"L'Évangile tel qu'il m'a été
révélé" |
aucun accent |
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Dimanche 21
octobre 29 (24 Boul)
- Judas est obsédé par un royaume
temporel 379 - La fatigue de Jésus est surtout morale
380 - Éloge de ceux de Gabaon 381 - Discours (La sensualité et les
âmes victimes) 382 - Retour sincère de Judas 383 |
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379> Le vent humide et froid peigne les arbres des collines et
pousse dans le ciel des amas de nuages grisâtres. 380> Tout emmitouflés
dans leurs lourds manteaux, Jésus avec les douze et Étienne descendent de Gabaon
par le chemin qui mène à la plaine. Ils parlent entre eux pendant que Jésus,
absorbé dans un de ses silences, est loin de ce qui l'entoure. Et il y reste
jusqu'à ce que, arrivés à un croisement à mi-côte, et même presque au bas de
la colline, il dit : "Prenons de ce côté et allons à Nobé." "Comment ? Tu ne
reviens pas à Jérusalem ?" dit l'Iscariote. "Nobé et Jérusalem, c'est presque tout un, pour celui qui
est habitué à beaucoup marcher. Mais je préfère être à Nobé.
Cela te déplaît ?" "Oh ! Maître !
Pour moi, ici ou là... Il me déplaît plutôt que Toi, dans un endroit qui
t'était si favorable, tu aies figuré si peu. Tu as parlé davantage à Beteron qui ne t'était
certainement pas amie. Tu devrais faire le contraire, il me semble. Chercher
à t'attirer toujours plus les villes que tu sens favorables, en faire des...
défenses contre les villes dominées par ceux qui te sont hostiles. Tu sais
quelle importance il y a d'avoir de ton côté les villes voisines de Jérusalem
? Enfin, Jérusalem n'est pas tout. Même les autres endroits peuvent avoir de
l'importance, et par leur importance faire pression sur les volontés de
Jérusalem. Les rois, généralement, sont proclamés dans des villes les plus
fidèles, et les autres se résignent une fois faite la proclamation..." "Quand elles ne
se révoltent pas, et alors ce sont des luttes fratricides. Je ne crois pas
que le Messie veuille commencer son Règne par une guerre intestine" dit Philippe. "Je voudrais une
seule chose : qu'il commence en vous par une juste vision des choses. Mais
vous n'avez pas encore cette vision... Quand donc comprendrez-vous ?" Se rendant compte que
peut-être c'est un reproche qui va venir, l'Iscariote demande de nouveau :
"Pourquoi donc, ici à Gabaon, as-tu si peu parlé ?" "J'ai préféré
écouter et me reposer. Vous ne comprenez pas que Moi aussi j'ai besoin de
repos ?" "Nous pouvions
nous y arrêter et leur faire plaisir. Si tu es si fatigué, pourquoi t'es-tu
remis en route ?" dit Barthélemy affligé.
381> "Que cela ne
soit jamais, Seigneur ! Et tu ne dois même pas le supposer. En parlant ainsi,
tu nous offenses !" proteste l'Iscariote avec une indignation
affligée qui dépasse celle de tous les autres, bien que tous protestent en
disant : "Maître, tu nous affliges par ces paroles, tu doutes de nous
!" Et Jacques de Zébédée, impulsif, s'écrie :
"Moi, je te salue, Maître, et je retourne à Capharnaüm. Le cœur brisé. Mais
je m'en vais. Et si Capharnaüm ne suffit pas, j'irai avec les pêcheurs de Tyr et de
Sidon, j'irai à Cintium, j'irai je ne sais
où, mais si loin qu'il est impossible que tu puisses penser que moi je te
trahis. Donne-moi ta bénédiction pour le viatique !" Jésus l'embrasse en
disant : "Paix, mon apôtre. Ils sont si nombreux ceux qui se disent mes
amis, vous n'êtes pas les seuls. Elles t'affligent, elles vous affligent mes
paroles. Mais dans quels cœurs dois-je verser mes angoisses et chercher du
réconfort sinon dans ceux de mes apôtres bien-aimés et de mes disciples
éprouvés ? Je cherche en vous une partie de l'union que j'ai quittée pour
unir les hommes : l'union avec mon Père dans le Ciel; et une goutte de
l'amour que j'ai quitté pour l'amour des hommes : l'amour de ma Mère. Je le
cherche pour me soutenir. Oh ! l'onde amère, le poids inhumain envahissent et
font pression sur mon cœur, sur le Fils de l'homme !... Ma Passion, mon
Heure, se fait toujours plus pleine... Aidez-moi à la supporter, à
l'accomplir... car elle est si douloureuse !" Les apôtres se
regardent touchés par la douleur profonde qui vibre dans les paroles du
Maître et ils ne savent faire rien d'autre que de se serrer contre Lui, le
caresser, l'embrasser... et c'est en même temps le baiser de Judas à droite,
celui de Jean à gauche, sur le visage de Jésus qui baisse
les paupières pour cacher ses yeux pendant que l'embrassent Judas Iscariote
et Jean... Ils reprennent la
marche et Jésus peut terminer sa pensée interrompue : "Dans une si
grande angoisse, mon cœur cherche des endroits où il trouve amour et repos.
Où, au lieu de parler à des pierres arides et à des serpents sournois ou à
des papillons distraits, il peut écouter les paroles d'autres cœurs et se
consoler, parce qu'il les sent sincères, affectueux, justes. Gabaon est l'un
de ces endroits. Je n'y étais jamais venu. Mais j'y ai trouvé un champ
labouré et ensemencé par d'excellents ouvriers de Dieu. Ce chef de la
synagogue ! Il est venu vers la Lumière, mais son esprit était déjà
lumineux. Que peut faire un bon serviteur de Dieu ! 382> Gabaon n'est certainement pas à l'abri des menées de ceux qui me haïssent. Même
là, on essaiera insinuation et corruption, mais elle a un chef de synagogue
qui est un juste et les poisons du Mal y perdent leur toxicité. Croyez-vous
qu'il me soit agréable de toujours corriger, censurer, réprouver même. Il
m'est beaucoup plus doux de pouvoir dire : "Tu as compris la Sagesse.
Avance sur ta route et sois saint", comme je l'ai dit au chef de
Gabaon." "Alors, nous y
retournerons ?" "Quand le Père
me fait trouver un lieu de paix, j'en jouis et j'en bénis mon Père, mais ce
n'est pas pour cela que je suis venu. Je suis venu pour convertir au Seigneur
les lieux coupables et éloignés de Lui. Vous voyez que je pourrais rester à Béthanie et je n'y reste
pas." "C'est aussi
pour ne pas nuire à Lazare." "Non, Judas de Simon. Même les pierres savent que Lazare
est mon ami. Aussi, à cause de cela, il serait inutile que je freine mon
désir de réconfort. Mais c'est pour..." "Pour les sœurs
de Lazare, pour Marie spécialement." "Non plus, Judas de Simon. Même les pierres savent que la
luxure de la chair ne me trouble pas. Remarque que parmi les nombreuses
accusations que l'on m'a faites, la première qui est tombée a été celle-là,
car même mes adversaires les plus acharnés ont compris que de la soutenir
c'était démasquer leur habitude du mensonge. Personne parmi les gens honnêtes
n'aurait cru que j'étais un sensuel. Judas, perplexe, se
mord les lèvres puis il dit : "Oui. Et puis, du reste, tu ne pourrais
plus nuire à Lazare. D'ici peu la mort le soustraira à tout danger de
vengeance... Et alors pourquoi ne vas-tu pas à Béthanie plus souvent ?" 383> "Parce que je ne suis pas venu pour jouir, mais pour
convertir. Je te l'ai déjà dit." "Pourtant... tu
jouis d'avoir tes frères avec Toi ?" "Oui. Mais il
est vrai aussi que je n'ai pas de préférences pour eux. Quand on doit se
séparer pour trouver une place dans les maisons, eux ne restent pas
généralement avec Moi, mais c'est vous qui restez. Et cela pour vous
montrer qu'aux yeux et à l'esprit de celui qui s'est voué à la rédemption, la
chair et le sang n'ont pas de valeur, mais la seule chose qui a de la valeur,
c'est la formation des cœurs et leur rédemption. Maintenant nous allons
nous rendre à Nobé et nous nous séparerons de
nouveau pour le sommeil et je vais encore te garder avec Moi et je garderai Matthieu, Philippe et Barthélemy." "Nous sommes
peut-être les moins formés ? Moi, spécialement, que tu gardes toujours près
de Toi ?" "Tu l'as dit, Judas de Simon." "Merci, Maître.
Je l'avais compris" dit l'Iscariote avec une colère mal contenue. "Et si tu l'as
compris, pourquoi ne t'efforces-tu pas à te former ? Crois-tu peut-être que
pour ne pas te mortifier, je pourrais mentir ? Nous sommes entre frères,
d'ailleurs, et les défauts de l'un ne doivent pas être un objet de raillerie
et ne doivent pas être un objet d'abattement les avertissements donnés en
présence des autres, qui savent déjà réciproquement en quoi manquent chacun
des frères. Personne n'est parfait, c'est Moi qui vous le dis. Mais même les
imperfections de chacun, si pénibles à voir et à supporter, doivent causer
une amélioration de soi-même pour ne pas accroître les ennuis réciproques. Et
crois-moi, Judas, même si je te vois pour ce que tu es, personne, pas même ta
mère, ne t'aime comme je t'aime et personne ne s'efforce de te rendre bon
comme ton Jésus." "Mais, en
attendant, tu me fais des reproches et tu m'humilies, même en présence d'un
disciple." "Est-ce la première
fois que je te rappelle à la justice ?" Judas se tait, "Réponds, te
dis-je !" dit Jésus impérieusement. "Non." "Et combien de
fois l'ai-je fait publiquement ? Peux-tu dire que je t'ai couvert de honte ?
Ou bien dois-tu dire que je t'ai couvert et défendu ? Parle !" "Tu m'as
défendu, c'est vrai. Mais maintenant..." 384> "Mais
maintenant c'est pour ton bien. Celui qui caresse un fils coupable, dit le proverbe, devra ensuite bander ses plaies. Et un
autre proverbe dit encore qu'un cheval indompté devient intraitable, et le
fils abandonné à lui-même un casse-cou." "Mais suis-je
peut-être ton fils ?" demande Judas alors que son visage adoucit son air
courroucé pour marquer son regret. "Si je t'avais
engendré tu ne pourrais l'être davantage, et je me ferais arracher les
entrailles pour te donner mon cœur et te rendre tel que je voudrais..." |
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Judas a un de ses retours... et sincère, vraiment sincère, il
se jette dans les bras de Jésus en criant : "Ah ! je ne te mérite pas !
Je suis un démon et je ne te mérite pas ! Tu es trop bon ! Sauve-moi, Jésus
!" [1] et il pleure, il
pleure réellement avec les pleurs agités d'un cœur troublé par des choses qui
ne sont pas bonnes, et par leur contraste avec le remords d'avoir affligé
celui qui l'aime. |
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