Le vendredi 1er novembre 1946.
192> 522.1 - Jésus est très attendu. Une foule de gens
séjournent dans les campagnes proches de la ville et attendent, À peine un
observateur, juché sur un noyer élevé, a-t-il jeté le cri :
"Voici l'Agneau de Dieu !" que les gens se lèvent et accourent vers
Jésus qui arrive dans les premières brumes du crépuscule.
"Maître ! Maître ! Nous t'attendions depuis si longtemps ! Nos malades !
Nos enfants ! Ta bénédiction ! Les vieillards t'attendent pour s'éteindre en
paix ! Si tu nous bénis, Seigneur, nous serons préservés du malheur !"
les gens parlent tous ensemble, alors que Jésus lève la main en des gestes
répétés de bénédiction, et répète : "Paix, paix, paix à vous tous
!" Les apôtres qui sont encore avec Lui sont pris dans les remous de la
foule, séparés de Jésus qu'empêché presque d'avancer ceux-là mêmes qui se plaignent
doucement d'avoir tant attendu.
522.2 - Le pauvre Zachée lutte convulsivement pour atteindre
Jésus, pour se faire entendre de Lui, au moins pour se faire voir. Mais,
petit comme il l'est, et n'étant pas très agile ni très fort, il se trouve
toujours repoussé par de nouvelles vagues de la foule, et son cri se perd
dans la grande clameur, et sa personne disparaît dans la confusion des têtes,
des bras, des vêtements qui s'agitent. C'est inutilement qu'il supplie et
parfois fait des reproches pour obtenir un peu de pitié. Les gens sont
toujours égoïstes pour ceux qui leur procurent le plaisir et cruels pour les
plus faibles.
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193> Le pauvre Zachée, épuisé par les
efforts qu'il a faits, convaincu de leur inutilité, perd la volonté de lutter
et, mortifié, il se résigne. En effet comment pouvoir réussir désormais si de
chaque rue débouchent d'autres gens, et les rues semblent autant de ruisseaux
qui débouchent tous dans un fleuve unique : le chemin parcouru par Jésus ? Et
chaque affluent nouveau, qui amène un nouveau flot et rend plus impénétrable
la foule au point d'être effrayé de s'y trouver, repousse en arrière le
pauvre Zachée.
Le Thaddée
le voit et essaie de se frayer un passage pour le sortir du coin de la rue où
la foule l'a repoussé et bloqué. Mais à son tour Jude d'Alphée se trouve
repoussé par ceux qui le poussent par derrière et sa tentative échoue. Thomas, fort de sa robustesse, travaille
des coudes et crie de sa voix puissante :
"Faites place !" au cours d'une même tentative...
Hélas ! Les gens forment une muraille plus solide que des pierres et en même
temps plus flexible que du caoutchouc : elle plie, mais ne
s'ouvre pas. Ce n'est plus un embrassement, mais une chaîne impossible à
rompre. Thomas aussi se résigne.
Et Zachée perd tout espoir, car Didyme est le dernier des apôtres entraîné
par le courant. Et finalement le courant passe... Il est passé... Lambeaux
d'étoffes, nœuds, franges, épingles à cheveux, boucles de vêtements, gisent
sur le sol pour témoigner de sa violence. Il y a jusqu'à une petite sandale
d'enfant, toute écrasée, et qui semble attendre tristement le petit pied qui
l'a perdue... Zachée se met à la suite de tout le monde, triste lui aussi
comme cette petite chaussure arrachée par la foule à son petit propriétaire.
522.3 - Jésus n'est même plus visible. Un
détour de la rue l'a dérobé à la vue du pauvre Zachée... Mais quand, dernier
de la foule, il arrive sur la place où autrefois il avait son comptoir, il
voit que les gens se sont arrêtés en criant, priant, suppliant. Et il voit
que Jésus, monté sur un perron, fait avec les bras et la tête un signe de
dénégation et il dit quelque chose que l'on ne peut comprendre dans le
mugissement de la foule. Et enfin il voit que Jésus descendu, non sans peine
de son piédestal, reprend sa marche et tourne, oui, tourne justement du côté
où se trouve sa maison. Alors Zachée reprend toute son ardeur. Les gens sont
nombreux, mais la place est large, et par conséquent la foule est moins
compacte et peut être... percée comme une haie pas trop épaisse par quelqu'un
de bien décidé et qui n'a pas peur des écorchures.
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194> Et Zachée devient un coin, une
catapulte, un bélier, heurte les gens, bouscule, s'insinue, distribue et
reçoit des coups de poings au visage, des coups de coude dans l'estomac et
des coups de pieds dans les tibias, mais il se fraie un passage, il avance...
Le voilà du côté opposé... Mais là, il n'y a plus de place, c'est de nouveau
la muraille impénétrable. Quelques pas le séparent de Jésus déjà arrêté près
de sa maison. Mais s'il y avait des déserts et des fleuves pour l'en séparer
il aurait plus d'espoir de réussir à le rejoindre. Il se fâche, crie, impose
:
"Je dois aller chez moi ! Laissez-moi passer ! Ne voyez-vous pas qu'il
veut venir chez moi ?"
Il n'aurait pas dû le dire ! Cela attise dans la foule la volonté d'avoir le
Maître dans d'autres maisons. Certains rient en se moquant du pauvre Zachée,
d'autres lui répondent méchamment. Il n'y a personne qui ait pitié. Au
contraire, ils se mettent à crier et à s'agiter pour empêcher le Maître de
voir et d'entendre Zachée. Et certains crient :
"Tu n'en as déjà eu que trop de Lui, vieux pécheur !"
Je crois qu'à tant d'animosité n'est pas étranger le souvenir des anciennes
exactions et vexations... L'homme, même le mieux disposé pour le surnaturel,
conserve presque toujours un petit coin où est vivant l'amour de son pécule
et où est encore plus vivant le souvenir de celui qui a fait tort à ce
pécule...
522.4 - Mais l'heure de l'épreuve est passée
pour Zachée, et Jésus récompense sa constance. Jésus crie avec toute la force
de sa voix :
"Zachée ! Viens vers Moi. Laissez-le passer car je veux entrer dans sa
maison."
Force est bien d'obéir. La foule se serre pour faire place et Zachée
s'avance, rouge de fatigue, rouge de joie, et il essaie de remettre en ordre
ses cheveux décoiffés, son vêtement déboutonné, sa ceinture qui avec ses
nœuds est sur les reins au lieu d'être par devant. Il cherche son manteau,
qui sait où il est !... Peu importe. Il est maintenant devant Jésus, à demi
courbé pour Lui rendre hommage. Il ne peut faire davantage car il a à peine
l'espace pour se courber un peu.
"Paix à toi, Zachée. Viens donc, que je te donne le baiser de paix. Tu
l'as bien mérité" dit Jésus en souriant d'un sourire vraiment joyeux,
juvénile qui, en fait, le fait paraître rajeuni.
"Oh ! oui. Seigneur. Je l'ai bien mérité. Comme il est difficile de te
rejoindre, Seigneur" dit Zachée en se dressant le plus qu'il peut pour
se mettre au niveau de Jésus qui se penche pour l'embrasser.
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195> En le faisant, il fait voir un
visage qui saigne à cause d'une écorchure sur la joue droite et qui a un œil
bleu pour un coup de coude qu'il a reçu dans l'orbite.
Jésus l'embrasse et puis lui dit :
"Mais ce n'est pas pour cette fatigue que je te récompense. Mais pour
les autres, secrètes pour tant de gens, mais que Moi je connais. Oui, c'est
vrai. Me rejoindre est difficile et ce n'est pas la foule l'unique obstacle,
ce n'est même pas l'obstacle le plus difficile que l'on rencontre pour me
rejoindre.
Mais, Ô peuple qui m'as pour ainsi dire porté en triomphe, l'obstacle le plus
difficile, le plus formé, qui se reforme toujours après que l'on a essayé de
le rompre ou de le surmonter, c'est le moi personnel.
522.5 - Je semblais ne rien voir, mais j'ai
tout vu. Et j'ai tout apprécié. Et qu'ai-je vu ? J'ai vu un pécheur converti,
quelqu'un qui avait le cœur dur, qui aimait ses aises, qui était orgueilleux,
vaniteux, luxurieux et avare. Et je l'ai vu se dépouiller de son ancien moi
même dans les choses peu importantes, et changer ses manières d'agir et ses
affections comme en celles-ci, pour accourir vers son Sauveur, lutter pour le
rejoindre, et supplier humblement, et recevoir
patiemment des quolibets et des reproches, et souffrir en son corps à cause
des heurts de la foule et dans son cœur pour se voir repoussé en arrière de
tout le monde, sans même pouvoir recueillir un de mes regards. Et j'ai
vu d'autres choses en lui, des choses que vous aussi connaissez, mais dont
vous ne voulez pas tenir compte bien que par elles vous avez été soulagés.
Vous direz : "Et comment le connais-tu,
Toi qui n'habites pas parmi nous ?" Je vous réponds : de même que je lis
dans le cœur des hommes, ainsi je n'ignore pas les actions des hommes et je
sais être juste et récompenser
en proportion du chemin fait pour me rejoindre, des efforts faits pour raser
la forêt sauvage qui couvrait l'esprit, le rendre bon, en débarrasser tout ce
qui n'était pas l'arbre de vie, de le planter en roi dans le moi, en
l'entourant des plantes des vertus pour qu'il soit honoré, en veillant pour
qu'aucun animal immonde, parce que rampant, parce qu'avide de corruption, ou
lascif, ou oisif — les différentes passions mauvaises — ne se niche dans le
feuillage, mais que seul l'habite, cet esprit qui est le vôtre, ce qui est
bon et susceptible de louer le Seigneur, c'est-à-dire les affections
surnaturelles : autant d'oiseaux chanteurs et de doux agneaux disposés à être
immolés, disposés à la louange parfaite pour l'amour de Dieu.
522.6 - Et de même que je n'ai pas ignoré
les œuvres de Zachée, ses pensées, ses fatigues, ainsi je n'ai pas ignoré que
chez plusieurs de cette ville, qui m'ont acclamé, il y a un amour plutôt
sensible que spirituel.
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196> Si vous m'aimiez selon la justice,
vous auriez eu pitié de votre concitoyen, vous ne l'auriez pas mortifié en
lui rappelant le passé. Ce passé que lui a annulé, et dont Dieu
ne se souvient pas
parce qu'il ne revient pas sur le pardon qu'il a accordé à moins que la
créature ne pèche de nouveau. Et Il y revient pour le juger pour le nouveau
péché, non plus pour celui qui a été pardonné.
Or je vous dis, et je vous le donne comme votre compagnon dans les
méditations de la nuit, que ce n'est pas dans les acclamations que consiste
un véritable amour pour Moi, mais dans l'accomplissement de ce que je fais et
enseigne dans la pratique de l'amour réciproque, de l'humilité et de la
miséricorde, en vous souvenant que pour la partie matérielle vous avez été
formé d'une même boue et que la boue a toujours de l'attrait pour le
marécage, et que par conséquent, si jusqu'à présent la force qui est en vous
et qui vous a tenu soulevé au-dessus du marécage : l'esprit, n'a jamais connu
de défaites — et c'est une chose impossible car l'homme est pécheur et Dieu
seul est sans péché — demain votre esprit pourrait en connaître, et de plus nombreuses et plus graves que celles du vieux pécheur
désormais né de nouveau à la Grâce, redevenu par elle un être jeune et
nouveau comme un jeune enfant, ayant pour lui l'humilité qui lui vient du
souvenir d'avoir été pécheur, et la volonté décidée de faire dans le reste de
sa vie autant de bien qu'il suffirait pour remplir une vie longue et toute
consacrée au bien, au point de réparer, et dans une mesure pleine et
débordante, tout le mal qu'il peut avoir fait.
Demain je vous parlerai. Pour ce soir, j'ai terminé. Allez avec mon
avertissement et bénissez Dieu qui vous envoie le Médecin pour exciser votre
sensualité cachée sous un voile de santé spirituelle, comme des maladies
cachées qui rongent la vie sous le voile d'une apparente santé...
522.7 - Viens, Zachée."
"Oui, mon Seigneur. Je n'ai plus qu'un vieux serviteur et j'ouvre
moi-même la porte et avec elle mon cœur ému, oh ! combien ! pour ton infinie
bonté."
Et après avoir ouvert la grille, il fait entrer Jésus et les apôtres, et il
le conduit vers la maison à travers le jardin devenu un potager... La maison
aussi est dépouillée de tout superflu. Zachée allume une lampe et appelle le
serviteur.
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197> "Voilà. Le Maître est ici. Il
dort ici avec les siens et soupe ici. As-tu préparé comme j'ai dit ?"
"Oui, sauf les légumes que je vais jeter maintenant dans l'eau
bouillante, tout est prêt."
"Alors, change de vêtement, et va dire à ceux que tu sais que Lui est
ici, et qu'ils viennent."
"J'y vais, maître. Sois béni Toi, Maître, qui me fais mourir content
!" Il s'en va.
"C'est le serviteur de mon père qui est resté avec moi. Les autres, je
les ai congédiés. Mais lui m'est cher. C'était la voix qui ne se taisait
jamais quand je péchais, et je le maltraitais à cause de cela. Maintenant,
après Toi, c'est celui que j'aime plus que tout autre... Venez, amis. Il y a
ici du feu et ce qui peut refaire des membres fatigués et glacés. Toi,
Maître, dans ma propre pièce..."
Et il le conduit vers une chambre au fond d'un couloir.
522.8 - Il entre, ferme la porte, mélange de
l'eau chaude dans un broc, déchausse Jésus, le sert. Avant de Lui remettre les
sandales, il baise le pied nu et se le met sur le cou en disant :
"Ainsi ! Pour que tu écrases les restes du vieux Zachée !"
Il se lève, regarde Jésus avec un sourire qui lui tremble sur les lèvres, un
sourire humble, quelque peu mouillé de larmes. Il a un geste pour indiquer
tout l'environnement. Il dit :
"J'ai tant péché, ici ! Mais j'ai tout changé, pour que ce qui avait
cette saveur ne me fût plus présent... Les souvenirs... Je suis faible...
J'ai laissé seulement vivre le souvenir de ma conversion dans ces murs
dépouillés, dans ce lit dur... Le reste... J'en ai fait de l'argent parce
qu'il ne m'en restait plus et que je voulais faire du bien. Assieds-toi,
Maître..."
Jésus s'assoit sur un siège de bois, et Zachée se met par terre, à ses pieds,
moitié assis, moitié agenouillé. Il recommence à parler.
"Je ne sais si j'ai bien fait,
si tu peux approuver mon travail. Peut-être ai-je commencé par où je devais
finir, mais eux aussi y sont. Et seul un vieux publicain peut n'avoir
pas de dégoût pour eux en Israël. Non, j'ai mal dit. Non seulement un
vieux publicain, mais Toi aussi, ou plutôt c'est Toi qui m'as enseigné à les
aimer vraiment.
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198> Auparavant ils étaient mes
complices dans le vice, mais je ne les aimais pas. Maintenant je les réprime,
mais je les aime. Toi et moi. Le tout Saint, le pécheur converti. Toi, parce
que tu n'as jamais péché et que tu veux nous donner la joie, qui est tienne,
de l'Homme sans faute. Et moi, car j'ai tant péché et je sais comme elle est
douce la paix qui vient du fait d'être pardonné, racheté, renouvelé... Je
l'ai voulue pour eux. Je les ai cherchés. Oh ! cela a été dur au commencement
! Je voulais les rendre bons et il y avait moi que je devais rendre bon...
Quelle peine ! Me surveiller car je me rendais compte qu'ils me
surveillaient. Il aurait suffi d'un rien pour les éloigner... Et puis...
Plusieurs péchaient par besoin, par nécessité de métier. J'ai tout vendu afin
d'avoir de l'argent pour les entretenir jusqu'à ce qu'ils trouvent d'autres
métiers moins avantageux, plus fatigants, mais honnêtes. Et il y a toujours
quelqu'un d'eux qui vient, un peu par curiosité, un peu par désir d'être un
homme et pas seulement un animal. Et je dois les recevoir, eux, tant qu'ils
ne se sont pas faits au nouveau joug. Plusieurs se sont circoncis : un
premier pas vers le vrai Dieu. Mais je ne l'impose pas. J'ai de larges bras
pour embrasser les misères, moi qui ne peux en éprouver du dégoût. Je
voudrais, moi aussi, leur donner ce que tu voudrais donner à tous : la joie
de n'avoir plus de remords puisque nous ne pouvons pas être sans faute comme
Toi. Maintenant dis-moi, ô mon Seigneur, si j'ai trop osé."
"Tu as bien travaillé, Zachée. Tu leur donnes plus que tu n'espères et
plus que tu ne penses que je veuille donner aux hommes. Non seulement la joie
d'être pardonnés, sans remords, mais celle d'être bientôt des habitants de
mon Royaume céleste. Je n'ignorais pas les œuvres que tu faisais. Je te
suivais dans ton avancée sur le chemin ardu mais glorieux de
la charité, car c'est de la charité, et de la plus pure. Tu as compris
la parole du Royaume. Peu l'ont comprise parce que survit en eux la
conception antique et la conviction d'être déjà saints et savants. Toi, une
fois enlevé de ton cœur le passé, tu es resté vide, et tu as pu, tu as voulu
plutôt, mettre en ton intérieur les paroles nouvelles, l'avenir,
l'éternel. Continue ainsi, Zachée, et tu seras l'exacteur
de ton Seigneur Jésus" dit Jésus pour finir en souriant et en mettant sa
main sur la tête de Zachée.
"Tu m'approuves, Seigneur ? En tout ?"
522.9 - "En tout, Zachée. Je l'ai dit
aussi à Nikê
qui me parlait de toi. Nikê te comprend. Elle est ouverte à la pitié
universelle."
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199/200> "Nikê m'aidait
beaucoup. Mais maintenant, je ne la vois qu'à chaque nouvelle lune...
J'aurais voulu la suivre, mais Jéricho est favorable à mon nouveau
travail..."
"Elle ne restera pas longtemps à Jérusalem... Tu te déplacerais pour
rien. Ensuite Nikê reviendra ici..."
"Après quand, Seigneur ?"
"Après la proclamation de mon Royaume."
"Ton Royaume... J'ai peur de ce
moment. Ceux qui maintenant se disent tes fidèles, sauront-ils l'être alors ?
Car certainement il y aura des soulèvements et des luttes entre ceux qui
t'aiment et ceux qui te haïssent... Tu le sais, Seigneur, que tes ennemis
soudoient jusqu'à des voleurs, la lie du peuple, pour avoir des partisans
prêts à faire nombre pour s'imposer aux autres ? Je l'ai su par un de mes
pauvres frères... Oh ! entre celui qui vole légalement, entre celui qui vole
l'honneur et qui dépouille un voyageur, y a-t-il peut-être beaucoup de
différence ? J'ai volé moi aussi légalement, jusqu'à ce que tu me sauves,
mais je n'aurais pas, même alors, secondé ceux qui te haïssent... Lui est un
jeune, un voleur, oui un voleur. Un soir que j'étais allé vers l'Adomin pour
attendre trois de mes semblables qui venaient d'Ephraïm avec des bestiaux
achetés à meilleur marché, je l'ai trouvé aux aguets dans une gorge. Je lui
ai parlé... Je n'ai jamais eu de famille, et pourtant je croîs que si j'avais
eu des fils, je leur aurais parlé ainsi, pour les persuader de changer de
vie. Il m'a expliqué comment et pourquoi il était devenu voleur... Oh ! que
de fois les vrais coupables sont des gens qui semblent ne faire rien de mal
!,.. Je lui ai dit : "Ne vole plus. Si tu as faim, il y a encore un pain
pour toi. Je te trouverai un travail honnête. Puisque tu n'es pas devenu
homicide, arrête-toi, sauve-toi". Et je l'ai persuadé. Il m'a dit qu'il
était resté seul parce que les autres avaient été achetés pour une grosse
somme d'argent par ceux qui te haïssent, et
maintenant ils sont prêts à fomenter des soulèvements et à se dire tiens pour
scandaliser le peuple, cachés dans les grottes du Cédron, dans les tombeaux,
vers le Phasel,
dans les cavernes au nord de la ville, au milieu des tombeaux des Rois et des
Juges, partout... Que veulent-ils faire, Ô Seigneur ?"
"Josué a pu arrêter le soleil
mais eux, avec tous leurs moyens, ne pourront arrêter la volonté de
Dieu."
"Ils ont l'argent, Seigneur ! Le Temple est riche, et n'est pas corban
pour eux l'or offert au Temple, s'il leur sert pour triompher."
"Ils n'ont rien. C'est Moi qui ai la force. Leur édifice tombera comme
les feuilles séchées par les vents d'automne dont un enfant aurait fait un
château. Ne crains pas, Zachée, ton Jésus sera Jésus."
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