| 
   Vision du jeudi 9
  août 1945. 
  
  150>   248.1 – C'est
  le soir quand ils arrivent à Bethléem de Galilée. On comprend que c'est la
  destinée des villes qui portent ce nom de s'étendre sur des collines
  ondulées, entourées de verdure, de bois, de prairies sur lesquels paissent
  les troupeaux qui descendent vers les bercails pour la nuit.          
   
  Le ciel est rouge, reste d'un crépuscule puissant qui s'achève. L'atmosphère
  est pleine de la musique pastorale des cloches et des bêlements tremblants
  auxquels s'unissent les cris joyeux des enfants qui jouent et les voix de
  leurs mères qui les appellent.    
   
  "Judas de Simon, va avec Simon chercher un logement pour nous et les
  femmes. L'auberge est au centre du pays et nous vous rejoindrons là."            
   
  Alors que Judas et le Zélote obéissent, Jésus se tourne vers la Mère et
  dit :    
   
  "Cette fois ce ne sera pas comme à l'autre Bethléem. Tu trouveras où te
  reposer, ma Mère. Il n'y a pas beaucoup de voyageurs en cette saison et il
  n'y a pas d'édit."           
   
  "En cette saison, il serait même agréable de dormir dans les prés ou au
  milieu de ces bergers, parmi les agneaux"     
   
  Marie sourit à son Fils et sourit à des jeunes bergers curieux qui la
  regardent fixement.         
   
    248.1 – Elle
  sourit de telle manière que l'un d'eux donne un coup de coude à un autre et
  lui dit tout bas :      
   
  "Ce ne peut être qu'Elle" et il s'avance, sûr de lui, en
  disant :       
   
  "Je te salue, Marie, pleine de grâce. Le Seigneur est-il avec
  toi ?"           
   
  Marie répond par un sourire encore plus doux :      
   
  "Voilà le Seigneur" et elle montre Jésus qui s'est retourné pour
  parler avec ses cousins, en les chargeant de donner des oboles aux pauvres
  qui s'approchent avec des demandes plaintives. Et la Mère touche légèrement
  son Fils en Lui disant :   
   
  Haut de page.         
   
  151> "Mon Fils, ces jeunes bergers
  te cherchent et ils m'ont reconnue, je ne sais comment..."   
   
  "Sûrement qu'Isaac est passé par ici en y laissant le parfum de la
  révélation. Garçon, viens ici."            
   
  Le pastoureau, un brunet d'environ douze-quatorze ans, robuste malgré sa
  maigreur, aux yeux noirs très vifs, aux cheveux qui retombent en une tignasse
  d'ébène, enveloppé dans sa peau de brebis - il me semble une copie du jeune
  Précurseur - s'approche de Jésus, avec un sourire de bonheur, comme fasciné.     
   
  "La paix à toi, enfant, comment as-tu reconnu Marie ?"    
   
  "Parce que seule la Mère du Sauveur pouvait avoir ce sourire et ce
  visage. On m'a dit : "Un visage d'ange, des yeux comme des étoiles
  et un sourire qui est plus doux que le baiser d'une mère, doux comme son nom
  Marie, saint au point de pouvoir se pencher sur le Dieu nouveau-né".
  J'ai vu cela en Elle et je l'ai saluée parce que je te cherchais. Nous te
  cherchions, Seigneur, et... je n'osais pas te saluer Toi, en premier."        
   
  "Qui t'a parlé de nous ?"             
   
  "Isaac de l'autre Bethléem. Il nous a promis de nous amener vers Toi à
  l'automne."            
   
  "Isaac est venu ici ?"        
   
  "Il est encore dans ces contrées, avec tant de disciples. Mais à nous,
  bergers, c'est lui qui a parlé. Et nous avons cru à sa parole.   
   
    248.3 – Seigneur,
  permets-nous aussi de t'adorer comme nos compagnons de la nuit bienheureuse"            
   
  Tout en s'agenouillant dans la poussière du chemin, il lance un cri aux
  autres bergers qui ont arrêté le troupeau aux portes de la cité (portes,
  c'est une façon de dire car cette cité n'a pas de murs) là où Jésus aussi
  s'était arrêté pour attendre les femmes et entrer avec elles dans le pays.          
   
  Le jeune berger crie :      
   
  "Père, frères et amis, nous avons trouvé le Seigneur. Venez et
  adorons."         
   
  Les bergers viennent se grouper avec leur troupeau auprès de Jésus et le
  prient de ne pas aller ailleurs, mais d'accepter leur pauvre maison, qui
  n'est pas éloignée, pour y habiter avec ses amis.    
   
  Haut de page.         
   
  152> "Il y a un grand bercail,
  expliquent-ils, puisque Dieu nous protège, et il y a des pièces et des portiques
  pleins de foin odorant. Les pièces pour la Mère et ses sœurs, puisque ce sont
  des femmes, mais il y en a une aussi pour Toi. Les autres peuvent dormir avec
  nous sur le foin, sous les portiques."             
   
  "Moi aussi, je resterai avec vous et ce sera pour Moi un plus doux repos
  que si je dormais dans l'appartement d'un roi. Mais allons d'abord prévenir
  Judas et Simon."  
   
  "J'y vais, moi, Maître" dit Pierre et il s'en va avec Jacques de
  Zébédée.  
   
  Ils s'arrêtent sur le bord de la route, en attendant le retour des quatre
  apôtres.       
   
    248.4 – Les
  bergers regardent Jésus comme si c'était déjà Dieu dans sa gloire. Et les
  plus jeunes sont réellement bienheureux et semblent vouloir s'imprimer dans
  l'esprit tous détails sur Jésus et sur Marie qui s'est penchée pour caresser
  des agneaux, venus frotter leurs museaux en bêlant contre ses genoux.            
   
  "Il y en avait un, dans la maison d'Élisabeth ma parente, qui léchait
  mes tresses toutes les fois qu'il me voyait. Je l'appelais "ami",
  car il était vraiment pour moi un ami comme un enfant et, dès qu'il le
  pouvait, il courait vers moi. Celui-ci me le rappelle tout à fait, avec ses
  yeux de deux couleurs. Ne le tuez pas ! L'autre aussi, on le laissa
  vivre à cause de son amour pour moi."            
   
  "C'est une agnelle, Femme, et nous voulions la vendre parce qu'elle a
  des yeux de deux couleurs et je crois que d'un œil elle y voit peu. Mais nous
  la garderons si tu veux."     
   
  "Oh ! oui ! Je voudrais bien que jamais on ne tue un agneau...
  Ils sont tellement innocents et leur voix est une voix d'enfant qui appelle
  la mère. Il me semble qu'on tue un enfant en tuant un de ceux-ci."   
   
  "Mais alors, Femme, il n'y aurait plus de place pour nous sur la terre
  si tous les agneaux restaient en vie" dit le berger le plus âgé.        
   
  "Je le sais. Mais je pense à leur douleur et à celle des brebis, leurs
  mères. Elles pleurent tant quand on leur enlève leurs petits. Elles semblent
  vraiment des mères, comme nous. Et moi, je ne peux voir souffrir personne,
  mais j'éprouve un déchirement pour une mère ainsi déchirée. C'est une douleur
  différente de toute autre, car pour nous se déchirent non seulement le cœur
  et le cerveau par le choc de la mort d'un enfant, mais jusqu'à nos
  entrailles.     
   
  Haut de page.         
   
  153> Nous, les mères, restons unies à
  notre enfant, toujours. Et c'est nous déchirer complètement que de nous
  l'enlever."       
   
  Marie ne sourit plus, mais une larme brille dans son œil bleu et elle regarde
  Jésus qui l'écoute et la regarde et elle Lui met une main sur le bras, comme
  si elle craignait qu'on fût sur le point de l'arracher à son côté.     
   
    248.5 – Sur
  la route poussiéreuse arrive un petit groupe de gens armés : six hommes
  accompagnés de gens qui poussent des cris. Les bergers regardent et parlent
  entre eux à voix basse. Puis, ils regardent Marie et Jésus.      
   
  Le plus âgé parle :             
   
  "Heureusement que tu n'entres pas à Bethléem ce soir."  
   
  "Pourquoi ?"         
   
  "Parce que ces gens, qui viennent de passer et qui entrent dans la cité,
  y vont pour arracher un fils à une mère."         
   
  "Oh ! mais pourquoi ?"   
   
  "Pour le tuer."       
   
  "Oh ! non ! Qu'a-t-il fait ?"         
   
  Jésus aussi le demande et les apôtres s'approchent
  pour écouter.           
   
  "On a trouvé, tué sur le chemin de la montagne, le riche Joël. Il
  revenait de Sicaminon avec beaucoup d'argent. Mais ce n'étaient pas des
  voleurs car l'argent était encore sur le mort. Le serviteur qui
  l'accompagnait a dit que son maître lui avait dit de courir en avant pour
  prévenir de son retour, et sur la route, se dirigeant vers le lieu où fut
  commis l'homicide, il vit seul le jeune homme que l'on va tuer. Deux hommes
  du pays, ensuite, jurent qu'ils l'ont vu attaquer Joël. Maintenant les
  parents du mort exigent la mort du jeune homme. Et s'il est homicide..."  
   
  "Tu ne le crois pas ?"       
   
  "Cela ne me paraît pas possible. Le jeune est un peu plus âgé qu'un
  adolescent. Il est bon. Il vit toujours avec sa mère dont il est le fils
  unique, et elle est veuve, une sainte veuve. Il ne manque pas de ressources,
  il ne pense pas aux femmes. Il n'est pas querelleur, il n'est pas fou.
  Pourquoi alors a-t-il tué ?"  
   
  "Mais il a peut-être des ennemis ?"     
   
  "Qui ? Joël qui est mort ou Abel l'accusé ?"  
   
  "L’accusé."  
   
  Haut de page.         
   
  154> "Ah ! Je ne saurais...
  Mais... Je ne saurais."      
   
  "Sois franc, homme."      
   
  "Seigneur, c'est une chose que je pense, et Isaac nous a dit de ne pas
  penser du mal du prochain."       
   
  "Mais on doit avoir le courage de parler pour sauver un innocent."       
   
  "Si je parle, que j'aie raison ou tort, je devrai m'enfuir d'ici parce
  qu’Aser et Jacob sont puissants."     
   
  "Parle sans crainte : Tu ne seras pas contraint de fuir."     
   
  "Seigneur, la mère d'Abel est belle, jeune et sage. Aser n'est pas sage,
  ni non plus Jacob. Au premier, la veuve plaît, et au second... le pays sait
  que le second c’est un coucou dans le ménage de Joël. Je pense que..."             
   
  "J'ai compris.         
   
    248.6 – Allons,
  amis. Vous, les femmes, restez donc avec les bergers. Je reviendrai
  bientôt."         
   
  "Non, Fils. Je viens avec Toi."   
   
  Jésus s'en va rapidement vers le centre de la cité. Les bergers restent
  indécis, mais ensuite ils laissent le troupeau aux plus jeunes qui restent
  avec toutes les femmes, sauf la Mère et Marie d'Alphée qui suivent Jésus et
  se hâtent de rejoindre le groupe apostolique.           
   
  À la troisième rue qui coupe la voie principale de Bethléem, ils rencontrent
  l'Iscariote, Simon, Pierre et Jacques qui arrivent en gesticulant et en
  criant.  
   
  "Quelle affaire, Maître ! Quelle affaire ! et quelle
  peine !" dit Pierre bouleversé.            
   
  "Un fils enlevé de force à sa mère pour qu'on le tue. Elle le défend
  comme une hyène. Mais c'est une femme contre des gens armés" ajoute
  Simon le Zélote.         
   
  "Elle saigne déjà de partout !" dit l'Iscariote.             
   
  "Ils ont défoncé sa porte car elle s'était barricadée dans sa
  maison" termine Jacques de Zébédée.        
   
  "Je vais la trouver."         
   
  "Oh ! oui ! Toi seul peux la consoler."             
   
    248.7 – Ils
  tournent à droite, puis à gauche vers le centre du pays. Déjà on voit
  l'attroupement tumultueux qui s'agite et se presse près de la maison d'Abel,
  et les cris d'une femme, déchirants, inhumains, féroces, en même temps que
  pitoyables, arrivent jusqu'ici.        
   
  Haut de page.         
   
  155> Jésus se hâte en arrivant sur une
  place minuscule, un élargissement de la rue plutôt qu'une place, où le
  tumulte est à son comble.     
   
  La femme dispute encore son fils aux gardes. Elle s'accroche d'une main qui
  est devenue une griffe de fer aux débris de la porte abattue et de l'autre
  reste attachée à la ceinture de son fils. Si quelqu'un cherche à l'en séparer
  elle le mord férocement, insensible aux coups qu'elle reçoit et à la
  souffrance des cheveux qu'on lui tire d'une manière si féroce qui amène sa
  tête en arrière. Et, quand elle ne mord pas, elle crie :         
   
  "Lâchez-le ! Assassins ! Il est innocent ! La nuit du
  meurtre de Joël il était au lit près de moi ! Assassins !
  Assassins ! Calomniateurs ! Immondes ! Parjures !"  
   
  Le jeune garçon, saisi aux épaules par ceux qui veulent l'enlever, traîné par
  les bras, se retourne, le visage bouleversé et crie :   
   
  "Maman ! Maman, pourquoi dois-je mourir si je n'ai rien fait ?"            
   
  C'est un bel adolescent, grand et élancé, aux yeux noirs et doux, aux cheveux
  noirs foncés, légèrement frisés. Son vêtement déchiré laisse voir son corps
  souple et jeune presque comme celui d'un enfant.        
   
  Jésus, aidé par ceux qui l'accompagnent, fend la foule compacte et se fraie
  un chemin jusqu'au groupe pitoyable juste au moment où la femme, à bout de
  forces, a été arrachée à la porte et traînée comme un sac lié au corps de son
  fils sur les pierres du chemin.       
   
  Mais cela dure pendant quelques mètres seulement. Un coup plus violent
  arrache la main de la mère à la ceinture du fils et la femme tombe en avant,
  en frappant durement son visage contre le sol et en saignant encore
  davantage. Mais tout de suite elle se redresse sur les genoux, en tendant les
  bras pendant que le fils, qu'on emporte rapidement autant que le permet la
  foule qui s'écarte difficilement, libère son bras gauche et l'agite en se
  tordant en arrière et en criant :            
   
  "Maman ! Adieu ! Rappelle-toi, toi au moins, que je suis
  innocent !"     
   
  La femme le regarde avec des yeux de folle, et puis tombe à terre, évanouie.   
   
  Haut de page.         
   
  156>   248.8 – Jésus se présente devant le
  groupe des gardes :       
   
  "Arrêtez-vous un moment. Je vous l'ordonne !"      
   
  Son visage ne souffre pas de réplique.             
   
  "Qui es-tu ? demande, agressif, un citadin du groupe. Nous ne te
  connaissons pas. Écarte-toi et laisse-nous aller pour qu'il soit tué avant
  que la nuit arrive."       
   
  "Je suis un Rabbi. Le plus grand. Au nom de Jéhovah (Jeovè), arrêtez-vous ou Dieu vous foudroiera."          
   
  À ce moment, il semble que Lui va les foudroyer.   
   
  "Qui est témoin contre celui-ci ?"        
   
  "Moi, lui et lui" répond celui qui a parlé le premier.           
   
  "Votre témoignage n'est pas valable parce qu'il n'est pas vrai."     
   
  "Et pourquoi peux-tu le dire ? Nous sommes prêts à le jurer."    
   
  "Votre serment est un péché."  
   
  "Nous, pécher ? Nous ?"             
   
  "Vous. De même que vous couvez la luxure, que vous nourrissez la haine,
  que vous êtes avides des richesses, que vous êtes homicides, vous êtes
  également parjures. Vous vous êtes vendus à l'Impureté. Vous êtes capables
  d'accomplir n'importe quelle infamie."           
   
  "Fais attention à tes paroles. Je suis Aser..."             
   
  "Et Moi, je suis Jésus."    
   
  "Tu n'es pas d'ici. Tu n'es pas prêtre, ni juge. Tu n'es rien. Tu es
  l'étranger."    
   
  "Oui, je suis l'Étranger car la Terre n'est pas mon Royaume. Mais je
  suis Juge et Prêtre. Non seulement de cette petite portion d'Israël, mais de
  tout Israël et du monde entier."        
   
  "Allons, allons ! Nous n'avons affaire avec un fou" dit
  l'autre témoin et il pousse Jésus pour l'écarter.       
   
  "Tu ne feras pas un pas de plus" tonne Jésus en le regardant d'un
  regard de miracle qui subjugue et paralyse, comme il rend la vie et la joie
  quand il le veut. "Tu ne fais pas un pas de plus !   
   
    248.9 – Tu
  ne crois pas à ce que je dis ? Eh bien, alors, regarde. Ici, il n'y a
  pas la poussière du Temple, ni son eau, et il n'y a pas de paroles écrites
  avec de l'encre pour rendre très amère l'eau qui est le jugement pour la
  jalousie et l'adultère. Mais ici, il y a Moi. Et c'est Moi qui rends le
  jugement."     
   
  Haut de page.         
   
  157> La voix de Jésus est une sonnerie
  de trompette tant elle est pénétrante.            
   
  Les gens se bousculent pour voir. Seules Marie très Sainte et Marie d'Alphée
  sont restées pour secourir la mère évanouie.       
   
  "Et voici comment je juge. Donnez-moi une pincée de la poussière de la
  route et une goutte d'eau dans un vase. Et pendant qu'on me les donne, vous
  les accusateurs, et toi l'accusé, répondez-moi. Es-tu innocent, fils ?
  Dis-le avec sincérité à Celui qui est pour toi le Sauveur."  
   
  "Je le suis, Seigneur."      
   
  "Aser, peux-tu jurer n'avoir dit que la vérité ?"        
   
  "Je le jure. Je n'aurais pas de raison de mentir. Je le jure par
  l'autel. Que descende du Ciel une flamme qui me brûle si je ne dis pas la
  vérité."    
   
  "Jacob, peux-tu jurer que tu es sincère dans l'accusation et sans
  un motif secret qui te pousse à mentir ?"           
   
  "Je le jure par Jéhovah (Geové). Seul l'amour pour
  mon ami assassiné me pousse à parler. Avec celui-ci, je n'ai rien de
  personnel."    
   
  "Et toi, serviteur, peux-tu jurer d'avoir dit la vérité ?"       
   
  "Je le jure mille fois, s'il le faut ! Mon maître ! Mon pauvre
  maître !"    
   
  Il pleure en cachant sa tête avec son manteau.         
   
    "C'est bien.
  Voici l'eau et voici la poussière. Et voici la parole : "Toi, Père
  Saint et Dieu Très-Haut, accomplis par mon intermédiaire le jugement de
  vérité pour que vie et honneur soient rendus à l'innocent et à sa mère
  désolée, et un juste châtiment à qui n'est pas innocent. Mais, pour la grâce
  que j'ai à tes yeux, ni flamme, ni mort, mais qu'une longue expiation arrive
  à ceux qui ont commis le péché."         
   
  Il dit ces paroles en tenant les mains étendues sur le vase comme fait le
  prêtre pendant la Messe, à l'offertoire. Puis il plonge sa main droite dans
  le vase et de sa main mouillée il asperge les quatre qui sont soumis au
  jugement et leur fait boire une gorgée de cette eau, d'abord au jeune homme,
  puis aux trois autres. Ensuite il croise les bras sur sa poitrine et les
  regarde.       
   
    248.10 – La
  foule aussi regarde et après un moment pousse un cri et se jette le visage
  contre terre. Alors les quatre qui étaient alignés se regardent entre eux, et
  crient à leur tour. Le premier, le jeune homme, crie de stupeur, les autres
  d'horreur, car ils voient leurs visages couverts d'une lèpre subite, alors
  que le jeune homme en est indemne.   
   
  Haut de page.         
   
  158> Le serviteur se jette aux pieds de
  Jésus qui s'écarte comme tout le monde, y compris les soldats, et il s'écarte
  en prenant par la main le jeune Abel pour qu'il ne se contamine pas près des
  trois lépreux. Et le serviteur crie :            
   
  "Non ! Non ! Pardon ! Je suis lépreux ! Ce sont eux
  qui m'ont payé pour retarder le maître jusqu'au soir pour le frapper sur le
  chemin désert. Ils m'ont fait exprès déferrer la mule. Ils m'ont appris à
  mentir en disant que j'étais venu en avant. Au contraire, j'étais avec eux
  pour le tuer et je dis aussi pourquoi ils l'ont fait. Parce que Joël s'était
  aperçu que Jacob aimait sa jeune femme et parce qu’Aser voulait la mère
  d'Abel et qu'elle le repoussait. Ils se sont mis d'accord pour se débarrasser
  en même temps de Joël et d'Abel et jouir des femmes. J'ai parlé. Enlève-moi
  la lèpre, enlève-la-moi ! Abel, tu es bon, prie pour moi !"            
   
  "Toi, va auprès de ta mère. Qu'en sortant de son évanouissement elle
  voie ton visage et revienne à une vie tranquille. Et vous... À vous je
  devrais dire : "Qu'il vous soit fait ce que vous avez fait".
  Et ce serait humaine justice. Mais je vous livre à une expiation surhumaine. La lèpre, dont vous êtes horrifiés, vous préserve d'être saisis et
  tués comme vous le méritez. Peuple de Bethléem, écartez- vous, ouvrez-vous
  comme les eaux de la mer pour les laisser aller à leur longue galère. Galère
  terrible ! Plus atroce qu'une mort immédiate. Et c'est une pitié de Dieu
  pour leur donner possibilité de se repentir, s'ils le veulent.
  Allez !"           
   
  La foule se colle aux murs pour laisser libre le milieu du chemin. Les trois,
  recouverts de la lèpre comme s'ils étaient malades depuis des années, s'en
  vont, l'un derrière l'autre, vers la montagne. Dans le silence du crépuscule
  qui descend et qui a fait taire toutes les voix d'oiseaux et de quadrupèdes,
  on n'entend que leurs pleurs.    
   
  "Purifiez le chemin avec quantité d'eau après y avoir allumé le feu. Et
  vous, soldats : allez rapporter que justice est faite et faite selon la
  plus parfaite loi mosaïque."             
   
  Jésus se dispose à aller où sa Mère et Marie d'Alphée continuent de secourir
  la femme qui revient lentement à elle, pendant que son fils caresse ses mains
  glacées et les baise.          
   
  Haut
  de page.         
   
  159>   248.11 – Mais les gens de Bethléem,
  avec un respect mêlé de crainte, le prient :        
   
  "Parle-nous, Seigneur. Tu es réellement puissant. Tu es certainement
  Celui dont a parlé l'homme qui en passant par ici a annoncé le Messie."         
   
  "Je parlerai à la nuit, près du bercail des bergers. Pour l'instant, je
  vais aider la mère à se rétablir."      
   
  Et il va trouver la femme qui est assise sur les genoux de Marie d'Alphée.
  Elle se remet de plus en plus en regardant le visage affectueux de Marie qui
  lui sourit. Elle ne se rend pas bien compte jusqu'au moment où elle dirige
  son regard sur la chevelure d'ébène de son fils qui est penché sur ses mains
  tremblantes et elle demande :  
   
  "Je suis morte, moi aussi ? Ce sont les Limbes ?"   
   
  "Non, femme, c'est la Terre et celui-ci est ton fils, sauvé de la mort.
  Et Celui-là, c'est Jésus, mon Fils, le Sauveur."   
   
  La femme a un premier mouvement, bien humain. Elle rassemble ses forces et
  s'avance pour prendre la tête inclinée de son enfant. Elle le voit sain et
  sauf, l'embrasse avec frénésie, pleurant, riant, retrouvant tous les noms
  qu'elle lui donnait quand il était petit pour lui dire sa joie.           
   
  "Oui, maman, oui. Mais maintenant, regarde, non pas moi, mais Lui. Lui
  qui m'a sauvé. Bénis le Seigneur."       
   
  La femme, encore trop faible pour se lever ou pour se mettre à genoux, tend
  ses mains qui tremblent et saignent encore. Elle prend la main de Jésus en la
  couvrant de baisers et de larmes.     
   
  Jésus lui met sa main gauche sur la tête, en lui disant :    
   
  "Sois heureuse, en paix et sois toujours bonne. Et toi aussi,
  Abel."        
   
  "Non, mon Seigneur. Ma vie et celle de mon fils sont à Toi parce que tu
  les as sauvées. Permets-lui d'aller avec les disciples, comme déjà il le
  désirait depuis qu'ils sont venus ici. Je te le donne avec tant de joie et je
  te prie de permettre que moi je le suive pour le servir et servir les
  serviteurs de Dieu."          
   
  "Et ta maison ?"    
   
  "Oh ! Seigneur ! Est-ce que quelqu'un qui renaît à la vie peut
  avoir les sentiments qu'il avait avant de mourir ? Par Toi, Mirta est sortie
  de la mort et de l'enfer. Dans ce pays, je pourrais arriver à haïr ceux qui
  m'ont torturée dans mon enfant.             
   
  Haut de page.         
   
  160> Et tu prêches l'amour, je le sais.
  Permets donc à la pauvre Mirta d'aimer le Seul qui mérite l'amour, sa
  mission, ses serviteurs. Maintenant, je suis encore épuisée et ne pourrais te
  suivre. Mais, dès que je le pourrai, permets-le-moi, Seigneur. Je serai à ta
  suite et près de mon Abel..."      
   
  "Tu suivras ton fils, et Moi avec lui. Sois heureuse. Sois en paix,
  maintenant. Avec ma paix. Adieu."      
   
  Et, pendant que la femme soutenue par son fils et quelques pieuses personnes
  rentre à la maison, Jésus, avec les bergers, les apôtres, la Mère et Marie
  d'Alphée, sort du pays pour se rendre ensuite au bercail situé à l'extrémité
  d'une rue qui débouche dans les champs...       
   
    248.12 – ...Un
  grand feu a été allumé pour éclairer la réunion. Assis en demi-cercle dans
  les champs, un grand nombre de gens attendent que Jésus vienne parler. En
  attendant, ils parlent des événements du jour. Abel aussi est là avec
  beaucoup de gens qui se félicitent en disant que tous croyaient à son
  innocence.      
   
  "Mais, vous étiez prêts à me tuer, pourtant ! Même toi qui m'avais
  salué à la porte de ma maison, à l'heure où on tuait Joël" ne peut se
  retenir de répondre le jeune homme.        
   
  Et il ajoute :           
   
  "Mais moi, je te pardonne au nom de Jésus."           
   
  Voilà que Jésus vient du bercail vers eux. Grand, vêtu de blanc, entouré par
  les apôtres, suivi par les bergers et les femmes.        
   
  "La paix à vous tous !       
   
  Si ma venue a servi à instaurer le Règne de Dieu parmi vous, que béni soit le
  Seigneur. Si ma venue a servi à faire éclater une innocence, que béni soit le
  Seigneur. Si le fait d'être arrivé à temps pour empêcher un crime sert aussi
  à donner à trois coupables un moyen de se racheter, que béni soit le
  Seigneur.    
   
  Maintenant cette journée nous incite à méditer un grand nombre de choses. Nous les méditerons pendant que la nuit descend pour envelopper de
  ténèbres la joie de deux cœurs et le remords de trois autres. Dans ses
  ténèbres, elle voile comme sous un voile pudique les larmes joyeuses des
  premiers et les larmes brûlantes des autres que cependant Dieu voit. Entre
  toutes ces choses, il y a cette tendance à considérer comme nul et inutile ce
  que Dieu a donné par la Loi.      
   
  Haut
  de page.         
   
  161>   248.13 – La Loi donnée par Dieu est
  théoriquement très observée en Israël, mais réellement elle ne l'est pas. La
  Loi est là, analysée, disséquée, mise en morceaux au point de la faire mourir
  par des tortures subtiles. Elle est là. Mais comme un cadavre momifié, elle
  est sans vie, sans respiration, sans circulation de sang bien qu'elle ait
  l'apparence de quelqu'un que le sommeil a immobilisé, ainsi la Loi n'a ni
  vie, ni respiration, ni sang en trop, trop, trop de cœurs. Sur une momie, on
  s'assoit comme sur un tabouret, sur une momie on peut poser des objets, des
  vêtements, même des ordures si on veut, et elle ne se révolte pas parce
  qu'elle n'a pas de vie. Ainsi trop de gens font de la Loi un tabouret, un
  appui, une décharge pour leurs ordures, certains qu'elle ne se révolte pas en
  leur conscience parce que, pour eux, elle est morte.   
   
  Je pourrais comparer une grande partie d'Israël aux forêts pétrifiées que
  l'on voit çà et là dans la vallée du Nil et dans le désert de l'Égypte .
  C'étaient des bois et des bois de plantes vivantes, nourries par la sève, bruissantes au soleil, couvertes de beaux feuillages, de
  fleurs, de fruits. Elles faisaient du lieu où elles avaient grandi un petit
  paradis terrestre, chers aux hommes et aux animaux qui oubliaient l'aridité
  désolée du désert, la soif ardente que le sable donne à l'homme par sa
  poussière brûlante qui pénètre dans la gorge. Ils oubliaient le soleil
  impitoyable qui, en peu de temps, calcifie les cadavres en les décharnant, en
  consumant les chairs en poussière, et en laissant couchés dans les vagues des
  sables, des squelettes et encore des squelettes polis comme par un ouvrier
  soigneux. Ils oubliaient tout sous cette ombre verte, bruissante, riche en
  eau et en fruits qui restauraient, consolaient, redonnaient du courage pour
  de nouveaux parcours.         
   
  Puis, pour une cause inconnue, comme des choses maudites, elles se sont non
  seulement desséchées comme font les arbres qui, bien que morts, servent
  encore à faire du feu dans les foyers de l'homme ou des braisiers pour
  éclairer la nuit, éloigner les fauves et chasser l'humidité de la nuit pour
  les voyageurs éloignés des pays. Mais ces arbres n'ont pas servi comme bois.
  Ils sont devenus de la pierre. De la pierre. La silice du sol semble, par un
  sortilège, être montée des racines, au tronc, aux branches, au feuillage. Puis les vents ont brisé les branches les plus faibles, devenues
  semblables à de l'albâtre qui est, à la fois, dur et mou.        
   
  Haut
  de page.         
   
  162/163> Mais les
  branches, les plus grosses, sont là, sur leurs troncs puissants pour tromper
  les caravanes fatiguées, qui sous les reflets éblouissants du soleil ou sous
  la lumière spectrale de la lune, voient se profiler les ombres des troncs qui
  se dressent sur les plaines ou dans le fond des vallées qui ne voient l'eau
  qu'aux époques des crues fécondes, cherchant avec angoisse un refuge, de quoi
  se restaurer, un puits, des fruits frais et, les yeux fatigués par le reflet
  du soleil sur les sables sans rien qui en abrite, les caravaniers se
  précipitent vers les forêts fantômes. De vrais fantômes ! Apparences
  illusoires de corps vivants, présence réelle de choses mortes.        
   
  Je les ai vues. J'en ai gardé le souvenir, bien que je fusse seulement un peu
  plus grand qu'un tout petit ,
  comme d'une des plus tristes choses de la Terre. C'est ainsi qu'elles
  m'étaient apparues tant que je n'ai pas eu touché, mesuré, pesé les choses de
  la Terre qui sont totalement tristes parce qu'elles sont complètement
  mortes. Les choses immatérielles, c'est-à-dire les vertus et les âmes mortes.
  Les premières, mortes dans les âmes, mortes les âmes parce qu'elles se sont
  tuées.       
   
    248.14 – La
  Loi est en Israël, mais elle y est comme les arbres pétrifiés dans le
  désert : devenue silice. Morte. Cause d'erreur, objet destiné à se
  corroder sans utilité. Objets nuisibles même comme les arbres pétrifiés parce
  qu'ils créent des mirages qui attirent en éloignant des vraies oasis, en
  faisant mourir de faim, de soif, de désolation, en attirant vers leur mort.
  Choses mortes qui en attirent d'autres à la mort, comme on lit dans certains
  récits de mythes païens.             
   
  Aujourd'hui, vous avez eu un exemple de ce que c'est qu'une Loi réduite à
  l'état de pierre dans une âme devenue elle aussi de pierre. C'est la source
  de toutes sortes de péchés et de malheurs. Que cela vous serve à savoir vivre
  et à savoir faire vivre la Loi en vous, dans son intégrité que Moi j'éclaire
  par des lumières de miséricorde.    
   
  La nuit est profonde. Les étoiles nous regardent, et Dieu avec elles. Levez
  votre regard vers le ciel étoilé et élevez votre esprit vers Dieu. Et sans
  critiquer les malheureux déjà punis par Dieu, sans orgueil pour n'avoir pas
  leur péché, promettez à Dieu et à vous-mêmes de ne pas tomber dans l'aridité
  des plantes maudites des déserts et des vallées d'Égypte.           
   
  La paix soit avec vous." 
   |