam va entendre... Je le sais... Personne
n'y croit, personne ne veut arriver à croire... et leur sagesse elle-même et
leur amour lui-même sont la cause de leur refus de croire... Mais c'est
ainsi... Porphyrée, je m'en vais. Avant de te quitter, je te bénis pour
maintenant et pour toujours. Pense toujours que je t'ai aimée et que j'ai été
content de ton amour pour Moi. Je ne te dis pas : persévère en lui. Je
sais que tu le feras car le souvenir de ton Maître sera toujours ta douceur
et tu y trouveras ton refuge. Ta douceur et ta paix, même à l'heure de la
mort. Pense à ce moment-là que ton Maître est mort pour t'ouvrir le Paradis
et qu'il t'y attend... Allons, lève-toi ! Je vais éveiller Marziam et le
retenir. Toi, efface les traces de tes pleurs et puis rejoins-nous. Jean
m'attend pour me conduire à Capharnaüm. Si tu as des choses à envoyer à
Simon, prépare-les. Rappelle-toi qu'il va avoir besoin de ses vêtements
épais..."
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294> Porphyrée, créature toute soumise
et prompte à obéir, baise les pieds de Jésus et elle va se lever, puis une
vague d'amour lui fait perdre la tête et, en rougissant vivement, elle prend
les deux mains de Jésus et les baise une, deux, dix fois, puis elle se lève
et le laisse aller...
465.6 – Jésus sort, monte sur la terrasse,
pénètre sous une sorte de pavillon fait de voiles tendues sur des cordes,
sous lequel se trouvent deux couchettes. Marziam dort encore, le visage
presque baissé, appuyé sur le petit oreiller. On ne voit qu'une pommette de
son visage brun et un bras long et maigre qui sort de sous le drap qui le
couvre.
Jésus s'assoit par terre, près du petit lit, et caresse légèrement les mèches
dépeignées qui retombent sur la joue pâle du dormeur, qui fait un mouvement
sans encore s'éveiller. Jésus répète son geste, et se penche pour déposer un
baiser sur le front le visage qui maintenant est découvert. Marziam ouvre les
yeux et voit Jésus à côté de lui, penché vers lui. Il a du mal à croire,
peut-être pense-t-il qu'il rêve, mais Jésus l'appelle et alors le jeune
garçon se dresse et se jette dans les bras de Jésus, s'y réfugie...
"Toi ici, Maître ?"
"Je suis venu te prendre pour t'emmener avec Moi pour quelques mois.
Es-tu content ?"
"Oh ! Et Simon ?"
"Il est à Capharnaüm. Moi, je suis venu avec Jean..."
"Il est revenu lui aussi ? Il doit être heureux! Je lui donnerai ce
que j'ai écrit."
"Je ne parle pas de Jean d'Endor, mais de Jean de Zébédée. N'es-tu pas
content ?"
"Si, je l'aime bien. L'autre aussi... presque davantage..."
"Pourquoi, Marziam ? Jean de Zébédée est si bon."
"Oui, mais l'autre est si malheureux et moi aussi je l'ai été et je le
suis encore un peu... Entre gens qui souffrent, on se comprend et on
s'aime..."
"Serais-tu content de savoir qu'il ne souffre plus et qu'il est très heureux ?"
"Oui, je le serais. Mais il ne peut être heureux que s'il est avec Toi.
Ou bien... Il est peut-être mort, Seigneur ?"
"Il est dans la paix, et il faut en
être content, sans égoïsme, car il est mort en juste et parce que maintenant
il n'y a plus de séparation entre son esprit et le nôtre. Nous avons un ami
de plus qui prie pour nous."
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295> Marziam a deux grosses larmes sur
son visage vraiment très amaigri et pâle, mais il murmure :
"C'est vrai."
Jésus ne dit rien d'autre à ce sujet, et il ne fait pas d'observations sur
l'état physique et moral de Marziam qui est visiblement très affaibli. Mais,
au contraire, il dit : "Allons, partons ! J'ai déjà parlé à
Porphyrée qui a certainement préparé tes vêtements. Prépare-toi, toi aussi,
car Jean nous attend. Nous allons faire une surprise à Simon. N'est-ce pas sa
barque qui revient à Capharnaüm ? Il a peut-être péché au
retour..."
"Oui, c'est elle. Où allons-nous, Seigneur ?"
"Au nord, et puis en Judée."
"Pour longtemps ?"
"Pour longtemps."
Marziam, réjoui à la pensée de rester avec Jésus, se lève promptement et
court se laver au lac; il revient avec les cheveux encore humides, en
criant : "J'ai vu Jean, il m'a fait un signe pour me saluer. Il est
à l'embouchure, au milieu des roseaux..."
"Allons."
465.7 – Ils descendent. Porphyrée est
en train de finir de fermer deux sacs, et elle explique : "J'ai pensé
envoyer plus tard les vêtements lourds, par mon frère, pour les Tabernacles,
au Gethsémani. Vous marcherez plus à l'aise, aussi bien toi que ton
père" et tout en finissant de lier les courroies, elle montre ce qu'elle
a préparé : lait, pain, fruits...
"Nous allons tout prendre et nous mangerons dans la barque. Je veux
partir avant qu'il n'y ait trop de monde sur la rive. Adieu, Porphyrée. Que
Dieu te bénisse toujours et que la paix des justes soit toujours en toi.
Viens, Marziam."...
Ils ont vite fait le court trajet et pendant que Marziam va trouver Jean,
Jésus va à la barque, rejoint tout de suite par les deux qui courent à
travers les roseaux. Ils sautent dans la barque en appuyant la rame contre le
bord pour se mettre en eau profonde.
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296> Le bref parcours est vite accompli,
et ils s'arrêtent sur la plage de Capharnaüm, pour attendre la barque de
Pierre qui va arriver. L'heure leur permet d'échapper à l'assaut des gens et
ils peuvent manger en paix leur pain et leurs fruits, étendus sur le sable, à
l'ombre de la barque.
Simon
ne connaît pas la petite barque. Aussi, seulement quand il met le pied sur la
rive et quand il voit Jésus se dresser de derrière la barque, qu'il le
remarque.
"Maître ! et toi, Marziam ! Mais depuis quand ?"
"Depuis tout à l'heure. Je suis passé par Bethsaïde. Fais vite. Il faut
partir tout de suite..."
Pierre le regarde et ne dit rien. Lui et ses compagnons déchargent la barque
du poisson qu'il a pris, des sacs de vêtements, y compris celui de Jean qui
peut finalement s'habiller. Et Simon demande quelque chose à son compagnon,
qui lui fait un signe comme pour lui dire :
"Attends..."
Ils vont à la maison. Ils entrent. Les apôtres qui étaient restés accourent.
"Faites vite. On part tout de suite. Prenez tout, car on ne revient pas
ici" commande Jésus.
Les apôtres se regardent entre eux, et c'est une mimique de signes entre les
deux groupes. Mais ils obéissent. Je crois même qu'ils le font avec
empressement pour pouvoir parler entre eux dans les autres pièces...
465.8 – Jésus reste dans la cuisine
avec Marziam et prend congé des propriétaires de la maison, mais il ne leur
dit pas : "Je ne reviens plus" et il ne le dit pas non plus à
ceux de Capharnaüm qui le voient et le saluent. Il les salue simplement,
comme il le fait toutes les fois qu'il s'en va. Il s'arrête seulement à la
maison de Jaïre,
mais Jaïre n'est pas revenu...
Il rencontre, près de la fontaine, la petite vieille
qui habite près de la maison du petit Alphée et il lui dit : "Sous
peu, une veuve va venir ici.
Elle te cherchera. Elle s'établit ici. Sois une amie pour elle et aimez
beaucoup l'enfant et ses frères... Faites-le saintement, en mon nom..."
Il reprend sa marche en disant :
"J'aurais voulu saluer tous les enfants..."
"Tu peux le faire, Maître. Pourquoi ne t'es-tu pas reposé ? Tu es
bien las. Ton visage est pâle et ton œil fatigué. Cela va te faire mal... Il
fait encore chaud et tu n'as certainement pas dormi, ni à Tibériade, ni
là-bas chez Kouza..."
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297> "Je ne peux pas, Simon. Je
dois aller dans certains endroits et le temps presse..."
Ils sont près de la rive. Jésus appelle les garçons de Pierre et il les
salue, en leur donnant l'ordre de reconduire la petite barque dans le village
avant Hippos
et de la rendre à Saül
de Zacharie.
Il prend la route ombragée qui côtoie le fleuve, il la suit jusqu'à une
bifurcation dans laquelle il s'engage.
"Où allons-nous, Seigneur ?" demande Simon qui jusqu'alors avait
parlé à voix basse avec ses compagnons.
"Chez Jude et Anne,
et ensuite à Chorazeïn (Corozaïn). Je veux saluer mes bons amis..."
Autres coups d’œil des apôtres entre eux et autre murmure à voix basse.
465.9 – Enfin Jacques
d'Alphée s'avance et rejoint Jésus qui est
tout en avant avec Marziam.
"Frère, nous ne revenons plus par ici, puisque tu dis que tu veux saluer
les amis ? Nous désirerions le savoir."
"Certainement que vous y reviendrez, mais dans plusieurs mois."
"Et Toi ?"
Jésus fait un geste évasif... Marziam se retire discrètement et se joint aux
autres, c'est-à-dire à tous, sauf Jacques d'Alphée qui est avec Jésus et l'Iscariote
qui est seul, en derrière, plutôt sombre et comme nonchalant.
"Frère, que t'est-il arrivé ?" dit Jacques en mettant une main
sur l'épaule de Jésus.
"Pourquoi le demandes-tu ?"
"Parce que... Je ne sais pas. Nous nous le demandons tous. Tu nous
semblés différent... Tu es venu seul avec Jean... Simon a dit que tu as été
l'hôte de Kouza... Tu ne reposes pas... Tu ne salues que peu de gens... Il
semble que tu ne veux plus revenir ici... Et ton visage... Nous ne méritons
plus de savoir ? Pas même moi... Tu m'aimais... Tu m'as dit des choses
que seul je connais..."
"Je t'aime encore, mais je n'ai rien à dire. J'ai perdu un jour de plus
que prévu. Je le rattrape."
"Était-il nécessaire d'aller au nord ?"
"Oui, frère."
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298> "Alors... Oh ! tu as
souffert, je le sens..."
Jésus enlace son cousin en lui passant un bras derrière les épaules :
"Jean d'Endor est mort. Tu le sais ?"
"Simon me l'a dit. pendant que je préparais les vêtements. Et
puis ?..."
"Je me suis séparé de ma Mère."
"Et puis ?" Jacques, plus petit que Jésus, le regarde par en
dessous, insistant, inquisiteur.
"Et puis je suis content d'être avec toi, avec vous, avec Marziam. Je
vais le garder avec moi, quelques mois. Il en a besoin. Il est triste et
souffrant. L'as-tu vu ?"
"Oui, mais il ne s'agit pas de cela... Tu ne veux pas le dire,
n'importe. Je t'aime bien, même si tu ne me traites pas en ami."
"Jacques, tu es pour Moi plus qu'un ami. Mais mon cœur a besoin de
repos..."
"Et donc de ne pas parler de ce qui te fait souffrir. J'ai compris.
C'est Judas qui t'afflige ?"
"Qui? Ton
frère ?"
"Non, l'autre."
"Pourquoi cette question ?"
"Je ne sais. Pendant que tu étais absent, un envoyé de nous ne savons
pas qui a cherché Judas plusieurs fois. Lui l'a toujours repoussé,
mais..."
"Pour vous tout acte de Judas est toujours un crime. Pourquoi manquer à
la charité ?..."
"C'est qu'il est tellement torve, troublé. Il fuit ses compagnons. Il
est nonchalant..."
"Laisse-le faire. Depuis plus de deux années qu'il est avec nous, il a
toujours été ainsi... Pense aux deux petits vieux, comme ils vont être
heureux. Et sais-tu pourquoi je vais là ? Je veux leur recommander le
petit menuisier de Chorazeïn (Corozaïn) ..."
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