Le lundi 19 mars 1945.
Le
texte ci-dessous, qui relate les tentations et assauts de Satan envers Maria
Valtorta, était inséré dans l’ancienne édition de 1985. Il a été depuis,
transféré dans les Cahiers de 1945 à
1950, à la date du jour. Le récit des scènes évangéliques se
poursuit plus bas.
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Je vous ai dit la visite peu agréable et la prophétie que j'ai eue hier soir
Vous avez vu que j'avais le visage "épouvanté" et vous me l'avez
dit en entrant. Je ne savais pas quel visage j'avais, mais certes je suis
impressionnée et cela ne passe pas avec les heures.
Ce n'est pas la
première fois, vous le savez, que Satan me
donne des ennuis, en me tentant sur ceci ou cela. Et maintenant qu'il ne
tente plus la chair, il tente l'esprit. C'est depuis un an que de temps à
autre il me donne des ennuis.
- La première fois, ce fut quand il me tenta dans les journées redoutables pour
moi, en avril 1944, quand il me promit de m'aider si je l'adorais.
- La seconde, quand il m'assaillit par cette pénétrante, violente et longue
tentation du 4 juillet 1944, en me tentant à singer le langage du Maître pour
anéantir ceux qui m'avaient offensée.
- La troisième quand il me suggéra de faire avec les paroles dictées une
œuvre personnelle et de la publier en m'en attribuant le mérite et en en
tirant des bénéfices.
- La quatrième quand, en février de cette année (il me semble qu'on était déjà
en février) il m'apparut
(c'était la première fois que je le voyais, car les autres fois, je
sentais seulement sa présence) me terrorisant par son aspect et sa haine.
- La cinquième, ce fut hier soir.
Ce sont là les grandes manifestations de Satan. Mais depuis, j'ai mis
à son compte, à lui, toutes les autres choses plus petites qui me
viennent des autres qui veulent me porter à l'orgueil, à la complaisance en
moi-même, ou bien à la simulation, ou encore à la persuasion que je ne suis
qu'une malade et que tout est le fruit de troubles psychiques. Même
les obstacles qui viennent de parents, des autorités et des camionneurs, je les attribue tous à Satan. Il fait ce qu'il
peut, de son mieux, pour me causer des ennuis et m'amener à l'inquiétude, à la
révolte, à la persuasion que la prière est inutile et que tout est mensonge.
Mais, je vous
avoue qu'hier soir, il m'a beaucoup troublée. Ce n'est pas la première
fois qu'il fait naître en moi la peur d'être trompée et d'en devoir un jour rendre
compte à Dieu et même aux hommes. Vous savez que c'est là ma terreur... Jésus et vous me réconfortez toujours et
elle renaît, toujours, Pourtant c'étaient des pensées qui étaient "à
moi", excitées par Satan mais qui venaient de moi. Hier soir, ç'a été
une menace explicite, directe. Il m'a dit : "Vas-y, vas-y ! Je
t'attends au bon moment. Au dernier moment. Alors je te persuaderai tellement
que tu as toujours menti à Dieu, aux hommes et à toi même, et que tu es une
menteuse que tu tomberas dans une vraie terreur, dans le désespoir d'être
damnée. Et tu le diras avec de telles paroles que les personnes qui
t'entoureront croiront à une rétractation finale pour aller vers Dieu chargée
d'un péché moins lourd. Toi, et ceux qui seront avec toi, vous resterez dans
cette persuasion. Et c'est ainsi que tu mourras... et les autres en resteront
profondément troublés... Je t'attends, oui... Et toi aussi, attends-moi. Je
ne fais pas de promesses sans les tenir. En ce moment tu me donnes un ennui
sans mesure. Mais alors ce sera moi qui te le donnerai. Je me vengerai de
tout ce que tu me fais... Je me vengerai, comme moi seul sais le faire."
Et sur ce, il s'en est allé, me laissant bien mal...
La douce Maman
est venue ensuite, douce et affectueuse avec son habit blanc pour me sourire
et me caresser. Mon Jésus m'a souri de son plus joyeux sourire. Mais, ils
m'ont à peine quittée, que je suis retombée dans le marasme... Et cela dure.
Quand cette pensée m'arrive avec cette force, je me sens tentée de
dire : "Je n'écris plus une seule parole, en dépit de toute
pression." après, je réfléchis et je me dis : "C'est
justement cela que veut Satan" et je laisse tomber cette suggestion,
C'est le temps de la passion, n'est-ce pas ? Il y en a qui par l'effet
de l'idolâtrie si profondément ancrée au cœur de l'homme, même quand il est
bon, adorent le porte-parole, oubliant qu'il n'est qu'un instrument et que
Dieu seul est adorable. Il en est d'autres qui me méprisent.
Les
uns et les autres attendent également bien qu'avec des buts différents qu'il
se produise en moi des faits merveilleux, surtout en ce temps de la Passion.
Peut-être vous-même les attendez comme une chose qui serait naturelle dans
mon cas. Pour vous, c'est une attente qui se justifie. Pour les autres, c’est
mépris ou idolâtrie.
Je vous assure que je préfère encore le mépris pour Maria Valtorta,
à l'idolâtrie pour ma personne. Cette dernière me donne un ennui
indescriptible. Il me semble qu'on me dépouille sur une place publique, que
l'on m'extorque mon précieux secret... que sais-je ? J'en souffre,
voilà. Le mépris me fait moins mal s'il s'adresse à Maria Valtorta, pourvu
qu'il ne lèse pas les "dictées" et ne les fasse pas prendre pour une
plaisanterie et une folie...
Mais, par-dessus les désirs plus ou moins saints et honnêtes de tant de gens,
il y a la volonté de Dieu, sa bonté, plutôt, qui écoute sa pauvre Maria. Sa
prière de toujours, sa prière de maintenant c'est celle-ci :
"Voilà ta "victime". Tout ce que Tu veux, mais pas
de signes extérieurs." Je n'aurais pas voulu non plus cette
manifestation de Dieu en moi, en ce qui me concerne... Mais Lui a voulu que
je sois son phonographe... patience ! Mais, autre chose non,
non, et non.
Toutes les
maladies diagnostiquables ou celles qui ne le sont
pas, parce qu'elles n'offrent pas des symptômes connus. Toutes les
souffrances pour souffrir en moi ce que Lui a souffert. Une agonie complète
qui me courbe sous le poids de son agonie. Mais que cela soit connu de Lui
seul, de vous qui me dirigez, et de moi. Cela suffit.
Si cependant en ce temps de Passion je déçois ceux qui m'idolâtrent ou me
méprisent; parce que matériellement je n'éprouve pas la Passion, je
vous assure que je vis ma passion. La souffrance physique accrue. Mon
corps brisé et réduit par les coups et l'épuisement du Golgotha, ma tête
prise dans le cercle qui la torture, des tiraillements et des crampes dans
les muscles, cette torture qui me coupe le souffle et me congestionne, et
puis la soif, la fièvre; la langueur et les spasmes du supplice, Mais ce
n'est pas cela "ma passion", c'est toujours pour moi ce que
j'appelle "mon Gethsémani" : la nuit qui monte avec ses
fantômes et ses peurs, la crainte et la terreur de l'avenir et de Dieu... et
le voisinage de la Haine alors que l'Amour est absent. Voilà ce qui assoiffe,
ce qui enfièvre, fait pleurer des larmes de sang, m'épuise, me met à bout. Je
vous assure que c'est quelque chose d'aussi puissant que l'heure vécue l'an
passé quand Dieu me laissa seule. Et même je puis dire : c'est plus
fort, car je souffre en dépit de la présence de Dieu en moi.
J'espère de m'être bien expliquée. Mais certaines tortures s'expliquent très
mal. Et sont encore plus mal comprises de ce qu'elles ne soient en
réalité, et soit du père spirituel que des idolâtrés, ou encore des curieux,
à ceux à qui intéresse le... phénomène, ou qui le méprisent, Il faudrait bien
que ces trois dernières catégories éprouvent pendant une heure ce que nous
éprouvons... Et les idolâtres aussi qui, peut-être, nous envient, Mais
non ! Il vaut mieux qu'ils ne l'éprouvent pas, Les idolâtres
essaieraient de s'échapper, qui sait où, par la peur d'une telle heure; Les
curieux, les studieux, les moqueurs, ceux qui méprisent en arriveraient à
maudire Dieu... Donc... tendons les épaules au joug, buvons l'amertume... et
en avant.
Seigneur, pas ma volonté, mais la tienne. Voici ta servante et ta
victime Oui, fais de moi ce que Tu veux. Mais seulement, à cause de ta bonté,
donne-moi la force de pouvoir souffrir. Et ne me laisse pas seule.
"Reste avec nous, car il se fait tard et déjà baisse la clarté du jour
..."
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403> 134.1 – Je vois : Jésus, aux premières lueurs d'une tardive
matinée d'hiver, entre dans la petite ville de Docco.
Il demande à un passant matinal :
"Où habite Marianne,
la vieille mère dont la bru est à la mort ?"
"Marianne, la veuve de Lévi ? La belle-mère de Jérusa, femme de Josias ?"
"Oui, elle."
"Regarde, homme. Au bout de cette rue il y a une place, au coin il y a
une fontaine, et de là partent trois chemins. Prends celui qui a un palmier
au milieu et marche encore cent pas. Tu trouves un fossé et tu le suis
jusqu'au pont de bois. Tu le passes et tu vois une ruelle couverte. Tu la suis. Quand il n'y a plus de route, ni de couvert, car elle
débouche sur une place, tu es arrivé. La maison de Marianne est dorée par la
vétusté. Avec les dépenses qu'ils ont, ils ne peuvent la remettre en état. Ne
te trompe pas. Adieu. Tu viens de loin ?"
"Pas trop."
"Mais tu es Galiléen ?"
"Oui."
"Et ceux-ci ? Tu viens pour la Fête !"
"Ce sont des amis. Adieu, homme. La paix soit avec toi."
Jésus laisse en plan le bavard qui n'est plus pressé. Il prend son chemin et
les apôtres le suivent.
Ils arrivent à la petite place : une parcelle de terre boueuse avec, au
centre, un grand chêne qui a poussé là, tout seul et qui peut-être en été
donne une ombre agréable. Pour l'heure, il est plutôt triste avec sa
frondaison touffue et sombre au-dessus des pauvres maisons auxquelles il
enlève la lumière et le soleil.
La maison de Marianne est la plus misérable. Large et basse, mais tellement
négligée ! La porte est couverte de pièces posées sur les éraflures du
bois vétuste. Une petite fenêtre, sans rideau, présente sa noire ouverture
comme une orbite privée de son œil.
Jésus frappe à la porte.
134.2 – Une fillette, sur les dix ans
se présente, pâle, maigre, les yeux rougis.
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404>
"Tu es la petite fille de Marianne ? Dis à la grand'mère que Jésus
est ici."
L'enfant pousse un cri et s'enfuit en criant à haute voix. La vieille femme
accourt, suivie de six bambins sans compter la fillette de tout à l'heure. Le
plus grand paraît être son jumeau; les derniers, deux petits garçons sans
chaussures et amaigris s'attachent au vêtement de la vieille et savent à
peine marcher.
"Oh ! Tu es venu ! Enfants, vénérez le Messie ! Tu
arrives en temps dans ma pauvre maison. Ma fille est mourante... Ne pleurez
pas, petits, qu'elle ne vous entende pas. Pauvres créatures ! Les bambines
sont épuisées par les veilles, car j'ai tout à faire et je ne peux plus
veiller, je tombe par terre par le sommeil. Il y a des mois que je ne vais
plus au lit. À présent je dors sur un siège près d'elle et des enfants. Mais
elles, elles sont petites et elles en souffrent. Ces garçons vont faire du
bois pour alimenter le feu. Ils en vendent aussi, pour avoir du pain. Ils
n'en peuvent plus, les pauvres petits ! Mais, ce qui nous tue, ce n'est
pas la fatigue : c'est de la voir mourir... Ne pleurez pas. Nous avons
Jésus."
"Oui, ne pleurez pas. La maman va guérir, le père reviendra. Vous
n'aurez plus tant de dépenses, ni si grande faim. Ceux-ci, ce sont les deux
derniers ?"
"Oui, Seigneur, cette faible créature a accouché trois fois de deux
jumeaux... et son sein est devenu malade."
"Trop pour les uns, et rien pour d'autres." marmonne Pierre dans sa barbe.
Puis il prend un petit et lui donne une pomme pour
le faire taire. L'autre aussi lui en demande une et Pierre le satisfait.
134.3 – Jésus, accompagné par la
vieille, traverse l'atrium, puis une cour et monte l'escalier pour entrer
dans une pièce où gémit une femme, jeune encore mais squelettique.
"Le Messie, Jérusa. Maintenant tu ne vas plus souffrir. Tu vois !
Il est venu pour de bon. Isaac
ne ment jamais. Il l'a dit.
Crois donc car, s'il est venu, il peut aussi te guérir."
"Oui, bonne mère. Oui, mon Seigneur. Mais si tu ne peux me guérir, du
moins fais-moi mourir. J’ai des chiens dans ma poitrine. La bouche de mes
enfants, auxquels j'ai donné le doux lait, m'a apporté le feu et l'amertume.
Je souffre tant, Seigneur ! Je coûte tant ! Mon mari travaille au
loin pour gagner le pain. La vieille maman s'épuise. Et moi qui meurs... À
qui iront mes enfants quand ce mal m'aura fait mourir et qu'elle trépassera par
ses efforts épuisants ?"
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405/406> "Pour les
oiseaux, il y a Dieu et de même pour les petits de l'homme. Mais, tu ne vas
pas mourir. C'est ici que tu as si mal ?" Jésus va poser la main
sur le sein enveloppé de bandes.
"Ne me touche pas ! N'augmente pas
ma souffrance !" crie la malade.
Mais Jésus pose délicatement sa longue main sur la mamelle malade. "Tu
as réellement le feu là-dedans, pauvre Jérusa. L'amour maternel t'a enflammé
le sein. Mais tu n'as pas de haine pour ton époux, pour tes enfants, n'est-ce
pas ?"
"Oh ! pourquoi devrais-je ? Lui est bon et m'a toujours aimée
Nous nous aimons d'un sage amour et l'amour fleurit en créatures... Et
eux !... Je suis dans l'angoisse de les quitter, mais... Seigneur !
Mais le feu disparaît ! Mère ! Mère ! C'est comme si un ange
du Ciel soufflait sur mon tourment ! Oh ! quelle paix !
N'enlève pas, n'enlève pas ta main, mon Seigneur. Appuie au contraire
Oh ! quelle force ! Quelle joie ! Mes enfants ! Ici, mes
enfants! Je les veux ! Dina ! Osia ! Anne ! Seba !
Melchi ! David ! Jude ! Ici ! Ici Maman ne meure
plus ! Oh ! ..." La jeune femme se retourne sur son oreiller,
pleurant de joie pendant qu'accourent ses enfants.
134.4 – Et la vieille, à genoux, ne
trouvant rien d'autre, dans sa joie, entonne le cantique d'Azarias dans la
fournaise.
Elle le dit tout entier, de sa voix tremblante de vieille femme émue.
"Ah ! Seigneur ! Mais que puis-je faire pour Toi ? Je
n'ai rien pour te faire honneur !" dit-elle finalement.
Jésus la relève et dit : "Permets-Moi seulement de me reposer à
cause de ma fatigue. Et tais-toi. Le monde ne m'aime pas. Je dois
m'éloigner pour quelque temps . Je te demande
fidélité à Dieu et silence. À toi, à l'épouse, aux petits."
"Oh ! Ne crains pas ! Personne ne vient chez les pauvres
gens ! Tu peux rester ici sans craindre qu'on te voie. Les pharisiens,
eh ? Mais... et pour manger ? Je n'ai qu'un peu de pain..."
Jésus appelle l'Iscariote :
"Prends de l'argent et va acheter tout ce qu'il faut. Nous allons manger
et nous reposer chez ces braves gens. Jusqu'au soir, va et tais-toi ".
Puis il se tourne vers celle qu'il a guérie :
"Enlève le pansement, lève-toi, aide ta mère, et réjouis-toi. Dieu t'a fait
grâce pour récompenser tes vertus d'épouse. Nous allons rompre le pain
ensemble, car aujourd'hui le Seigneur Très-Haut est dans ta maison et il faut
Le célébrer en Lui faisant fête."
Jésus sort, rejoignant Judas qui va sortir.
"Fais des emplettes abondantes, qu'ils en aient encore pour les
jours qui viennent. Pour nous, il ne nous manquera rien chez Lazare."
"Oui, Maître. Et si tu permets... J'ai de l'argent à moi. J'ai fait vœu
de l'offrir pour te sauver des ennemis. Je le change en pain, Ça vaudra mieux
pour ces frères en Dieu que pour les gueules du Temple. Tu permets ?
L'or a toujours été pour moi un serpent. Je ne veux plus éprouver sa
fascination.
Car je me trouve si bien, maintenant que je suis bon. Je me sens libre et je
suis heureux."
"Fais comme tu veux, Judas. Et que le Seigneur te donne la paix."
Jésus rejoint ses disciples pendant que Judas sort et tout prend fin.
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Comme pour le
texte d’introduction, le texte suivant ne figure plus dans la nouvelle édition,
mais se trouve dans les Cahiers de 1945
à 1950, à la date du jour (19 mars 1945).
Me voici dans une grande tempête. Exactement une de ces
tempêtes de mars où l'éclat du soleil et l'obscurité des nuages d'orage se
succèdent. J'ai l'impression d'être une nacelle sur des flots agités, tantôt
à la cime, à la cime de la vague en plein soleil, tantôt dans un gouffre
entre deux montagnes liquides qui semblent vouloir me submerger dans un
ténébreux abîme. Il me semble passer alternativement d'un océan en furie au
port le plus tranquille, et d'être plongée tantôt dans le fiel, tantôt dans
le miel.
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