| Le  mercredi 13
  mars 1946. 296/297>  401.1 – Jésus se promène à
  travers les bosquets de roses où s'active le travail des cueilleurs. Il
  trouve ainsi le moyen de parler avec tel ou tel et aussi avec la veuve et ses
  enfants, que Jeanne par amour pour Lui a prise comme servante à Pâque, après
  le banquet des pauvres. Ils ne semblent plus les mêmes. Refleuris, sereins, ils
  accomplissent joyeusement leur travail chacun selon ses capacités et les plus
  petits, qui ne savent pas encore distinguer une rose d'une autre pour la
  fraîcheur ou la couleur, pour le triage, jouent avec d'autres petits dans des
  endroits plus tranquilles et leurs cris d'oisillons humains se confondent
  avec ceux des oiseaux qui pépient dans le feuillage des arbres pour saluer
  leurs parents qui reviennent avec la becquée. 
 Jésus se dirige vers ces petits oisillons humains et
  il se penche, s'intéresse, caresse, apaise les petites disputes, relève ceux
  qui sont tombés et qui pleurnichent, souillés de terre, le front ou les
  menottes égratignées par le sol. Et les pleurs, les rixes, les jalousies
  s'arrêtent sur le coup sous la caresse et la parole de l'Innocent aux
  innocents, elles se changent en offrande de l'objet de la contestation ou de
  la chute du carabe doré, du caillou coloré ou brillant, de la fleur
  cueillie... Jésus en a les mains et la ceinture pleines, et il ne se fait pas
  voir quand il dépose les carabes ou les coccinelles sur les feuillages pour
  les rendre à la liberté.
 
 
  Combien de fois
  j'ai remarqué le tact parfait de Jésus même avec les tout petits, pour ne pas
  les mortifier, pour ne pas les décevoir ! Il a l'art et le charme de
  savoir les rendre meilleurs et de se faire aimer avec des riens, en
  apparence, qui en réalité sont des perfections d'un amour adapté à la
  petitesse de l'enfant... 
 Il agit de la même manière à mon égard.
 
  401.2 – Oh!
  Il m’a toujours traitée d’"enfant" pour m’améliorer malgré ma
  misère, pour se faire aimer! Plus tard, quand je l’ai aimé de tout mon être,
  il a fait pression, il m’a traitée en adulte, sourd à mes supplications: "Mais
  tu ne vois pas que je suis une bonne à rien ?" Il a souri et m’a
  obligée à agir en adulte... Ah! C’est seulement lorsque la pauvre Maria est
  tout affligée qu’il redevient le Jésus des petits enfants envers mon âme si
  incapable, et il se contente alors de... mes scarabées, de mes cailloux... de
  mes petites fleurs.... de ce que je réussis à lui donner... et il me montre
  qu’il les trouve beaux... et qu’il m’aime parce que je suis "le néant
  qui fait confiance et se perd dans le Tout". 
 Mon cher Jésus! Je l’aime, je l’aime à la folie! Je l’aime de tout mon être!
  Oui, je peux le proclamer ! À la veille de mes 49 ans , si je m’examine attentivement, à la veille du jugement
  humain sur mon œuvre de porte-parole , si je scrute scrupuleusement mon âme et tout mon être
  pour déchiffrer les vraies paroles qui sont en moi, je puis dire que
  maintenant j'aime, je comprends que j'aime Dieu de tout mon être. J’ai mis
  quarante-huit ans pour arriver à cet amour total, si total que je n’ai pas la
  moindre crainte d’une condamnation, mais seulement la souffrance qu’elle
  puisse tomber sur des âmes que j’ai conduites à Dieu, et qui, j’en suis
  convaincue, ont été rachetées par Jésus qui vit en moi mais qui pourraient se
  séparer de l’Église, ce trait d’union entre l’humanité et Dieu.
 
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 298> D’aucuns diront : "N’as-tu pas honte de tout
  ce temps?" Non, absolument pas. J’étais si faible, si peu de choses, que
  je n’ai cessé de le désirer. D’ailleurs, je suis sûre de l’avoir désiré
  exactement le temps que Jésus l’a voulu. Pas une minute de plus, pas une
  minute de moins, parce que — je peux l’affirmer — je n’ai jamais rien refusé
  à Dieu à partir du moment où j'ai commencé à comprendre qui il est . Depuis que, à l’âge de quatre ans, je le sentais tellement
  omniprésent que je croyais le trouver jusque dans le bois du dossier de la
  chaise sur laquelle je m’asseyais: je lui demandais de m’excuser de lui
  tourner le dos et de m’appuyer contre lui. Depuis que, à quatre ans encore,
  je pensais — même pendant mon sommeil — que nos péchés l’avaient blessé et
  tué; je me mettais alors debout sur mon lit pour le supplier, dans ma chemise
  de nuit, sans regarder aucun tableau religieux mais en          me tournant vers mon Aimé tué pour nous, et je le
  suppliais: « Pas moi! Pas moi! Fais-moi mourir mais ne dis pas que je t’ai
  blessé! » Et ainsi de suite...
 
 Tu connais mes ardeurs, ô mon Amour. Pas une ne t’est inconnue... Tu sais que
  le simple éclair d’une proposition venant de toi était aussitôt accepté par
  ta Maria. Et cela même si tu me demandais de t’offrir l’amour de la fiancée —
  c’est d’ailleurs à ce moment, le jour de Noël 1921 , que mon amour pour toi a été confirmé —, l’amour de ma
  parenté, ma vie, ma santé, la prospérité... pour devenir toujours plus un
  "rien" dans la vie sociale une épave que le monde toise avec
  commisération ou mépris, une femme qui ne peut pas même attraper un verre
  d’eau si elle a soif ou s’il n’y a personne pour lui en apporter, une femme
  clouée comme toi, comme toi — comme j’ai désiré l’être, et comme je voudrais
  aussitôt le redevenir si tu me guérissais ! —. Tout! Le "rien" a
  tout donné, tout ce qu’il possédait en tant que créature... Eh bien, même
  aujourd’hui, même aujourd’hui qu’on peut me juger négativement, m’interdire,
  me frapper, qu’est-ce que je dis? "Reste avec moi, laisse-moi ta grâce.
  Tout le reste compte pour rien. Je te prie seulement de ne pas me retirer ton
  amour et de ne pas permettre que ceux que je t’ai donnés retombent dans les
  ténèbres."
 
 Mais où suis-je partie, ô mon Soleil, pendant que tu te promènes au milieu
  des rosiers? Là où mon cœur me porte, lui qui s’est efforcé de t’aimer. Il
  palpite et fait brûler mon sang dans mes veines. Les gens diront :
  "Elle a de la fièvre et des palpitations. "Non. C’est que, ce
  matin, tu es venu en moi avec la force d’un divin ouragan d’amour, et moi...
  moi je m’anéantis en toi qui me pénètres.
 
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 299> Je ne pense plus comme une créature, mais j'éprouve ce
  qui doit être la vie des séraphins... et je brûle, je délire et je t’aime, je
  t’aime, je t’aime. Pitié, dans ton amour ! Pitié, si tu veux que je
  continue à vivre pour te servir, ô Amour divin, éternel, ô très doux Amour, ô
  Amour des cieux et de la création, Dieu, Dieu, Dieu... Mais non Pas de pitié !
  Encore plus, au contraire! Encore plus! Jusqu’à la mort sur le brasier de
  l’amour! Fondons-nous l’un en l’autre ! Aimons-nous ! Afin que nous soyons
  dans le Père, comme tu l’as dit quand tu as prié pour nous : "Qu’ils
  soient (ceux qui m’aiment) là où nous sommes, une seule chose. " Une seule
  chose ! Voilà une parole de l’Évangile qui m’a toujours plongée dans
  un abîme d’adoration amoureuse. Qu’as-tu demandé pour nous, mon divin Maître
  et Rédempteur! Qu’as-tu demandé, mon divin fou d’amour! Que nous soyons un
  avec toi, avec le Père, avec l’Esprit Saint, puisque qui est en Un est dans
  les Trois, ô indivisible Trinité du Dieu un et trine ! Béni ! Béni !
  Béni par chaque battement de mon cœur, par chacun de mes souffles !
 
 
  401.3 – Mais
  reprenons la vision : je vois s'avancer d'un pas rapide, au point que
  ses vêtements s'agitent comme une voile remuée par le vent, Pierre, suivi de
  Barthélemy qui marche plus lentement. Il arrive derrière le Maître penché sur
  des bébés qu'il caresse, certainement des enfants des cueilleuses, installés
  sur des paillasses à l'ombre des arbres. 
 "Maître !"
 
 "Simon, comment donc es-tu ici ? Et toi, Barthélemy ? Vous
  deviez partir demain soir après le crépuscule du sabbat..."
 
 "Maître, ne nous fais pas de reproches... Écoute-nous d'abord."
 
 "Je vous écoute. Et je ne vous fais pas de reproches, car je pense que
  c'est pour un motif grave que vous avez désobéi. Donnez-moi seulement
  l'assurance que personne de vous n'est malade ou blessé."
 
 "Non, non, Seigneur, aucun mal n'est arrivé" s'empresse de dire
  Barthélemy.
 
 Mais Pierre, sincère et toujours impétueux dit :
 
 "Hum ! Moi, je dis qu'il vaudrait mieux que nous avions tous les
  jambes cassées, et même la tête, plutôt que..."
 
 "Qu'est-il arrivé alors ?"
 
 
  "Maître, nous avons pensé qu'il valait
  mieux venir pour mettre fin à..." est en train de dire Barthélemy, quand
  Pierre l'interrompt : 
 "Mais dépêche-toi de le dire !"
 
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 300> Et il termine :
 
 "Judas est devenu un démon depuis que tu es parti. On ne pouvait plus
  parler, plus discuter. Il querelle tout le monde... Et il a scandalisé tous
  les serviteurs d'Élise et d'autres encore..."
 
 "Peut-être est-il devenu jaloux parce que tu as pris Simon avec Toi..." dit Barthélemy pour l'excuser en voyant que le visage de
  Jésus devient très sévère.
 
 "Bien sûr, de la jalousie ! Vas-tu finir de l'excuser !... Ou
  bien je me querelle avec toi pour me défouler de n'avoir pu le quereller...
  Parce que, Maître, j'ai réussi à me taire ! Pense donc, à me
  taire ! Justement par obéissance et par amour pour Toi... Mais quel mal
  pour y arriver ! Bon ! À un moment que Judas s'est éloigné en
  claquant les portes, nous nous sommes consultés... Et nous avons pensé qu'il
  valait mieux partir pour mettre fin au scandale à Béthsur et... éviter de...
  de le gifler... Et je suis parti tout de suite avec Barthélemy. J'ai prié les
  autres qu'ils me laissent partir sans tarder avant son retour... car... car
  je sentais que je ne me serais plus contenu... Voilà. J'ai parlé. Maintenant
  fais-moi des reproches s'il te paraît que je me suis trompé."
 
 "Tu as bien fait. Vous avez tous bien fait."
 
 "Même Judas ? Ah ! non, mon Seigneur ! Ne dis pas
  cela ! Il a donné un indigne spectacle !"
 
 "Non. Lui n'a pas bien agi. Mais toi, ne le juge pas."
 
 "...Non, Seigneur..."
 
 Le "non" a du mal à sortir.
 
 
  401.4 – Un
  silence. Puis Pierre demande : 
 "Mais au moins, dis-moi pourquoi Judas est devenu ainsi tout d'un
  coup ? Il paraissait devenu si bon ! On était si bien !
  J'avais fait des prières et des sacrifices pour que cela dure... Car je ne
  peux pas te voir affligé. Et tu es affligé quand nous agissons mal... Et
  depuis les Encénies je sais que même le sacrifice d'une cuillerée de miel a
  de la valeur ... Il a fallu que me l'enseigne un disciple, le plus
  petit des disciples, un pauvre enfant, cette vérité, à moi, ton sot apôtre.
  Mais je ne l'ai pas négligée, car j'en ai vu le fruit. Car j'ai compris, moi
  aussi, tête dure, quelque chose grâce à la lumière de la Sagesse qui s'est
  penchée avec bonté sur moi, qui est descendue jusqu'à moi, le grossier
  pêcheur, l'homme pécheur.
 
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 301/302> J'ai compris qu'il ne faut pas seulement t'aimer en
  paroles mais en te sauvant les âmes par le sacrifice. Pour te donner une
  joie. Pour ne pas te voir comme tu es maintenant, comme tu étais au mois de Scebat . Si pâle et si affligé, mon Maître et Seigneur que nous
  ne sommes pas dignes d'avoir, nous qui ne te comprenons pas, nous vers de
  terre près de Toi, Fils de Dieu, nous fange près de Toi, Etoile, nous
  ténèbres près de Toi, Lumière. Mais cela n'a servi à rien ! À
  rien ! C'est vrai. Mes pauvres offrandes... si pauvres... si mal
  faites... À quoi devaient-elles servir ? J'ai été orgueilleux en croyant
  qu'elles pouvaient servir... Pardonne-moi. Mais je t'ai donné ce que j'avais.
  Je me suis offert pour te donner tout ce que j'ai Et je croyais être justifié, parce que je t'ai aimé. ô mon Dieu,
  avec tout moi-même, avec tout mon
  cœur, avec toute mon âme, avec toutes mes forces, comme il est dit. Et
  maintenant je comprends cela aussi et je le dis, moi comme le dit toujours
  Jean. notre ange et je te prie (et il s'agenouille aux pieds de Jésus)
  d'augmenter ton amour en ton pauvre Simon, pour augmenter mon amour pour Toi,
  ô mon Dieu."
 
 Et Pierre se courbe pour baiser les pieds de Jésus et reste ainsi. Barthélemy
  qui a écouté, l'admirant et l'approuvant, l'imite.
 
 "Levez-vous, amis. Mon amour ne cesse de grandir en vous et il grandira
  de plus en plus. Et soyez bénis pour le cœur que vous avez.
 
  401.5 – Quand
  les autres vont-ils venir ?" 
 "Avant le crépuscule."
 
 "C'est bien. Jeanne aussi, avec Élise et Kouza, reviendra avant le
  crépuscule. Nous passerons le sabbat ici et puis nous partirons."
 
 "Oui Seigneur. Mais pourquoi Jeanne t'a-t-elle appelé d'une manière si
  pressante ? Ne pouvait-elle pas attendre ? Il était décidé que l'on
  venait ici ! Par son imprudence elle a été cause de toute cette
  histoire !..."
 
 "Ne lui fais pas de reproches, Simon de Jonas. Elle a agi avec prudence
  et amour. Elle m'a appelé parce qu'il y avait des âmes dont il fallait
  raffermir la bonne volonté."
 
 "Ah ! Alors je ne parle plus... Mais, Seigneur, pourquoi Judas
  a-t-il ainsi changé ?".
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