| 
   Vision du dimanche 12 janvier 1947. 
  
  516>   554.1 – "Levez-vous
  et allons le long du torrent. Comme des hébreux hors de leur patrie et dans
  des endroits où il n'y a pas de synagogues, nous allons célébrer le sabbat
  entre nous. Venez, mes enfants..." dit Jésus aux apôtres oisifs dans le jardin
  de la maison, et il tend la main aux trois pauvres enfants qui sont groupés
  dans un coin.       
   
  517> Ils accourent avec une joie timide
  sur leurs petits visages précocement pensifs d'enfants qui ont vu des choses
  plus grandes qu'eux, et les deux plus grands mettent leur petite main dans
  celles de Jésus. Mais le plus petit veut être pris
  dans les bras, et Jésus le contente en disant au plus grand :     
   
  "Tu vas rester à côté de Moi et tu tiendras mon vêtement comme hier.
  Mais Isaac est trop las et trop petit pour aller tout seul..."             
   
  L'enfant boit le sourire de Jésus et accepte se contentant de marcher près de
  Jésus comme un petit homme.       
   
  "Donne-moi l'enfant, Maître. Tu dois être encore fatigué d'hier, et Ruben souffre de ne pas te donner la
  main..." dit Barthélemy,
  et il va Lui prendre l'enfant qui s'attache au cou de Jésus.            
   
  "Il est têtu comme toute sa race !" s'écrie Judas Iscariote.            
   
  "Non. Il est effrayé. Tu ne comprends rien aux enfants. Les petits sont
  ainsi. Quand ils sont affligés ou effrayés, ils cherchent un refuge auprès du
  premier qui leur a souri et qui les a réconfortés" réplique Barthélemy.          
   
  Et, ne pouvant prendre dans ses bras le plus petit, donne la main au plus
  grand, après avoir caressé ses cheveux et lui avoir souri paternellement.          
   
    554.2 – Ils sortent de la maison où il
  ne reste que la femme
  et vont au-delà du village en suivant le torrent. Elles sont belles ses rives
  couvertes d'herbe nouvelle et constellées des fleurs des prés. L'eau est
  limpide et babille entre les rochers, et bien qu'elle soit peu abondante,
  elle fait entendre des notes de harpe et bruit en se brisant contre les
  cailloux plus gros épars sur le fond sableux, ou en s'insinuant entre les
  découpures de quelque île minuscule couverte de roseaux. Des arbres près de
  la rive les oiseaux s'envolent avec des trilles joyeux ou bien se posent sur
  une branche en plein soleil et chantent leurs premières chansons
  printanières, ou descendent gracieux et vifs pour chercher des insectes et
  des vers dans le sol, ou pour boire près des rives. Deux tourterelles
  sauvages prennent leur bain dans une anse de la rive et se becquettent en
  roucoulant, puis s'envolent en emportant dans leurs becs un flocon de laine
  laissé par quelque brebis sur une branche d'aubépine qui fleurit au sommet.       
   
  Haut
  de page.         
   
  518> "Elles font ainsi pour faire
  leur nid, dit le plus grand des enfants. Elles ont sûrement des
  tourtereaux..."         
   
  Il baisse la tête, bas, très bas, et après avoir esquissé un léger sourire
  aux premières paroles, il pleure sans bruit en essuyant ses yeux avec sa
  main.          
   
  Barthélemy
  le prend dans ses bras, comprenant la blessure que les deux
  tourterelles ont faite en s'occupant de leurs nids, et Barthélemy soupire
  avec sa bonne âme de père de famille. L'enfant pleure sur son épaule et
  l'autre, le second, voyant ces larmes, se met à pleurer à son tour, imité par
  le troisième qui appelle son père de sa petite voix d'enfant qui commence à
  parler.          
   
  "Aujourd'hui, ce sera cela notre prière du sabbat ! Tu aurais pu les
  laisser à la maison ! La femme est plus indiquée que nous dans ces cas
  et..." observe l'Iscariote.   
   
  "Mais si elle ne fait que pleurer elle aussi ! Comme du reste j'ai bonne
  envie de le faire moi aussi... Car ce sont des choses... qui font
  pleurer..." lui répond Pierre en prenant dans ses bras le second
  enfant.  
   
  "Oui, ce sont des choses qui font pleurer, c'est vrai. Et Marie de Jacob,
  pauvre vieille affligée, n'est pas très capable de consoler..." confirme
  le Zélote.         
   
    554.3 – "Nous aussi, il ne semble
  pas que l'on y réussisse beaucoup. Le seul qui pouvait les consoler, c'était
  le Maître, et il ne l'a pas fait."      
   
  "Il ne l'a pas fait ? Et que devait-il faire de plus ? Il a persuadé les
  larrons. Il a fait plusieurs milles avec les enfants dans les bras, il s'est
  occupé d'avertir leurs parents..."     
   
  "Toutes choses secondaires. Lui qui est Celui qui commande même à la
  mort pouvait, ou plutôt devait, descendre au bercail et ressusciter le
  berger. Il l'a bien fait pour
  Lazare qui n'était utile à personne ! Ici,
  un père, et de plus un veuf, des enfants qui restent seuls... Cette
  résurrection s'imposait. Je ne te comprends pas, Maître..."           
   
  "Et nous, nous ne comprenons pas toi qui es si irrespectueux..."            
   
  Haut
  de page.         
   
  519> "Paix, paix ! Judas ne
  comprend pas. Il n'est pas le seul à ne pas comprendre les raisons de Dieu,
  et les conséquences du péché. Toi aussi, Simon de Jonas, tu ne comprends
  pas pourquoi les innocents doivent souffrir. Ne jugez donc pas Judas de Simon
  qui ne comprend pas pourquoi l'homme n'est pas ressuscité. Si Judas
  réfléchissait, lui qui me reproche toujours d'aller seul et au loin, il
  comprendrait que je ne pouvais aller si loin... En effet le bercail était
  dans la plaine de Jéricho, mais au-delà de la ville, vers le gué.
  Qu'auriez-vous dit si j'avais été au loin au moins pendant trois jours
  ?"         
   
  "Tu pouvais commander par ton esprit au mort de ressusciter."             
   
  "Es-tu plus exigeant que les pharisiens et les scribes qui ont voulu la
  preuve d'un mort déjà décomposé pour pouvoir dire que je ressuscite
  réellement les morts ?"  
   
  "Mais eux le voulaient parce qu'ils te haïssent. Moi, je le voudrais
  parce que je t'aime et que je voudrais te voir écraser tous tes
  ennemis."     
   
    "Ton vieux sentiment et ton amour
  désordonné. Tu n'as pas su déraciner de ton cœur les vieux arbres pour les remplacer
  par des arbres jeunes; et les vieux, développés par la Lumière, de laquelle
  tu t'es approché, sont devenus encore plus robustes. Ton erreur est celle de
  beaucoup de gens, présents et à venir, de ceux qui, malgré les secours de
  Dieu, ne se transforment pas parce qu'ils ne répondent pas par une volonté
  héroïque aux secours de Dieu."          
   
  "Est-ce que par hasard eux, qui sont comme moi tes disciples, ont
  détruit les vieux arbres ?"            
   
  "Ils les ont au moins beaucoup taillés et beaucoup greffés. Toi, tu ne
  l'as pas fait. Tu n'as même pas regardé avec attention s'ils méritaient la
  greffe, la taille, ou s'il fallait les enlever. Tu es un jardinier imprévoyant,
  Judas."          
   
  "Seulement pour mon âme cependant, car pour les jardins je sais m'y
  prendre."    
   
  "Tu sais t'y prendre. Pour toutes les choses de la Terre, tu sais faire.
  Je voudrais te voir capable de la même façon pour les choses du Ciel."       
   
  "Mais ta lumière devrait faire d'elle-même toutes sortes de prodiges en
  nous ! N'est-elle pas bonne, peut-être ? Si elle fertilise le mal et lui
  donne de la force, alors elle n'est pas bonne, et c'est sa faute si nous ne
  devenons pas bons."   
   
  "Parle pour toi, ami. Moi je ne trouve pas que le Maître ait rendu plus
  fortes mes tendances mauvaises" dit Thomas.         
   
  Haut
  de page.         
   
  520> "Et moi non plus."             
   
  "Ni moi" disent André et Jacques de
  Zébédée.         
   
  "Et puis pour moi, sa puissance m'a délivré du mal et elle m'a refait à
  neuf. Pourquoi parles-tu ainsi ? Est-ce que tu réfléchis à ce que tu dis
  ?" demande Matthieu.         
   
    554.4 – Pierre est sur le point de
  parler, mais il préfère s'en aller, et il se met à marcher vivement avec
  l'enfant à son cou en imitant le balancement d'une barque pour le faire rire
  et, en passant, il prend par un bras le Thaddée
  et lui crie :         
   
  "Allons là-bas dans cette île ! Elle est remplie de fleurs comme une
  corbeille. Venez, Nathanaël, Philippe,
  Simon,
  Jean...
  Un bon saut et on y est. Le torrent ainsi divisé n'est plus que deux
  ruisseaux de chaque côté de l'île..."          
   
  Et il saute le premier en posant le pied sur un affleurement de sable large
  de quelques mètres, couvert d'herbe comme une prairie, couvert des premières
  fleurs qui y forment un tapis, au milieu duquel se trouve un seul peuplier
  grand et élancé dont la cime ondule à une brise légère. Ceux qu'il a appelés
  le rejoignent lentement, suivis ensuite par ceux qui étaient plus près de
  Jésus qui reste en arrière pour parler avec l'Iscariote.      
   
  "Mais il n'a pas encore fini celui-là ?" demande Pierre à son
  frère.         
   
  "Le Maître est en train de travailler son cœur" répond André.     
   
  "Eh ! il est plus facile de faire pousser des figues sur cet arbre que
  de faire naître la justice dans le cœur de Judas."        
   
  "Et dans son intelligence" renchérit Matthieu.        
   
  "Il est sot parce qu'il veut l'être, et en ce qu'il veut" dit le
  Thaddée.        
   
  "Il souffre parce qu'il n'a pas été choisi pour évangéliser. Moi, je le
  sais" explique Jean.       
   
  "Mais pour moi... Si lui veut aller à ma place... Je n'y tiens pas
  vraiment à y aller !" s'exclame Pierre.             
   
  "Personne de nous n'y tient, mais lui, si. D'autre part mon Frère ne
  veut pas l'envoyer. Ce matin, je Lui en ai parlé car j'avais compris l'humeur
  de Judas et d'où elle venait. Mais Jésus m'a dit : "C'est justement
  parce qu'il a le cœur si malade que je le garde près de Moi. Ce sont ceux qui
  souffrent et sont faibles qui ont besoin d'un médecin et de quelqu'un qui les
  soutienne".            
   
  Haut
  de page.         
   
  521>   554.5 – "Oui
  !... C'est bien !... Venez, mes enfants. Maintenant nous prenons ces beaux
  roseaux et nous en faisons des barquettes. Voyez comme elles sont belles ! Et
  à l'intérieur, en guise de pêcheurs, nous mettons ces fleurettes. Regardez si
  elles ne ressemblent pas à des têtes, avec un couvre-chef blanc et rouge...
  Ici nous faisons le port, et ici, voilà les maisonnettes des pêcheurs...
  Maintenant nous attachons les barques avec ces herbes fines, et vous les
  faites aller sur l'eau, ainsi... et puis vous les tirez sur la rive après la
  pêche... Vous pouvez aussi faire le tour de l'île... attention aux écueils,
  eh !..."       
   
  Pierre est admirable de patience. Il a travaillé avec son couteau des
  morceaux de roseaux, en les taillant d'un nœud à l'autre et en les découvrant
  d'un côté pour transformer les roseaux en barquettes, il a mis pour servir de
  pêcheurs des pâquerettes encore en boutons, il a creusé dans le sable un port
  lilliputien et fait des maisonnettes avec le sable humide et, atteint son but
  d'amuser les enfants, il s'assoit satisfait en murmurant :          
   
  "Pauvres enfants !..."       
   
  Jésus met le pied sur l'île justement quand les deux enfants commencent leur
  jeu et il les caresse en déposant à terre le plus petit qui s'associe au jeu
  de ses frères.          
   
    "Je suis à vous. Et maintenant parlons
  de Dieu, car parler de Dieu et parler à Dieu c'est se préparer à la mission.
  Et après avoir prié, c'est-à-dire parlé à Dieu, nous parlerons de Dieu qui
  est présent dans toutes les choses afin d'instruire pour les choses bonnes.
  Allons, levez-vous et prions" et il entonne des psaumes en hébreu
  auxquels s'associent les apôtres.          
   
  Les enfants, qui s'étaient éloignés avec leurs barquettes, suspendent le
  gazouillis de leurs voix et leurs jeux et s'approchent en entendant chanter
  ces hommes. Ils écoutent avec attention, les yeux fixés sur Jésus qui pour
  eux est tout, et puis, avec l'esprit d'imitation des enfants, ils prennent la
  même posture que ceux qui prient et essaient de suivre le chant en fredonnant
  l'air, car ils ne connaissent pas les paroles des psaumes. Jésus abaisse sur
  eux ses yeux et il les regarde avec un sourire qui encourage le chant des
  petites voix innocentes. Se sentant approuvés, ils reprennent courage...    
   
    554.6 – Le chant des psaumes prend
  fin. Jésus s'assoit sur l'herbe et commence à parler :        
   
  Haut
  de page.         
   
  522> "Quand les rois d'Israël,
  celui de Joram et celui de Juda, se réunirent pour combattre le roi de Moab
  et s'adressèrent pour demander conseil au prophète Élisée, celui-ci répondit
  à l'envoyé du roi : "Si je n'avais pas de respect pour Josaphat, roi de Juda, je ne t'aurais même pas regardé. Mais maintenant,
  amenez-moi un joueur de lyre". Et pendant que le harpiste jouait, Dieu
  parla à son prophète pour commander de faire creuser plusieurs fossés dans le
  torrent à sec, afin qu'il s'emplisse d'eau pour les hommes et les bêtes. Et à
  l'heure du sacrifice du matin, le torrent, sans qu'il y eût du vent ou de la
  pluie, s'emplit comme le Seigneur l'avait dit .
  Quelles sont selon vous les leçons de cet épisode ? Parlez !"         
   
  Les apôtres se consultent entre eux. Les uns disent : "Dieu ne parle pas
  quand le cœur est troublé. Élisée veut calmer son indignation, venue de se
  voir en face le roi d'Israël, pour pouvoir entendre Dieu." D'autres
  disent de leur côté : "C'est une leçon de justice. Élisée, pour ne pas
  punir le roi de Juda innocent, sauve même le coupable." D'autres encore
  : "C'est une leçon d'obéissance et de foi. Ils creusèrent les fossés
  pour obéir à un commandement stupide en apparence, et avec foi ils attendirent
  l'eau, bien que le ciel fût serein et sans vent."      
   
    "Vous avez bien répondu, mais pas tout
  à fait. Quand le cœur est troublé, Dieu ne parle pas. C'est vrai. Mais il
  n'est pas besoin de harpe pour calmer le cœur. Il suffit d'avoir la charité qui est la harpe
  spirituelle qui donne les notes du Paradis. Quand une âme vit dans la
  charité, elle a le cœur calme et elle entend la voix de Dieu et la
  comprend."  
   
  "Alors Élisée n'avait pas la charité puisqu'il était troublé."           
   
  "Élisée est du temps de la Justice. Il faut savoir transporter au temps
  de la Charité les épisodes anciens et les voir non pas à la lumière des
  foudres, mais à celle des astres. Vous appartenez au temps nouveau. Pourquoi
  donc si souvent êtes-vous plus irascibles et plus troublés que ceux des temps
  anciens ? Dépouillez-vous du passé. Je le répète, même s'il ne plaît pas à
  Judas de l'entendre répéter. Déracinez, taillez, greffez, plantez de nouveaux
  arbres. Renouvelez-vous, creusez les fossés de l'humilité, de l'obéissance,
  de la foi. Ces rois surent le faire et ils étaient, deux contre un, pas de
  Juda et ils n'entendirent pas Dieu, mais le prophète de Dieu leur répéter les
  volontés du Très-Haut.   
   
  Haut
  de page.         
   
  523> Ils seraient morts de soif par
  suite du manque d'eau s'ils n'avaient pas su obéir. Ils obéirent et l'eau
  remplit les fossés qu'ils avaient creusés et non seulement ils échappèrent à
  la soif, mais ils vainquirent les ennemis. Je suis l'Eau de la Vie. Creusez
  des fossés dans vos cœurs pour pouvoir Me recevoir.      
   
    554.7 – Et maintenant, écoutez, je ne
  fais pas de longs discours. Je vous donne des pensées pour que vous les
  méditiez. Vous serez toujours comme ces enfants, et même
  moins qu'eux car eux sont innocents et que vous ne l'êtes pas, et donc elle
  est plus trouble en vous la lumière spirituelle si vous ne vous habituez pas
  à méditer. Vous écoutez toujours et ne retenez jamais, car votre intelligence
  est en sommeil au lieu d'être active. Écoutez donc. Quand la Sunamite perdit
  son fils, elle voulut aller trouver le prophète bien que son mari lui dit que
  ce n'était pas le premier du mois et que ce n'était pas le sabbat. Mais elle
  savait qu'elle devait y aller car certaines choses ne souffrent pas de
  retard. Et parce qu'elle sut comprendre spirituellement les choses, elle eut
  son fils ressuscité .
  Que dites-vous de ce fait ?"      
   
  "Que c'est un reproche pour moi à propos du sabbat" dit
  l'Iscariote.      
   
  "Tu vois donc, ô Judas, que quand tu veux, tu sais comprendre ? Ouvre
  donc ton esprit à la justice."      
   
  "Oui... mais tu n'as pas violé le sabbat pour ressusciter l'homme."         
   
  "J'ai fait davantage. J'ai empêché la ruine, la mort de ces enfants, la
  vraie mort, et j'ai rappelé aux voleurs que..."           
   
  "Oh ! attends pour te consoler d'avoir fait quelque chose ! Moi, je ne
  crois pas qu'ils t'aient obéi..."  
   
  "Si le Maître le dit..."  
  "Élisée
  lui-même dans le récit de la Sunamite dit : "Le Seigneur l'a tenu
  secret". On ne sait pas donc toujours tout des prophètes" réplique
  l'Iscariote.   
   
  "Notre Frère est plus qu'un prophète" observe le Thaddée.          
   
    "Je le sais. C'est le Fils de Dieu.
  Mais c'est aussi l'Homme. Comme tel il peut être sujet à ne pas savoir des
  choses secondaires comme celle d'une conversion et d'un retour... Maître,
  sais-tu vraiment toujours, toujours
  tout ? Je me le demande souvent..." insiste l'Iscariote
  avec un désir tenace.          
   
  Haut
  de page.         
   
  524> "Et dans quel esprit ? Pour te
  donner la paix, pour te donner un conseil, pour te donner du tourment ?"
  demande Jésus.   
   
  "Mais... Je ne saurais. Je me le demande et..."          
   
  "Et tu sembles troublé même en te le demandant" dit Thomas.             
   
  "Moi ? Certainement la perplexité trouble toujours..."      
   
  "Que de subtilités ! Moi, je ne me pose pas tant de questions. Je crois
  sans tant chercher à connaître et je ne suis pas du tout angoissé ni troublé.
  Mais laissons parler le Maître. Elle ne me plaît pas à moi cette leçon.
  Dis-nous une belle parabole, Maître. Elle plaira aussi aux enfants" dit
  Pierre.      
   
    554.8 – "J'ai encore une chose à
  demander. Celle-ci : que signifie pour vous la farine qui enlève l'amertume à
  la soupe des fils des prophètes ? "    
   
  C'est un profond silence qui répond à la question.   
   
  "Et quoi ? Vous ne savez pas répondre ?"       
   
  "Peut-être la farine absorbe l'amertume..." dit Matthieu, peu sûr de lui.          
   
  "Tout aurait été amer, même la farine."        
   
  "Par un miracle du prophète qui ne voulait pas mortifier le
  serviteur" suggère Philippe.  
   
  "Aussi. Mais pas pour cela seulement."          
   
  "Le Seigneur voulut faire briller la puissance du prophète, même sur les
  choses matérielles" dit le Zélote.         
   
  "Oui, mais ce n'est pas encore la juste signification. Les vies des
  prophètes anticipent ce qui sera dans la plénitude des temps : dans mon temps.
  Ils font voir mon jour terrestre sous des symboles et des figures.
  Donc..."          
   
  Silence. Ils se regardent. Puis Jean baisse la tête, son visage s'enflamme et
  il sourit.      
   
  "Pourquoi ne dis-tu pas ce que tu penses, Jean ? lui demande Jésus. Ce
  n'est pas manquer à l'amour que de parler, puisque tu ne le fais pas pour
  mortifier quelqu'un."      
   
  "Je pense que cela veut dire ceci. Au temps de la faim de la Vérité et
  de la disette de la Sagesse, celui où tu es venu, tous les arbres sont
  retournés à l'état sauvage et ont donné des fruits amers, immangeables, comme
  empoisonnés pour les fils des hommes, qui de cette façon les cueillent en
  vain et les préparent en vain pour s'en nourrir.        
   
  Haut
  de page.         
   
  525> Mais la Bonté de l'Eternel t'envoie
  Toi, farine de grain de choix, et Toi, par ta perfection, tu enlèves le
  poison de toute nourriture en leur rendant leur bonté première, et en rendant
  bons de nouveau les arbres des Écritures, que les siècles ont dénaturés, et
  les palais des hommes que la concupiscence a corrompus. Dans ce cas, Celui
  qui commande d'apporter la farine et la verse dans la soupe amère c'est ton
  Père et Toi tu es la farine qui se sacrifie afin de se faire nourriture pour
  les hommes. Et après que tu auras été consommé, il n'y aura plus rien d'amer
  dans le monde, car tu auras rétabli l'amitié avec Dieu.           
   
    554.9 – Je puis m'être trompé."            
   
  "Non, tu ne t'es pas trompé. C'est le symbole."         
   
  "Oh ! et comment as-tu fait pour y penser ?" demande Pierre étonné.  
   
  C'est Jésus qui lui répond :        
   
  "Je te le dis avec tes paroles mêmes de tout à l'heure : un beau saut, et l'on est sur l'île paisible de la spiritualité. Mais
  il faut avoir le courage de faire le saut, en abandonnant la rive, le monde.
  Sauter sans se demander s'il y a quelqu'un qui peut rire de la gaucherie de
  notre saut ou se moquer de notre simplisme de préférer au monde un îlot
  solitaire. Sauter sans avoir peur de se blesser, ou de se mouiller, ou d'être
  déçu. Quitter tout pour se réfugier en Dieu. S'établir sur l'île séparée du
  monde, et en sortir uniquement pour distribuer, à ceux qui sont restés
  sur la rive, les fleurs et les eaux pures recueillies dans l'île de l'esprit,
  où il y a un arbre unique : celui de la Sagesse. En restant près de lui, loin
  des bruits fracassants du monde, on en saisit toutes les paroles et on
  devient maître en sachant être disciple. Cela aussi est un symbole.     
   
    554.10 – Mais maintenant nous allons
  raconter une belle parabole pour les enfants. Venez ici, tout près."    
   
  Les trois enfants vont si près qu'ils s'assoient bonnement sur ses jambes, Jésus
  les entoure de ses bras et il commence à raconter :             
   
    "Un jour le Seigneur Dieu dit :
  "Je vais faire l'homme, et l'homme vivra dans le Paradis Terrestre où se
  trouve le grand fleuve qui ensuite se divise en quatre qui sont le Phison, le
  Géhon, l'Euphrate et le Tigre, qui parcourent la Terre. Et l'homme sera
  heureux car il possédera toutes les beautés et tout ce qui est bon dans la
  Création, et mon amour pour la joie de son esprit" .
  Et c'est ce qu'il fit.      
   
  Haut
  de page.         
   
  526> C'était comme si l'homme se trouvait
  sur une grande île, mais encore plus fleurie que celle-ci et avec des arbres
  de toutes espèces et avec tous les animaux. Et tout au-dessus était l'amour
  de Dieu qui servait de soleil à l'âme, et la voix de Dieu était dans les
  vents, plus mélodieuse qu'un chant d'oiseau.      
   
  Mais voilà que dans cette belle île fleurie, au milieu de toutes les bêtes et
  de toutes les plantes, entra en rampant un serpent différent de ceux qui
  avaient été créés par Dieu et qui étaient bons, sans dents venimeuses, sans
  férocité dans les replis de leur corps flexible. Même ce serpent s'était vêtu
  d'une peau aux couleurs de gemmes comme celle des autres. Il s'était même
  fait plus beau que ceux-ci, au point de paraître un grand collier de roi qui
  avançait en glissant au milieu des arbres splendides du Jardin. Il alla
  s'enrouler autour d'un arbre qui s'élevait au milieu du Jardin, un bel arbre
  solitaire, beaucoup plus grand que celui-ci, et couvert de feuilles et de
  fruits merveilleux. Et le serpent paraissait un bijou autour du bel arbre, et
  il brillait au soleil, et tous les animaux le regardaient, car personne ne se
  souvenait de l'avoir vu créer, ni de l'avoir vu avant ce moment. Mais
  personne ne s'en approchait.     
   
  Tous, au contraire, s'éloignaient de l'arbre maintenant qu'il avait le
  serpent autour de son tronc.        
   
  Seuls l'homme et la femme s'en approchèrent, la femme avant l'homme parce
  qu'elle était charmée par cette chose luisante qui brillait au soleil et
  remuait sa tête, semblable à une fleur à moitié éclose. Elle écouta ce que
  disait le serpent et désobéit au Seigneur et fit désobéir Adam. Ce fut
  seulement après avoir désobéi qu'ils virent le serpent pour ce qu'il était et
  qu'ils comprirent leur péché, car désormais ils avaient perdu l'innocence du
  cœur. Et ils se cachèrent pour échapper à Dieu qui les cherchait, et ensuite
  ils mentirent à Dieu qui les interrogeait.       
   
  Alors Dieu mit des anges à la limite du Jardin et en chassa les hommes. Ce
  fut comme si les hommes étaient jetés de la rive tranquille de l'Eden dans
  les fleuves remplis d'eau comme quand arrivent les crues du printemps. Mais
  Dieu laissa pourtant dans le cœur de ceux qui étaient chassés le souvenir de
  leur destinée éternelle, c'est-à-dire du passage au beau Jardin, où ils
  entendaient la voix aimante de Dieu, au Paradis où ils auraient joui
  complètement de Dieu. Et avec ce souvenir, Il leur laissa le saint aiguillon
  de remonter vers le lieu perdu, par une vie de justice.       
   
  Haut
  de page.         
   
  527> Mais, mes enfants, vous avez
  expérimenté tout à l'heure que tant que la barque descend en suivant le
  courant, sa marche est facile alors que, quand elle le remonte, elle a du mal
  à rester en surface, à ne pas être bousculée par l'eau, à ne pas faire
  naufrage au milieu des herbes et du sable ou des pierres du cours d'eau. Si
  Simon Pierre n'avait pas attaché vos barquettes avec les joncs de la rive,
  vous les auriez perdues toutes, comme il est arrivé à Isaac
  parce qu'il a lâché le jonc.           
   
  La même chose arrive aux hommes jetés sur les courants de la Terre, Ils
  doivent rester toujours entre les mains de Dieu, en Lui confiant leur volonté
  qui est comme le jonc, aux mains du bon Père qui est dans les Cieux et qui
  est le Père de tous et spécialement des innocents, et ils doivent avoir l'œil
  vigilant pour éviter les herbes et les joncs, les pierres, les tourbillons et
  la boue, qui pourraient retenir, briser, ou engloutir la barque de leur âme
  en arrachant le fil de la volonté qui les tient unis à Dieu. Car le Serpent,
  qui n'est plus dans le Jardin, est maintenant sur la Terre, et cherche
  justement à faire naufrager les âmes, cherche à les empêcher de remonter par
  l’Euphrate, le Tigre, le Géhon et le Phison au Grand Fleuve qui court dans le
  Paradis éternel et alimente les arbres de la Vie et du Salut, qui portent les
  fruits perpétuels dont jouiront tous ceux qui ont su
  remonter le courant pour se réunir à Dieu et ses anges sans avoir jamais plus
  à souffrir de rien."   
   
    554.11 – "Maman disait cela
  aussi" dit le plus grand des enfants.             
   
  "Oui, elle le disait" gazouille le plus petit.      
   
  "Tu ne peux pas le savoir. Moi si, parce que je suis grand. Mais si tu
  dis des choses qui ne sont pas vraies, tu n'entreras pas dans le
  Paradis."            
   
  "Cependant le père disait qu'il n'y avait rien de vrai" objecte le
  cadet.    
   
  "Parce que lui ne croyait pas au Seigneur de maman."       
   
  "Il n'était pas samaritain, ton père ?" demande Jacques d'Alphée.          
   
  "Non, il était d'un autre endroit. Mais maman était samaritaine et nous
  sommes samaritains car elle nous voulait comme elle. Et elle nous parlait du
  Paradis et du Jardin, mais pas si bien que Toi. Moi, j'avais peur du serpent
  et de la mort car maman disait que le serpent c'était le diable et parce que
  le père disait que la mort finit tout.          
   
  Haut
  de page.         
   
  528> À cause de cela, j'étais si
  malheureux d'être seul et je disais aussi qu'il est inutile d'être bon
  désormais, car, quand il y avait le père et la mère, on les faisait heureux
  par notre bonté, mais maintenant il n'y avait plus personne à qui faire
  plaisir par notre bonté. Maintenant, au contraire, je sais... et je serai
  bon. Je n'enlèverai jamais mon fil des mains de Dieu de peur d'être emporté
  par les eaux de la Terre."           
   
  "Mais maman, elle est allée en haut ou en bas ?" demande perplexe
  le second enfant.       
   
  "Que veux-tu dire, mon enfant ?" demande Matthieu.      
   
  "Je dis : où est-elle ? Est-elle allée au fleuve du Paradis éternel
  ?"         
   
  "Espérons-le, mon enfant. Si elle était bonne..."      
   
  "C'était une samaritaine..." dit avec mépris l'Iscariote.       
   
  "Et alors, il n'y a pas de Paradis pour nous, parce que nous sommes
  samaritains ? Alors, nous n'aurons pas Dieu, nous ? Lui l'a appelé "Le
  Père de tous". À moi, orphelin, il me plaisait de penser que j'ai encore
  un Père... Mais s'il n'y en a pas pour nous..." et attristé, il baisse
  la tête.      
   
  "Dieu est le Père de tous, mon enfant. Est-ce que, par hasard, je t'ai
  moins aimé parce que tu es samaritain ? Je t'ai disputé aux larrons, et je te
  disputerai au démon, de la même façon que je lui disputerais le petit fils du
  Grand Prêtre du Temple de Jérusalem, si lui ne considérait pas comme un
  opprobre que le Sauveur sauve son enfant .
  Et même je te dispute encore plus, parce que tu es seul et malheureux. Il n'y
  a pas de différence pour Moi entre l'esprit d'un juif et celui d'un
  samaritain. Et d'ici peu, il n'y aura plus de séparation
  entre la Samarie et la Judée, car le Messie aura un peuple unique qui portera
  son nom et dans lequel seront tous ceux qui l'aimeront."           
   
  "Moi, je t'aime, Seigneur. Mais me portes-tu auprès de ma mère ?"
  dit le plus grand des trois enfants.      
   
  "Tu ne sais pas où elle est. Il a dit cet homme qu'il y a seulement lieu
  d'espérer..." dit le cadet.  
   
  "Moi je ne le sais pas, mais le Seigneur le sait. Il a su où nous étions
  et nous au contraire nous ne savions même pas où nous étions."   
   
  "Avec des larrons... Ils voulaient nous tuer..."          
   
  La terreur revient sur le petit visage du cadet.         
   
  "Les larrons étaient comme des démons, mais Lui nous a sauvés parce que
  nos anges l'ont appelé."   
   
  Haut
  de page.         
   
  529> "La maman aussi, les anges
  l'ont sauvée. Moi je le sais car je la rêve toujours."   
   
  "Tu es un menteur, Isaac. Tu ne peux la rêver. Tu ne t'en souviens
  pas."          
   
  Le petit pleure en disant :          
   
  "Non. Non. Moi je la rêve. Je la rêve moi..."  
   
  "Ne traite pas ton frère de menteur, Ruben.
  Son âme peut bien voir sa mère car le bon Père des Cieux peut permettre à
  l'orphelin de la rêver et de la connaître partiellement, comme Il nous permet
  de le connaître Lui-même. Car de cette connaissance limitée, vient une bonne
  volonté de le connaître parfaitement, chose que l'on obtient en étant
  toujours très bons.          
   
    554.12 – Et maintenant, allons. Le
  sabbat s'est sanctifié car nous avons parlé de Dieu." Il se lève et
  entonne d'autres psaumes.    
   
  Des gens d'Ephraïm s'approchent en entendant le chœur, et ils attendent avec
  respect la fin du psaume pour saluer, et ils disent à Jésus :  
   
  "Tu as préféré venir ici, plutôt qu'avec nous ? Tu ne nous aimes donc
  pas ?"          
   
  "Personne de vous ne m'avait invité. Je suis donc venu ici avec mes
  apôtres et les enfants."      
   
  "C'est vrai. Mais nous croyions que ton disciple t'avait dit notre
  désir."          
   
  Jésus regarde Jean et Judas. Et Judas répond : "J'ai oublié de le dire
  hier, et aujourd'hui, avec ces enfants, je n'y ai plus pensé."             
   
  Jésus, pendant ce temps, quitte la petite île et passe le bras d'eau
  minuscule pour aller près de ceux d'Ephraïm. Les apôtres le
  suivent alors que les enfants s'attardent à délier les deux barquettes de
  roseau qui restent, et à Pierre qui les questionne, ils expliquent :      
   
  "Nous voulons les garder pour nous rappeler la leçon."     
   
  "Et moi ? Je l'ai perdue ! Et je ne me souviendrai pas, et je n'irai pas
  au Paradis" dit en pleurant le plus petit.  
   
  "Attends ! Ne pleure pas. Je te fais tout de suite une barquette. Bien
  sûr. Toi aussi tu dois te rappeler la leçon. Eh ! il faudrait que tous nous
  en fassions une avec son jonc attaché à la proue, pour nous rappeler. Ce
  serait plus utile pour nous, hommes, que pour vous, enfants ! Hélas !"            
   
  Haut
  de page.         
   
  530> Et Pierre taille et fait la barquette
  avec son jonc, il prend dans ses bras, en une seule brassée, les trois
  enfants et il saute le ruisseau pour aller près de Jésus.        
   
  "Ce sont eux ?" demande Malachie
  d'Ephraïm.        
   
  "Ce sont eux."        
   
  "Et ils sont de Sichem
  ?"            
   
  "C'est ce que disait le pastoureau : que ses parents étaient des
  campagnes."          
   
  "Pauvres enfants ! Mais si les parents ne venaient pas, que ferais-tu
  ?"          
   
  "Je les garderais avec Moi. Mais ils viendront."        
   
  "Ces larrons... Ne viendront-ils pas eux aussi ?"       
   
  "Ils ne viendront pas, mais n'ayez pas de crainte pour eux. Même s'ils
  venaient... C'est Moi qui les volerais et non pas eux qui vous voleraient. Je
  leur ai déjà enlevé leurs quatre proies et j'espère avoir arraché un peu de
  leur âme au péché, au moins pour l'un d'eux."       
   
  "Nous t'aiderons pour ces enfants. Tu nous le permettras cela."  
   
  "Oui. Et ce n'est pas parce qu'ils sont de votre région, mais parce que
  ce sont des innocents et l'amour pour les innocents est le chemin qui conduit
  rapidement à Dieu."        
   
  "Mais Toi seul ne fais pas de distinction entre innocents et innocents.
  Un juif n'aurait pas recueilli ces petits samaritains, ni non plus un
  galiléen. Nous ne sommes pas aimés. Et le manque d'amour pour nous ils l'ont
  aussi pour ceux qui ne savent même pas encore ce que c'est que d'être
  samaritain et juif. Et cela est cruel."             
   
  "Oui. Mais il n'en sera plus ainsi quand on suivra ma Loi. Tu le vois,
  Malachie ? Ils sont dans les bras de Simon Pierre, de mon frère, et de Simon
  le Zélote. Aucun d'eux n'est samaritain, ni père. Et pourtant tu ne serres
  pas tes enfants contre ton cœur avec autant d'amour que le font mes disciples
  pour les orphelins de Samarie. Voilà quelle est
  l'idée messianique : réunir tout le monde dans l'amour. C'est la
  vérité de l'idée messianique. Un seul peuple sur la Terre sous le sceptre du
  Messie. Un seul peuple dans le Ciel sous le regard d'un seul Dieu,"  
   |