Vision du samedi 8
mars 1947
231> 577.1 – L'aube éclaire à peine le ciel et rend la marche
encore difficile quand Jésus quitte Doco encore endormie. On n'entend certainement pas le bruit
des pas car ils avancent avec précaution et les gens dorment encore dans les
maisons fermées. Personne ne parle avant qu'ils ne soient sortis de la ville
dans la campagne qui se réveille lentement dans la lumière faible et toute
fraîche après la rosée.
Alors l'Iscariote dit :
"Route inutile, sans repos. Il aurait mieux valu ne pas venir
jusqu'ici."
"Ils ne nous ont pas mal reçus, le peu d'entre eux que nous avons
trouvés ! Ils ont perdu leur nuit pour nous écouter et pour aller prendre les
malades des campagnes, et cela a été vraiment bien d'être venus. En effet
ceux qui, à cause de la maladie ou d'autre chose, ne pouvaient espérer voir
le Seigneur à Jérusalem, l'ont vu ici et ont été consolés par la santé ou
d'autres grâces. Les autres, on le sait, sont déjà allés à la ville... C'est
l'usage pour nous d'y aller, pourvu qu'on le puisse, quelques jours avant la
fête" dit doucement Jacques d'Alphée, car il est toujours doux, à l'opposé de Judas de Kériot qui, même dans ses meilleures heures, est toujours
violent et autoritaire.
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"Justement parce que nous allons nous aussi à Jérusalem, il était
inutile de venir ici... Ils nous auraient entendus et vus là-bas..."
"Mais pas les femmes ni les malades" réplique en
l'interrompant Barthélemy qui vient à l'aide de Jacques d'Alphée.
Judas feint de ne pas entendre et il dit, comme s'il continuait la
conversation : "Du moins je crois que nous allons à Jérusalem, bien que
maintenant je n'en sois plus sûr après le discours au berger."
"Et où veux-tu qu'on aille sinon là ?" demande Pierre.
"Bah ! Je ne sais pas. Tout est tellement irréel de ce que nous faisons
depuis quelques mois, tout tellement contraire à ce que l'on peut prévoir, au
bon sens, à la justice même, que..."
"Ohé ! Mais je t'ai vu boire du lait à Doco et
pourtant tu parles comme si tu étais ivre ! Où les vois-tu les choses
contraires à la justice ?" demande Jacques de
Zébédée avec des yeux peu rassurants. Et il
renchérit : "Assez de reproches au Juste ! As-tu compris que cela suffit
? Tu n'as pas le droit, toi, de Lui faire des reproches. Personne n'a ce
droit car Lui est parfait, et nous... Aucun de nous ne l'est, et toi moins
que tous."
"Mais oui ! Si tu es malade, soigne-toi, mais ne nous ennuie pas avec
tes discussions. Si tu es lunatique, le Maître est là. Fais-toi guérir et
n'en parlons plus !" dit Thomas qui
perd patience.
577.2 – En
effet Jésus est en arrière avec Jude d'Alphée et Jean, et ils
aident les femmes qui, moins habituées à marcher dans la pénombre, ont de la
peine à avancer par le sentier difficile et encore plus sombre que les
champs, parce qu'il est taillé dans une épaisse oliveraie. Et Jésus ne cesse
de parler avec les femmes restant étranger à ce qui arrive plus en avant et
que pourtant entendent ceux qui sont avec Lui. En effet, si les paroles
arrivent difficilement, leur ton indique que ce ne sont pas des paroles
douces mais qu'elles sentent déjà la dispute.
Les deux apôtres, le Thaddée et Jean, se regardent... mais ne parlent pas.
Ils regardent Jésus et Marie. Mais Marie est tellement voilée par son manteau qu'on ne lui voit
pour ainsi dire pas le visage et Jésus semble ne pas avoir entendu.
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Ils parlaient de Benjamin et de son avenir, et ils parlent de la veuve Sara d'Afec qui
s'est établie à Capharnaüm et est la mère affectueuse non seulement de l'enfant de Giscala mais aussi des petits enfants de la femme de Capharnaüm qui, après un second mariage, n'aimait plus les enfants
du premier lit et qui ensuite est morte "si malheureusement que vraiment
on a vu la main de Dieu dans sa mort" dit Salomé. Pourtant, à la fin de
la conversation, Jésus va en avant avec Jude Thaddée et il se joint aux
apôtres après avoir dit en partant :
"Reste pourtant, Jean, si tu le veux. Je vais répondre à l'inquiet et mettre la paix."
Mais Jean, après avoir fait encore quelques pas avec les femmes,
comme désormais le sentier devient plus ouvert et plus clair, rejoint Jésus
en courant justement quand il dit :
"Rassure-toi donc, Judas. Comme nous ne l'avons jamais fait, nous ne
ferons rien d'irréel. Même maintenant nous ne faisons rien d'opposé à ce que
l'on pouvait prévoir. C'est le temps où il est prévisible que tout véritable
israélite, non empêché par des maladies ou des choses très graves, monte au
Temple. Et nous, nous montons au Temple."
"Pas tous pourtant. J'ai entendu dire que Marziam n'y
sera pas. Est-il malade peut-être ? Pour quel motif ne vient-il pas ? Te
paraît-il possible de le remplacer par le samaritain ?"
Le ton de Judas est insupportable...
Pierre murmure :
"O Prudence, enchaîne ma langue
à moi qui suis un homme !"
Et il serre fortement ses lèvres pour ne pas en dire davantage. Ses yeux, un
peu bovins, ont un regard émouvant, tant y sont visibles l'effort que fait
l'homme pour freiner son indignation et sa peine d'entendre Judas parler de
cette façon.
577.3 – La
présence de Jésus tient tranquilles toutes les langues et c'est seulement Lui
qui parle pour dire, avec un calme vraiment divin :
"Venez un peu en avant, que les femmes n'entendent pas. J'ai une chose à
vous dire depuis quelques jours. Je vous l'ai promis dans les campagnes de Tersa, mais je voulais que vous y fuissiez tous pour
l'entendre, vous tous, pas les femmes. Laissons-les dans leur humble paix...
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Dans ce que je vous dirai, il y aura aussi la raison pour laquelle Marziam ne
sera pas avec nous, ni ta mère, Judas
de Kériot, ni tes filles, Philippe, ni les femmes
disciples de Bethléem de Galilée avec la jeune fille. Il y a
des choses que tous ne peuvent pas supporter. Moi, le Maître, je sais ce qui est
bien pour mes disciples et ce qu'ils peuvent ou ne peuvent pas supporter.
Même vous, vous n'avez pas la force de supporter l'épreuve et ce serait une
grâce pour vous d'en être exclus. Mais vous devez me continuer, et vous devez
savoir combien vous êtes faibles pour être ensuite miséricordieux avec les
faibles. Vous ne pouvez donc pas être exclus de cette épreuve redoutable qui
vous donnera la mesure de ce que vous êtes, de ce que vous êtes restés après
trois ans passés avec Moi, et de ce que vous êtes devenus après trois ans
passés avec Moi. Vous êtes douze. Vous êtes venus à Moi presque en même
temps. Ce n'est pas le petit nombre de jours qui vont de ma rencontre avec Jacques, Jean et André,
jusqu'au jour où tu as été accueilli parmi nous, Judas de Kériot,
ni à celui où toi, Jacques mon frère, et toi, Matthieu, vous êtes venus avec Moi, qui puisse justifier une si
grande différence de formation entre vous.
Vous étiez tous, même toi docte Barthélemy, même vous mes frères, très informes, absolument
informes par rapport à ce qu'est la formation dans ma doctrine. Et même votre
formation, meilleure que celle des autres parmi vous dans la doctrine du
vieil Israël, était pour vous un obstacle pour vous former en Moi.
Et pourtant aucun d'entre vous n'a parcouru autant de chemin qu'il aurait
fallu pour vous amener tous à un point unique. L'un de vous l'a atteint,
d'autres en sont proches, d'autres plus éloignés, d'autres très en arrière,
d'autres... oui, je dois aussi le dire, au lieu d'aller de l'avant ont
reculé. Ne vous regardez pas ! Ne cherchez pas parmi vous qui est le premier
et qui le dernier. Celui qui, peut-être, se croit le premier ou que l'on
croit le premier doit encore s'éprouver lui-même. Celui qui se croit le
dernier ne va pas tarder de resplendir dans sa formation comme une étoile au
ciel. Aussi, une fois de plus, je vous dis : ne jugez pas. Les faits jugeront
par leur évidence. Pour le moment vous ne pouvez pas comprendre. Mais
bientôt, vous vous rappellerez mes paroles et vous les comprendrez."
"Quand ? Tu nous as promis de nous dire, de nous expliquer même pourquoi
la purification pascale sera différente cette année, et tu ne nous le dis
jamais" se lamente André.
"C'est de cela que j'ai voulu vous parler.
Parce qu'aussi bien ces paroles que je vais vous dire que les autres sont une
chose unique qui a sa racine dans une unique chose.
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235> 577.4 – Nous,
voilà, nous allons monter à Jérusalem pour la Pâque et là s'accompliront
toutes les choses dites par les prophètes qui concernent le Fils de l'homme . En vérité, comme l'ont vu les prophètes, comme déjà il
est dit dans l'ordre donné aux hébreux d'Égypte , comme il fut ordonné à Moïse dans le désert, l'Agneau
de Dieu va être immolé et son sang va laver les huisseries des cœurs, et l'ange
de Dieu passera sans frapper ceux qui auront sur eux, et avec amour, le Sang
de l'Agneau immolé, qui va être élevé comme le serpent de métal précieux sur
la barre transversale, pour être un signe à ceux qui sont blessés par le
serpent infernal, pour être le salut à ceux qui le regarderont avec amour. Le
Fils de l'homme, votre Maître Jésus, va être livré
aux mains des princes des prêtres, des scribes et des anciens qui le
condamneront à mort et le livreront aux gentils pour qu'il soit livré au
mépris.
Et on le giflera, on le frappera, on le couvrira de
crachats, on le traînera sur les routes comme un chiffon immonde et puis les
gentils [= les païens], après l'avoir flagellé et couronné d'épines, le condamneront à la mort de
la croix réservée aux malfaiteurs, suivant la volonté du peuple hébreu
rassemblé à Jérusalem, exigeant sa mort à la place de celle d'un larron, et
Lui sera ainsi mis à mort. Mais, comme il est dit dans les signes des
prophéties, après trois jours, il ressuscitera. Voilà l'épreuve qui vous
attend, celle qui montrera votre formation.
En vérité je vous le dis, à vous tous qui vous croyez assez parfaits pour
mépriser ceux qui n'appartiennent pas à Israël, et même pour mépriser
beaucoup de notre propre peuple, en vérité je vous dis que vous, la partie
élue de mon troupeau, une fois le Pasteur pris, serez saisis par la peur et
vous vous débanderez en fuyant comme si les loups qui me saisiront de toutes
parts se tournaient contre vous. Mais, je vous le dis : ne craignez pas. On
ne touchera pas un cheveu de vos têtes. Moi, je suffirai pour rassasier les
loups féroces..."
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236> 577.5 – Les
apôtres, à mesure que Jésus parle, semblent des gens sous une grêle de
pierres. Ils se courbent même de plus en plus à mesure que Jésus parle. Et
quand il termine :
"Et ce que je vous dis est désormais imminent. Ce n'est pas comme les
autres fois où il y avait du temps avant l'heure. Présentement, l'heure est
venue. Je vais être donné à mes ennemis et immolé pour le salut de tous, et
ce bouton de fleur n'aura pas encore perdu ses pétales, après avoir fleuri,
que je serai déjà mort", les uns se cachent le visage de leurs mains,
d'autres gémissent comme si on les avait blessés. L'Iscariote est livide,
littéralement livide...
Le premier à se ressaisir, c'est Thomas qui
proclame :
"Cela ne t'arrivera pas, car nous te défendrons ou nous mourrons avec
Toi, et ainsi nous montrerons que nous t'avions rejoint dans ta perfection et
que nous étions parfaits dans ton amour."
Jésus le regarde sans parler.
Barthélemy dit, après un long moment de réflexion :
"Tu as dit que tu seras livré... Mais qui, qui peut te livrer aux mains
de tes ennemis ? Ce n'est pas dit dans les prophéties. Non, ce n'est pas dit.
Ce serait trop horrible qu'un de tes amis, un de tes disciples, un de ceux
qui te suivent, même le dernier de tous, te livre à ceux qui te haïssent. Non
! Quelqu'un qui t'a entendu avec amour, même une seule fois, ne peut
commettre ce crime. Ce sont des hommes, pas des fauves, pas des satans... Non, mon Seigneur. Et même ceux qui te haïssent
ne le pourront pas... Ils ont peur du peuple, et le peuple sera tout entier
autour de Toi !"
Jésus regarde aussi Nathanaël et ne parle pas.
Pierre et le Zélote n'arrêtent pas de parler entre eux. Jacques de Zébédée adresse des paroles de reproche à son frère qu'il
voit calme, et Jean lui répond : "C'est parce que je sais cela depuis
trois mois" et deux larmes coulent sur son visage.
Les fils d'Alphée parlent avec Matthieu qui secoue la tête, découragé.
André s'adresse à l'Iscariote :
"Toi qui as tant d'amis au Temple..."
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"Jean connaît Hanne en personne réplique Judas et il termine : "Mais
que peut-on y faire ? Que veux-tu que puisse une parole d'homme si c'est
ainsi marqué ?"
"Tu le crois vraiment ?" demandent ensemble Thomas et André.
"Non. Moi, je ne crois rien. Ce sont des alarmes inutiles. Barthélemy le
dit bien : tout le peuple sera autour de Jésus. On le voit déjà par ceux que
l'on rencontre et ce sera un triomphe. Vous verrez qu'il en sera ainsi"
dit Judas de Kériot.
"Mais alors pourquoi Lui..." dit André en montrant Jésus qui s'est
arrêté pour attendre les femmes.
"Pourquoi le dit-il ? Parce qu'il est impressionné... et parce qu'il
veut nous éprouver. Mais il n'arrivera rien. Du reste, moi j'irai..."
"Oh ! oui. Va te rendre compte !" supplie André.
577.6 – Ils
se taisent, car Jésus les suit de nouveau, se trouvant entre sa Mère et Marie
d'Alphée.
Marie a un pâle sourire parce que sa belle-sœur
lui montre des graines, prises je ne sais où, et lui dit qu'elle veut les
semer à Nazareth, après la Pâque, justement près de la petite grotte si chère
à Marie :
"Quand tu étais petite, je te vois toujours avec ces fleurs dans tes
menottes. Je les appelais les fleurs de ta venue. En effet, quand tu es née,
ton jardin en était plein et ce soir-là, quand Nazareth toute entière est
accourue pour voir la fille de Joachim, les touffes de ces petites étoiles
n'étaient qu'un diamant à cause de l'eau qui était descendue du ciel et du
dernier rayon du soleil qui depuis le couchant les frappait. Et comme tu t'appelais "Étoile", tout le
monde disait en regardant la multitude de ces petites étoiles brillantes :
"Les fleurs se sont parées pour faire fête à la fleur de Joachim, et les
étoiles ont quitté le ciel pour venir près de l'Étoile", et tous
souriaient, heureux du présage et de la joie de ton père.
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238> 577.7 – Et
Joseph, le frère de mon époux, dit :
"Étoiles et gouttelettes. C'est vraiment Marie !" Qui lui aurait dit alors que tu étais destinée à devenir
son étoile ? Quand il revint de Jérusalem, choisi pour être ton époux, tout
Nazareth voulait lui faire fête parce que grand était l'honneur qui lui était
venu du Ciel et venu de ses fiançailles avec toi, fille de Joachim et d'Anne, et tous
voulaient l'inviter à un banquet.
Mais lui, d'une volonté douce mais ferme, refusa toute fête,
étonnant tout le monde. En effet quel est l'homme destiné à une union
honorable et par un tel décret du Très-Haut qui ne fête pas le bonheur de son
âme, de sa chair et de son sang ? Mais lui disait : "À grande élection,
grande préparation". Et il gardait aussi la continence de paroles et de
nourriture, en plus de la continence proprement dite qu'il avait toujours
gardée, il passa ainsi ce temps dans le travail et la prière, car je crois
que chaque coup de marteau, chaque marque de son ciseau était devenue
oraison, s'il est possible de prier par le travail. Son visage était comme
extatique. Moi, j'allais ranger la maison, blanchir les draps et toute chose
laissée par ta mère, et que le temps avait jaunis, et je le regardais pendant
qu'il travaillait dans le jardin et la maison, pour les refaire beaux comme
si jamais ils n'avaient été à l'abandon, et je lui parlais aussi... mais il
était comme absorbé. Il souriait. Mais ce n'était pas à moi ni à d'autres, à
sa pensée qui n'était pas, non, la pensée de tout homme près de ses noces.
Cette dernière est un sourire de joie maligne et charnelle... Lui...
paraissait sourire aux anges invisibles de Dieu, parler avec eux et leur
demander conseil... Oh ! je suis bien certaine qu'ils lui indiquaient comment
te traiter ! Parce que, autre étonnement de Nazareth toute entière, et
presque de l'indignation de la part de mon Alphée, il recula les
noces le plus possible, et on ne comprit jamais comment à l'improviste il se
décida avant le temps fixé. Et aussi, quand on sut que tu étais mère, comme
Nazareth s'étonna de sa joie contenue !... Mais même mon Jacques est un peu ainsi. Et il le devient de plus en plus. Maintenant
que je l'observe bien — je ne sais pourquoi, mais depuis que nous sommes
venues à Éphraïm, il me paraît tout changé — je
le vois ainsi... absolument comme Joseph. Regarde-le maintenant aussi, Marie, alors qu'il se
retourne encore pour nous regarder, n'a-t-il pas l'air absorbé si habituel en
Joseph, ton époux ? Il a ce sourire dont on ne sait dire s'il est triste ou
lointain. Il regarde et il a ce regard prolongé, au-delà de nous, qu'avait si
souvent Joseph. Te souviens-tu comment Alphée le taquinait ?
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Il disait : "Frère : tu vois encore les pyramides ?" Et lui
secouait la tête sans parler, patient et secret en ses pensées. Toujours peu
bavard. Mais après que tu es revenue d'Hébron ! Il ne venait même plus seul à
la fontaine comme il le faisait auparavant et comme tous le font. Ou avec
toi, ou à son travail.
Et, sauf pour le sabbat à la synagogue, ou quand il se
rendait ailleurs pour affaires, personne ne peut
dire qu'il ait vu Joseph aller çà et là pendant ces mois. Puis vous êtes partis... Quelle angoisse de
ne plus rien savoir de vous après le massacre ! Alphée se rendit jusqu'à Bethléem... "Partis" dirent-ils.
Mais comment croire quand on vous hait à mort dans une ville encore rouge du
sang innocent et où fumaient les ruines et où on vous accusait que c'était à
cause de vous que ce sang avait été répandu ? Il alla à Hébron, et puis au
Temple, car Zacharie était de service. Élisabeth ne lui donna que des larmes,
Zacharie des paroles de réconfort. L'un et l'autre, angoissés pour Jean,
craignant de nouvelles atrocités, l'avaient caché et tremblaient pour lui. De
vous, ils ne savaient rien et Zacharie dit à Alphée : "S'ils sont morts,
leur sang est sur moi, car c'est moi qui les ai persuadés de rester à
Bethléem".
577.8 – Ma
Marie ! Mon Jésus, qu'on avait vu si beau à la Pâque qui suivit sa naissance
! Et ne savoir rien. Pendant si longtemps ! Mais pourquoi jamais une nouvelle ?..."
"Parce qu'il valait mieux se taire. Là où nous étions, il y avait
beaucoup de Marie et de Joseph, et il valait mieux passer pour un couple
quelconque" répond tranquillement Marie, et elle dit en soupirant :
"Et c'étaient encore des jours heureux dans leur tristesse. Le mal était
encore si loin ! S'il manquait tant de choses à nos besoins humains, notre
esprit se rassasiait de la joie de t'avoir, mon Fils !"
"Maintenant aussi, Marie, tu l'as ton Fils. Il manque Joseph, c'est vrai
! Mais Jésus est ici et avec son amour complet d'adulte" observe Marie
d'Alphée.
Marie lève la tête pour regarder son Jésus. Son regard trahit son déchirement
malgré le léger sourire sur les lèvres, mais elle n'ajoute pas un mot.
577.9 – Les apôtres se sont arrêtés pour les attendre et se
sont tous réunis, même Jacques et Jean qui étaient en arrière de tous avec
leur mère. Pendant qu'ils se reposent de la marche et que certains mangent un
peu de pain, la mère de Jacques et
Jean s'approche de Jésus et se prosterne devant Jésus qui ne s'est
même pas assis dans sa hâte de reprendre la marche.
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Jésus l'interroge, car il est visible qu'elle désire Lui demander quelque
chose :
"Que veux-tu, femme ? Parle."
"Accorde-moi une grâce, avant que tu t'en ailles, comme tu le dis."
"Et laquelle ?"
"Celle d'ordonner que mes deux fils, qui pour Toi ont tout quitté,
siègent l'un à ta droite et l'autre à ta gauche, quand tu siégeras dans ta
gloire dans ton Royaume."
Jésus regarde la femme et puis il regarde les deux apôtres
et leur dit :
"C'est vous qui avez suggéré cette pensée à votre mère
en interprétant très mal mes
promesses d'hier. Le centuple pour
ce que vous avez quitté, vous ne l'aurez pas dans un royaume de la Terre.
Vous aussi donc vous devenez avides et sots ? Mais ce n'est pas vous. C'est
déjà le crépuscule empoisonné des ténèbres qui s'avance et l'air souillé de
Jérusalem qui approche et vous corrompt et vous aveugle... Moi, je vous dis
que vous ne savez pas ce que vous demandez ! Pouvez-vous peut-être boire la coupe que Moi je boirai ?"
"Nous le pouvons, Seigneur."
"Comment pouvez-vous le dire si vous n'avez pas compris quelle sera
l'amertume de ma coupe ? Ce ne sera pas seulement l'amertume que je vous ai
décrite hier, mon amertume d'Homme de toutes les douleurs. Il y aura des
tortures que même si je vous les décrivais vous ne seriez pas en condition de
comprendre... Et pourtant, oui, puisque, bien qu'étant comme deux enfants qui
ne connaissent pas la portée de ce qu'ils demandent, puisque vous êtes deux
esprits justes et que vous m'aimez, certainement vous boirez à ma coupe.
Cependant siéger à ma droite ou à ma gauche, il ne dépend pas de Moi de vous
l'accorder. C'est une chose accordée à ceux auxquels mon Père l'a
préparée."
577.10 – Les
autres apôtres, pendant que Jésus parle encore, critiquent âprement la
demande des fils de Zébédée et de leur mère. Pierre dit à Jean :
"Toi aussi ! Je ne te reconnais plus pour ce que tu étais !"
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Et l'Iscariote, avec son sourire de démon :
"Vraiment les premiers sont les derniers ! Temps de découvertes
surprenantes..."
Mais il rit jaune.
"Est-ce par hasard pour les honneurs, que nous avons suivi notre Maître
?" dit Philippe d'un ton de reproche.
Thomas, au contraire, pour excuser les deux, s'en prend à Salomé en lui
disant : "Pourquoi faire mortifier tes enfants ? Tu devais réfléchir, si
eux ne l'ont pas fait, et empêcher cela."
"C'est vrai. Notre mère ne l'aurait pas fait" dit le Thaddée.
Barthélemy ne parle pas, mais son visage marque clairement sa désapprobation.
Simon le Zélote dit, pour calmer l'indignation : "Nous pouvons tous nous
tromper..."
Matthieu, André et Jacques d'Alphée ne parlent pas, mais visiblement ils
souffrent de l'incident qui entache la belle perfection de Jean.
Jésus fait un geste pour imposer le silence et il dit :
"Et quoi ? D'une erreur va-t-il en venir un grand nombre ? Vous qui
exprimez des reproches indignés, ne vous apercevez-vous pas que vous péchez
vous aussi ? Laissez tranquilles vos deux frères. Mon reproche suffit. Leur
humiliation est visible, leur repentir humble et sincère. Vous devez vous
aimer entre vous, vous soutenir mutuellement. Car, en vérité, aucun d'entre
vous n'est encore parfait. Vous ne devez pas imiter le monde et les hommes
qui en font partie. Dans le monde,
vous le savez, les chefs des nations les dominent et les grands exercent sur
elles leur autorité au nom du chef. Mais parmi vous, il ne doit pas en être
ainsi. Vous ne devez pas avoir la prétention de dominer les hommes, ni vos
compagnons. Au contraire que celui qui parmi vous veut devenir plus grand, se
fasse votre ministre, et que celui qui veut être le premier se fasse le
serviteur de tous, comme l'a fait votre Maître, Suis-je venu par hasard pour
opprimer et dominer ? Pour être servi ? Non, en vérité, non. Je suis venu
pour servir. Et de même que le Fils de l'homme n'est pas venu pour être
servi, mais pour servir et pour donner sa vie pour racheter un grand nombre,
ainsi vous devrez savoir faire, si vous voulez être
comme je suis et où je suis. Maintenant, allez, et soyez en paix entre vous
comme je le suis avec vous."
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