Le
dimanche 22 septembre 1946.
536> 499.1 – Je ne vois pas la ville d'Hesbon.
Jésus et les siens en sortent déjà, et d'après les visages des apôtres je
comprends que cela a été une déception. Ils sont suivis, ou plutôt
poursuivis, à la distance de quelques mètres par une foule qui vocifère et
menace...
"Ces lieux qui entourent la Mer Salée
sont maudits comme la mer elle-même" dit Pierre.
"Ce lieu ! Toujours celui du temps mosaïque, et tu es trop bon pour ne
pas le punir comme il le fut alors.
Mais il le mériterait bien, et il faudrait bien en venir à bout par les
puissances du Ciel ou par celles de la Terre, tous jusqu'au dernier homme et
la dernière localité" dit Nathanaël
fâché, avec une lueur de dédain dans ses yeux profonds.
La race hébraïque ressort fortement chez l'apôtre maigre et âgé dans l'accès
de dédain, et le fait ressembler beaucoup aux nombreux rabbis et pharisiens
qui s'opposent toujours à Jésus.
Jésus se retourne et lève la main pour dire :
"Paix ! Paix ! Ils seront eux aussi attirés à la Vérité. Mais il faut la
paix. Il faut de la compassion. Nous ne sommes jamais venus ici, ils ne nous
connaissent pas. D'autres endroits furent ainsi la première fois, mais
ensuite ils changèrent."
"Ces endroits sont comme Massada
: des vendus ! Retournons au Jourdain" dit Pierre avec insistance.
Mais Jésus s'en va par la route milliaire qu'il vient de reprendre en
direction du sud. Les plus enflammés contre Lui ne cessent de le poursuivre,
en attirant l'attention des voyageurs.
499.2 – Quelqu'un - ce doit être un riche marchand,
ou au moins quelqu'un qui est au service d'un marchand - conduit une longue
caravane qui va vers le nord. Il les observe stupéfait, en arrêtant son
chameau, et en même temps que lui s'arrêtent tous les autres.
Il regarde Jésus, il regarde les apôtres, désarmés et d'un aspect si bienveillant ;
il regarde ces gens qui arrivent en criant et en menaçant et, curieux, il les
interpelle. Je n'entends pas ses paroles mais les cris qui lui répondent :
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537> "C'est le Nazaréen maudit, le
fou, le possédé. Nous ne voulons pas de Lui dans nos murs !"
L'homme n'en demande pas plus. Il retourne son chameau, crie quelque chose à
quelqu'un qui le suivait de près, et aiguillonne l'animal qui en quelques
foulées rejoint les apôtres.
"Au nom de votre Dieu, qui d'entre vous est Jésus le Nazaréen ?"
demande-t-il aux apôtres Matthieu, Philippe,
Simon le Zélote
et à Isaac
qui sont dans le dernier petit groupe.
"Pourquoi le demandes-tu ? Toi aussi, pour l'ennuyer ? N'est-ce pas
assez de ses compatriotes ? Tu t'y mets toi aussi ?" dit Philippe très
fâché.
"Je vaux mieux qu'eux, et je demande une grâce. Ne me repoussez pas. Je
vous le demande au nom de votre Dieu."
Il y a dans la voix de l'homme quelque chose qui persuade les quatre, et
Simon lui dit :
"Le premier de tous, en avant, avec les deux plus jeunes."
L'homme excite de nouveau l'animal car Jésus, qui était déjà en avant, a
encore avancé durant le bref dialogue que Lui ignore.
499.3 – "Seigneur !... Écoute un
malheureux..." dit-il en le rejoignant.
Jésus, Jean
et Marziam
se retournent étonnés.
"Que veux-tu ?"
"Je suis de Pétra, Seigneur. Je passe pour le compte d'autrui des
marchandises venant de la Mer Rouge, jusqu'à Damas. Je ne suis pas pauvre,
mais c'est comme si je l'étais. J'ai deux enfants, Seigneur, et le mal les a
pris aux yeux et ils sont aveugles, l'un tout à fait, le premier qui a été
pris, l'autre presque aveugle et qui le sera bientôt complètement. Les médecins
ne font pas de miracles, mais Toi, oui."
"Comment le sais-tu ?"
"Je connais un riche marchand qui te connaît. Il séjourne parfois dans
mon milieu, et quelquefois je suis à son service. Il m'a dit, en voyant les
enfants : "Seul Jésus de Nazareth pourrait les guérir.
Cherche-le". Je t'aurais cherché, mais j'ai peu de temps et je dois
suivre les routes les plus indiquées."
"Quand as-tu vu Alexandre
?"
"Entre vos deux
fêtes de printemps.
Depuis lors, j'ai fait deux autres voyages, mais je ne t'ai jamais rencontré.
Seigneur, aie pitié !"
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538> "Homme, Moi, je ne puis
descendre à Pétra, et toi, tu ne peux pas quitter la caravane..."
"Si, je le puis. Arisa
est un homme de confiance. Je l'envoie en avant : il ira lentement. Moi, je
vole à Pétra. J'ai un chameau plus rapide que le vent du désert et plus agile
qu'une gazelle. Je prends les enfants et un autre serviteur fidèle. Je te
rejoins, tu les guéris... Oh ! la lumière pour les étoiles noires de leurs
yeux, maintenant couverts d'un nuage épais ! Et je continue alors qu'eux
retournent vers leur mère. Je vois que tu continues, Seigneur. Où te
diriges-tu ?"
"J'allais à Debon..."
"N'y va pas. Elle est pleine de... de ceux de Machéronte. Des endroits
maudits, Seigneur. Ne te soustrais pas aux malheureux, Seigneur, pour te
donner aux maudits."
"C'est ce que je disais" bougonne Barthélemy
dans sa barbe.
Plusieurs lui donnent raison.
499.4 – Maintenant ils sont tous
autour de Jésus et de l'homme de Pétra. Les habitants d'Hesbon, au contraire,
voyant que la caravane paraît bienveillante pour le Persécuté, rebroussent chemin.
La caravane, arrêtée, attend l'issue et la décision.
"Homme, si je ne vais pas vers les villes du midi, je retourne vers le
septentrion. Et il n'est pas dit que je t'écoute."
"Je le sais que je suis abject pour vous d'Israël. Je
suis incirconcis,
je ne mérite pas que l'on m'écoute. Mais Toi, tu es le Roi du monde, et dans
le monde, nous y sommes, nous aussi..."
"Ce n'est pas cela. C'est... Comment peux-tu croire que Moi je fasse ce
que les médecins n'ont pu faire ?"
"Parce que tu es le Messie de Dieu et qu'eux sont des hommes. Tu es le
Fils de Dieu. Misace
me l'a dit, et moi, je le crois. Tu peux tout faire, même pour un pauvre
homme comme moi."
La réponse est pleine d'assurance et l'homme la complète en se laissant
glisser à terre, sans même faire agenouiller le chameau, et il se prosterne
de tout son long dans la poussière.
"Ta foi est plus grande que celle de beaucoup. Va ! Tu sais où est le Nébo ?"
"Oui, Seigneur. Cette montagne, c'est le Nébo. Nous aussi, nous
connaissons Moïse.
Il est grand, trop grand pour que nous ne le connaissions pas, mais Toi, tu
es plus grand. Entre Moïse et Toi, c'est comme entre une roche et une
montagne."
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539> "Va à Pétra. Moi, je
t'attendrai sur le Nébo..."
"Il y a un village au pied pour ceux qui visitent la montagne.
Il y a des auberges... J'y serai d'ici dix jours au plus. Je forcerai la
bête, et si Celui qui t'envoie me protège, je ne rencontrerai pas de
tempête."
"Va ! Et reviens le plus tôt possible. Je dois aller ailleurs..."
"Seigneur ! Moi... je ne suis pas circoncis. Ma bénédiction est pour Toi
un opprobre. Mais celle d'un père n'est jamais un opprobre. Je te bénis, et
je pars."
Il prend un sifflet d'argent et siffle trois fois. L'homme qui est en tête de
la caravane arrive au galop. Ils se parlent, se saluent. Puis l'homme
retourne à la caravane qui se met en mouvement. L'autre remonte sur son
chameau et s'en va vers le sud, au galop.
499.5 – Jésus et les siens se
remettent en route.
"Nous allons vraiment au Nébo ?"
"Oui, nous quitterons les villes pour les pentes des monts Abarim.
Il y aura beaucoup de bergers. Nous connaîtrons par eux la route pour le mont
Nébo et eux sauront, par nous, le Chemin pour aller au mont de Dieu. Et puis
nous nous arrêterons quelques jours comme nous l'avons fait sur les monts d'Arbel
et près du Carit."
"Oh ! Comme ce sera beau ! Et nous deviendrons meilleurs. Nous sommes
toujours descendus de ces lieux plus forts et meilleurs" dit Jean.
"Et tu nous parleras de tout ce que le Nébo rappelle. Frère : te
souviens-tu, quand nous étions enfants, d'un jour où tu faisais Moïse qui
bénissait Israël avant de mourir
?" dit Jude d'Alphée.
"Oui. Et ta Mère poussa un cri, en te voyant étendu comme mort.
Maintenant, nous allons vraiment au Nébo" dit Jacques d'Alphée.
"Et tu béniras Israël. Tu es le vrai Chef du Peuple de Dieu !"
s'écrie Nathanaël.
"Mais tu n'y meurs pas. Tu ne meurs jamais, n'est-ce pas, Maître ?"
demande avec un rire étrange Judas de Kérioth.
"Je mourrai et je ressusciterai comme il est dit. Beaucoup d'hommes
mourront sans être morts en ce jour-là. Et alors que les justes
ressusciteront, même morts depuis des années, des hommes vivant dans leur
chair mais à l'esprit définitivement mort en ce jour-là, ne ressusciteront
pas.
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540> Attention à ne pas être de
ceux-ci."
"Et Toi, prends garde que l'on ne t'entende pas répéter que tu
ressusciteras. Ils disent que c'est un blasphème" réplique Judas de Kérioth.
"C'est vrai, et je le dis."
"Quelle foi, cet homme ! Et ce Misace !" dit le Zélote
pour tenter une diversion.
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