281> Ils vont entrer dans Lébona. La
ville ne me paraît ni très importante ni belle, mais en compensation elle est
très fréquentée car déjà sont en mouvement les caravanes qui descendent pour
la Pâque à Jérusalem venant de la Galilée et de l'Iturée, de la Gaulanitide,
de la Trachonitide, de l'Auranitide
et de la Décapole. Je dirais que Lébona est sur
une route caravanière ou plutôt que c'est un nœud de routes caravanières qui
viennent de ces régions, de la Méditerranée aux monts à l'est de la
Palestine, et aussi du nord, pour se réunir en cet endroit sur la grand-route
qui mène à Jérusalem. Cette préférence des gens vient probablement du fait
que cette route est surveillée de très près par les romains, et par
conséquent les gens se sentent plus à l'abri du danger de mauvaises
rencontres avec les larrons. C'est ce que je pense, mais peut-être cette
préférence vient d'autres causes, de souvenirs historiques ou sacrés. Je ne
sais pas.
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Les caravanes, étant donnée l'heure favorable — je jugerais d'après le soleil
qu'il est aux environs de huit heures du matin — sont en train de se mettre
en mouvement dans un grand vacarme de voix, de cris, de braiments, de
sonnailles, de roues. 282> Femmes qui appellent leurs enfants, hommes
qui excitent les animaux, vendeurs qui offrent leurs marchandises,
négociations entre les vendeurs samaritains et ceux... moins hébreux,
c'est-à-dire ceux de la Décapole et des autres régions, peu intransigeants
parce qu'elles sont mêlées davantage à l'élément païen, refus dédaigneux et
presque injurieux quand un malheureux vendeur de Samarie s'approche pour
offrir ses produits à quelque champion du judaïsme. Il semble qu'ils ont
approché le diable en personne tant ils crient à l'anathème... en suscitant
des réactions très vives de la part des samaritains offensés. Et il
s'ensuivrait quelque bagarre s'il n'y avait pas les soldats romains pour
faire bonne garde.
Jésus avance au
milieu de cette confusion. Autour de Lui, les apôtres, en arrière les femmes
disciples et derrière celles-ci le groupe de ceux d'Éphraïm
augmenté d'un grand nombre de ceux de Silo.
Un murmure précède le Maître. Il se propage depuis ceux qui le voient à ceux
qui sont plus loin et ne le voient pas encore. Un murmure plus fort le suit,
et plusieurs suspendent leur départ pour voir ce qui arrive.
Ils se demandent : "Comment ? Il s'éloigne de la Judée de plus en plus ?
Quoi ? Il prêche maintenant en Samarie ?"
Une voix chantante de Galilée : "Les saints l'ont repoussé et Lui
s'adresse à ceux qui ne sont pas saints pour les sanctifier, à la honte des
juifs."
Une réponse plus acre que du venin acide : "Il a retrouvé son nid et
ceux qui écoutent sa parole de démon."
Une autre voix : "Taisez-vous, assassins du Juste ! Cette persécution
vous marquera pour les siècles du nom le plus odieux. Vous êtes corrompus
trois fois plus que nous de la Décapole."
Une autre voix de vieux, tranchante : "Tellement juste qu'il fuit le
Temple pour la Fête des Fêtes. Hé ! Hé ! Hé !".
Quelqu'un d'Éphraïm, rouge de colère : "Ce n'est pas vrai. Tu mens,
vieux serpent ! Il va maintenant à sa Pâque."
Un scribe barbu, méprisant : "Par la route du Garizim."
"Non, du Moriah. Il vient nous bénir car Lui
sait aimer, puis il monte vers votre haine, maudits !"
"Tais-toi, samaritain !"
"C'est à toi de te taire, démon !"
"Qui se soulève aura les galères : c'est l'ordre de Ponce Pilate. Souvenez-vous et
dispersez-vous" impose un officier romain en faisant manœuvrer ceux qui
dépendent de lui pour séparer ceux qui sont déjà en train d'en venir aux
mains dans une de ces si nombreuses disputes régionales et
religieuses, toujours près de s'élever dans la Palestine du temps du Christ.
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283> Les gens se dispersent, mais personne ne s'en va plus. On
ramène les ânes aux écuries, ou bien on les détourne vers l'endroit où est
allé Jésus. Femmes et enfants descendent de selle et suivent leurs maris ou
leurs pères, ou bien restent en groupes qui bavardent, si l'humeur maritale
ou paternelle en donne l'ordre "pour qu'elles n'entendent pas parler le
démon." Mais les hommes, amis, ennemis ou simplement curieux, courent
vers l'endroit où est allé Jésus. Et, en courant, ils ont des mauvais
regards, ou se réconfortent de cette joie inespérée, ou posent des questions
suivant que ce sont des amis avec des ennemis, ou des amis entre eux, ou des
curieux.
Jésus s'est arrêté sur une place, près de l'inévitable fontaine ombragée par
un arbre et il se place contre le mur humide de la fontaine. Ici elle est
recouverte d'un petit portique ouvert seulement d'un côté; c'est plutôt un
puits qu'une fontaine. Il ressemble au puits de En
Rogel.
Il est en train de parler avec une femme qui
Lui présente son petit garçon qu'elle a dans ses bras. Je vois que Jésus
consent et qu'il met sa main sur la tête de l'enfant. Et tout de suite après,
je vois que la mère lève son enfant et crie : "Malachie, Malachie, où es-tu
? Notre garçon n'est plus difforme" et la femme crie son hosanna auquel
s'unit celui de la foule pendant qu'un homme se fraie un passage et va se
courber devant le Seigneur.
Les gens commentent. Les femmes, mères pour la plupart, se félicitent avec la
femme qui a eu cette faveur. Ceux qui sont les plus éloignés allongent le cou
et demandent : "Mais qu'est-il arrivé ?" après avoir crié hosanna
pour s'unir à ceux qui savent ce qui est arrivé.
"Un enfant bossu, bossu au point de tenir difficilement sur ses jambes.
Il était long ainsi, exactement ainsi, tellement il était courbé. Il
paraissait trois ans et en avait sept. Maintenant, regardez-le ! Il est grand
comme tous, droit comme un palmier, agile. Voyez-le comme il grimpe au muret
de la fontaine pour qu'on le voie et pour voir lui-même. Et comme il rit
joyeusement !"
Un galiléen se tourne vers quelqu'un qui a de larges nœuds à sa ceinture — je
ne crois pas me tromper en l'appelant rabbi — et il lui demande : "Hé !
Qu'en dis-tu ? C'est une œuvre du démon, cela aussi ? En vérité si le démon
agit ainsi, en enlevant tant de malheurs pour rendre les hommes heureux et
faire louer Dieu, il faudra dire que c'est le meilleur serviteur de Dieu
!"
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284> "Blasphémateur, tais-toi !"
"Je ne blasphème pas, rabbi. Je commente ce que je vois. Pourquoi votre
sainteté ne nous apporte-t-elle que fardeaux et malheurs et nous met-elle sur
les lèvres des reproches et des pensées de défiance envers le Très-Haut,
alors que les œuvres du Rabbi de Nazareth nous donnent la paix et la
certitude que Dieu est bon ?"
Le rabbi ne répond pas, il s'éloigne et s'en va bavarder avec d'autres de ses
amis. L'un d'eux se détache et se fraie un passage pour aller en face de
Jésus, qu'il interpelle ainsi, sans le saluer d'abord : "Que comptes-tu
faire ?"
"Parler à ceux qui demandent ma parole" répond Jésus en le
regardant dans les yeux, sans mépris, mais aussi sans peur.
"Cela ne t'est pas permis. Le Sanhédrin ne le veut
pas."
"C'est la volonté du Très-Haut, dont le Sanhédrin devrait être le
serviteur."
"Tu es condamné, tu le sais. Tais-toi, ou..."
"Mon nom est Parole. Et la Parole parle."
"Aux samaritains... Si tu étais vraiment ce que tu dis que tu es, tu ne
donnerais pas ta parole aux samaritains."
"Je l'ai donnée et je la donnerai aux galiléens, comme aux juifs et
comme aux samaritains, car il n'y a pas de différence aux yeux de
Jésus."
"Essaie donc de la donner en Judée, si tu l'oses !..."
"En vérité, je la donnerai. Attendez-moi. N'es-tu pas Éléazar ben Parta ? Oui ? Alors il est
certain que tu verras Gamaliel avant Moi. Dis-lui en mon nom qu'à lui aussi
je donnerai, après vingt et un ans, la réponse qu'il attend. As-tu compris ?
Rappelle-toi bien : à lui aussi, je donnerai après vingt et un ans, la
réponse qu'il attend . Adieu."
"Où ? Où veux-tu parler ? Où veux-tu répondre au grand Gamaliel ? Il a
certainement quitté Gamala de Judée pour entrer à
Jérusalem. Mais s'il était encore à Gamala, tu ne
pourrais pas lui parler."
"Où ? Et où se rassemblent les scribes et les rabbis d'Israël ?"
"Dans le Temple ? Toi, dans le Temple ? Et tu oserais ? Mais tu ne sais
pas..."
"Que vous me haïssez ? Je le sais. Il me suffit de n'être pas haï par
mon Père. D'ici peu le Temple frémira à cause de ma parole." Et sans
plus s'occuper de son interlocuteur il ouvre les bras pour imposer le silence
aux gens qui s'agitent en deux courants opposés et manifestent contre les
perturbateurs.
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285> Il se fait un silence subit, et Jésus parle dans ce
silence : "À Silo j'ai parlé des mauvais conseillers et de ce qui peut
réellement faire, d'un conseil, un bien ou un mal. À vous qui n'êtes plus
seulement de Lébona, mais de tous les endroits de
la Palestine, je propose maintenant cette parabole. Nous l'appellerons :
"La parabole des mal conseillés".
Écoutez. Il y avait une fois une famille
très nombreuse, au point d'être une tribu. Les nombreux enfants s'étaient
mariés en formant autour de la première famille beaucoup d'autres familles
avec de nombreux enfants. Ces derniers à leur tour, en se mariant, avaient
formé d'autres familles. De sorte que le vieux père s'était, pour ainsi dire,
trouvé à la tête d'un petit royaume dont il était le roi. Comme il arrive
toujours dans les familles, parmi les nombreux enfants et les enfants des
enfants, il y en avait de différents caractères : des bons et justes, des
orgueilleux et injustes. Ceux qui étaient contents de leur sort et ceux qui
étaient envieux, leur part leur semblant plus petite que celle d'un frère ou
d'un parent. Et il y avait, près du plus mauvais, le meilleur de tous. Et il
était naturel que ce dernier fût le plus tendrement aimé du père de toute la
grande famille. Et, comme il arrive toujours, le mauvais et ceux qui lui ressemblaient
davantage, haïssaient le bon parce qu'il était le plus aimé, ne réfléchissant
pas qu'eux aussi auraient pu être aimés s'ils avaient été bons comme lui. Et
celui qui était bon et auquel le père confiait ses pensées pour qu'il les dît
à tous, était suivi par d'autres qui étaient bons. De cette façon la grande
famille s'était divisée en trois parties : celle des bons et celle des
mauvais, et entre l'une et l'autre la troisième partie faite des indécis, qui
se sentaient attirés vers le bon fils, mais craignaient le fils mauvais et
ceux de son parti. Cette troisième partie louvoyait entre l'une et l'autre
des deux premières et ne savait pas se décider avec fermeté pour l'une ou
l'autre. Alors le vieux père, en voyant cette indécision, dit à son fils bien-aimé
: "Jusqu'à présent tu as dépensé ta parole spécialement pour ceux qui
l'aiment et pour ceux qui ne l'aiment pas, parce que les premiers te la
demandent pour m'aimer toujours plus avec justice, et parce que les autres
sont des sots qu'il faut rappeler à la justice. Mais tu vois que ces sots non
seulement ne l'accueillent pas en restant ce qu'ils étaient, mais qu'à leur
première injustice envers toi, qui leur portes mon désir, ils joignent celle
de corrompre par de mauvais conseils ceux qui ne savent pas vouloir fortement
prendre le meilleur chemin. Va donc les trouver, et parle-leur de ce que je
suis, et de ce que tu es, et de ce qu'ils doivent faire pour être avec moi et
avec toi".
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286> Le fils, toujours obéissant, alla comme le voulait le
père, et chaque jour il conquérait quelque cœur. Et le père vit ainsi
clairement quels étaient ses vrais fils rebelles, et il les regardait avec
sévérité, sans cependant leur faire des reproches parce qu'il était père, et
qu'il voulait les attirer à lui par la patience, l'amour et l'exemple des
bons.
Mais les mauvais dirent quand ils se virent seuls : "Ainsi il apparaît
trop clairement que nous sommes les rebelles. Auparavant ils nous
confondaient parmi ceux qui n'étaient ni bons ni mauvais. Maintenant, vous
les voyez, ils vont tous derrière le fils aimé. Il faut agir, détruire son
œuvre. Allons, en feignant de nous être ravisés, parmi ceux qui sont à peine
convertis, et aussi près des plus simples des meilleurs; et répandons le
bruit que le fils aimé feint de servir le père, mais qu'en réalité il se fait
des partisans pour ensuite se révolter contre lui; ou bien disons que le père
a l'intention d'éliminer son fils et ses partisans, parce qu'ils triomphent trop
et offusquent sa gloire de père-roi et que par conséquent, pour défendre le
fils aimé et trahi, il faut le retenir parmi nous, loin de la maison
paternelle où l'attend la trahison".
Et ils allèrent, si finement rusés en suggérant et répandant leurs avis et
leurs conseils, que beaucoup tombèrent dans le piège, spécialement ceux qui
étaient convertis depuis peu, auxquels les mauvais conseillers donnaient ce
mauvais conseil : "Voyez combien il vous a aimés ? Il a préféré venir
parmi vous plutôt que de rester près de son père ou du moins près de ses bons
frères. Il a tant fait qu'en présence du monde il vous a relevé de votre
abjection d'êtres qui ne savaient pas ce qu'ils voulaient et dont tout le
monde, à cause de cela, se moquait. À cause de cette prédilection à votre
égard, vous avez le devoir de le défendre, et même de le retenir, de force si
vos paroles de persuasion ne suffisent pas pour le maintenir dans votre camp.
Ou bien soulevez-vous pour le proclamer votre chef et roi et marchez contre
le père inique et ses fils iniques comme lui". Certains hésitaient en
faisant remarquer : "Mais lui veut, a voulu que nous allions avec lui
pour honorer le père, et il nous a obtenu bénédiction et pardon". À ces
derniers ils disaient; "Ne croyez pas ! Il ne vous a pas dit toute la
vérité et le père ne vous a pas montré toute la vérité. Il a agi ainsi parce
qu'il sent que le père va le trahir et qu'il a voulu éprouver vos cœurs pour
savoir où trouver protection et refuge. Mais peut-être... il est si bon !
Peut-être ensuite il se repentira d'avoir douté de son père et il voudra
revenir à lui. Ne le lui permettez pas". 287> Et beaucoup
promirent : "Nous ne le permettrons pas" et ils s'enflammèrent en
faisant des projets susceptibles de retenir le fils aimé. Ils ne s'aperçurent
pas que pendant que les mauvais conseillers disaient : "Nous vous
aiderons pour sauver le béni", leurs yeux étaient pleins de lueurs
mensongères et cruelles, et qu'ils se faisaient des clins d'œil en se
frottant les mains et en murmurant : "Ils tombent dans le piège ! Nous
allons triompher !" chaque fois que quelqu'un adhérait à leurs paroles
sournoises. Puis les mauvais conseillers s'en allèrent. Ils s'en allèrent en
répandant dans d'autres endroits le bruit que bientôt on aurait vu la trahison
du fils aimé, sorti des terres de son père pour créer un royaume, opposé au
père, avec ceux qui haïssaient le père ou du moins ne lui donnaient pas un
amour assuré. Et ceux qui avaient été suggestionnés par de mauvais conseils
complotaient pendant ce temps comment faire pour amener le fils aimé au péché
de rébellion qui aurait scandalisé le monde.
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Les plus sages seulement d'entre eux, ceux chez lesquels étaient pénétrée
plus profondément la parole du juste et y avait mis des racines parce qu'elle
était tombée dans un terrain avide de l'accueillir, dirent, après avoir
réfléchi : "Non. Il n'est pas bien de le faire. C'est un acte de
malveillance envers le père, envers le fils et même envers nous. Nous
connaissons la justice et la sagesse de l'un et de l'autre. Nous la
connaissons même si malheureusement nous ne l'avons pas toujours suivie. Et
nous ne devons pas penser que les conseils de ceux qui ont toujours été
ouvertement contre le père et la justice, et aussi contre le fils aimé par le
père, puissent être plus justes que ceux que nous a donnés le fils
béni". Et ils ne les suivirent pas. Au contraire, avec amour et avec
douleur, ils laissèrent aller le fils là où il devait, en se bornant à l'accompagner
avec des signes d'amour jusqu'aux limites de leurs champs et à lui promettre
dans leur adieu : "Tu vas, nous, nous restons. Mais tes paroles sont en
nous et dorénavant nous ferons ce que veut le père. Pars tranquille. Tu nous
a enlevés pour toujours de l'état où tu nous a trouvés. Maintenant, mis sur
la bonne voie, nous saurons y progresser jusqu'à rejoindre la maison
paternelle de manière à être bénis par le père".
Au contraire certains donnèrent leur adhésion aux mauvais conseillers et ils
péchèrent en tentant le fils aimé et en le ridiculisant comme sot parce qu'il
était obstiné dans l'accomplissement de son devoir.
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288> Maintenant je vous demande : "Pourquoi le même conseil a-t-il opéré de manières diverses
?" … Vous ne répondez pas ? Je vais vous le dire comme je l'ai dit à Silo. Parce que les
conseils acquièrent de la valeur ou deviennent nuls, selon qu'ils sont ou ne
sont pas accueillis. C'est inutilement que quelqu'un est tenté par de mauvais
conseils. S'il ne veut pas
pécher, il ne péchera pas. Et il ne sera pas puni pour avoir dû entendre les
insinuations des mauvais. Il ne sera pas puni car Dieu est juste et Il ne
punit pas des fautes qui n'ont pas été faites. Il ne sera puni que si, après
avoir dû écouter le Mal qui le tente, il le met en pratique sans user de son
intelligence pour méditer la nature du conseil et son origine. Il n'aura pas
d'excuse pour dire : "Je le croyais bon". Est bon ce qui est
agréable à Dieu. Est-ce que peut-être Dieu peut approuver ou avoir pour
agréable une désobéissance ou une chose qui conduit à la désobéissance ?
Est-ce que Dieu peut bénir une chose qui s'oppose à sa Loi, c'est-à-dire à sa
Parole ? En vérité je vous dis que non. Et encore en vérité je vous dis qu'il
faut savoir mourir plutôt que de transgresser la Loi divine. À Sichem je parlerai encore
pour vous rendre justes en ce qui est de savoir vouloir ou ne pas vouloir
pratiquer un conseil qui vous est donné. Allez."
Les gens s'en vont en commentant.
"Tu as entendu ? Lui sait ce qu'ils nous ont dit ! Et il nous a rappelé
à la justice de la volonté" dit un samaritain.
"Oui. Et tu as vu comment se sont troublés les juifs et les scribes qui
étaient présents ?"
"Oui. Ils n'ont pas même attendu la fin pour s'en aller."
"Mauvaises vipères ! Pourtant... Lui dit ce qu'il veut faire. Il a tort.
Il pourrait se procurer des ennuis. Ceux de l'Ebal
et du Garizim se sont bien exaltés !..."
"Moi... je ne me suis jamais fait d'illusions. Le Rabbi, c'est le Rabbi.
Et c'est tout dire. Le Rabbi peut-il pécher en ne montant pas au Temple de
Jérusalem ?"
"Il trouvera la mort. Tu verras !... Et ce sera fini !..."
"Pour qui ? Pour Lui ? Pour nous ? Ou... pour les juifs ?"
"Pour Lui. S'il meurt !"
"Homme, tu es sot. Moi je suis d'Éphraïm. Je le connais bien.
J'ai vécu près de Lui deux lunes entières, davantage encore. Il parlait
toujours avec nous. Ce sera une douleur... mais ce ne sera pas une fin, ni
pour Lui, ni pour nous. Il ne peut mourir, finir, le Saint des saints. Cela
ne peut finir ainsi pour nous. Moi... je suis un ignorant, mais je sens que
le royaume viendra quand les juifs le croiront fini... Et c'est eux qui
seront finis..."
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289> "Tu penses que les disciples vengeront le Maître ?
Une révolte ? Un massacre ? Et les romains ?..."
"Oh ! il n'est pas besoin de disciples, de vengeances humaines, de
massacres. Ce sera le Très-Haut qui les vaincra. Il nous a bien punis, nous,
pendant des siècles pour bien moins ! Veux-tu qu'il ne les punisse pas eux,
pour leur péché de tourmenter son Christ ?"
"Les voir vaincus ! Ah !"
"Ton cœur n'est pas comme le Maître le voudrait. Lui prie pour ses
ennemis..."
"Moi... je le suis demain. Je veux entendre ce qu'il va dire à
Sichem."
"Moi, également."
"Et moi aussi..."
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