Vision
du dimanche 29 octobre 1944
254> 38.1 -
Jésus dit :
"Viens, petit Jean ,
et vois. Tenue par ma main qui te conduit, reviens en arrière aux années de
mon enfance. Et tout ce que tu verras devra être inséré dans l'Évangile de
mon enfance où je veux que soit mise aussi la vision du séjour de la Famille
en Égypte. Vous mettrez dans cet ordre : la Famille en Égypte, puis la
première leçon de travail de Jésus Enfant, ensuite la scène qui va être
décrite maintenant, puis la scène de la majorité (promise aujourd'hui 25-11 )
en dernier lieu la scène de Jésus parmi les docteurs au Temple à sa douzième
fête de Pâques. Ce n'est pas sans raison que je te ferai voir la scène
d'aujourd'hui. Elle éclaire au contraire des détails sur mes premières années
et les relations avec la parenté. C'est un cadeau pour toi, dans la fête de
ma Royauté pour toi qui sens passer en toi-même la paix de la maison de
Nazareth quand tu la vois. Écris."
38.2 -
Je vois la pièce où d'ordinaire on prend les repas et où Marie
fait des travaux de tissage ou de couture. Cette pièce est voisine de
l'atelier de Joseph
d'où l'on entend son travail actif et diligent. Ici, au contraire, c'est le
silence. Marie coud des bandes d'étoffe de laine. C'est sûrement elle qui les
a tissées. Elles ont un demi-mètre environ de large et le double de longueur.
Il doit s'agir d'un manteau pour Joseph.
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De la porte, ouverte sur le jardin, on aperçoit les haies toutes ébouriffées
de ces marguerites de couleur azur-violet qu'on appelle communément
"Marie" ou "Ciel étoile". Je ne connais pas le terme
botanique exact. Elles sont en fleurs, ce doit donc être l'automne. Pourtant
les frondaisons ont encore une jolie couleur verte bien fournie et les
abeilles, dont les deux ruches sont adossées à un mur ensoleillé, volent en
bourdonnant, dansant, dans la lumière du soleil, d'un figuier à la vigne puis
à un grenadier chargé de fruits arrondis. Ces fruits sont éclatés par excès
de maturité et font voir des colliers de rubis sucrés alignés à l'intérieur
d'un écrin rouge vert à compartiment jaunes.
38.3 -
Sous les arbres Jésus
joue avec deux bambins à peu près du même âge. Ils sont frisés mais pas
blonds. L'un
d'eux est vraiment brun : une tête d'agneau noir qui fait
ressortir encore davantage la blancheur de la peau du visage rond où
s'ouvrent deux yeux d'un azur violacé, très beaux. L'autre
a les cheveux moins frisés, châtain foncé, ses yeux sont châtains. Son teint
est plus brun mais nuancé de rosé aux joues. Jésus, avec sa tête blonde entre
les deux chevelures foncées, paraît avoir déjà un nimbe lumineux. Ils jouent
ensemble, bien d'accord avec des petites charrettes sur lesquelles se
trouvent... des marchandises variées : feuilles, cailloux, rubans et morceaux
de bois. Ils jouent aux marchands. Jésus est le client qui fait des achats
pour la Maman. Il lui porte tantôt un objet, tantôt un autre. Marie reçoit
avec un sourire ses acquisitions.
Mais ensuite le jeu change. Un des deux enfants propose : "Faisons
l'Exode à travers l'Égypte. Jésus sera Moïse, moi Aaron et toi...
Marie."
"Mais je suis un garçon !"
"Peu importe ! Fais-le quand même. Tu es Marie et tu danses devant
le veau d'or qui sera cette ruche."
"Je ne danse pas. Je suis un homme et je ne veux pas être une femme. Je
suis un fidèle et je ne veux pas danser devant l'idole."
Jésus intervient : "Ne jouons pas ce passage. Prenons-en un
autre : quand Josué fut élu comme successeur de Moïse .
Ainsi, plus question de ce vilain péché d'idolâtrie, et Jude sera content
d'être un homme et mon successeur. N'est-ce pas que tu es
content ?"
"Oui, Jésus, mais alors, Toi tu dois mourir parce que Moïse meurt ensuite .
Je ne veux pas que tu meures. Toi qui m'aimes tellement."
"Nous devons tous mourir... Mais, Moi, avant de mourir, je bénirai Israël ,
et bien qu'il n'y ait que vous, en vous bénissant je bénirai tout
Israël."
On accepte. Mais voilà qu'une question se pose: est-ce que le peuple d'Israël
après avoir si longtemps marché avait encore les chars qu'il possédait à sa
sortie d'Égypte ? Les avis sont différents. On recourt à Marie :
"Maman, je dis que les Israélites avaient encore les chars, Jacques dit
que non, Jude ne sait pas à qui donner raison. Toi le sais-tu ?"
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"Oui, mon Fils. Le peuple nomade avait encore ses chars. Quand il
s'arrêtait on faisait les réparations. Sur les chars montaient les plus
faibles et on transportait sur eux les denrées et toutes les choses
nécessaires à un peuple si nombreux. Sauf l'Arche, portée par des hommes,
tout le reste était sur les chars."
La question est réglée.
38.4 -
Les enfants vont au fond du jardin et de là, en psalmodiant se dirigent vers
la maison. Jésus est en tête et chante des psaumes, de sa voix argentine.
Derrière Lui viennent Jude et Jacques portant une carriole qui représente le
Tabernacle. Mais, étant donné qu'ils doivent faire aussi la partie du peuple,
en plus de celle de Josué et d'Aaron, avec leurs ceintures qu'ils ont
enlevées, ils se sont attaché aux pieds les chars en miniature et défilent
ainsi, sérieux comme de vrais acteurs. Ils parcourent toute la tonnelle,
passent devant la porte de la pièce où se trouve Marie, et Jésus dit :
"Maman, salue l'Arche qui passe." Marie se lève avec un sourire et
se penche vers son Fils qui passe rayonnant, dans un nimbe de soleil.
Puis Jésus gravit l'escarpement qui sert de limite à la maison ou plutôt au
jardin. Et là, au-dessus de la grotte, il se tient debout et parle à...
Israël. Il dit les ordres et les promesses de Dieu ,
présente Josué comme chef, l'appelle à Lui
et Jude monte à son tour sur l'escarpement. Il l'encourage et le bénit .
Puis il se fait apporter une... tablette (c'est une large feuille de figuier)
et il écrit le cantique et le lit, pas tout mais une
bonne partie ,
et il semble qu'il le lit sur la feuille. Ensuite, il fait ses adieux à Josué
qui l'embrasse en pleurant, et il monte plus haut, exactement au sommet de
l'escarpement. Là, il bénit tout Israël c'est à dire les deux garçons
prosternés jusqu'à terre, puis il s'allonge sur l'herbe courte, ferme les
yeux et... meurt.
38.5 -
Marie était restée souriante, sur le seuil. Quand elle le voit étendu inerte,
elle crie : "Jésus, Jésus, lève-toi ! Ne reste pas comme
cela ! Ta maman ne veut pas te voir mort !"
Jésus se lève avec un sourire, court à Marie et lui donne un baiser. Jacques
et Jude arrivent et eux aussi ont leurs caresses de la part de Marie.
"Comment Jésus peut-il se rappeler ce cantique si long et si difficile,
et toutes ces bénédictions ?" demande Jacques.
Marie sourit et répond simplement : "Il a une excellente mémoire et
il est très attentif quand je lis."
"Moi, à l'école, je suis attentif, mais je ne tarde pas à m'endormir
avec toutes ces lamentations... Je n'apprendrai jamais, alors ?"
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243>
"Tu apprendras, tiens-toi tranquille."
38.6 -
On frappe à la porte. Joseph traverse rapidement le jardin et la pièce et il
ouvre.
"Paix à vous, Alphée
et Marie !"
"À vous aussi, et bénédiction."
C'est le frère de Joseph avec sa femme. Un char rustique auquel est attelé un
âne robuste est arrêté dans la rue.
"Avez-vous fait un bon voyage ?"
"Excellent, et les enfants ?"
"Ils sont au jardin avec Marie."
Mais les enfants accourent déjà pour saluer leur maman. Marie arrive aussi,
tenant Jésus par la main. Les deux belles-sœurs s'embrassent.
"Ont-ils été gentils ?"
"Tout à fait sages et gentils. Tous les parents vont bien ?"
"Tous vont très bien, et de Cana, ils vous envoient tous ces
cadeaux : raisin, pommes, fromages, miel. Et... Joseph ? J'ai
trouvé exactement ce que tu voulais pour Jésus. C'est sur le char, dans ce
gros panier rond."
La femme d'Alphée se met à rire. Elle se penche sur Jésus qui la regarde en
écarquillant les yeux. Elle l'embrasse sur ses deux yeux d'azur et Lui
dit : "Sais-tu ce que j'ai pour toi ? Devine."
Jésus réfléchit et ne trouve pas. Je me doute qu'il le fait exprès pour
donner à Joseph la joie de Lui faire une surprise. En effet Joseph rentre,
portant un panier rond. Il le pose par terre devant Jésus, coupe la corde qui
tient en place le couvercle, le lève... et une petite brebis, toute blanche,
un vrai flocon d'écume, apparaît, endormie sur une litière de foin très
propre.
Jésus a un "Oh !" étonné et ravi. Sur le point de se
précipiter sur la petite bête, il se retourne et court vers Joseph encore
courbé par terre. Il l'embrasse et le baise en le remerciant.
Les cousins regardent la bestiole avec admiration. Elle s'est éveillée et
dressant son petit museau rosé, elle bêle, cherchant sa maman. On la sort du
panier et on lui présente une poignée de trèfle. Elle la broute en promenant
autour d'elle ses doux yeux.
Jésus se met à dire : "Pour Moi ! Pour Moi ! Père,
merci !"
"Elle te plaît beaucoup ?"
"Oh ! tellement ! Blanche, propre... une agnelle...
oh !" et il met les bras au cou de la brebis. Il met sa tête blonde
sur la tête de la bestiole et reste ainsi, heureux.
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"À vous aussi, j'en ai apporté deux" dit Alphée à ses fils. "Mais
elles sont noires. Vous n'êtes pas ordonnés comme Jésus et si elles étaient
blanches, vous ne sauriez pas les garder aussi propres. Ce sera votre
troupeau. Vous les garderez ensemble, et ainsi vous ne resterez plus à flâner
sur les routes, vous deux, gamins, et à lancer des pierres."
Les enfants accourent sur le char et regardent les deux autres brebis, plutôt
noires que blanches.
Jésus est resté avec la sienne; il la porte au jardin, lui donne à boire et
elle le suit comme si elle l'avait toujours connu. Jésus l'appelle. Il lui a
donné le nom de "Neige" et elle répond en bêlant joyeusement.
Les hôtes ont pris place à table et Marie leur sert du pain, des olives et du
fromage. Elle apporte aussi une amphore avec du cidre ou de l'hydromel, je ne
sais pas : je vois que le liquide est clair, tout à fait clair. Ils
parlent entre eux, pendant que les enfants jouent avec les trois brebis que
Jésus a voulu rassembler pour donner aux autres de l'eau et un nom. "La
tienne, Jude, s'appellera "Étoile" car elle a un signe sur le
front. Et la tienne "Flamme" parce qu'elle a la couleur de
certaines flammes de bruyères mortes."
"Entendu."
Les grandes personnes entrent dans la conversation. C'est Alphée qui
parle : "J'espère avoir résolu ainsi l'histoire des querelles entre
garçons. C'est toi, Joseph, qui m'en as donné
l'idée. Je me suis dit : "Mon frère veut une petite brebis pour
Jésus, pour le distraire un peu. J'en prendrai deux, pour ces garçons, pour
les faire tenir un peu tranquilles et pour ne pas avoir avec les autres
parents des discussions pour des têtes ou des genoux écorchés. Un peu
l'école, un peu les brebis, je réussirai à les tenir tranquilles".
38.7 -
Mais, cette année, toi aussi, tu devrais envoyer Jésus à l'école. Il a
l'âge."
"Je n'enverrai jamais Jésus à l'école" dit Marie en lui coupant la
parole. On est étonnée de la voir parler ainsi et parler avant Joseph.
"Pourquoi ? L'Enfant doit étudier pour être capable, le moment
venu, de subir l'examen de majorité..."
"L'Enfant sera instruit, mais il n'ira pas à l'école. C'est
décidé."
"Tu seras la seule, en Israël à agir ainsi."
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"Je serai la seule, mais c'est ainsi que je ferai. N'est-ce pas,
Joseph ?"
"C'est vrai. Jésus n'a pas besoin d'aller à l'école. Marie a été élevée
au Temple et c'est un vrai docteur pour la connaissance de la Loi. Elle sera
sa Maîtresse. C'est ma volonté aussi."
"Vous le gâtez, ce Garçon."
"Tu ne peux pas le dire. C'est le meilleur enfant de Nazareth. L'as-tu
jamais entendu pleurer, faire des caprices, refuser obéissance, manquer de
respect ?"
"Pour ça, non, mais cela arrivera si on continue de le gâter."
"Ce n'est pas gâter ses enfants que de les garder près de soi. C'est les
aimer intelligemment et avec bon cœur. C'est ainsi que nous l'aimons, notre
Jésus et puisque Marie est plus instruite que le maître d'école, c'est elle
qui sera la Maîtresse de Jésus."
"Et quand il sera homme, ton Jésus sera une femmelette à qui une mouche
fera peur."
"Non, il ne le sera pas. Marie est femme forte qui sait donner une
éducation virile. Moi aussi, je ne suis pas un faible et je sais donner des
exemples virils. Jésus est une créature sans défauts physiques et moraux. Il
grandira donc, droit et fort en son corps et en son esprit. Sois tranquille,
Alphée. Il ne déshonorera pas la famille. D'ailleurs c'est décidé et ça
suffit."
"Marie a décidé et toi..."
"Et si c'était vrai ? N'est-ce pas beau que deux personnes qui
s'aiment soient toutes disposées à avoir la même pensée et le même vouloir
parce que, mutuellement, l'une embrasse les vues de l'autre et les fait
siennes ? Si Marie voulait des choses déraisonnables, je dirais :
"Non". Mais les choses qu'elle demande sont pleines de sagesse, je
les approuve et je les fais miennes. Nous nous aimons, nous, comme au premier
jour... et ce sera ainsi tant que nous vivrons. N'est-ce pas,
Marie ?"
"Oui Joseph et, mais que cela n'arrive jamais, si l'un devait mourir
sans l'autre, nous nous aimerions encore."
Joseph caresse la tête de Marie comme si elle était encore une enfant, et
elle le regarde avec son œil paisible et affectueux.
38.8 -
La belle-sœur intervient :
"Vous avez bien raison. Ah ! si je pouvais enseigner ! À
l'école nos fils apprennent le bien et le mal. Au foyer, le bien seulement.
Mais moi je ne sais pas... Si Marie..."
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"Que veux-tu, belle-sœur ? Ne te gêne pas pour le
dire. Tu sais que je t'aime et que je suis heureuse quand je puis te faire
plaisir."
"Je disais... Jacques et Jude sont un peu plus âgés que Jésus. Ils vont
déjà à l'école... mais pour ce qu'ils savent !... Au contraire, Jésus
connaît déjà si bien la Loi !... Je voudrais... Voilà, voudrais-tu les
prendre eux aussi, quand tu fais la classe à Jésus ? Je pense qu'ils
deviendraient meilleurs et plus instruits. Ils sont cousins, au fond, et
qu'ils s'aiment comme des frères, c'est bien... Je serais si
heureuse !"
"Si Joseph veut bien et aussi ton mari, j'y suis toute disposée. Parler
pour un, ou pour trois, c'est pareil. Revoir toute l'Écriture, c'est de la
joie. Qu'ils viennent."
Les trois bambins qui étaient entrés tout doucement ont entendu et ils
attendent la décision.
"Ils te feront désespérer. Marie" dit Alphée.
"Non! Avec moi ils sont toujours bons. N'est-ce pas que vous serez
gentils si je vous fais la classe?"
Les deux accourent près d'elle, l'un à droite, l'autre à gauche. Ils lui
mettent les bras autour du cou, la tête sur l'épaule et font les plus belles
promesses.
"Laisse-les essayer, Alphée, et laisse-moi aussi essayer. Je crois que
tu n'en seras pas mécontent. Ils viendront chaque jour, le soir à la sixième
heure. Cela suffira, crois-le. Je sais l'art d'enseigner sans fatiguer. Les
enfants, on les captive et on les distrait en même temps. Il faut les
comprendre, les aimer et en être aimé. On obtient tout d'eux. Et vous
m'aimez, n'est-ce pas ?"
Deux gros baisers lui répondent.
"Tu le vois ?"
"Je vois. Je n'ai plus qu'à te dire : "Merci". Et Jésus,
que dira-t-il en voyant sa Mère occupée avec les autres ? Que dis-tu,
Jésus ?"
"Je dis : "Bienheureux ceux qui se tiennent près d'elle ,
et l'écoutent et qui établissent leur demeure près de la sienne". Comme pour
la Sagesse, bienheureux qui est ami de ma Mère et je suis heureux que ceux
que j'aime soient ses amis."
"Mais qui met de telles paroles sur les lèvres de l'Enfant ?"
demande Alphée étonné.
"Personne, frère. Personne au monde."
C'est la fin de la vision.
38.9 -
Et Jésus dit :
"Et Marie fut ma maîtresse, celle de Jacques et de Jude. Voilà pourquoi
nous nous aimâmes comme des frères, en plus de la parenté, unis par le savoir
et l'éducation comme trois sarments d'un même tronc. Ma Maman, Docteur comme
nul autre en Israël, cette douce Maman à Moi. Siège de la Sagesse et de la
vraie Science. Elle nous instruisit pour la vie du monde et pour celle du
Ciel. Je dis : "nous instruisit" car je fus son écolier pas
autrement que mes cousins. Et le "sceau" fut maintenu sur le secret
de Dieu contre la curiosité de Satan, maintenu sous l'apparence d'une vie
commune.
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