Le dimanche 1er juillet
1945.
366> 206.8 - Jésus est réellement
infatigable. Alors que le soleil disparaît, laissant le souvenir du rouge du
crépuscule, à la première stridulation des grillons, indécise et solitaire,
Jésus se dirige vers le centre d’un pré récemment fauché. L’herbe, en
séchant, exhale une odeur pénétrante et agréable. Il est suivi par les
apôtres, les Marie, Marthe et Lazare avec ceux de sa maison, Isaac avec ses
disciples et, pourrais-je même dire, tout le village de Béthanie.
Parmi les serviteurs se trouvent le vieillard et la femme, les deux qui, au mont des
Béatitudes, ont trouvé du réconfort jusque pour leur vie quotidienne.
Jésus s’arrête pour bénir le patriarche qui, en pleurant, lui baise la main
et caresse l’enfant qui marche à côté de Jésus en lui disant :
«Bienheureux es-tu, toi qui peux toujours le suivre ! Sois bon, sois
attentif, mon enfant ! C’est pour toi une grande chance ! Une grande chance !
Au-dessus de ta tête est suspendue une couronne… Ah ! bienheureux es-tu !»
206.9 - Quand tout le monde est en
place, Jésus commence à parler :
«Ils sont partis, nos pauvres amis qui avaient besoin d’être bien
réconfortés dans l’espérance, et même dans la certitude qu’il faut peu de
connaissances pour être admis dans le Royaume, qu’il suffit d’un minimum de
vérité sur laquelle la bonne volonté agit.
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367> Maintenant, je m’adresse à vous, qui êtes bien moins
malheureux puisque vous vivez dans de bien meilleures conditions matérielles
et avec des secours plus importants du Verbe. Mon amour va vers eux avec ma
seule pensée. Ici, pour vous, mon amour vient avec la parole en plus. Vous
recevez sur la terre comme au Ciel le secours d’une plus grande force car, à
celui qui a reçu davantage, il sera demandé davantage. Eux, nos pauvres amis qui sont
en train de retourner à leur galère, ne peuvent posséder qu’un minimum de
bien et, en revanche, ils endurent un maximum de souffrances. Aussi n’y
a-t-il pour eux que des promesses de bienveillance, car toute autre chose serait
superflue.
En vérité, je vous dis que leur vie est pénitence et sainteté et il ne faut
pas leur imposer autre chose. Et en vérité, je vous dis aussi que, pareils
aux vierges sages, ils ne laisseront pas leur lampe s’éteindre jusqu’à
l’heure de l’appel.
La laisser s’éteindre ? Non. Cette lumière est tout ce qu’ils possèdent. Ils
ne peuvent la laisser s’éteindre.
206.10 - En vérité, je vous dis que les pauvres sont en Dieu,
comme moi je suis dans le Père. C’est pour cela que moi, le Verbe du Père,
j’ai voulu naître pauvre et demeurer pauvre. Car, parmi les pauvres, je me
sens plus proche du Père qui aime les petits et que les petits aiment de
toutes leurs forces. Les riches possèdent beaucoup. Les pauvres n’ont que
Dieu. Les riches ont des amis. Les pauvres sont seuls. Les riches ont
beaucoup de consolations. Les pauvres n’en ont guère. Les riches ont des
distractions. Les pauvres n’ont que leur travail. L’argent facilite tout pour
les riches. Les pauvres ont encore la croix de devoir craindre les maladies
et les disettes, car cela signifierait pour eux la faim et la mort.
Mais les pauvres ont Dieu. C’est leur Ami. C’est leur Consolateur, celui qui
les distrait de leur pénible présent par les espérances célestes, celui à qui
l’on peut dire — et eux savent le dire, précisément parce qu’ils sont pauvres, humbles
et seuls — : “Père, accorde-nous ta miséricorde.”
Sur cette propriété de Lazare, mon ami et l’ami de Dieu malgré sa grande
richesse, mes propos peuvent paraître étranges. Mais Lazare est une exception
parmi les riches. Lazare est arrivé à cette vertu qu’il est très difficile de
trouver sur la terre et encore plus difficile à pratiquer pour l’enseigner à
autrui : la
vertu de la liberté à l’égard des richesses. Lazare est juste. Il ne s’en
offense pas. Il ne peut s’en offenser, car il sait qu’il est le riche-pauvre
et que, par conséquent, il n’est pas atteint par mon reproche caché.
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368> Lazare est juste. Il reconnaît que, dans le monde des grands,
il en est comme je le dis. Je parle donc et je dis : en vérité, en vérité, je
vous assure qu’il
est beaucoup plus facile à un pauvre qu’à un riche d’être en
Dieu ; et au Ciel de mon Père et du vôtre, beaucoup de sièges seront occupés
par ceux qui, sur la terre, auront été méprisés comme étant les plus petits,
comme la poussière que l’on piétine.
Les pauvres gardent au fond de leur cœur les perles de la Parole de Dieu.
Elles sont leur unique trésor. Celui qui n’a qu’une seule richesse veille sur
elle. Celui qui en possède beaucoup est préoccupé et distrait, orgueilleux et
sensuel. À cause de tout cela, il n’admire pas avec des yeux humbles et
pleins d’amour le trésor qui lui vient de Dieu, et il le confond avec les
autres trésors, qui ne sont précieux qu’en apparence, ces trésors que sont
les richesses de la terre.
Il pense : “Je daigne accueillir les paroles de quelqu’un qui me ressemble
par son corps !” Les fortes saveurs de la sensualité émoussent sa capacité à
goûter ce qui est surnaturel. Des fortes saveurs !… Oui, elles sont très
épicées, pour dissimuler leur puanteur et leur goût de pourriture…
206.11 - Mais écoutez-moi et vous
comprendrez mieux comment les inquiétudes, les richesses et les ripailles
empêchent d’entrer dans le Royaume des Cieux.
Un jour, un roi fêta le mariage de son fils. Vous pouvez imaginer quelle fête
eut lieu dans le palais du roi ! C’était son unique fils et, arrivé à l’âge
voulu, celui-ci épousait sa bien-aimée. Celui qui était père et roi voulut
que tout ne soit qu’allégresse autour de la joie de son fils bien-aimé,
devenu enfin l’époux de sa bien-aimée.
Parmi les nombreuses fêtes des noces, il fit un grand repas, qu’il prépara en
s’y prenant tôt, veillant sur chaque détail pour que ce soit une réussite
magnifique, digne des noces d’un fils de roi.
Au moment voulu, il envoya ses serviteurs prévenir ses amis et ses alliés,
mais aussi les principaux grands de son royaume que les noces étaient fixées
pour tel soir et qu’ils étaient invités à venir pour entourer dignement le
fils du roi. Mais ni les amis, ni les alliés, ni les grands du royaume
n’acceptèrent l’invitation.
Alors le roi, pensant que les premiers serviteurs ne s’étaient pas expliqués
convenablement, en envoya encore d’autres chargés d’insister et de dire :
“Mais venez ! Nous vous en prions. Maintenant, tout est prêt. La salle est
préparée. Des vins précieux ont été apportés de partout et l’on a déjà
entassé dans les cuisines bœufs et animaux gras pour les cuire.
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369> Les esclaves pétrissent la farine pour confectionner des
desserts et d’autres pilent les amandes dans les mortiers pour préparer des
friandises très fines auxquelles ils mélangent les arômes les plus rares. Les
danseuses et les musiciens les meilleurs ont été engagés pour la fête. Venez
donc pour ne pas rendre vains tant de préparatifs.”
Mais les amis, les alliés et les grands du royaume soit refusèrent, soit
répondirent : “Nous avons autre chose à faire” ; d’autres firent semblant
d’accepter l’invitation, mais se rendirent à leurs occupations, les uns à
leurs champs, les autres à leurs commerces ou à d’autres affaires encore
moins nobles. Enfin, il y en eut qui, agacés par tant d’insistance, se
saisirent des serviteurs du roi et les tuèrent pour les faire taire, parce
qu’ils ajoutaient : “Ne refuse pas cela au roi sinon il pourrait t’en arriver
malheur.”
Les serviteurs revinrent vers le souverain et lui rapportèrent tout ce qui
s’était passé. Enflammé d’indignation, le roi envoya ses troupes punir les
assassins de ses serviteurs et châtier ceux qui avaient méprisé son
invitation, se réservant de récompenser ceux qui avaient promis de venir.
Mais, le soir de la fête, à l’heure fixée, il ne vint personne.
206.12 - Indigné, le roi appela ses
serviteurs et leur déclara : “ Qu’il ne soit pas dit que mon fils reste sans
personne pour le fêter en cette soirée de ses noces. Le banquet est prêt,
mais les invités n’en sont pas dignes. Et pourtant, le banquet nuptial de mon
fils doit avoir lieu. Allez donc sur les places et les chemins, postez-vous
aux carrefours, arrêtez les passants, rassemblez ceux qui s’arrêtent et
amenez-les ici. Que la salle soit pleine de gens en fête.”
Les serviteurs partirent donc. Sortis dans les rues, répandus sur les places,
envoyés aux carrefours, ils rassemblèrent tous ceux qu’ils trouvèrent, bons
ou mauvais, riches ou pauvres, les amenèrent à la demeure du roi et leur
fournirent le nécessaire pour qu’ils puissent entrer dignement dans la salle
du banquet. Puis ils les y conduisirent et, comme le roi le voulait, elle fut
pleine d’un public joyeux.
Mais le roi entra dans la salle pour voir si on pouvait commencer les
festivités et il vit un homme qui, malgré le nécessaire procuré par les
serviteurs, n’était pas en habits de noces. Il lui demanda : “Comment se
fait-il que tu sois entré ici sans les vêtements de noces ?” Il ne sut que
répondre car, effectivement, il n’avait pas d’excuses.
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370> Alors le roi appela ses serviteurs et leur ordonna :
“Saisissez-vous de lui, attachez-lui les pieds et les mains et jetez-le hors
de ma demeure, dans la nuit et la boue gelée. Là, il sera dans les larmes et
les grincements de dents, comme il l’a mérité pour son ingratitude et
l’offense qu’il m’a faite, et à mon fils plus qu’à moi, en entrant avec un
habit pauvre et malpropre dans la salle du banquet, où ne doivent entrer que
ceux qui sont dignes d’elle et de mon fils.”
206.13 - Comme vous le voyez, les soucis
du monde, l’avarice, la sensualité, la cruauté attirent la colère du roi et
font en sorte que ceux qui sont pris par tous ces embarras n’entrent jamais
plus dans la maison du Roi. Vous voyez aussi comment, même parmi ceux qui
sont invités, par bienveillance à l’égard de son fils, il y en a qui sont
punis.
Combien y en a-t-il, aujourd’hui, sur cette terre à laquelle Dieu a envoyé
son Verbe ! Dieu a vraiment invité ses alliés, ses amis, les grands de son
peuple par l’intermédiaire de ses serviteurs, et il les fera inviter d’une
manière toujours plus pressante à mesure que l’heure de mes noces approchera.
Mais ils n’accepteront pas l’invitation parce que ce sont de faux alliés, de
faux amis et qu’ils ne sont grands que de nom, car ils sont pleins de
bassesse.»
Jésus ne cesse de hausser le ton et ses yeux, à la lueur du feu qui a été
allumé entre lui et les auditeurs pour éclairer la soirée – où manque encore
la lune qui décroît et se lève plus tard –, jettent des éclairs de lumière
comme s’ils étaient deux pierres précieuses.
"Oui, ils sont pleins de bassesse, c’est pourquoi ils ne comprennent pas
que c’est pour eux un devoir et un honneur d’accepter l’invitation du Roi.
Orgueil, dureté, luxure dressent un mur dans leurs cœurs. Et, dans leur
méchanceté, ils me haïssent et ne veulent pas venir à mes noces. Ils refusent
de venir. Ils préfèrent aux noces les tractations avec une politique sordide,
avec l’argent encore plus sordide, avec la sensualité encore plus sordide.
Ils préfèrent les calculs rusés, les complots, la conjuration sournoise, le
piège, le crime.
Moi, je condamne tout cela au nom de Dieu. On hait
pour cette raison la voix qui parle et les fêtes auxquelles elle invite.
C’est dans ce
peuple-ci qu’il faut
chercher ceux qui tuent les serviteurs de Dieu, autrement dit les prophètes,
qui sont ses serviteurs jusqu’à ce jour, et mes disciples qui sont ses
serviteurs à partir d’aujourd’hui.
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371> C’est dans ce peuple-ci qu’on trouve ceux qui essaient de tromper Dieu en disant :
“Oui, nous venons” tout en pensant dans leur for intérieur : “Jamais de la
vie !” Il y a de tout cela en Israël.
Et le Roi du Ciel, pour donner aux noces de son Fils un digne apparat,
enverra chercher aux carrefours des gens qui ne sont ni ses amis, ni des
grands, ni des alliés, mais simplement le peuple qui y circule. Déjà — et par
ma main, par ma main de Fils et de serviteur de Dieu — ce rassemblement a
commencé. Ils viendront, quels qu’ils soient… Ils sont même déjà venus. Et
moi, je les aide à se faire propres et beaux pour la fête des noces.
Mais il s’en trouvera qui — pour leur malheur — abuseront même de la
magnificence de Dieu, qui leur fournit parfums et vêtements royaux pour les
faire paraître ce qu’ils ne sont pas : riches et dignes ; il s’en
trouvera qui profiteront indignement de toute cette bonté pour séduire, pour
en tirer quelque gain… Ce sont des individus aux âmes torves, enlacés par la
pieuvre répugnante de tous les vices… et qui soustrairont parfums et
vêtements pour en tirer un avantage illicite, s’en servant non pour les noces
du Fils, mais pour leurs noces avec Satan.
Eh bien, cela se produira, car nombreux sont les appelés, mais peu nombreux
ceux qui, pour savoir rester fidèles à l’appel, parviennent à être choisis.
Mais il arrivera aussi qu’à ces hyènes, qui préfèrent la putréfaction à une
nourriture vivante, il sera infligé le châtiment d’être jetés hors de la
salle du Banquet dans les ténèbres et la boue d’un marais éternel où retentit
l’horrible rire de Satan chaque fois qu’il triomphe d’une âme et où résonnent
éternellement les pleurs désespérés des sots qui
suivirent le Crime à la place de la Bonté qui les avait appelés.
206.14 - Levez-vous et allons nous reposer. Vous, les habitants de Béthanie, je
vous bénis tous. Je vous bénis et vous donne ma paix. Et je te bénis, toi en
particulier, Lazare, mon ami, et toi aussi, Marthe. Je bénis mes disciples
anciens et nouveaux que j’envoie de par le monde pour appeler, appeler aux
noces du Roi. Agenouillez-vous, que je vous bénisse tous. Pierre, récite la
prière que je vous ai enseignée, debout, à côté de moi, parce que c’est ainsi
que doivent la dire ceux que Dieu destine à cela.»
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372> Toute l’assemblée s’agenouille sur la paille. Seuls restent
debout Jésus, dans son vêtement de lin, grand et très beau, et Pierre, dans
son habit marron foncé, pris par l’émotion, tremblant presque, qui prie de sa
voix qui n’est pas belle, mais virile ; il récite lentement de crainte de se
tromper : “ Notre Père… ”
On entend quelques sanglots… d’hommes, de femmes…
Marziam, agenouillé juste devant Marie qui lui tient les mains jointes,
regarde Jésus avec un sourire d’ange et dit tout bas :
"Regarde, Mère, comme il est beau ! Et comme mon père est beau, lui
aussi ! Il paraît être au Ciel… Est-ce que Maman nous regarde ici ? »
Et Marie, dans un murmure qui se termine par un baiser, répond :
«Oui, mon chéri. Elle est ici et elle apprend la prière.
– Et moi, est-ce que je l’apprendrai ?
– Ta mère la murmurera à ton âme pendant que tu dors et moi, je te la
répèterai pendant la journée.»
L’enfant incline sa tête brune sur la poitrine de Marie et reste ainsi
pendant que Jésus bénit ses auditeurs avec la bénédiction mosaïque, toujours aussi solennelle.
Ensuite, tous se lèvent et regagnent leurs maisons. Seul Lazare suit encore
Jésus et pénètre avec lui dans la maison de Simon pour demeurer en sa
compagnie. Tous les autres entrent aussi. Judas se met dans un coin à demi
obscur, mortifié. Il n’ose pas s’approcher tout près de Jésus comme le font
les autres…
206.15 - Lazare félicite Jésus, et il
ajoute :
«Ah ! cela me peine de te voir partir. Mais je suis plus content que si je
t’avais vu partir avant-hier !
– Pourquoi, Lazare ?
– Parce que tu me paraissais tellement triste et fatigué ! Tu ne parlais pas,
tu souriais peu hier, mais aujourd’hui tu es redevenu mon saint et doux
Maître ; cela me donne une telle joie !
– Je l’étais même si je me taisais…
– Tu l’étais. Mais tu es sérénité et parole. C’est cela que nous voulons de
toi. Nous buvons notre force à ces fontaines. Or ces fontaines paraissaient
taries. Nous souffrions de la soif… Tu vois que même les païens s’en sont
étonnés et sont venus les chercher…»
L’Iscariote, près de qui Jean de Zébédée s’était approché, ose parler :
«C’est vrai, ils me l’avaient demandé à moi aussi… Car j’étais tout près de
l’Antonia, dans l’espoir de te voir.
– Tu savais où j’étais, répond brièvement Jésus.
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373> – Je le savais, mais j’espérais que tu n’aurais pas déçu ceux
qui t’attendaient. Même les romains ont été déçus. J’ignore pourquoi tu as
agi de cette manière…
– Et c’est toi qui me le demandes ? N’es-tu pas au courant des humeurs du
Sanhédrin, des pharisiens, d’autres encore, à mon égard ?
– Quoi ? Tu aurais eu peur ?
– Non. J’avais la nausée.
206.16 - L’an dernier, quand j’étais seul
– seul contre tout un monde qui ne savait pas même si j’étais prophète –,
j’ai montré que je n’avais pas peur et je t’ai gagné par l’audace que j’ai
montrée. J’ai fait entendre ma voix
contre tout un monde qui criait. J’ai fait entendre la voix de Dieu à un
peuple qui l’avait oubliée. J’ai purifié la Maison de Dieu des souillures
matérielles qui s’y trouvaient.
Je n’espérais pas la laver des souillures morales bien plus graves qui y ont
fait leur nid, car je n’ignore pas l’avenir des hommes. Mais c’était pour
faire mon devoir par zèle pour la Maison du Seigneur éternel : elle
était devenue le séjour bruyant de changeurs malhonnêtes, d’usuriers, de
voleurs.
Je voulais en outre secouer de leur torpeur ceux que des siècles de
négligence sacerdotale avaient fait tomber dans une léthargie spirituelle.
C’était une sonnerie de rassemblement pour mon peuple, pour l’amener à Dieu…
Cette année, je suis revenu… et j’ai vu que le Temple était toujours le même…
Qu’il est pire encore. Ce n’est plus un repaire de voleurs, mais l’endroit où
l’on conjure. il deviendra plus tard le siège du Crime, puis un lupanar et,
finalement, il sera détruit par une force plus puissante que celle de Samson,
et l’on en chassera une caste indigne de s’appeler sainte. Inutile de parler
en ce lieu où, tu t’en souviens, il me fut interdit de parler.
Peuple traître ! Peuple empoisonné jusque dans ses chefs, peuple qui ose
interdire à la Parole de Dieu de parler dans sa Maison ! Cela me fut
interdit. Je me suis tu par amour pour les plus petits. Ce n’est pas encore
l’heure de me tuer. Trop de gens ont besoin de moi, et mes apôtres ne sont
pas encore assez forts pour recevoir dans leurs bras mes enfants,
c’est-à-dire le monde.
Ne pleure pas, Mère ; toi qui es bonne, pardonne à ton Fils son besoin de
dire, à qui veut ou peut s’illusionner, la vérité que je connais… Je me tais…
Mais malheur à ceux par qui Dieu est réduit au silence ! Mère, Marziam, ne
pleurez pas… Je vous en prie ! que personne ne pleure…»
En réalité, tout le monde pleure, plus ou moins douloureusement.
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374> Judas, pâle comme un mort, dans son vêtement jaune et rouge à rayures
ose encore parler, d’une voix ridicule de pleurnicheur :
«Crois bien, Maître, que je suis étonné et contristé… Je ne sais ce que tu
veux dire… Je ne sais rien… C’est vrai que je n’ai vu personne du Temple.
J’ai rompu mes relations avec tous… Mais, si tu le dis, ce doit être vrai…
– Judas ! Et Sadoq, tu ne l’as pas vu ?»
Judas baisse la tête en bredouillant :
"C’est un ami… C’est comme tel que je l’ai vu, non pas comme appartenant
au Temple…»
206.17 - Jésus ne répond pas. Il se
tourne vers Isaac et Jean d’En-Dor auxquels il fait des recommandations
concernant leur travail.
Pendant ce temps, les femmes réconfortent Marie, en larmes, et l’enfant qui
pleure de voir pleurer Marie.
Lazare et les apôtres sont attristés eux aussi, mais Jésus vient à eux. Il a
repris son doux sourire et, tout en embrassant sa Mère et en caressant
l’enfant, il dit :
«Et maintenant, je vous salue, vous qui restez. Car demain, à l’aube, nous
partirons. Adieu, Lazare. Adieu, Maximin. Joseph, je te remercie pour tous
les services rendus à ma Mère et aux femmes disciples qui m’attendaient.
Merci pour tout. Toi, Lazare, bénis encore Marthe en mon nom. Je reviendrai
bientôt. Viens, Mère, te reposer. Vous aussi, Marie et Salomé, s’il est dans
votre intention de vous joindre à nous.
– Bien sûr que nous venons ! répondent les deux Marie.
– Alors au lit. Paix à tous. Que Dieu soit avec vous.»
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