"L'Évangile tel qu'il m'a été
révélé" |
aucun accent |
||
Jeudi 18
octobre 29 (21 Boul)
- Un détachement de soldats romains 356 - Un jeune homme exprime son désir de
perfection 357 - La sainteté est possible 358 - Basée sur l'amour, elle prend
différentes figures 359 - Jésus est appelé auprès d'une mourante
361 - Et auprès d'un soldat romain 361 - Jésus est le vrai Dieu 362 - Il touche le soldat à la jambe
fracturée 362 - Intervention du mari de la mourante
363 - Guérison du soldat romain 363 - La femme est guérie. Leçons à son mari
364 - Discours (Dieu est avec le juste
364 - Beaucoup n'ont pas Dieu avec eux 365 - Je suis venu réunir tous les hommes 365 - Vous me haïssez à cause d'un criminel) 366 - L'endroit est sous la coupe d'Elchias 366 |
Accueil >> Plan du site >> Sommaire du Tome 7 7.211. |
||
356> Jésus est encore au milieu
des montagnes, suivi de gens, en plus des apôtres et des disciples. Parmi
ceux-ci maintenant se trouvent des disciples ex-bergers qu'ils ont trouvé peut-être dans
quelque petit village par où ils sont passés. Jésus monte d'une vallée vers
une montagne, par une route qui suit avec ses détours la pente de la
montagne, et qui est certainement une voie romaine d'après son pavage qu'on
ne peut confondre et son entretien soigné que l'on trouve uniquement dans les
routes construites et entretenues par les romains. Des gens y passent, se
dirigeant vers la vallée ou remontant de la vallée vers la chaîne du massif
montagneux, couronné à son sommet de villages ou de villes. Certains, voyant
Jésus et sa suite, demandent qui c'est et le suivent, alors que d'autres se
contentent de regarder, d'autres encore hochent la tête et raillent. Un
détachement de soldats romains les rejoint de son pas pesant avec son
tintamarre d'armes et de cuirasses. Ils se détournent pour regarder Jésus
qui, quittant la voie romaine, va prendre un chemin... judaïque qui se dirige
vers le sommet où se trouve un village. C'est un chemin caillouteux et boueux
parce qu'il a plu, sur lequel le pied ou bien glisse sur les cailloux ou bien
s'enfonce dans les ornières. Les soldats se dirigent certainement vers la
même ville et, après une courte halte, se remettent en marche, obligeant les
gens à se mettre de côté sur le chemin pour céder la place au détachement qui
passe rigidement encadré. Quelques insultes sifflent dans l'air, mais la
discipline de la marche en colonne empêche les soldats d'y répondre dans les
mêmes termes. 357> Les voici de nouveau
près de Jésus qui s'est rangé pour les laisser passer et les regarde de son
œil plein de douceur qui paraît bénir et caresser par la lumière de ses iris
de saphir. Et les visages fermés des soldats s'éclairent d'une esquisse de
sourire qui n'est pas moqueur, mais qui est au contraire respectueux comme un
salut. Ils passent. Les gens se remettent en
route derrière Jésus qui est en tête. Un jeune homme se détache de la foule
et rejoint le Maître en le saluant avec respect. Jésus lui rend son salut. "Je voudrais te demander quelque
chose, Maître." "Parle." "Je t'ai écouté par hasard un
matin après la Pâque près d'un mont voisin des gorges de Carit
[1]. Et depuis lors j'ai
pensé que... je pouvais être moi aussi parmi ceux que tu appelles. Mais avant
de venir j'ai voulu savoir exactement ce qu'il est nécessaire de faire et ce que
l'on doit ne pas faire. Et j'ai interrogé tes disciples chaque fois que je
les ai rencontrés, et l'un me disait une chose et l'autre une autre. Et
j'étais incertain, presque épouvanté, parce qu'ils étaient tous d'accord sur
une chose avec plus ou moins d'intransigeance, et c'était sur l'obligation
d'être parfait. Moi... Je suis un pauvre homme, Seigneur, et la perfection
n'appartient qu'à Dieu... Je t'ai entendu une deuxième fois... et Toi-même
disais : "Soyez parfaits". Et je me suis découragé. Une troisième
fois, il y a quelques jours, au Temple. Et, bien que tu fusses sévère, il ne
me parut pas qu'il fût impossible de le devenir, parce que... moi je ne sais
même pas pourquoi, comment me l'expliquer et te l'expliquer. Mais il me
semblait que si c'était une chose impossible, ou si c'était si dangereux de
vouloir devenir comme de se faire dieux, Toi, qui veux nous sauver, ne nous
l'aurais pas proposé. Car la présomption est un péché et vouloir être des
dieux, c'est le péché de Lucifer. Mais peut-être il y a une manière de
l'être, pour le devenir sans pécher, et c'est en suivant ta Doctrine qui est
sûrement une doctrine de salut. Est-ce que je dis bien ?" "Tu dis bien. Et alors ?" "Et alors, j'ai continué
d'interroger tel ou tel et, ayant appris que tu étais à Rama, j'y suis venu.
Et depuis lors, avec la permission de mon père, je t'ai suivi et voilà : de
plus en plus je voudrais venir..." "Et viens donc ! Que crains-tu
?" 358> "Je ne sais
pas... Je ne sais même pas moi... Je demande, je demande... Mais toujours,
tandis qu'en t'écoutant il me paraît facile et je suis décidé à venir,
ensuite, en réfléchissant, et ce qui est pire, en demandant à tel ou tel,
cela me paraît trop difficile."
"Parce que... j'avais... non pas
peur, mais... Nos prêtres et rabbins ! Si durs et orgueilleux ! Et Toi... Je
n'osais pas t'approcher. Mais à Emmaüs, hier !... Oh ! je crois avoir compris
que je ne dois pas avoir peur. Et maintenant je suis ici, à te demander ce
que je voudrais savoir. Tout à l'heure, un de tes apôtres m'a dit : "Va
et ne crains pas. Il est bon même avec les pécheurs". Et un autre :
"Rends-le heureux par ta confiance. Celui qui se confie à Lui le trouve
plus doux qu'une mère". Et un autre encore : "Je ne sais si je me
trompe, mais je te dis que Lui te dira que la perfection réside dans
l'amour". Voilà ce que m'ont dit tes apôtres, certains du moins, plus
doux que les disciples. Pas tous cependant, car parmi les disciples, il y en
a certains qui semblent un écho de ta voix, mais ils sont trop peu nombreux.
Et parmi les apôtres il y en a certains qui... font peur à un pauvre homme
comme moi. L'un d'eux m'a dit, avec un rire qui n'était pas bon : "Tu
veux devenir parfait ? Nous ne le sommes pas nous qui sommes ses apôtres et
toi, tu veux l'être ? C'est impossible". Si les autres n'avaient pas
parlé, je m'en serais enfui découragé, mais je fais la dernière tentative...
et si Toi aussi tu vas me dire que c'est impossible..." "Mon fils, et pourrais-je être
venu pour proposer aux hommes des choses impossibles ? Qui penses-tu qui t'a
mis dans le cœur ce désir de devenir parfait ? Ton cœur lui-même ?" "Non, Seigneur. Je crois que
c'est Toi par tes paroles." "Tu n'es pas loin de la vérité.
Mais réponds encore : pour toi mes paroles que sont-elles ?" "Justes." "C'est bien. Mais je veux dire : des
paroles d'homme ou de quelqu'un qui est plus qu'un homme ?" "Oh ! Toi, tu parles comme la
Sagesse et avec plus de douceur et de clarté encore. Aussi je dis que tes
paroles sont de quelqu'un qui est plus qu'un homme. Et je ne crois pas me
tromper si j'ai bien compris ce que tu disais dans le Temple, car il m'a
semblé que Toi alors tu disais que tu es la Parole même de Dieu et que donc
tu parles en Dieu." "Tu as bien compris et bien dit.
Et alors qui t'a mis dans le cœur le désir de la perfection ?" 359> "C'est Dieu qui
me l'a mis, par l'intermédiaire de Toi, sa Parole."
"C'est vrai ! C'est tout à fait
vrai ! Si Dieu l'a dit, c'est que cela peut être fait. Oh ! Maître ! Comme on
comprend tout quand c'est Toi qui parles ! Mais alors, pourquoi tes
disciples, et même cet apôtre expriment-ils une idée aussi... effrayante de
la sainteté ? Peut-être ne croient-ils pas vraies ces paroles et les tiennes
? Ou bien ils ne savent pas marcher en présence de Dieu ?" "Ne pense pas à ce que c'est. Ne
juge pas. Vois, fils. Parfois leur désir d'être parfaits et leur humilité
leur fait craindre de ne pouvoir jamais le devenir." "Mais alors le désir de la
perfection et l'humilité sont des obstacles pour devenir parfait ?" "Non, fils. Le désir et
l'humilité ne sont pas des obstacles. Il faut même s'efforcer de les avoir
profondément, mais ordonnés. Ils sont ordonnés quand il n'y a pas de hâte
inconsidérée, d'accablements sans raison, de doutes et de défiance tels que
de croire que, étant donnée l'imperfection de son être, l'homme ne peut
devenir parfait. Toutes les vertus sont nécessaires et l'est aussi le vif
désir d'arriver à la justice." "Oui. Ceux que j'ai interrogés me
le disaient aussi. Ils me disaient qu'il est nécessaire d'avoir les vertus.
Pourtant les uns estimaient nécessaire telle vertu et d'autres telle autre,
et tous affirmaient l'absolue nécessité de celle qu'ils préconisaient comme
indispensable pour être saint. Et cela m'effrayait, car comment peut-on avoir
toutes les vertus sous une forme parfaite, les faire naître ensemble comme un
bouquet de fleurs variées ? Il faut du temps... et la vie est si courte !
Toi, Maître, explique-moi quelle est la vertu indispensable."
"Oui ? Ainsi, c'est plus facile.
La sainteté, alors, c'est l'amour. Si j'ai la charité, je possède tout... La
sainteté est faite de cela." "De cela, et des
autres vertus. Car la sainteté, ce n'est pas seulement d'être humble, ou seulement
prudent, ou seulement chaste et cætera, mais c'est être vertueux. Vois, mon
fils : quand un riche veut faire un banquet, est-ce que peut-être il commande
un seul mets ? Et encore : quand quelqu'un veut faire un bouquet de fleurs,
pour l'offrir en hommage, prend-il par hasard une seule fleur ? Non, n'est-ce
pas ? Car s'il mettait sur les tables des tas de plats d'un seul mets, ses
convives le critiqueraient comme un hôte incapable qui se préoccupe seulement
de montrer ses possibilités d'achat sans montrer sa finesse de seigneur
préoccupé des goûts divers de ses invités et qui veut que chacun, avec un
mets ou un autre, non seulement se rassasie, mais se régale. Et de même celui
qui fait un bouquet de fleurs : une seule fleur, si grande qu'elle soit, ne
fait pas un bouquet, mais il faut des fleurs nombreuses pour le faire et
ainsi les couleurs et les parfums variés charment l'œil et l'odorat et font
louer le Seigneur. La sainteté, que nous devons considérer comme un bouquet
de fleurs offert au Seigneur, doit être formée de toutes les vertus. Dans un
esprit c'est l'humilité qui prédominera, dans un autre la force, dans un
autre la continence, dans un autre la patience, dans un autre l'esprit de
sacrifice ou de pénitence, toutes vertus nées à l'ombre de la plante royale
et parfaitement parfumée de l'amour, dont les fleurs domineront toujours dans
le bouquet, mais ce sont toutes les vertus qui composent la sainteté." "Et laquelle doit-on cultiver
avec plus de soin ?" "La charité. Je te l'ai
dit." "Et ensuite ?"
"En d'autres termes, dans l'âme
aimante se trouve Dieu qui opère grandement ?" "Oui, fils. Il y a Dieu qui opère
grandement en laissant l'homme y mettre de lui-même sa libre volonté de
tendre à la perfection, ses efforts pour repousser les tentations pour se
conserver fidèle à ce qu'il se propose, ses luttes contre la chair, le monde,
le démon, quand ils l'assaillent et cela pour que son fils aie du mérite dans
sa sainteté." 361> "Ah ! voilà !
Alors il est très juste de dire que l'homme est fait pour être parfait comme
Dieu le veut. Merci, Maître. Maintenant je sais, et maintenant je ferai. Et
Toi, prie pour moi." "Je te garderai dans mon cœur.
Va, et ne crains pas que Dieu puisse te laisser sans secours." Le jeune homme se sépare de Jésus,
content... Ils sont maintenant près du village. Barthélemy, avec Étienne, rejoint Jésus pour
Lui raconter que, pendant qu'il parlait avec le jeune homme, quelqu'un de Bétéron, parent d'Elchias le pharisien, était venu pour le
prier de l'amener tout de suite auprès de sa femme mourante. "Allons. Je parlerai ensuite.
Savez-vous où elle est ?" "Il nous a laissé un serviteur.
Il est en arrière avec les autres." "Faites-le venir et pressons le
pas." Le serviteur accourt. C'est un robuste
vieillard, il est consterné. Il salue et regarde par en dessous Jésus qui lui
sourit en lui demandant : "De quoi meurt ta maîtresse ?" "De... Elle devait avoir un
enfant, mais il est mort dans son sein et son sang s'est corrompu. Elle
délire comme une folle et elle doit mourir. On lui a ouvert les veines pour
faire tomber la fièvre, mais le sang est complètement empoisonné, et elle
doit mourir. On l'a descendue dans la citerne pour éteindre l'ardeur. Elle
reste basse tant que la femme est dans l'eau glacée, puis elle est plus forte
qu'avant, et elle tousse, elle tousse... et elle doit mourir." "Naturellement ! Avec de pareils
soins !" bougonne Matthieu entre ses dents. "Depuis quand est-elle malade
?" Le serviteur va répondre quand arrive
en courant par la descente, le chef du manipule romain [3]. Il s'arrête devant
Jésus. "Salut ! Tu es le Nazaréen
?" "Je le suis. Que veux-tu de Moi
?" Ceux qui suivent Jésus accourent,
croyant je ne sais quoi... "Un jour un de nos chevaux a
heurté un enfant hébreux, et tu l'as guéri pour empêcher les hébreux de
manifester contre nous [4]. Maintenant les pierres
hébraïques ont fait tomber un soldat et il gît avec la jambe fracturée. Je ne
puis m'arrêter, je suis de service. Personne ne le veut dans le village. Il
ne peut marcher, je ne puis le traîner avec sa jambe fracturée. Je sais que
tu ne nous méprises pas, comme le font tous les hébreux..." 362> "Tu veux que je
guérisse le soldat ?" "Oui, tu as guéri aussi le
serviteur du Centurion [5] et la petite fille
de Valeria [6]. Tu as sauvé Alexandre de la colère de tes
compatriotes. Cela se sait, en haut lieu et en bas." "Allons trouver le soldat." "Et ma maîtresse ?" demande
le serviteur mécontent. "Après." Et Jésus marche
derrière le gradé qui dévore la route avec ses longues jambes
musclées et dégagées de vêtements encombrants. Mais même en marchant ainsi
devant tous, il trouve le moyen de dire quelques paroles à celui qui le suit
immédiatement, et c'est Jésus, et il dit : "J'ai été avec Alexandre autrefois. Lui te...
Il parlait de Toi. Le hasard me met près de Toi en ce moment."
Le soldat se tait un moment et puis il
dit, de façon que Jésus seul entende : "Le vrai Dieu serait celui des
hébreux... Mais Il ne se fait pas aimer. S'il est comme les hébreux ! Ils
n'ont pas pitié, même d'un blessé..." "Le vrai Dieu est le Dieu des
hébreux, comme des romains, des grecs, des arabes, des parthes, des scythes,
des ibères, des gaulois, des celtes, des libyens, et des hyperboréens. Il n'y
a qu'un Dieu ! Mais beaucoup ne
le connaissent pas, d'autres le connaissent mal. S'ils le connaissaient bien,
ils seraient comme des frères et il n'y aurait pas d'injustices, de haines,
de calomnies, de vengeances, de luxure, de vols et d'homicides, d'adultères
et de mensonges. Moi, je connais le vrai Dieu, et je suis venu pour le faire
connaître." "On dit... Nous devons avoir
toujours les oreilles à l'écoute pour rapporter aux centurions et eux au
Proconsul. On dit que tu es Dieu. Est-ce vrai ?" Le soldat est très...
préoccupé en le disant. Il regarde Jésus par dessous l'ombre de son casque et
il semble presque effrayé. "Je le suis." "Par Jupiter ! Est-il donc vrai
que les dieux descendent pour converser avec les hommes ? Avoir fait le tour
du monde derrière les enseignes, et venir ici, déjà vieux, pour trouver un
dieu !" "Le Dieu Unique. Pas un
dieu" corrige Jésus. Mais le soldat est anéanti à l'idée de
précéder un dieu... Il ne parle plus... Il réfléchit. Il réfléchit jusqu'au
moment où juste à l'entrée du village ils trouvent le détachement arrêté
autour du blessé qui gémit par terre.
363> Jésus se fraie un
passage et s'approche. La jambe a une mauvaise fracture, le pied retourné vers
l'intérieur et elle est déjà enflée et livide. L'homme doit beaucoup
souffrir, et voyant Jésus allonger une main, il dit suppliant :
"Fais-moi peu de mal !" Jésus sourit. Il touche à peine du
bout des doigts l'endroit où le cercle livide indique la fracture et puis il
dit : "Lève-toi !" "Mais il a une seconde fracture
plus haut, à la hanche" explique le gradé, en voulant sûrement dire :
"Tu ne la touches pas ?" À ce moment voilà un habitant de Beteron : "Maître, Maître ! Tu perds ton temps avec
des païens, et ma femme se meurt !" "Va et amène-la-moi." "Je ne peux pas. Elle est folle
!" "Va et amène-la-moi, si tu as foi
en Moi." "Maître, on ne la tient pas. Elle
est nue et on ne peut la vêtir. Elle est folle et déchire ses vêtements. Elle
est mourante et elle ne se tient pas." "Va et amène-la-moi si ta foi
n'est pas inférieure à celle de ces gentils." L'homme s'en va, mécontent. Jésus regarde le romain étendu à ses
pieds : "Et toi tu sais avoir foi ?" "Moi, oui. Que dois-je faire
?" "Te lever." "Attention, Camille, que..." est en train de dire le gradé.
Mais le soldat est déjà debout, agile, guéri. Les Israélites ne crient pas hosanna.
Celui qui est guéri n'est pas un hébreux. Ils semblent même mécontents, ou du
moins leurs visages expriment une critique de l'acte de Jésus. Mais les
soldats ne le sont pas. Ils dégainent leurs courtes et larges dagues et les
lèvent dans l'air gris après les avoir frappées sur leurs boucliers en signe
de réjouissance. Jésus est au milieu du cercle des lames. Le gradé le regarde. Il ne sait
comment s'exprimer, ce que faire, lui, homme près d'un dieu, lui, païen près
de Dieu... Il réfléchit et il trouve qu'au moins il doit faire pour Dieu ce
qu'il ferait pour César, et il commande le salut militaire à l'imperator (je
crois du moins qu'il en est ainsi car j'entends résonner un "Ave !"
puissant, pendant que les lames scintillent quand ils les mettent presque
horizontales tout en haut de leurs bras tendus). Et, pas encore satisfait, le
gradé Lui dit à voix basse : "Va tranquillement, même de nuit. Les
routes... toutes surveillées. Service contre les voleurs. Tu seras en sûreté.
Moi..." Il s'arrête, ne sachant plus que dire. 364> Jésus lui sourit en
disant : "Merci, Va, et sois bon. Même avec les voleurs, sois humain.
Fidèle à ton service, mais sans cruauté. Ce sont des malheureux, et ils
devront rendre compte de leurs agissements à Dieu." "Je le serai. Salut ! Je voudrais
encore te voir..." Jésus le regarde
fixement, puis il dit : "Nous nous reverrons. Sur un autre mont" [7]. Et il répète :
"Soyez bons. Adieu." Les soldats se remettent en marche.
Jésus entre dans le village. Il fait quelques mètres et puis il voit venir à
sa rencontre, et à celle de sa suite, un groupe nombreux qui crie des
commentaires. Et du groupe se détachent un homme et une femme — l'homme
d'abord — qui s'inclinent devant Jésus, la femme à genoux, l'homme seulement
incliné.
L'attitude des habitants devient
froide et hautaine sous le reproche de Jésus. Ils le suivent renfrognés
jusqu'à la place où il s'arrête pour parler, étant donné que le chef de la
synagogue ne l'invite pas à entrer dans la synagogue et qu'aucune maison ne
s'ouvre au Maître. "Quand Dieu est
avec les hommes, les hommes peuvent tout contre le malheur quelque soit son
nom. Quand Dieu, au contraire, n'est pas avec les hommes, ils ne peuvent rien
contre le malheur. Cette ville, dans ses chroniques, rappelle plus d'une fois
ces choses, Dieu était avec Josué, et Josué défit les rois chananéens, et sur cette route Dieu l'aida à détruire les
ennemis d'Israël "en envoyant sur eux du ciel de grosses pierres, et il
en périt davantage par la grêle de pierres que par l'épée" lit-on dans
le livre de Josué [8]. 365> Cette vérité est trop oubliée à
présent en Israël et on veut que Dieu aide et on l'invoque pour des fins qui
ne sont pas bonnes. On ne pratique pas les vertus, et on n'observe pas les
commandements d'une manière réelle, c'est-à-dire que, des commandements, on
fait ce qui peut être vu et loué par les hommes, mais bien différent est ce
que cache l'apparence. Moi, je viens pour dire : soyez
sincères dans vos actions car Dieu voit tout et inutiles sont les sacrifices,
vaines les prières si on les fait par pure ostentation de culte alors que le
cœur est rempli de péché, de haine, de désirs mauvais. Beteron, que tes habitants
ne fassent pas ce que Abdias dit d'Edom [11]. Edom, qui se
croyait en sécurité, se permettait d'opprimer Jacob et de se réjouir de ses
défaites. N'agis pas ainsi, ville sacerdotale [12]. Prends et médite le
rouleau d'Abdias. Médite, médite, médite. Et change
ton chemin. Suis la justice si tu ne veux pas connaître des jours d'horreur.
Tu ne seras pas sauvée alors par ta situation sur ce sommet, ni d'être
apparemment hors des routes de la guerre. Moi, je vois chez toi beaucoup de
gens qui n'ont pas Dieu avec eux, et qui ne veulent pas de Dieu. Vous
murmurez ? Moi, je vous dis la vérité. Je suis monté jusqu'ici pour vous la
dire, pour vous sauver encore. Ne portiez-vous pas un seul nom ?
Israël n'était-il pas tout ? Pourquoi donc s'est-il divisé et a-t-il pris
deux noms [13] ? Oh ! vraiment cela
me rappelle le mariage d'Osée avec la femme de prostitution et les enfants
qui sont nés de celle qui a forniqué. Mais que dit le prophète ? "Le
nombre des enfants d'Israël sera comme celui des grains de sable de la mer...
Et alors au lieu de leur dire; 'Vous 366> n'êtes pas mon
peuple' il leur sera dit : 'Vous êtes les fils du Dieu vivant' [14]. Et les fils de
Judas et ceux d'Israël se réuniront et éliront un seul chef et ils monteront
de la Terre car grand est le jour de Jezraël".
Oh ! mais pourquoi critiquez-vous Celui qui doit tout réunir et faire un seul
peuple, un grand peuple, unique comme l'est Dieu, d'aimer tous les fils de
l'homme parce qu'ils sont tous fils de Dieu et qui doit faire fils du Dieu
vivant, même ceux qui présentement semblent morts ? Et pouvez-vous juger mes
actions et leur cœur et le vôtre ? D'où vous vient la lumière ? La lumière
vient de Dieu. Mais si Dieu m'envoie avec la charge de réunir tous les hommes
sous un seul sceptre, comment pouvez-vous avoir une lumière qui soit vraiment
divine si elle vous montre les choses d'une manière contraire à comme les
voit Dieu ? Et pourtant vous voyez d'une manière contraire à ce que voit
Dieu. Ne murmurez pas. C'est la vérité. Vous
êtes hors de la justice, mais davantage le sont ceux qui vous entraînent à
l'injustice, et ils seront doublement punis. Vous m'accusez de forniquer avec
l'ennemi, avec celui qui nous domine. Je lis dans vos cœurs. Mais vous, ne
forniquez-vous pas avec Satan en vous faisant les partisans de ceux qui
combattent le Fils de l'homme, l'Envoyé de Dieu ? Voilà que vous me haïssez.
Mais je connais le visage de celui qui vous instille la haine. Comme il est
dit dans Osée, je suis venu avec les mains chargées de dons et le cœur rempli
d'amour, j'ai cherché à vous attirer avec les manières les plus douces pour
me faire aimer. J'ai parlé à mon peuple comme un époux à son épouse en lui
offrant un éternel amour, et la paix, la justice, la miséricorde [15]. Il reste encore une
heure pour empêcher le peuple qui me repousse, les chefs qui l'excitent -
Moi, je les connais - de rester sans roi, sans chef, sans sacrifice et sans
autel. Mais près de la tanière, où la haine est plus forte et où le châtiment
sera plus grand, voici que l'on travaille à acheter les consciences pour les
conduire au crime. Oh ! en vérité ceux qui détournent et dévoient les
consciences seront jugés sept fois plus sévèrement que ceux qu'ils ont
dévoyés. Allons. Je suis venu et j'ai fait un
miracle et je vous ai dit la vérité pour que vous sachiez qui je suis.
Maintenant je m'en vais. Et si parmi vous il y a un seul juste, qu'il me
suive, car bien triste est l'avenir de ce lieu où se nichent les serpents
pour séduire et trahir." Et Jésus se retourne pour prendre la
route par laquelle il est venu. "Pourquoi, ô Rabbi, leur as-tu
parlé ainsi ? Ils vont te haïr" demandent les apôtres. 367> "Je ne cherche pas à conquérir l'amour
en pactisant avec le mensonge." "Mais ne valait-il pas mieux ne
pas venir ?" "Non. Il ne faut laisser aucun
doute." "Et qui as-tu convaincu ?" "Personne. Pour le moment,
personne. Mais bientôt, on dira : "Nous ne pouvons maudire personne car
nous avons été prévenus et nous n'avons pas agi". Et s'ils reprochent à
Dieu de les frapper, leurs reproches seront comme un blasphème." "Mais à qui voulais-tu faire
allusion en disant..." "Demandez-le à Judas de Kériot. Il connaît beaucoup
de gens de cet endroit, et il connaît leurs astuces." Tous les apôtres regardent Judas. "Oui. L'endroit est presque sous
la coupe d'Elchias. Mais... je ne crois pas que Elchias..." Les paroles meurent sur les lèvres de
Judas qui, en levant le regard de sa ceinture qu'il ajustait pour se donner
une contenance, rencontre le regard de Jésus, un regard tellement étincelant
et pénétrant, qu'il semble magnétique. Il baisse . la tête et achève :
"Il est sûr que c'est un pays orgueilleux et odieux, digne de celui qui
le domine. Chacun a ce qu'il mérite. Eux ont Elchias,
nous Jésus, et le Maître a bien fait de leur faire savoir qu'il sait. Très
bien." "Ils sont certainement mauvais.
Vous avez vu ? Pas même un salut après le miracle ! Ni une obole ! Rien
!" observe Philippe. "Moi, cependant, je tremble quand
le Maître les démasque ainsi" soupire André. "Le faire ou ne pas le faire,
c'est pareil. Ils le haïssent de la même façon. Moi, je voudrais revenir en
Galilée !" dit Jean. "En Galilée ! Oui !" dit Pierre en soupirant et il baisse la tête, pensif. |
|||
Derrière, ceux qui ont suivi Jésus et
ne le quittent pas, ne cessent pas de faire des commentaires avec les
disciples. |
|||
[3] Le manipule est l'unité
de base tactique de l'armée romaine. Il était composé de 200 hommes, soit deux
centuries. Béthoron, à l'époque romaine, était une
place forte importante. Ici ce terme est impropre puisque le gradé est un
décurion. Il s'agit donc d'une ou deux décuries (10 soldats)