| Le mercredi 11 décembre 1946. 357>  538.1 – Jésus est derrière le Temple,
  près de la Porte des Troupeaux, hors de la ville.
  Il a autour de Lui les apôtres et les disciples bergers, sauf Lévi,
  effrayés et même furieux. Je ne vois aucun autre des disciples qui étaient
  auparavant au Temple avec Lui. 
 Ils discutent entre eux. Je pourrais dire qu'ils discutent entre eux et avec
  Jésus, et avec Judas
  de Kérioth en particulier. Ils reprochent à ce
  dernier les colères des juifs et le font avec une ironie quelque peu
  mordante. Judas les laisse parler et répète :
 
 "J'ai parlé avec des pharisiens, des scribes et des prêtres, et il n'y
  avait aucun d'eux parmi les gens."
 
 Ils reprochent à Jésus de ne pas avoir arrêté la discussion après l'avoir
  fait tomber une première fois. Et Jésus répond :
 
 "Je devais compléter ma manifestation."
 
 Et encore, ils sont en désaccord sur l'endroit où aller, maintenant que le
  sabbat est proche et que ce sont des jours de fête. Simon Pierre propose Joseph
  d'Arimathie, étant donné qu'il n'y a pas lieu
  d'aller à Béthanie causer du dérangement, surtout depuis que Jésus a déclaré
  qu'il ne faut plus aller à Béthanie.
 
 Thomas
  répond :
 
 "Joseph n'est pas chez lui, ni non plus Nicodème.
  Ils sont partis à cause de la fête. Je les ai salués hier quand nous
  attendions Judas et ils me l'ont dit."
 
 "Chez Nikê,
  alors" propose Matthieu.
 
 "Elle est à Jéricho
  pour la fête" répond Philippe.
 
 "Chez Joseph
  de Sephoris" dit Jacques
  d'Alphée.
 
 "Hum ! Joseph... dit Pierre. Nous ne lui ferons pas un cadeau ! Il a eu
  des ennuis et... mais oui, je le dis ! Il vénère le Maître, mais il veut être
  tranquille. Il ressemble à une barque prise entre deux courants opposés... et
  pour être toujours à flot... il tient compte de tout le lest, même du petit Martial...
  au point que cela lui semble trop beau de l'avoir passé à Joseph
  d'Arimathie."
 
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 358> "Ah ! c'est pour cela qu'il
  était avec lui hier ? !" s'exclame André.
 
 "Bien sûr ! Il vaut mieux donc le laisser apaiser dans un petit port
  bien tranquille... Hé ! on n'est pas très courageux ! Et le Sanhédrin fait peur à tout le
  monde !" dit encore Pierre.
 
 "Parle pour toi, je t'en prie. Moi, je n'ai peur de personne" dit
  l'Iscariote.
 
 "Moi non plus. Pour défendre le Maître je défierais toutes les légions.
  Mais nous, c'est nous... Les autres... Hé ! Ils ont leurs affaires, leurs
  maisons, leurs épouses, leurs filles... Ils y pensent."
 
 "Nous aussi, nous les avons." observe Barthélemy.
 
 "Mais nous sommes les apôtres et..."
 
 "Et vous êtes pareils aux autres. Ne critiquez personne car l'épreuve
  n'est pas encore venue" dit Jésus.
 
 "Elle n'est pas venue ? Et que veux-tu de plus que celles que nous avons
  déjà passées ? Et pourtant tu as vu aujourd'hui comme je t'ai défendu ! Tous
  nous t'avons défendu. Mais moi, plus que tous ! J'ai fait de la place avec
  certaines poussées qui auraient chaviré une barque !...
 
  538.2 – Une idée ! Allons à Nobé. Le vieillard sera heureux !" 
 "Oui. Oui. À Nobé."
 
 Tous sont d'accord. Mais Jésus intervient :
 
 "Jean n'y est pas. Vous feriez la route
  pour rien. Vous pouvez aller à Nobé, mais pas chez Jean."
 
 "Vous pouvez ! Et toi, tu ne peux pas ?"
 
 "Je ne veux pas, Simon
  de Jonas. J'ai déjà où aller pour ces soirs
  des Encénies.
  Mais, Moi absent, vous pouvez être tranquilles n'importe où. C'est pour cela
  que je vous dis : allez où vous voulez. Je vous bénis. Je vous rappelle de
  rester unis de corps et d'esprit, soumis à Pierre votre chef, mais pas comme
  à un maître, plutôt comme à un frère aîné. Dès que Lévi sera de retour avec mon sac nous
  nous séparerons."
 
 "Cela non, mon Seigneur ! Te laisser aller seul, jamais de la vie
  !" s'exclame Pierre.
 
 "Toujours, si je le veux, Simon de Jonas. Mais ne crains pas. Je ne
  resterai pas en ville. Personne, à moins d'être ange ou démon, ne découvrira
  mon abri."
 
 "C'est bien. Comme il y a trop de démons qui te haïssent. Moi, je te dis
  que tu n'iras pas seul !"
 
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 359> "Il y a aussi des anges,
  Simon. Et Moi, j'irai."
 
 "Mais où ? Mais dans quelle maison puisque tu as refusé les meilleures
  ou volontairement ou par suite des circonstances ?! Tu n'iras certainement
  pas, en cette saison, dans une grotte sur les monts ?"
 
 "Et s'il en était ainsi ? Ce serait toujours moins glacial que les cœurs
  des hommes qui ne m'aiment pas" dit Jésus comme s'il se parlait à
  Lui-même, en baissant la tête pour cacher une larme qui brille dans ses yeux.
 
 
  538.3 – "Voici Lévi. Il vient en
  courant" dit André qui regarde du bord de la route. 
 "Alors donnons-nous la paix et séparons-nous. Si vous voulez aller à
  Nobé, vous avez juste le temps avant le coucher du soleil."
 
 Lévi arrive tout essoufflé :
 
 "Ils te cherchent partout, Maître... Me l'ont dit ceux qui t'aiment...
  Ils ont été dans de nombreuses maisons surtout de pauvres gens..."
 
 "T'ont-ils vu ?" demande Jacques de
  Zébédée.
 
 "Bien sûr. Ils m'ont même arrêté. Mais moi, qui le savais déjà, j'ai dit
  : "Je vais à Gabaon"
  et je suis sorti par la Porte de Damas et j'ai couru derrière les murs... Je
  n'ai pas menti, Seigneur, car eux et moi, nous allons à Gabaon après le
  sabbat. Cette nuit, nous resterons dans les campagnes de la cité de David… Ce
  sont des jours de souvenir pour nous..."
 
 Et il regarde Jésus avec un sourire angélique sur son visage viril et barbu,
  un souvenir qui réveille dans ses traits l'enfant de la nuit lointaine.
 
 
  "C'est bien. Allez, vous aussi et vous
  de même, j'irai Moi aussi. Chacun par son chemin. Vous me précéderez dans le
  village de Salomon
  où je serai dans quelques jours. Et avant de vous quitter, je vous répète les
  paroles que je vous ai dites avant de vous envoyer deux par deux à travers
  les villes
  : 'Allez, prêchez, annoncez que le Royaume de Dieu est très proche.
  Guérissez les malades, purifiez les lépreux, ressuscitez les morts de
  l'esprit et de la chair en leur imposant en mon Nom la résurrection de
  l'esprit, la recherche de Moi qui est la Vie, ou la résurrection de la mort. 
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 360> Et ne vous enorgueillissez pas de
  ce que vous faites. Évitez les disputes entre vous et avec ceux qui ne nous aiment
  pas. N'exigez rien pour ce que vous faites. Allez plutôt parmi les brebis
  perdues de la maison d'Israël que parmi les gentils et les samaritains, et
  cela non par aversion mais parce que vous n'êtes pas encore à même de pouvoir
  les convertir. Donnez ce que vous avez sans vous préoccuper du lendemain.
  Faites tout ce que vous m'avez vu faire, et dans un esprit semblable au mien.
  Voilà, je vous donne le pouvoir de faire ce que je fais, et que je veux que
  vous fassiez pour que Dieu soit glorifié."
 
 Il souffle sur eux, les embrasse un par un et les congédie.
 
 
  538.4 – Tous s'éloignent à regret, en
  se retournant plusieurs fois. Lui les salue de la
  main jusqu'à ce qu'il les voie tous partis, puis il descend dans le lit du
  Cédron, parmi les buissons. Il s'assoit sur un rocher de la rive près de
  l'eau qui bouillonne. Il boit de cette eau claire et certainement glaciale.
  Il se lave le visage, les mains, les pieds, puis il reprend ses vêtements et
  revient s'asseoir. Il réfléchit... Et il ne s'aperçoit pas de ce qui arrive
  autour. En effet l'apôtre Jean, qui s'était déjà éloigné avec ses
  compagnons, revient seul et l'imite en se cachant dans un buisson épais... 
 Jésus reste là quelque temps, puis il se lève, met son sac
  en bandoulière et en suivant le Cédron, parmi les buissons, il arrive au
  puits de En Rogel et puis il tourne vers le sud-ouest pour prendre la route
  de Bethléem. Jean, à une centaine de mètres en arrière, le suit tout emmitouflé dans son manteau, pour n'être pas reconnu.
 
 Ils marchent sans arrêt le long des chemins dépouillés par l'hiver. Jésus, de
  son long pas, dévore la route. Jean le suit non sans peine parce qu'il doit
  être prudent pour n'être pas découvert. Par deux fois Jésus s'arrête et se
  retourne. La première fois en passant près de la petite colline où Judas alla
  pour parler avec Caïphe et compagnie,
  la seconde fois près d'un puits où il s'assoit et grignote un peu de pain en
  buvant ensuite à l'amphore d'un homme. Puis il reprend sa marche, alors que
  le soleil descend, descend, descend... et qu'arrive le crépuscule. Il arrive
  au tombeau de
  Rachel quand la dernière rougeur du couchant s'éteint en une traînée
  de violet. Le ciel, vers l'occident, semble une tonnelle de glycines en
  fleurs alors qu'à l'orient il a déjà le pur cobalt d'un froid firmament
  hivernal d'orient et déjà les premières lueurs des étoiles apparaissent aux
  plus lointaines limites du ciel.
 
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 361> Jésus se hâte pour être en place
  avant que la nuit soit complète. Mais, arrivé à un point élevé d'où l'on voit
  toute la petite ville de Bethléem, il s'arrête, regarde, soupire... Puis il
  descend rapidement. Il n'entre pas dans la ville, il en contourne les
  dernières maisons et il va tout droit aux ruines de la maison ou tour de
  David, à l'endroit où il est né. Il passe le ruisseau qui coule près de la
  grotte. Il met le pied sur le petit espace couvert de feuilles sèches... Il
  jette un coup d'œil à l'intérieur. Il n'y a personne. Il entre...
 
 Jean reste plus en deçà, prudemment, pour n'être ni entendu ni vu. Il
  fouille, il regarde. Plutôt à tâtons qu'avec la vue, il trouve une autre des
  étables en ruines. Il y entre à son tour et fait de la lumière dans un coin.
  Il y a un peu de paille, une litière sale, quelques branches, du foin dans la
  mangeoire.
 
 
  538.5 – Jean est content. Il se parle
  à lui-même : 
 "Au moins... j'entendrai... et... Ou nous mourons
  ensemble, ou je le sauve." Puis il soupire et il dit : "Et il est
  né ainsi. Et il vient ici pour pleurer sa douleur... Et... Ah ! Dieu éternel
  ! Sauve ton Christ ! Mon cœur tremble, ô Dieu Très-Haut, car Lui s'isole
  toujours avant de grandes œuvres... Et quelle grande œuvre peut-il faire,
  sinon se manifester comme le Roi Messie ? Oh ! toutes ses paroles sont en mon
  intérieur... Je suis un sot enfant et je comprends peu. Tous nous comprenons
  peu, ô notre éternel Père ! Mais moi, j'ai peur. J'ai peur ! Car Lui parle de
  mort, et de mort pénible et de trahison et de choses horribles... J'ai peur !
  J'ai peur, mon Dieu ! Fortifie mon cœur, Seigneur éternel. Fortifie mon cœur
  de pauvre enfant comme certainement tu fortifies celui de ton Fils pour les
  événements à venir... Oh ! moi je le sens ! Il est venu ici pour cela, pour
  t'entendre plus que jamais, et se fortifier dans ton amour. Moi, je l'imite,
  Ô Père très Saint ! Aime-moi et fais que moi je
  t'aime pour avoir la force de tout souffrir sans lâcheté pour réconforter ton
  Fils."
 
 Jean prie
  longuement, debout, les bras levés, à la
  lumière tremblante des deux branches qu'il a allumées sur le foyer primitif. Il
  prie jusqu'à ce qu'il voie que le feu va s'éteindre. Puis il monte dans la
  large mangeoire et s'accroupit dans le foin.
 
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 362> Ce n'est plus qu'une ombre dans
  l'ombre, enveloppé comme il l'est dans son manteau foncé, et la caverne
  enveloppée comme elle l'est dans les ténèbres. Jusqu'au moment où un premier
  rayon de la lune pénètre par l'ouverture tournée vers l'orient, pour dire que
  c'est la nuit profonde. Mais Jean, fatigué, s'est endormi. Sa respiration et
  le léger bruissement du ruisseau sont les seuls bruits en cette nuit de
  décembre.
 
 En haut le ciel, sur lequel flottent des nuages légers comme des voiles que
  la lune heurte, semble parcouru tout entier par des troupes angéliques...
  Mais il n'y a pas de chants angéliques pourtant. Par intervalles, dans les
  ruines, se répondent les "hou ! hou ! hou !" lamentables des
  oiseaux de nuit, et parfois ils se terminent par cet espèce
  de rire de sorcière particulier aux chouettes et, de loin, arrive une plainte
  qui ressemble à un ululement. Un chien enfermé dans un bercail et qui jappe à
  la lune, ou bien un
  loup auquel le vent apporte l'odeur d'une proie et qui se bat
  les flancs avec sa queue et ulule de désir sans oser approcher des étables
  bien gardées ? Je ne sais.
 
 
  538.6 – Puis voici des voix et des
  bruits de pas et une lumière rougeâtre qui tremble dans les ruines. Et voilà,
  l'un derrière l'autre, les disciples bergers Matthias, Jean,
  Lévi, Joseph,
  Daniel,
  Benjamin, Élie,
  Siméon.
  Matthias tient élevée une branche allumée pour éclairer la route. Mais celui
  qui court en avant, c'est Lévi et, le premier, il passe la tête à l'intérieur
  de la grotte de Jésus. Tout de suite il se retourne et fait signe de
  s'arrêter et de se taire et il regarde encore... et puis, en déplaçant sa
  main droite en arrière, il fait signe aux autres de venir et il s'écarte, en
  gardant un doigt sur les lèvres pour dire de garder le silence, pour laisser
  la place aux autres qui, l'un après l'autre, regardent et se retirent tout
  émus comme Lévi. 
 "Que faisons-nous ?" dit Élie dans un murmure.
 
 "Nous restons ici à le contempler" dit Joseph.
 
 "Non. Il n'est permis à personne de violer les secrets spirituels des
  âmes. Retirons-nous" dit Matthias.
 
 "Tu as raison. Entrons dans l'étable à côté, nous serons encore ici et
  près de Lui" dit Lévi.
 
 "Allons-y" disent-ils. Mais avant de s'éloigner, ils regardent
  encore une fois, à la dérobée, à l'intérieur de la grotte de la Nativité et
  puis ils se retirent, émus, en cherchant à ne pas faire de bruit.
 
 Mais quand ils sont sur le seuil de l'étable voisine, ils entendent le
  ronflement de Jean.
 
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 363> "Il y a quelqu'un" dit
  Matthias en s'arrêtant.
 
 "Qu'est-ce que cela fait ? Entrons, nous aussi. Comme s'est réfugié ici
  quelque mendiant, car c'est certainement un mendiant, de même nous pouvons
  nous y réfugier" réplique Benjamin.
 
 Ils entrent en tenant haut la branche allumée. Jean tout pelotonné sur son
  lit improvisé et incommode, le visage caché par ses cheveux et son manteau,
  continue de dormir. Ils s'approchent doucement dans l'intention de s'asseoir
  sur la paille étendue près de la crèche, mais en le faisant Daniel jette un
  coup d'œil plus attentif sur le dormeur, et il le reconnaît. Il dit :
 
 "C'est l'apôtre du Seigneur, Jean de Zébédée. Ils se sont réfugiés ici
  pour prier... et le sommeil a vaincu l'apôtre... Retirons-nous. Il pourrait
  se trouver humilié de se savoir découvert endormi au lieu que livré à la
  prière..."
 
 
  538.7 – Ils reviennent dehors et à
  regret ils entrent dans le refuge qui suit celui-là. Et même Siméon s'en
  plaint : 
 "Pourquoi ne pas rester sur le seuil de sa grotte, et le regarder de
  temps en temps ? Nous sommes restés pendant tant d'années sous la rosée et la
  lumière des étoiles pour veiller les agneaux, et pour l'Agneau de Dieu, nous
  ne le ferions pas ? Nous en avons bien le droit, nous qui l'avons adoré
  pendant son premier sommeil !"
 
 "Tu as raison comme homme et comme adorateur de
  l'Homme-Dieu. Mais qu'as-tu vu, en regardant ici à l'intérieur ? L'Homme,
  peut-être ? Non. Nous, sans le vouloir, nous avons franchi le seuil
  infranchissable après avoir écarté le triple voile étendu pour protéger le
  mystère, et nous avons vu ce que le Grand Prêtre lui-même ne voit pas en
  entrant dans le Saint des Saints. Nous avons vu les amours ineffables de Dieu
  avec Dieu. Il ne nous est pas permis de les épier encore. La puissance de
  Dieu pourrait punir nos pupilles audacieuses qui ont vu l'extase du
  Fils de Dieu. Oh ! soyons contents de ce que nous avons eu ! Nous voulions
  venir ici pour passer la nuit en prière avant de nous éloigner pour notre
  mission. Prier et nous rappeler la nuit lointaine... Nous avons au contraire
  contemplé l'amour de Dieu ! Oh ! Il nous a vraiment beaucoup aimé l'Éternel
  en nous donnant la joie de la contemplation du Tout-Petit et celle de
  souffrir pour Lui, et celle de l'annoncer au monde comme disciples de
  l'Enfant-Dieu et de l'Homme-Dieu ! Maintenant Il nous a accordé aussi ce
  mystère... Bénissons le Très-Haut et ne désirons pas davantage !" dit
  Matthias.
 
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 364> J'ai l'impression qu'il a le plus
  d'autorité parmi les bergers pour sa sagesse et sa justice.
 
 "Tu as raison. Dieu nous a beaucoup aimés. Nous ne devons pas exiger
  davantage.
 
 
  538.8 – Samuel,
  Joseph, et Jonathan n'ont eu que la
  joie d'adorer le Tout-Petit et de souffrir pour Lui.
  Jonas
  est mort sans pouvoir le suivre. Isaac
  lui-même n'est pas ici pour voir ce que nous avons vu. Et s'il y a quelqu'un
  qui le mérite, c'est Isaac qui s'est consumé pour l'annoncer" dit Jean. 
 "C'est vrai ! C'est vrai ! Comme Isaac aurait été heureux de voir cela !
  Mais nous le lui dirons" dit Daniel.
 
 "Oui. Mettons tout dans notre cœur pour le lui dire" dit Élie.
 
 "Et aux autres disciples et fidèles !" s'écrie Benjamin.
 
 "Non, pas aux autres. Et pas par égoïsme, mais par prudence et par
  respect pour le mystère. Si Dieu le veut, l'heure viendra où nous pourrons le
  dire. Pour l'instant nous devons savoir nous taire, dit encore Matthias et,
  s'adressant à Siméon : Tu as été comme moi disciple
  de Jean. Rappelle-toi comme il nous instruisait en matière de
  prudence sur les choses saintes :
  "Si un jour Dieu, comme déjà Il vous a
  comblés de bienfaits, vous comble encore de dons extraordinaires, que cela ne
  vous rende pas des bavards ivres. Rappelez-vous que Dieu se manifeste aux
  esprits, qui sont enfermés dans la chair car ce sont des gemmes célestes qui
  ne doivent pas être exposées aux souillures du monde. Soyez saints dans vos
  membres et vos sens
  pour savoir freiner toute poussée charnelle. En vos yeux comme en vos oreilles,
  en votre langue comme en vos mains. Et saints dans votre pensée pour savoir
  freiner l'orgueil de faire savoir ce que vous avez. Car les sens et les
  organes et l'intelligence doivent servir et non pas régner. Servir l'esprit,
  ne pas régner sur l'esprit. Ils doivent protéger l'esprit, non pas le
  troubler. Par conséquent sur les mystères de Dieu en vous, sauf un ordre
  explicite, mettez le sceau de votre prudence, comme l'esprit a celui de son emprisonnement temporaire dans la chair. 
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 365> Ce seraient des choses tout à fait
  inutiles, mauvaises et dangereuses que la chair et l'intelligence, si elles
  ne servaient pas à donner du mérite par l'affliction que nous leur donnons
  pour répondre aux excitations qu'ils nous donnent, et si elles ne servaient
  pas à servir de temple pour l'autel sur lequel plane la gloire de Dieu :
  notre esprit". Vous vous le rappelez ? Toi, Jean et toi, Siméon ?
  J'espère que oui, car si vous ne vous rappeliez pas les paroles de notre
  premier maître, vraiment il serait mort pour vous. Un maître vit tant que sa doctrine vit dans ses
  disciples. Et si ensuite il est remplacé par un maître plus grand, et pour
  les disciples de Jésus, par le Maître des maîtres, il n'est jamais permis
  d'oublier les paroles du premier, qui nous ont préparés à comprendre et à
  aimer avec sagesse l'Agneau de Dieu."
 
 "C'est vrai. Tu parles avec sagesse. Nous t'obéirons."
 
 
  538.9 – "Mais comme il est
  pénible, fatigant, résister alors que l'on est ainsi tout près de Lui, de ne
  pas le regarder encore une fois ! Sera-t-il encore comme il était ?"
  demande Siméon. 
 "Qui sait ! Comme son visage resplendissait !"
 
 "Plus que la lune par une nuit sereine !"
 
 "II y avait sur sa bouche un sourire divin..."
 
 "Et de ses pupilles sortait une larme divine..."
 
 "Il ne disait pas de paroles mais, en Lui, tout était prière."
 
 "Qu'aura-t-il donc vu ?"
 
 "L'Éternel son Père. En doutes-tu ? Il n'y a que cette vue pour donner
  cet aspect. Et, que dis-je ? Plutôt que de le voir, Il était avec Lui, en Lui
  ! Le Verbe avec la Pensée ! Et ils s'aimaient !... Ah … !" dit Lévi
  qui parait en extase
  lui aussi.
 
 "C'est bien pour cela que je disais qu'il ne nous est pas permis de
  rester ici. Considérez qu'il n'a pas même voulu son apôtre avec Lui..."
 
 "C'est vrai ! Maître saint ! Il en a besoin, plus qu'une terre desséchée
  n'a besoin d'eau, d'être inondé par l'amour de Dieu ! Si grande est la haine
  autour de Lui … !"
 
 "Mais aussi si grand est l'amour. Moi je voudrais... Oui, je le fais !
  Le Très-Haut est ici présent. Je m'offre et je dis :
  "Seigneur, Dieu Très-Haut, Dieu et Père
  de ton peuple, qui acceptes et consacres les cœurs et les autels et immoles
  les victimes qui te sont agréables, que ta volonté descende comme un feu et
  me consume comme
  victime avec le Christ, comme le Christ et par le Christ, ton
  Fils et ton Messie, mon Dieu et Maître. C'est à Toi que je me recommande.
  Exauce ma prière". 
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 366> Et Matthias, qui a prié debout, les
  bras levés, revient s'asseoir sur le tas de branchages qui leur sert de
  siège.
 
 
  538.10 – La lune cesse d'éclairer la
  caverne, car elle tourne vers l'occident. Son éclat se répand encore sur la
  campagne, mais elle n'est plus ici à l'intérieur, et ainsi les visages et les
  choses disparaissent dans une seule ombre. Les paroles aussi se font plus
  rares et les voix plus amorties. Jusqu'au moment où la somnolence triomphe de
  la bonne volonté et il n'y a plus que des paroles détachées, parfois sans
  réponses... Le froid, qui se fait piquant vers l'aube, est un stimulant
  contre le sommeil, et ils se relèvent, allument des branches, réchauffent
  leurs membres engourdis... 
 "Comment va-t-il faire, Lui, qui certainement ne pense pas au feu
  ?" dit Lévi qui claque presque des dents.
 
 "Et aura-t-il au moins de la nourriture ?" demande Élie qui ajoute
  : "Maintenant nous n'avons plus que notre amour et un peu de vivres
  misérables... et c'est le sabbat, aujourd'hui..."
 
 "Sais-tu ? Nous mettons toute notre nourriture sur le seuil de la grotte
  et puis nous partons. Nous pourrons trouver toujours un pain avant le soir chez
  Rachel ou chez Eliscià.
  Et nous serons la providence de la Providence, du Fils de Celui qui a pourvu
  à tout pour nous" propose Joseph.
 
 "Oui, oui. Faisons une belle flambée pour y voir clair et nous bien
  réchauffer, et puis portons tout là-bas et nous nous éloignerons avant
  qu'avec l'aube Lui ou l'apôtre sorte et nous voie."
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