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   Le jeudi 13 décembre
  1945 
  475>   359.1 - La vallée profonde et boisée où s'élève Jabès Galaad
  résonne du fracas d'un petit torrent très gonflé qui va en écumant vers le
  Jourdain très proche. Un sombre crépuscule, qui termine une sombre journée,
  assombrit encore plus l'obscurité des bois, et le village apparaît dès
  l'abord triste et inhospitalier.         
   
  Thomas, toujours de bonne humeur, bien que ses vêtements soient dans l'état
  d'un linge que l'on sort d'un baquet, de la tête à la ceinture, et de la
  ceinture aux pieds, une fange qui chemine dit :         
   
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  476> "Hum ! je ne voudrais pas qu'après des
  siècles ce pays se venge sur nous de la vilaine surprise que lui est venue
  d'Israël ! Assez ! Allons souffrir pour le
  Seigneur."   
   
  Les gens ne les assomment pas, cela non. Mais ils les chassent en les
  traitant de voleurs et pis encore, et Philippe avec Matthieu doivent se sauver à toutes jambes pour échapper à un gros
  chien qu'un berger a lancé contre eux, qui étaient allés frapper à la porte
  du bercail afin de demander un refuge pour la nuit "au moins sous le
  toit des animaux"         
   
  "Et maintenant qu'allons-nous faire ?"            
   
  "Nous n'avons pas de pain."        
   
  "Et pas d'argent. Sans argent on ne trouve ni pain ni
  logement !"  
   
  "Et nous sommes trempés, gelés, affamés."     
   
  "Et la nuit vient. Nous serons bien demain matin après une nuit passée
  dans le bois !"  
   
  Sur douze qu'ils sont, sept ronchonnent ouvertement, trois ont le
  mécontentement gravé sur leur visage et, bien qu'ils soient silencieux, c'est
  comme s'ils parlaient, Simon le Zélote marche la tête
  basse, indéchiffrable. Jean paraît être sur des
  charbons ardents et sa tête va rapidement des rouspéteurs à Jésus, de
  celui-ci à ceux-là. Sa peine se voit sur son visage. Jésus va
  personnellement, puisque les apôtres se refusent ou le font avec crainte,
  frapper de maison en maison en parcourant patiemment les ruelles transformées
  en marécages glissants et fétides. Mais partout on les repousse.          
   
    359.2 - Ils sont au bout du village, là où la vallée s'élargit
  déjà pour faire place aux pâturages de la plaine transjordanienne. Quelques
  rares maisons restent encore... Mais partout c'est la déception...        
   
  "Cherchons dans les champs. Jean, pourrais-tu monter sur cet orme ?
  Du haut, tu pourrais voir."   
   
  "Oui, mon Seigneur."       
   
  "La pluie rend l'orme glissant. Le garçon ne réussira pas et il se fera
  du mal. Ainsi, en plus, nous aurons un blessé" bougonne Pierre.      
   
  Et Jésus avec douceur :    
   
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  477> "Moi, je vais monter."        
   
  "Cela non !" crient-ils en chœur.            
   
  Et les pêcheurs crient plus fort que tous, en ajoutant :         
   
  "Si c'est dangereux pour nous qui sommes pêcheurs, qu'est-ce que tu peux
  faire, Toi, qui n'as jamais grimpé aux mâts ni aux cordages ?"      
   
  "C'était pour vous que je le faisais. Pour vous chercher un abri. Pour
  Moi, cela m'est indifférent. Ce n'est pas l'eau qui m'est pénible..."       
   
  Quelle tristesse ! Quel rappel à la pitié pour Lui, il y a dans sa
  voix ! Quelques-uns s'en rendent compte et se taisent. D'autres, et il
  s'agit de Barthélemy et de Matthieu, disent :  
   
  "Maintenant il est trop tard pour y parer. Il fallait y penser
  avant."           
   
  "Oui, et ne pas faire de caprice en voulant partir
  de Pella malgré la pluie. Tu as été entêté
  et imprudent et maintenant nous en payons les conséquences. Qu'est-ce que tu
  veux arranger, maintenant Si nous avions une bourse bien garnie, tu verrais
  que toutes les maisons se seraient ouvertes ! Mais Toi !...
  Pourquoi ne fais-tu pas un miracle, au moins un miracle pour tes apôtres ?
  Tu en fais même pour les indignes !" dit Judas de Kérioth en gesticulant comme
  un fou, agressif au point que les autres, bien qu'en partie du même avis,
  éprouvent le besoin de le rappeler au respect.      
   
  Jésus paraît déjà le Condamné qui regarde avec douceur ses bourreaux. Et il
  se tait. Ce silence, qui depuis quelque temps devient plus fréquent chez
  Jésus, prélude au "grand silence" devant le Sanhédrin, devant Pilate et Hérode. et il me fait tant de peine. On dirait les pauses de
  silence dans le gémissement d'un mourant, qui ne sont pas du calme dans les
  douleurs mais prélude à la mort. Il me semble qu'ils crient, ces silences de
  Jésus, plus fort que toute parole, et qu'ils disent toute la souffrance de
  Jésus devant l'incompréhension des hommes et leur manque d'amour. Et sa
  douceur sans réactions, cette attitude avec sa tête un peu basse, me le font
  apparaître déjà comme enchaîné, livré à la haine des hommes.     
   
  "Pourquoi ne parles-tu pas ?" Lui demandent-ils.     
   
  "Parce que je dirais des paroles que votre cœur ne comprendrait pas à
  cette heure... Allons. Nous marcherons pour ne pas nous geler... Et
  pardonnez..."       
   
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  478> Il se tourne rapidement pour se mettre à la tête de la
  troupe qui éprouve un peu de pitié, tout en l'accusant un peu et en donnant
  raison aux compagnons.          
   
    359.3 - Jean
  ralentit et reste en arrière, mais de manière que personne ne s'en aperçoive.
  Puis il s'en va vers un arbre élevé qui me semble être un peuplier ou un
  frêne. Il quitte son manteau et son vêtement et à moitié nu se met à grimper
  non sans peine, jusqu'à ce que les premières branches lui facilitent la
  montée. Il monte, il monte comme un chat. Parfois aussi il glisse, mais il se
  reprend et le voilà presque au sommet. Il scrute l'horizon éclairé par les
  dernières clartés du jour. En effet, comme les nuages se sont un peu
  éclaircis, dans la plaine il fait moins sombre que dans la vallée. Il scrute
  dans toutes les directions et finalement il a un geste de joie. Il se laisse
  glisser rapidement à terre, reprend ses vêtements et se met à courir
  atteignant ainsi et dépassant ses compagnons. Le voilà à côté du Maître. Tout
  essoufflé par sa course, il Lui dit :  
   
  "Une cabane, Seigneur... une cabane du côté de l'orient... Mais il faut
  revenir en arrière... Je suis monté sur un arbre... Viens, viens..."          
   
  "Moi, je vais avec Jean de ce côté. Si vous voulez venir, venez.
  Autrement continuez jusqu'au prochain village le long du fleuve. Nous nous
  retrouverons là" dit Jésus sérieux et décidé.    
   
  Tous le suivent à travers les prés détrempés.  
   
  "Mais on retourne vers Jabès !"  
   
  "Moi, je ne vois pas de maisons..."         
   
  "Qui sait ce qu'a vu le garçon !"  
   
  "Une meule de paille peut-être."            
   
  "Ou la cabane d'un lépreux."      
   
  "Ainsi nous allons achever de nous tremper. Ces prés semblent des
  éponges" disent en maugréant les apôtres.           
   
    359.4 - Mais ce n'est pas une cabane de lépreux ni une meule de
  paille ce que l'on aperçoit derrière un rideau d'arbres. C'est une cabane,
  cela oui. Elle est large, basse, semblable à un pauvre bercail, à moitié
  couverte de paille avec des murs de terre que maintiennent péniblement aux
  coins des soutènements de pierre brute. Une enceinte de pilotis entoure la
  maisonnette et à l'intérieur il y a des légumes trempés d'eau.     
   
  Jean appelle. Un vieil homme s'amène.           
   
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  479> "Qui est-ce ?"           
   
  "Des pèlerins en route pour Jérusalem. Un abri, au nom de
  Dieu !" dit Jésus.     
   
  "Toujours. C'est un devoir. Mais vous tombez mal. J'ai peu de place et
  pas de lits."  
   
  "N'importe. Tu auras du feu, au moins."          
   
  L'homme manœuvre la serrure et l'ouvre.       
   
  "Entrez et que la paix soit avec vous."   
   
  Ils entrent dans le minuscule potager et ils passent
  dans la pièce unique qui sert de cuisine et de chambre à coucher. Un feu
  brille dans la cheminée. C'est pauvre mais bien en ordre. Comme mobilier,
  juste l'indispensable.            
   
  "Voyez ! Je n'ai que le cœur qui soit grand et bien disposé,
  moi ! Mais si vous n'êtes pas exigeants... Avez-vous du
  pain ?"     
   
  "Non. Une poignée d'olives..."    
   
  "Moi, je n'ai pas du pain pour tout le monde. Mais je vais vous faire un
  plat avec du lait. J'ai deux brebis. Elles me suffisent. Je vais les traire.
  Voulez-vous me donner vos manteaux ? Je vais les étendre dans le
  bercail, ici derrière. Ils vont sécher un peu, et demain près du feu on fera
  le reste."         
   
  L'homme sort, chargé d'étoffés humides. Tout le monde entoure le feu et se
  réjouit de sa chaleur.        
   
  L'homme revient avec une natte rustique. Il l'étend.  
   
  "Enlevez vos sandales. Je les débarrasserai de la boue et je les pendrai
  pour qu'elles sèchent. Et je vais vous donner de l'eau chaude pour vous laver
  les pieds. La natte est rustique, mais propre et épaisse. Ce sera plus
  agréable pour vous que le sol humide et froid."         
   
  Il détache un chaudron rempli d'eau verdâtre car il y bout des légumes et il
  en verse la moitié dans une bassine et la moitié dans une cuvette. Il y
  ajoute de l'eau froide et il dit :          
   
  "Voici pour vous remettre en forme. Lavez-vous.
  Voici un linge propre."  
   
  Et tout en parlant, il s'occupe du feu et le ravive. Il verse le lait dans un
  chaudron, le met sur le feu. Dès qu'il bout, il y jette des graines qui me
  semblent être de l'orge écrasé ou du mil broyé. Puis il remue sa bouillie.       
   
    359.5 - Jésus,
  qui s'est lavé dans les premiers, s'approche de lui :   
   
  "Que Dieu te donne sa grâce pour ta charité."  
   
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  480>   "Je ne fais
  que rendre ce que j'ai eu de Lui. J'ai été lépreux. De trente-sept à
  cinquante et un ans, lépreux. Puis je me suis guéri. Mais, au village, j'ai
  trouvé mes parents morts, ainsi que ma femme, et ma maison dévastée. Et puis,
  j'étais le "lépreux"... Je suis venu ici, et je me suis fait un
  nid. Par mes propres moyens et avec l'aide de Dieu. D'abord une cabane de
  jonc, puis une de bois, puis des murs... Tous les ans quelque chose de
  nouveau. L'an dernier j'ai fait le local des brebis. Je les ai achetées en
  fabriquant des nattes que je vends et de la vaisselle de bois. J'ai un
  pommier, un poirier, un figuier, une vigne. Par derrière j'ai un petit champ
  d'orge, par devant les légumes. Quatre couples de colombes, deux brebis. Sous
  peu, je vais avoir des agneaux. Espérons que ce sera des agnelles cette fois.
  Je bénis le Seigneur et je ne demande pas davantage. Et Toi, qui
  es-tu ?"  
   
  "Un galiléen. Tu as des préventions ?"  
   
  "Aucune, bien que je sois de race juive. Si j'avais eu des fils,
  j'aurais pu en avoir un comme Toi... Je sers de père aux pigeons... Je me
  suis habitué à rester seul."          
   
  "Et pour les Fêtes ?"         
   
  "J'emplis les mangeoires et je m'en vais. Je loue un âne. Je cours, je
  fais ce que j'ai à faire, et je reviens. Il ne m'a jamais manqué une feuille.
  Dieu est bon."       
   
  "Oui, avec ceux qui sont bons et ceux qui le sont moins. Mais les bons
  sont sous son aile."   
   
  "Oui, c'est ce que dit Isaïe... Moi, II m'a protégé."    
   
  "Tu as été lépreux, cependant" observe Thomas.       
   
  "Et je suis devenu pauvre et esseulé. Mais voilà, c'est une grâce de
  Dieu d'être de nouveau un homme et d'avoir un toit et du pain. Mon modèle
  dans le malheur, ce fut Job. J'espère mériter comme lui la bénédiction de Dieu, non pour les richesses mais pour la grâce."  
   
  "Tu l'auras, tu es un juste.           
    359.6 - Comment t'appelles-tu ?"           
   
  "Matthias."  
   
  Et il dépend son chaudron, le porte sur la table, y ajoute du beurre et du
  miel, remue et remet le tout au feu et il dit :  
   
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  481> "Je n'ai que six récipients entre les assiettes et
  les écuelles. Vous les prendrez à tour de rôle."  
   
  "Et toi ?"      
   
  "Celui qui donne l'hospitalité se sert le dernier. Les premiers, ce sont
  les frères que Dieu envoie. Voici, c'est prêt. Et cela fait du bien."         
   
  Et il verse des cuillerées de bouillie fumante dans les quatre assiettes et
  les deux écuelles. Il y a des cuillères de bois.       
   
  Jésus invite les plus jeunes à manger.  
   
  "Non. Toi, Maître" dit Jean.        
   
  "Non, non. Il est bien que Judas se rassasie et qu'il voie qu'il y a
  toujours de la nourriture pour les fils."  
   
  L'Iscariote change de couleur, mais il mange.  
   
  "Tu es un rabbi ?"  
   
  "Oui, et eux sont mes disciples."            
   
  "Moi, j'allais trouver le Baptiste quand il était à Bethabara. Sais-tu quelque chose du Messie ? On dit qu'il est
  venu et que Jean l'a montré. Quand je vais à Jérusalem, j'ai toujours
  l'espoir de le voir mais je n'ai pas réussi. J'accomplis le rite et je m'en
  vais. C'est à cause de cela que je ne le vois pas. Ici, je suis isolé et
  puis... Les gens ne sont pas bons en Pérée. J'ai parlé à des bergers. Ils
  viennent ici pour les pâturages. Eux savaient. Ils m'ont parlé. Quelles
  paroles ! Et puis dites par Lui… !"    
   
  Jésus ne se fait pas connaître. C'est son tour de manger, et il le fait avec
  sérénité près du bon vieux.             
   
  "Et maintenant ? Comment allons-nous faire pour dormir ? Je
  vous cède mon lit, mais je n'en ai qu'un... Moi, j'irai avec les
  brebis."           
   
  "Non, c'est nous qui y irons. Le foin est bon quand on est
  fatigué."           
   
  Le souper est fini et ils pensent à se coucher pour partir à l'aurore. Mais
  le vieil homme insiste et c'est Matthieu, très enrhumé, qui prend son lit.  
   
   
    359.7 - Mais à l'aurore c'est un déluge. Comment partir sous ces
  cataractes ? Ils écoutent le vieillard et ils restent. Pendant ce temps,
  les vêtements sont brossés, sèches, on graisse les sandales, on se repose. Le
  vieil homme cuit à nouveau de l'orge dans le lait pour tout le monde, et puis
  il met des pommes dans la cendre. Voilà leur repas. Et ils sont en train de
  le consommer quand du dehors arrive une voix.     
   
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  482> "Un autre pèlerin ? Comment allons-nous
  faire ?" dit le vieillard.   
   
  Mais il sort, enveloppé dans une couverture de laine grège, imperméable. Dans
  la cuisine, on se chauffe au feu, mais on n'est pas de bonne humeur. Jésus se
  tait.  
   
  Le vieil homme revient, les yeux écarquillés. Il regarde Jésus, il regarde
  les autres. Il semble avoir peur... il paraît incertain et inquisiteur. Enfin
  il dit :        
   
  "Parmi vous il y a le Messie ? Dites-le. Ceux de Pella le cherchent
  pour l'adorer, à cause d'un grand miracle qu'il a fait. Ils ont frappé depuis hier soir à toutes les maisons
  jusqu'au fleuve, jusqu'au premier village... Maintenant, en revenant, ils ont
  pensé à moi. Quelqu'un leur a indiqué ma maison. Ils sont dehors avec des
  chars. Une foule de personnes !"            
   
  Jésus se lève. Les douze disent :             
   
  "N'y va pas. Puisque tu as dit qu'il était prudent de ne pas s'arrêter à
  Pella, il est inutile de te montrer maintenant."       
   
  "Mais alors !... Oh ! Béni ! Béni Toi et Celui qui t'a
  envoyé ! Et moi qui t'ai accueilli ! Tu es le Rabbi Jésus, Lui...
  Oh !"      
   
  L'homme est à genoux, le front à terre.            
   
  "Oui. Mais laisse-moi aller vers ceux qui me cherchent. Puis je viendrai
  à toi, brave homme."      
   
  Il dégage ses chevilles serrées par les mains de son hôte et il sort dans le
  potager inondé.        
   
    359.8 - "Le
  voilà ! Le voilà ! Hosanna !"            
   
  Ils sautent en bas des chars. Il y a des hommes et des femmes et il y a le
  petit aveugle d'hier et sa
  mère et il y a la Gérasénienne. Sans se soucier de la boue, ils s'agenouillent et ils
  le supplient :      
   
  "Reviens, reviens en arrière ! Chez nous. À Pella."     
   
  "Non, à Jabès" crient d'autres certainement de Jabès. "Nous te
  voulons ! Nous regrettons de t'avoir chassé !" crient ceux de
  Jabès.   
   
  "Non, chez nous. À Pella, où ton miracle est vivant. Pour eux les yeux,
  pour nous la lumière de l'âme."        
   
  "Je ne peux pas. Je vais à Jérusalem. Vous me trouverez là."          
   
  "Tu es fâché parce que nous t'avons chassé."  
   
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  483> "Tu es dégoûté parce que tu sais que nous avons
  cru aux calomnies d'un pécheur."    
   
  La mère de Marc se couvre le visage en pleurant.       
   
  "Dis-le toi, Jaias, de revenir, à Celui qui t'a
  aimé."     
   
  "Vous me trouverez à Jérusalem. Allez et persévérez. Ne ressemblez pas
  aux vents qui soufflent dans toutes les directions. Adieu."          
   
  "Non. Viens. Nous te prendrons de force, si tu ne viens pas."          
   
  "Vous ne lèverez pas la main sur Moi. C'est de l'idolâtrie, pas de la
  vraie foi. La foi croit même si elle ne voit pas. Elle persévère même si on
  la combat. Elle grandit même sans miracles. Je reste chez Matthias qui a su
  croire sans rien voir, et qui est un juste."  
   
  "Accepte au moins nos dons : de l'argent, du pain. On nous a dit
  que vous avez donné tout ce que vous aviez à Jaias et à sa mère. Prends un
  char. Tu t'en serviras pour aller. Tu le laisseras à Jéricho chez l'hôtelier
  Timon. Prends-le. Il pleut et il va pleuvoir. Tu seras à l'abri. Tu feras
  plus vite. Montre-nous que tu ne nous hais pas."  
   
  Eux au-delà de la palissade, Jésus de l'autre côté, ils se regardent et les
  premiers sont en effervescence. Derrière Jésus, à genoux, le vieux Matthias,
  la bouche ouverte, et puis debout les apôtres.       
   
  Jésus tend la main et il dit :        
   
  "J'accepte pour les pauvres, mais je ne veux pas du char. Je suis le
  Pauvre entre les pauvres. N'insistez pas. Jaias, sa mère, et toi de Gerasa,
  venez que je vous bénisse en particulier."    
   
  Et quand ils sont près de Lui, car Mathias leur a ouvert la clôture, il les
  caresse, les bénit et les congédie. Puis il bénit les autres qui se sont
  groupés sur le seuil, en donnant aux apôtres de l'argent et des vivres, et il
  les congédie.            
   
    359.9 – Il revient
  dans la maison...        
   
  "Pourquoi ne leur as-tu pas parlé ?"      
   
  "Parle, le miracle des deux aveugles."   
   
  "Pourquoi n'as-tu pas pris le char ?"     
   
  "Parce qu'il est bien d'aller à pied."        
   
  Et il se tourne vers Matthias :     
   
  "Je t'aurais récompensé par ma bénédiction. Maintenant je peux ajouter
  un peu d'argent pour les dépenses que tu as faites..."  
   
  Haut de page.         
   
  484> "Non, Seigneur Jésus... Je ne veux pas. Je l'ai
  fait de bon cœur. Et maintenant, maintenant, je le fais pour servir le
  Seigneur. Le Seigneur ne paie pas. Il n'y est pas tenu. C'est moi qui ai
  reçu, pas Toi ! Oh ! ce jour ! Son souvenir durera pour moi
  jusqu'à l'autre vie !"    
   
  "Tu as bien parlé. Ta miséricorde envers les pèlerins, tu la trouveras
  inscrite dans le Ciel, et de même ta promptitude à croire... Dès que le temps
  va s'éclaircir un peu, je vais te quitter. Eux pourraient revenir. Insistants
  tant que le miracle les secoue, et puis... engourdis comme auparavant, ou
  ennemis. Je m'en vais. Jusqu'à présent je suis resté pour essayer de les
  convertir. Maintenant je viens et je passe, sans m'arrêter. Je vais vers mon
  destin qui me presse. Dieu et l'homme m'éperonnent, et je ne puis m'arrêter.
  L'amour m'aiguillonne et la haine m'aiguillonne. Celui qui m'aime peut me
  suivre. Mais le Maître ne court plus après les brebis récalcitrantes."     
   
  "Ils ne t'aiment pas, Maître divin ?" demande Matthias.      
   
  "Ils ne me comprennent pas."    
   
  "Ils sont méchants."         
   
  "Ils sont appesantis par les concupiscences."  
   
  L'homme n'ose plus être en confiance comme avant. Il semble être devant un
  autel. Jésus, au contraire, maintenant qu'il n'est plus l'Inconnu, est moins
  réservé, et il parle au vieil homme comme à un parent. 
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