Vision
du samedi 23 juin 1945
335> 1Par la
route ombragée qui unit le mont des Oliviers à Béthanie - et je pourrais dire
que la montagne avec ses verts contreforts arrive jusqu'à la campagne de
Béthanie - Jésus, avec les siens, marche rapidement jusqu'à la ville de Lazare. Il n'y est pas encore
entré, qu'on le reconnaît et que des messagers volontaires se répandent dans
tous les sens pour annoncer sa venue. Grâce à cela, voici qu'accourent Lazare
et Maximin d'un côté, Isaac avec Timon et Joseph de l'autre, et en troisième lieu arrive Marthe avec Marcelle qui relève son voile afin de se baisser pour baiser le vêtement
de Jésus, et tout de suite après accourent Marie
d'Alphée et Marie
Salomé qui
vénèrent le Maître et puis embrassent leurs fils. Pendant ce temps, le petit Jabé que Jésus tient toujours par la main, ballotté par tous ces
gens qui arrivent, regarde avec stupéfaction, et Jean
d'Endor, de son côté, se sentant étranger, se retire à part au fond du
groupe. Et voici que s'avance, sur le sentier qui mène à la maison de Simon, la Mère. Jésus laisse
la main de Jabé et repousse doucement les amis pour se hâter vers elle, Les
paroles connues ébranlent l'air, se détachant comme un solo d'amour sur le
bourdonnement de la foule: "Fils !"; "Maman!" Ils se
donnent un baiser et dans le baiser de Marie il y a l'angoisse de celle qui a
craint pendant si longtemps et maintenant, dans la délivrance de la terreur
qui l'a possédée, sent la fatigue de l'effort qu'elle a fait à la mesure du
danger qu'il a couru...
Jésus la caresse, Lui qui comprend, et il dit : "En plus de mon
ange, j'avais le tien, Mère, pour veiller sur Moi. Il ne pouvait m'arriver
rien de mal."
"Que louange en soit donnée au Seigneur. Mais j'ai tant
souffert !"
"Je voulais venir plus rapidement, mais j'ai dû emprunter une autre
route pour t'obéir. Et cela a été un bien, parce que ton ordre, ma Mère,
comme toujours a donné de belles fleurs."
"Ton obéissance, Fils !"
"Ton sage commandement, Mère..." Ils se sourient comme deux
amoureux.
Mais est-il possible que cette Femme soit la Mère de cet Homme ? Où sont
les seize années de différence ?
La fraîcheur et la grâce du visage et du corps virginal font de Marie la sœur
de son Fils qui est dans la plénitude de son splendide
développement humain. "Tu ne me demandes pas pourquoi cette belle
floraison ?" demande Jésus toujours souriant.
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336> "Je sais que mon Jésus
ne me cache rien."
"Chère Maman !" Il lui donne encore un baiser... Les gens qui
se sont tenus à quelques mètres paraissent ne pas observer la scène. Mais je
parie qu'il n'y en a pas un de tous ces yeux, qui semblent regarder ailleurs,
qui ne jette un coup d’œil sur cette douce scène.
2Celui qui regarde plus
que tous, c'est Jabé. Jésus l'a abandonné quand il a couru embrasser sa Mère
et l'enfant est resté seul parce que dans l'empressement des questions et des
réponses on n'a plus prêté attention au pauvre enfant... Il regarde, regarde,
puis incline la tête, lutte contre le chagrin. ..mais à la fin il n'y tient
pas et fond en larmes en disant : "Maman ! Maman !"
Tous, Jésus et Marie les premiers, se retournent et tous cherchent à y
remédier ou se demandent quel est cet enfant. Marie d'Alphée accourt, et
Pierre accourt aussi - ils étaient ensemble - en disant tous deux :
"Pourquoi pleures-tu ?"
Mais avant que dans son grand chagrin Jabé puisse retrouver son souffle pour
parler, Marie est accourue et l'a pris dans ses bras en disant :
"Oui, mon petit enfant, la Maman ! Ne pleure plus et excuse- moi si
je ne t'ai pas vu plus tôt. Voici, mes amis, mon petit enfant..." On se
rend compte que Jésus, tout en faisant quelques mètres, lui a dit :
"C'est un petit orphelin que j'ai pris avec Moi." Le reste, Marie
l'a deviné.
L'enfant pleure encore, mais moins désolé et comme Marie le tient dans ses
bras et l'embrasse, il finit par sourire, avec son visage encore tout baigné
de larmes.
"Viens que je t'essuie toutes ces larmes. Tu ne dois plus pleurer !
Embrasse-moi..."
Jabé... ne demandait que cela et après tant de caresses d'hommes barbus, il
est heureux de baiser la douce joue de Marie.
3Mais Jésus a cherché et
trouvé Jean d'Endor et va le prendre dans son coin, à l'écart. Pendant que
les apôtres saluent Marie, Jésus vient à elle tenant par la main Jean
d'Endor, et il dit : "Mère, voici l'autre disciple. Ces deux fils
c'est ton ordre qui les a obtenus."
"Ton obéissance, Fils" répète Marie, et puis elle salue l'homme en
disant : "La Paix est avec toi."
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337> L'homme, l'homme rude,
inquiet d'Endor qui avait déjà bien changé depuis ce
matin où le caprice de l'Iscariote avait amené Jésus à Endor, finit de se
dépouiller de son passé alors qu'il s'incline devant Marie. Je crois qu'il en
est ainsi tant le visage qui se redresse après la profonde inclination paraît
serein, réellement "pacifié".
4Tout le monde se dirige vers la
maison de Simon : Marie avec Jabé dans ses bras, Jésus tenant par la
main Jean d'Endor et puis, autour et derrière, Lazare et Marthe, les apôtres avec Maximin,
Isaac, Joseph, Timon.
Ils entrent dans la maison sur le seuil de laquelle le vieux serviteur de
Simon vénère Jésus et son maître.
"Paix à toi, Joseph, et à cette maison" dit Jésus en levant la main
pour bénir après l'avoir posée sur la tête blanche du vieux serviteur.
Lazare et Marthe, après la première impression joyeuse, sont un peu tristes,
et Jésus demande : "Pourquoi, mes amis ?"
"Parce que tu n'es pas avec nous, et parce que tout le monde vient à Toi
excepté l'âme dont nous voudrions qu'elle soit tienne."
"Affermissez votre patience, votre espérance, votre prière. Et puis, je
suis avec vous. Cette maison !... Cette maison ce n'est que le nid d'où
le Fils de l'homme volera chaque jour vers de chers amis, si voisins dans
l'espace mais, à considérer les choses surnaturellement, infiniment plus
voisins dans l'amour. Vous êtes dans mon cœur et je suis dans le vôtre.
Peut-on être plus voisins que cela ? Mais ce soir nous serons ensemble.
Veuillez vous asseoir à ma table."
"Oh ! pauvre de moi ! Et moi je suis à flâner ici !
Viens, Salomé, nous avons du travail !" Le cri de Marie d'Alphée
fait sourire tout le monde alors que la bonne parente de Jésus se lève
rapidement pour aller à ses occupations.
Mais Marthe la rejoint : "Ne te préoccupe pas, Marie, pour la
nourriture. Je vais donner des ordres. Toi prépare seulement les tables. Je
t'enverrai les sièges qui seront nécessaires. Viens, Marcelle. Je reviens
tout de suite, Maître."
5"J'ai vu Joseph
d'Arimathie, Lazare. Il vient lundi ici avec des amis."
"Oh ! alors, ce jour-là tu m'appartiens !"
"Oui. Il vient pour qu'on soit ensemble et aussi pour régler une
cérémonie qui concerne Jabé. Jean, conduis l'enfant sur la terrasse. Il
s'amusera."
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338> Jean de Zébédée, toujours
obéissant, se lève immédiatement de sa place et peu après
on entend le babil de l'enfant et le bruit de ses petits pieds sur la
terrasse qui entoure la maison.
"L'enfant" explique Jésus à sa Mère, aux amis, aux femmes, parmi
lesquelles se trouve Marthe qui s'est empressée pour ne pas perdre une minute
de joie auprès du Maître, "c'est le petit-fils d'un paysan de Doras.
Je suis passé par Esdrelon..."
"Est-il vrai que les champs sont désolés et qu'il veut les
vendre ?"
"Pour être désolés, ils le sont. Pour la vente, je ne sais pas. Un
paysan de Giocana m'en a parlé mais je ne sais pas si c'est sûr."
"S'il vendait, je les achèterais volontiers pour te procurer un asile
même au milieu de ce nid de serpents."
"Je ne crois pas que tu y réussisses. Giocana est décidé à les
acquérir."
"Nous verrons... Mais continue ton récit. Qui sont les paysans ?
Ceux qui y étaient, il les a tous dispersés."
"Oui. Ceux-ci viennent de ses terres de Judée, au moins le vieillard qui
est le parent de l'enfant. Il le gardait dans le bois comme un animal sauvage
pour que Doras ne l'aperçoive pas. ..et il y était depuis l'hiver..."
"Oh ! pauvre enfant ! Mais pourquoi ?" Les femmes
sont toutes bouleversées.
"Parce que son père et sa mère sont restés ensevelis dans l'éboulement
aux environs d'Emmaüs.
Tous : père, mère, frères. Lui a échappé à la mort parce qu'il n'était
pas à la maison. On l'a conduit chez le vieux père. Mais que pouvait faire un
paysan de Doras ? Toi, Isaac, tu as parlé de Moi comme d'un sauveur, même
pour ce cas."
"Ai-je mal fait, Seigneur ?" demande humblement Isaac.
"Tu as bien fait. Dieu le voulait. Le vieillard m'a donné l'enfant qui doit
aussi devenir majeur ces jours-ci."
"Oh ! le pauvre ! Si petit à douze ans ! Mon Jude mesurait le double à cet âge... Et Jésus ? Quelle
fleur !" dit Marie d'Alphée.
Et Salomé : "Même mes fils étaient bien plus forts !"
Marthe murmure : "Vraiment, il est bien petit ! Je croyais
qu'il n'avait pas encore dix ans."
"Hé ! la faim c'est effroyable ! Et il a souffert la faim
depuis qu'il est au monde. En maintenant... Que pouvait bien lui donner le
vieil homme si là-bas tout le monde meurt de faim ?" dit Pierre.
"Oui, il a beaucoup souffert. Mais il est très bon et intelligent. Je
l'ai pris pour consoler le vieillard et le petit."
6"Tu
l'adoptes ?" demande Lazare.
"Non. Je ne peux pas."
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339> "Alors je le prends,
moi."
Pierre voit se dissiper son espoir et pousse un vrai gémissement et puis
dit : "Seigneur ! Tout pour lui ?"
Jésus sourit : "Lazare, tu as déjà tant fait et je t'en suis
reconnaissant. Mais cet enfant, je ne peux te le confier. C'est
"notre" enfant. À nous tous. La joie des apôtres et du
Maître. De plus, ici il grandirait dans le faste. Je veux lui faire don de
mon manteau royal: "l'honnête pauvreté". Celle que le Fils de
l'homme veut pour Lui-même, pour pouvoir approcher les plus grandes misères
sans mortifier personne. Tu as eu encore récemment un cadeau de Moi..."
"Ah ! oui ! Le vieux patriarche et sa fille. Très active la
femme, et le vieil homme est très bon."
"Où sont-ils maintenant ? Je veux dire: en quel
endroit ?"
"Mais ici, à Béthanie. Tu crois que j'aurais voulu éloigner la
bénédiction que tu m'envoyais ? La femme travaille au lin. Ce travail
demande des mains légères et expertes. Le vieillard, étant donné qu'il
voulait absolument travailler, je l'ai mis aux ruches. Hier - n'est-ce pas,
ma sœur ? - sa longue barbe était toute dorée. Les abeilles, en
essaimant, s'y étaient toutes attachées, et il leur parlait comme à ses
filles. Il est heureux."
"Je le crois ! Que tu sois béni !" dit Jésus.
"Merci, Maître.
7Mais cet enfant
occasionnera des frais ! Me permettrais-tu au moins..."
"J'y pense moi à son vêtement de fête" s'écrie Pierre. Tout le
monde rit de son impulsivité.
"Très bien, mais il aura besoin d'autres vêtements. Simon, sois gentil.
Moi aussi, je suis sans enfants. Permets que Marthe et moi nous nous
consolions en lui faisant faire des petits habits."
Pierre, ainsi sollicité, s'émeut tout de suite : "Les habits...
oui... mais le vêtement de mercredi, c'est moi qui m'en charge. Le Maître me
l'a promis, et il a dit que j'irai avec la Mère pour l'acheter demain."
Pierre débite tout cela, craignant quelque changement à son détriment.
Jésus sourit et dit : "Oui, Mère. Je te prie d'aller demain avec
Simon. Autrement cet homme meurt d'angoisse. Tu le conseilleras pour le
choix."
"Moi, j'ai dit : vêtement rouge, ceinture verte. Cela ira très
bien, Mieux que cette couleur qu'il a maintenant."
"Le rouge ira très bien" dit doucement Marie. "Jésus aussi
avait un vêtement rouge. Mais je dirais que sur le rouge il vaudrait mieux
une ceinture rouge, ou du moins avec une broderie rouge."
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340> "Moi, je faisais cette proposition parce que je
vois que Judas, qui est brun, est très bien avec ces bandes vertes sur
l'habit rouge."
"Mais elles ne sont pas vertes, ami !" dit en riant
l'Iscariote.
"Non ? Et quelle couleur est-ce alors ?"
"On nomme cette couleur "veine d'agate".
"Et que veux-tu que j'en sache ?! Elle me paraissait verte. Je l'ai
vue aussi sur les feuilles..."
Marie Très Sainte intervient avec bienveillance: "Simon a raison. C'est
exactement la couleur que prennent les feuilles aux premières pluies de
Tisri..."
"Voilà ! Comme les feuilles sont vertes, je disais que la ceinture
était verte" conclut Pierre, satisfait. La Suave a mis la paix et la
joie jusque dans ce petit détail.
8"Appelez
le petit ?" demande Marie. Et l'enfant arrive tout de suite avec
Jean.
"Comment t'appelles-tu ?" demande Marie en le caressant.
"Je m'appelle... je m'appelais Jabé. Mais maintenant j'attends un
nom..."
"Tu l'attends ?"
"Oui, Jabé veut un nom qui signifie que je l'ai sauvé. Tu le chercheras,
Mère. Un nom d'amour et de salut."
Marie réfléchit... et puis elle dit :
"Marjiam (Maarhgziam). Tu es la petite goutte dans la mer de ceux qui
sont sauvés par Jésus. Il te plaît ? Ce nom, outre le Salut, rappelle
aussi mon souvenir."
"Il est très beau" dit l'enfant tout content.
"Mais, n'est-ce pas un nom de femme ?" demande Barthélemy.
"Avec un "l" au lieu d'un "m", quand cette petite
goutte d'humanité sera adulte, vous pourrez changer son nom en nom d'homme.
Maintenant il porte le nom que lui a donné la Mère. N'est-ce pas ?"
L'enfant dit oui et Marie le caresse.
Sa belle-sœur l'interpelle : "C'est de la belle laine" et elle
touche le petit manteau de Jabé. "Mais elle a une telle couleur !
Qu'en dis-tu ? Je le teindrai en rouge très foncé. Cela ira bien."
"Demain soir, nous le ferons, car demain il aura son nouveau vêtement.
Maintenant nous ne pouvons lui l'enlever."
Marthe dit à l'enfant : "Viendrais-tu avec moi, petit ? Je
t'amène tout près d'ici pour voir tant de choses, et puis on revient
ici..."
Jabé ne refuse pas. Il ne refuse jamais rien... mais il paraît un peu
intimidé d'aller avec une femme presque inconnue. Il dit timidement et avec
gentillesse : "Est-ce que Jean pourrait venir avec moi ?"
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341> "Mais bien
sûr !"
Ils s'en vont,
9et pendant leur absence,
les conversations se poursuivent entre les différents groupes. Récits,
commentaires, soupirs sur la dureté des hommes. Isaac raconte ce qu'il a pu
savoir du Baptiste.
Certains le disent à Machéronte,
d'autres à Tibériade. Les
disciples ne sont pas encore de retour...
"Mais ne l'avaient-ils pas suivi ?"
"Si. Mais, près de Doco, ceux
qui l'avaient arrêté ont traversé le fleuve avec leur prisonnier, et on ne
sait pas s'ils sont remontés vers le lac ou descendus à Machéronte. Jean, Mathias et Siméon se
sont séparés pour s'informer et ne l'abandonneront sûrement pas."
"Et toi, Isaac, tu n'abandonneras certainement pas ce nouveau disciple.
Pour l'instant il est avec Moi. Je veux qu'il fasse la Pâque avec Moi."
"Moi, je la ferai à Jérusalem, dans la maison de Jeanne. Elle m'a vu et
m'a offert une pièce : pour moi et mes compagnons. Ils viennent tous,
cette année. Et nous serons avec Jonathas."
"Même ceux du Liban ?"
"Eux aussi. Mais les disciples de Jean ne pourront peut-être pas
venir."
"Ceux de Giocana viennent, tu le sais ?"
"Vraiment ? Je serai à la porte, près des prêtres qui immolent. Je
les verrai et je les amènerai avec moi."
"Attends-les pour la dernière heure. Ils n'ont qu'un temps limité. Mais
ils ont l'agneau."
"Moi aussi. Magnifique. C'est Lazare qui me l'a donné. Nous immolerons
celui-ci, et l'autre, il leur servira pour le retour."
10Marthe rentre avec Jean
et l'enfant dans un petit vêtement de lin blanc avec un vêtement de dessus
rouge. Sur le bras, il a aussi un petit manteau rouge.
"Tu les reconnais, Lazare ? Tu vois que tout sert ?" Le
frère et la sœur se sourient.
Jésus dit : "Je te remercie, Marthe."
"Oh ! Mon Seigneur ! J'ai la manie de tout conserver. Je l'ai
héritée de ma mère. J'ai encore beaucoup de vêtements de mon frère. Ils me
sont chers parce que ma mère les a touchés. De temps en temps j'en enlève une
pièce pour quelque enfant. Maintenant je vais les donner à Margziam. Ils sont
un peu longs, mais on peut les raccourcir. Lazare, devenu majeur, n'en voulut
plus... Un beau caprice, un vrai caprice d'enfant... et ma mère lui céda
parce qu'elle adorait son Lazare." Marthe le
caresse avec amour, et Lazare prend sa très belle main, la baise et
dit : "Et toi, pas ?" Ils se sourient.
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342> "C'est
providentiel cela" observent plusieurs.
"Oui, mon caprice a fait du bien. Peut-être il me sera pardonné pour ce
motif."
Le souper est prêt et chacun gagne sa place…
11 ...La nuit est tombée
quand Jésus peut parler en paix avec la Mère. Ils sont montés sur la terrasse
et, assis sur un siège l’un près de l'autre, la main dans la main, ils se
parlent et s'écoutent. D'abord c'est Jésus qui raconte ce qui est arrivé.
Puis c'est Marie qui dit : "Fils, après ton départ, tout de suite
après, est venue chez moi une femme... Elle te cherchait. Une grande misère.
Et une grande rédemption. Mais cette créature a besoin de ton pardon
pour bien garder sa résolution. Je l'ai confiée à Suzanne en lui disant que
c'était une femme que tu avais guérie. C'est vrai. J'aurais pu la garder avec
moi si notre maison n'était pas désormais une mer où tous font voile... et
beaucoup avec des intentions malveillantes. Et la femme éprouve du dégoût
pour le monde, désormais. Veux-tu savoir qui c'est ?"
"Une âme. Mais dis-moi son nom pour que je puisse l'accueillir sans
faire d'erreur."
"C'est Aglaé. La
romaine, mime et pécheresse que tu as commencé à sauver à Hébron, qui t'a cherché et trouvé à
"La Belle Eau",
qui a déjà souffert de son honnêteté reconquise. Combien!... Elle m'a tout dit...
Quelle horreur!..."
"Son péché ?"
"Lui, et... je dirais plus encore : quelle horreur est le monde.
Oh ! mon Fils ! Méfie-toi des pharisiens de Capharnaüm !
Ils ont voulu se servir de cette malheureuse pour te nuire. Même d'elle..."
"Je le sais, Mère... Où est Aglaé ?"
"Elle arrivera avec Suzanne avant la Pâque."
"C'est bien. Je lui parlerai. Je serai ici chaque soir, et sauf la soirée
de Pâque que je consacrerai à la famille, je l'attendrai. Tu n'as qu'à la
retenir, si elle vient. C'est une grande rédemption, tu l'as dit. Et si
spontanée ! En vérité je te dis qu'en peu de cœurs ma semence prend
racine avec la force qu'elle l'a fait sur ce terrain malheureux. Et depuis
André en a aidé sa croissance jusqu'à sa complète formation."
"Elle me l'a dit."
"Mère, qu'as-tu éprouvé au voisinage de cette ruine ?"
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