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   Vision
  du mercredi 16 et jeudi 17 avril 1947. 
  
  354>   632.1 - Élise,
  la mère d'Annalia, pleure désespérément dans sa maison, enfermée dans une
  chambrette où se trouve un petit lit sans couverture, peut-être celui
  d'Annalia. Elle a la tête abandonnée sur ses bras, qui s'abandonnent à leur
  tour, en se tendant sur le petit lit comme pour l'embrasser tout entier. Son
  corps repose sur ses genoux en une attitude de langueur. De vigoureux, il n'y
  a que ses pleurs.           
   
  Il entre un peu de lumière par la fenêtre ouverte. Le jour revient depuis
  peu. Mais il se produit une vive lumière quand entre Jésus.        
   
  Je dis : entre, pour dire qu'il est dans la pièce où avant il n'était pas. Et
  je dirai toujours ainsi pour faire connaître son apparition dans un endroit
  fermé, sans répéter comment il se découvre de derrière une grande clarté qui
  rappelle celle de la Transfiguration, de derrière un feu blanc, si on me
  permet la comparaison, qui semble liquéfier les murs et les portes pour
  permettre à Jésus d'entrer avec son Corps véritable, respirant, solide,
  glorifié, un feu, une clarté qui se referme sur Lui et le cache quand il s'en
  va. Cependant, ensuite, il prend l’aspect très beau du Ressuscité, mais
  Homme, vraiment Homme, d'une beauté qui est le centuple de celle qu'il avait
  déjà avant la Passion. C'est Lui, mais c'est Lui glorieux, Roi.          
   
    632.2 - "Pourquoi pleures-tu, Élise
  ?"            
   
  Je ne sais pas comment la femme ne reconnaît pas la Voix qu'on ne peut confondre.
  Peut-être la douleur l'étourdit. Elle répond comme si elle parlait à un
  parent qui peut-être l'a rejointe après la mort d'Annalia.    
   
  "Tu as entendu hier soir ces hommes  ? Lui n'était rien. Un pouvoir
  magique mais pas divin. Et moi qui me résignais à la mort de ma fille en
  pensant qu'elle était aimée de Dieu, en paix... Il me l'avait dit !..."           
   
  Les pleurs redoublent.    
   
  "Mais beaucoup l'ont vu ressuscité. Dieu seul peut se ressusciter par
  Lui-même."       
   
  "Je l'ai dit moi aussi à ceux d'hier. Tu l'as entendu. J'ai combattu
  leurs paroles, parce que leurs paroles étaient la mort de mon espérance, de
  ma paix.             
   
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  355> Mais eux - tu as entendu ? - eux ont dit : "Tout cela c’est de la comédie de ses partisans pour ne pas
  reconnaître qu’ils sont fous. Il est mort et bien mort, et corrompu, ils
  l’ont enlevé et détruit, en disant qu’il est ressuscité". Ils ont parlé
  ainsi... Et que c’est pour cela que le Très-Haut a envoyé le second
  tremblement de terre, pour leur faire sentir sa colère de leur mensonge
  sacrilège. Oh ! je n’ai plus de réconfort !"  
   
  "Mais si tu voyais le Seigneur ressuscité, de tes yeux, et si tu le
  touchais de tes mains, croirais-tu ?..."          
   
  "Je n’en suis pas digne... Mais certainement je croirais ! Il me
  suffirait de le voir. Je n’oserais pas toucher ses Chairs, car s’il en était
  ainsi, ce serait des chairs divines, et une femme ne peut s’approcher du
  Saint des Saints."          
   
    632.3 - "Lève la tête, Elise, et
  regarde qui est devant toi !"           
   
  La femme lève sa tête chenue, son visage défiguré par les pleurs, et elle
  voit... Elle tombe encore plus bas sur ses talons, se frotte les yeux, ouvre
  la bouche sur un cri qui veut monter mais que la stupeur étrangle dans la
  gorge.          
   
  "C’est Moi, le Seigneur. Touche ma main, baise-la. Tu m’as sacrifié ta
  fille, tu le mérites. Et retrouve, sur cette main, le baiser spirituel de ton
  enfant. Elle est au Ciel, et elle est bienheureuse. Tu parleras de cela aux
  disciples, et de ce jour.”        
   
  La femme est tellement fascinée qu’elle n’ose pas faire le geste, et c’est
  Jésus Lui-même qui presse sur ses lèvres la pointe de ses doigts.           
   
  "Oh ! tu es vraiment ressuscité !!! Je suis heureuse ! Heureuse ! Bénis
  sois-tu de m’avoir consolée !"            
   
  Elle se penche pour Lui baiser les pieds. Elle le fait et reste ainsi. La
  lumière surnaturelle enveloppe le Christ dans sa splendeur et la pièce est
  vide de Lui. Mais la mère a le cœur plein d’une certitude inébranlable.  
  II.
  À Marie, mère de Judas, à Kérioth, avec Anne, mère de Joanne, et le vieil
  Ananie.         
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    632.4 - La maison d'Anne,
  mère de Joanne.
  La maison de campagne où Jésus, accompagné de la mère de Judas, opéra la
  guérison miraculeuse d’Anne .
  Ici encore une pièce, et une femme étendue sur un lit. Une femme qui est
  méconnaissable tant elle est défigurée par une angoisse mortelle.     
   
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  356>
  Le visage est consumé. La fièvre le dévore en empourprant les pommettes qui
  sont tellement saillantes que les joues en sont creusées. Les yeux, dans un
  cercle noir, rougis par la fièvre et les pleurs, sont à moitié clos sous les
  paupières enflées. Là où il n’y a pas une rougeur de fièvre le
  teint est d’un jaune intense, verdâtre comme si la bile était répandue dans
  le sang. Les bras décharnés, les mains effilées, sont abandonnés sur les
  couvertures que l’essoufflement soulève.     
   
  Près de la malade, qui n’est autre que la mère de
  Judas, se trouve Anne, la mère de Joanne. Elle essuie les larmes
  et la sueur, agite un éventail de palmier, change les linges trempés dans du
  vinaigre aromatisé mis sur le front et la gorge de la malade, caresse ses
  mains, caresse ses cheveux en désordre, devenus en peu de temps plus blancs
  que noirs, épars sur l’oreiller et collés par la sueur sur les oreilles
  devenues transparentes. Et Anne pleure aussi en disant des paroles de
  réconfort :       
   
  "Pas ainsi, Marie ! Pas ainsi ! Assez ! C’est lui... lui qui a péché.
  Mais toi, toi tu sais comme le Seigneur Jésus..."     
   
  "Tais-toi ! Ce Nom… quand on me le dit.. on le
  profane... Je suis la mère... du Caïn... de Dieu ! Ah !"            
   
  Les pleurs tranquilles se changent en un sanglot prolongé, déchirant. Elle a
  l’impression de se noyer, s'attache au cou de son amie qui la secourt pendant
  qu’elle vomit de la bile.          
   
  "Paix ! Paix, Marie ! Pas ainsi ! Oh ! que te dire pour te persuader que
  Lui, le Seigneur, t’aime ? Je te le répète ! Je te le jure sur ce qui est le
  plus saint pour moi : mon Sauveur et mon enfant. Lui, me l’a dit quand tu me
  l’as amené. Il a eu pour toi des paroles et des prévoyances d’un amour
  infini. Tu es innocente. Lui t’aime. Je suis certaine, je suis certaine qu’il
  se donnerait Lui-même une autre fois pour te donner la paix, pauvre mère
  martyre."    
   
  "Mère du Caïn de Dieu ! Tu entends ? Ce vent, là, dehors... Il le dit...
  Elle va à travers le monde, la voix… la voix du vent, et elle dit :
  "Marie de Simon, mère de Judas, celui qui a trahi le Maître et l’a livré
  à ceux qui l’ont crucifié". Tu entends ? Tout le dit... Le ruisseau, là
  dehors... Les tourterelles.., les brebis... Toute la Terre crie que je
  suis... Non, je ne veux pas guérir. Je veux mourir !... Dieu est juste et ne
  me frappera pas dans l’autre vie. Mais ici, non. Le monde ne pardonne pas...
  ne distingue pas... Je deviens folle car le monde crie... : “Tu es la mère de
  Judas !"       
   
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  357>
  Elle retombe épuisée sur ses oreillers. Anne la redresse et sort pour porter
  dehors les linges tachés…          
   
  Marie, les yeux clos, exsangue après l’effort qu’elle a fait, gémit :           
   
  "la mère de Judas ! de Judas ! de Judas !" Elle halète, puis
  reprend : “Mais qu’est-ce que Judas ? Qu’ai-je enfanté ? Qu’est-ce que Judas
  ? Qu’ai-je..."          
   
    632.5 - Jésus est dans la pièce qu’éclaire
  une lumière tremblante car trop faible est encore la lumière du jour pour
  éclairer la vaste pièce dans laquelle le lit est au fond, très loin de
  l’unique fenêtre. Il appelle doucement :          
   
  “Marie ! Marie de Simon !"        
   
  La femme délire presque et ne remarque pas la voix. Elle est absente, prise
  dans les tourbillons de sa douleur, et répète les idées qui obsèdent son
  cerveau, d’une manière monotone, comme le tic-tac d’une pendule :    
   
  "La mère de Judas ! Qu’ai-je enfanté ? Le monde crie : “La mère de
  Judas…”      
   
  Jésus a deux larmes dans le coin de ses yeux très doux. Elles m’étonnent
  beaucoup. Je ne pensais pas que Jésus puisse pleurer encore après qu’il est
  ressuscité... Il se penche. Le lit est tellement bas pour Lui qui est si
  grand ! Il met la main sur le front enfiévré, en repoussant les linges
  trempés dans le vinaigre, et il dit :         
   
  "Un malheureux. Ceci, pas autre chose. Si le monde crie, Dieu couvre le
  cri du monde en te disant : “Aie la paix parce que Moi je t’aime”.
  Regarde-moi, pauvre mère ! Ramène ton esprit égaré et mets-le dans mes mains.
  Je suis Jésus !..."    
   
  Marie de Simon ouvre les yeux comme si elle sortait d’un cauchemar et elle
  voit le Seigneur, sent sa main sur son front, porte ses mains tremblantes à
  son visage et elle gémit :          
   
  "Ne me maudis pas ! Si j’avais su ce que j’engendrais je me serais
  arrachées les entrailles pour qu’il ne naisse pas."           
   
  "Et tu aurais péché. Marie ! oh ! Marie ! Ne sors pas de ta justice à
  cause de la faute d’un autre. Les mères qui ont fait leur devoir ne doivent
  pas se considérer comme responsables des péchés de leurs fils. Tu l’as fait,
  ton devoir, Marie. Donne-moi tes pauvres mains. Sois tranquille, pauvre
  mère."         
   
  Haut de page.         
   
  358>
  "Je suis la mère de Judas. Je suis immonde comme tout ce que ce démon a
  touché. Mère d’un démon ! Ne me touche pas."  
   
  Elle se débat pour échapper aux mains divines qui veulent la tenir. Les deux
  larmes de Jésus lui tombent sur le visage empourpré par un accès de fièvre.          
   
  "Je t’ai purifiée, Marie. Mes larmes de pitié sont sur toi. Je n’ai
  pleuré sur personne depuis que j’ai consumé ma douleur. Mais je pleure sur
  toi avec toute mon affectueuse pitié."    
   
  Il a réussi à lui prendre les mains et il s’assoit, oui, il s’assoit vraiment
  sur le bord du lit, en tenant ces mains tremblantes dans les siennes.           
   
  La pitié affectueuse de ses yeux étincelants caresse, enveloppe, soigne la
  malheureuse qui se calme en pleurant silencieusement et en murmurant :          
   
  "N’as-tu pas de rancœur contre moi ?"           
   
  "J’ai de l’amour. C’est pour cela que je suis venu. Aie la paix."     
   
  "Toi, tu pardonnes ! Mais le monde ! Ta Mère
  ! Elle me haïra."   
   
  "Elle pense à toi comme à une sœur. Le monde est cruel. C’est vrai. Ma
  Mère est la Mère de l’Amour, et elle est bonne. Tu ne peux aller par le
  monde, mais elle viendra à toi quand tout sera en paix. Le temps
  pacifie..."          
   
  "Fais-moi mourir, si tu m’aimes..."     
   
  "Encore un peu de temps. Ton fils n’a su rien me donner. Toi, donne-moi
  un temps de ta souffrance. Il sera court."       
   
  "Mon fils t’a trop donné... C’est l’horreur infinie qu’il t’a
  donnée."        
   
  "Et toi la douleur infinie. L’horreur est passée, elle ne sert plus. Ta
  douleur sert. Elle s’unit à mes plaies, et tes larmes et mon Sang lavent le
  monde. Toute la douleur s’unit pour laver le monde. Tes larmes sont parmi mon
  Sang et les pleurs de ma Mère et autour c’est toute la douleur des saints qui
  souffriront pour le Christ et pour les hommes, pour mon amour et celui des
  hommes. Pauvre Marie !"     
   
  Il la couche doucement, lui croise les mains, la regarde se calmer...       
   
    632.6 - Anne rentre et elle reste stupéfaite
  sur le seuil.    
   
  Jésus, qui s’est relevé, la regarde en disant :             
   
  "Tu as obéi à mon désir. Pour les obéissants, il y a la paix. Ton âme
  m’a compris. Vis dans ma paix."       
   
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  359>
  Il abaisse de nouveau les yeux sur Marie de Simon qui le regarde en versant
  des larmes plus calmes et il lui sourit encore. Il lui dit encore :          
   
  "Mets toutes tes espérances dans le Seigneur. Lui te donnera toutes ses
  consolations."       
   
  Il la bénit et va s’en aller.           
   
  Marie de Simon pousse un cri passionné :     
   
  "On dit que mon fils t’a trahi par un baiser ! Est-ce vrai, Seigneur ?
  Si oui, laisse-moi le laver en te baisant les mains. Je ne puis faire autre
  chose ! Je ne puis faire autre chose pour effacer… pour effacer..."      
   
  La douleur la reprend plus fort.            
   
  Jésus, oh ! Jésus ne lui donne pas ses mains à baiser, ces mains sur
  lesquelles la large manche de son vêtement blanc retombe jusqu’au milieu du
  métacarpe en cachant les blessures, mais il lui prend la tête dans ses mains
  et se penche pour effleurer de ses lèvres divines le front brûlant de la plus
  malheureuse des femmes, et il lui dit en se redressant :  
   
  "Mes larmes et mon baiser ! Personne n’a eu tant de moi. Reste donc dans
  la paix puisque entre toi et Moi il n’y a que de l’amour."   
   
  Il la bénit et, après avoir traversé rapidement la pièce, il sort derrière
  Anne qui n’a pas osé s’avancer, ni parler, mais qui pleure d’émotion.   
   
    632.7 - Pourtant quand ils sont dans le
  corridor qui mène à la porte de la maison, Anne ose parler, poser la question
  qui lui tient tant à cœur :   
   
  "Ma Joanne ?"       
   
  "Depuis quinze jours, elle jouit dans le Ciel. Je n’en ai pas parlé
  parce qu’il y a trop de contraste entre ta fille et son fils."           
   
  "C’est vrai ! Grand déchirement ! Je crois qu’elle en meurt."       
   
  "Non. Pas tout de suite."            
   
  "Maintenant elle aura plus de paix. Tu l’as consolée. Toi ! Toi qui plus
  que tous..."         
   
  "Moi qui la plains plus que tous. Je suis la divine Compassion. Je suis
  l’Amour. Je te le dis, femme : si seulement Judas m’avait jeté un regard de
  repentir, je lui aurais obtenu le pardon de Dieu..."  
   
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  360>
  Quelle tristesse sur le visage de Jésus ! La femme en est frappée. Paroles et
  silences combattent sur ses lèvres, mais elle est femme, et la curiosité
  l’emporte. Elle demande :     
   
  "Mais est-ce que cela a été une… un... Oui, je veux dire : ce malheureux
  a-t-il péché soudainement ou bien..."        
   
  "Depuis des mois il péchait et de ma part aucune parole, aucune action,
  n’a pu l’arrêter tant était forte sa volonté de pécher. Mais n’en parle pas à
  elle..."          
   
  "Je n’en parlerai pas !... Seigneur ! Quand Ananie (Ananias),
  qui s’était enfui de Jérusalem sans même terminer la Pâque, la nuit même de
  la Parascève, est entré ici en criant : “Ton fils a trahi le Maître et l’a
  livré à ses ennemis ! Il l’a trahi par un baiser et j’ai vu le Maître frappé
  et couvert de crachats, flagellé, couronné d’épines, chargé de la croix, crucifié
  et mort par l’entremise de ton fils. Et notre nom, les ennemis du Maître le
  crient en triomphant insolemment et on raconte les actions de ton fils qui,
  pour moins que le prix que coûte un agneau, a vendu le Messie et en le
  trahissant par un baiser il l’a indiqué aux gardes” ! Marie est tombée par
  terre, devenue noire sur le coup, et le médecin dit que son fiel s’est
  répandu et que son foie a éclaté et que tout le sang en est corrompu. Et...
  le monde est mauvais. Elle a raison... J’ai dû la transporter ici, car ils
  venaient crier près de sa maison de Kériot : “Ton fils est déicide et s’est
  suicidé ! Il s’est pendu ! Et Belzébuth a pris son âme et même Satan
  est venu prendre son corps”. Est-ce vrai ce prodige horrible ?"          
   
  "Non, femme. On l’a trouvé mort pendu à un olivier..."     
   
  "Ah ! Et ils criaient : “Christ est ressuscité et il est Dieu. Ton
  fils a trahi Dieu. Tu es la mère de celui qui a trahi Dieu. Tu es la mère de
  Judas”. Pendant la nuit, avec Ananias et un serviteur
  fidèle, le seul qui m’est resté car personne ne voulait rester près
  d’elle...je l’ai portée ici. Mais ces cris Marie les entend dans le vent,
  dans les bruits de la terre, en tout."        
   
  "Pauvre mère ! C’est horrible, oui."     
   
  "Mais ce démon n’a pas pensé à cela, Seigneur ?"    
   
  "C’était une des raisons dont je me servais pour le retenir. Mais cela
  n’a servi à rien. Judas en arriva à haïr Dieu, n’ayant jamais aimé d’un amour
  véritable son père et sa mère, ni aucun autre qui fût son prochain."      
   
  "C’est vrai !"           
   
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  361>
  "Adieu, femme. Que ma bénédiction te donne la force de supporter les
  mépris du monde pour ta pitié envers Marie. Baise ma main. À toi, je puis la
  montrer. À elle cela lui aurait fait trop de mal de voir cela."        
   
  Il rejette sa manche en arrière pour découvrir le poignet transpercé.    
   
  Anne exhale un gémissement en effleurant à peine de ses lèvres le bout des
  doigts.         
   
    632.8 - Le bruit d’une porte qui s’ouvre et
  un cri étouffé : "Le Seigneur !" Un homme âgé se prosterne et reste
  ainsi.    
   
  "Ananie, le Seigneur est bon. Il est venu pour réconforter ta parente,
  pour nous réconforter nous aussi" dit Anne pour réconforter le petit vieux
  trop ému.            
   
  Mais l’homme n’ose pas faire un mouvement. Il dit en pleurant :          
   
  "Nous sommes d’un sang honni. Je ne puis regarder le Seigneur."        
   
  Jésus va vers lui. Il touche sa tête en lui disant les mêmes paroles déjà
  dites à Marie de Simon :             
   
  "Les parents qui ont fait leur devoir ne doivent pas se considérer
  responsables du péché de leur parent. Prends courage, homme ! Dieu est juste.
  Paix à toi et à cette maison. Je suis venu et tu iras où je t’envoie. Pour la
  Pâque supplémentaire les disciples seront à Béthanie. Tu iras vers eux et tu leur diras
  que le douzième jour après sa mort tu as vu le Seigneur à Kériot,
  vivant et véritable dans sa Chair et son Ame et sa Divinité. Ils te croiront
  car j’ai été déjà beaucoup avec eux. Mais cela les confirmera dans leur foi
  en ma Nature Divine de me savoir en tout lieu le même jour. Et avant cela
  encore, tu iras aujourd’hui même à Kériot pour demander au chef
  de la synagogue de rassembler le peuple, et tu diras en présence
  de tout le monde que je suis venu ici, et qu’ils se rappellent mes paroles d’adieu .
  Ils te diront certainement : “Pourquoi n’est-il pas venu vers nous ?” Tu
  répondras ainsi : “Le Seigneur m’a dit de vous dire que si vous
  aviez fait ce qu’il vous avait dit de faire envers la mère qui n’était pas
  coupable, il se serait montré. Vous avez manqué à l’amour et c’est pour cela
  que le Seigneur ne s’est pas montré". Le feras-tu ?"   
   
  Haut de page.         
   
  362>
  "C’est difficile cela, Seigneur ! C’est difficile à faire ! Ils nous
  considèrent tous pour des cœurs lépreux... Le chef de la synagogue ne
  m’écoutera pas. Le peuple ne me laissera pas parler. Peut-être il me
  frappera... Je le ferai pourtant puisque tu le veux."  
   
  Le petit vieux ne lève pas la tête. Il parle courbé dans un profond
  prosternement.     
   
  "Regarde-moi, Ananie !"            
   
  L’homme lève un visage que la vénération rend tout tremblant.            
   
  Jésus est resplendissant et beau comme sur le Thabor... La lumière le couvre,
  en cachant son aspect et son sourire... Et le couloir reste sans Lui, sans
  qu’aucune porte n'ait bougé pour Lui livrer passage.             
   
  Les deux adorent, adorent encore, devenus toute adoration par la
  manifestation divine. 
  III.
  Aux enfants de Yutta et à leur mère Sarah.          
  Haut de page.        
    632.9 - Le verger de la maison de Sarah.
  Les enfants qui jouent sous les arbres feuillus. Le plus petit se roule dans
  l’herbe près d’une rangée serrée de pampres, les autres plus grands qui se
  poursuivent avec des cris d’hirondelles joyeuses, jouant à cache-cache
  derrière les haies et les vignes.          
   
  Voilà que Jésus apparaît près du petit auquel il a donné son nom .
  Oh ! sainte simplicité des innocents ! Yésaï (Jésaï)
  ne s’étonne pas de le voir là à l’improviste, mais il Lui tend ses petits
  bras pour que Jésus le prenne dans les siens, et Jésus le prend : cela se passe
  avec le plus grand naturel.      
   
  Les autres surviennent en courant — encore une fois, bienheureuse simplicité
  des enfants ! — et sans stupeur, heureux, s’approchent de Lui. Il semble
  qu’il n’y a rien de changé pour eux. Peut-être ils ne savent pas. Mais après
  la caresse de Jésus à chacun, Marie,
  la plus grande et la plus sensée, dit :            
   
  "Alors tu ne souffres plus, Seigneur, maintenant que tu es ressuscité ?
  J’ai eu tant de peine !..."         
   
  "Je ne souffre plus. Je suis venu pour vous bénir avant de monter vers
  mon Père et le vôtre, au Ciel. Mais de là aussi je vous bénirai toujours, si
  vous êtes toujours bons. Vous direz à ceux qui m'aiment que j’ai laissé à
  vous ma bénédiction aujourd’hui.
  Rappelez-vous ce jour."            
   
  Haut de page.         
   
  363>
    632.10 - "Tu ne viens pas à la maison ?
  Il y a maman. Ils ne nous croiront pas" dit encore Marie.             
   
  Mais son frère ne demande pas. Il crie :         
   
  "Maman, Maman ! Le Seigneur est ici !..." et en courant à la
  maison, il répète ce cri.          
   
  Sarah accourt, se montre.., à temps pour voir Jésus, très beau à la limite du
  verger, disparaître dans la lumière qui l’absorbe...  
   
  "Le Seigneur ! Mais pourquoi ne pas m’appeler avant ?... dit Sarah dès
  qu’elle peut parler. Mais quand ? D’où est-il venu ? Était-il seul ? Sots que
  vous êtes !"            
   
  "Nous l’avons trouvé ici. Une minute avant il n’y était pas... Il n’est
  pas venu de la route, ni non plus du jardin. Il avait Yésaï dans les bras...
  Et il nous a dit qu’il était venu pour nous bénir et nous donner la
  bénédiction pour ceux qui l’aiment à Yutta et de nous rappeler ce jour. Et
  maintenant il va au Ciel, mais il nous aimera si nous sommes bons. Comme Il
  était beau ! Il avait les mains blessées, mais elles ne Lui font plus
  mal. Ses pieds aussi étaient blessés. Je les ai vus dans l’herbe. Cette
  fleur-là touchait exactement la blessure d’un de ses pieds. Moi, je la
  cueille..."      
   
  Ils parlent tous ensemble, échauffés par l’émotion. Ils transpirent même dans
  leur surexcitation.  
   
  Sarah les caresse en murmurant :       
   
  "Dieu est grand ! Allons. Venez. Allons le dire à tout le monde. Parlez,
  vous, innocents. Vous pouvez parler de Dieu." 
  
    632.11 - Le jeune homme travaille avec
  ardeur autour d’une charrette. Il est entrain de la charger de légumes
  cueillis dans un jardin voisin. L’âne frappe de son sabot le sol dur du
  chemin de campagne.     
   
  En se tournant pour prendre un panier de laitues il voit Jésus qui lui
  sourit. Il laisse tomber à terre le panier et s’agenouille en se frottant les
  yeux, ne croyant pas à ce qu’il voit, et il murmure :            
   
  "Très-Haut, ne m’induis pas en illusion ! Ne permets pas, Seigneur,
  que je sois trompé par Satan par de faux aspects séduisants. Il
  est bien mort mon Seigneur ! Et il a été enseveli et ils disent
  maintenant que le cadavre a été enlevé. Pitié, Seigneur Très-Haut !
  Montre-moi la vérité."           
   
  Haut de page.         
   
  364>
  "Je suis la Vérité, Jaias. Je suis la Lumière du monde. Regarde-moi.
  Vois-moi. C’est pour cela que je t’ai rendu la vue  :
  pour que tu puisses témoigner de ma puissance et de ma Résurrection."          
   
  "Oh ! C’est vraiment le Seigneur ! C’est Toi ! Oui, c’est
  Toi Jésus !"        
   
  Il se traîne sur les genoux pour Lui baiser les pieds.           
   
  "Tu diras que tu m’as vu et parlé et que je suis bien vivant. Tu diras que
  tu m’as vu aujourd’hui. À toi la
  paix et ma bénédiction."        
   
  Jaias reste seul, heureux. Il oublie la charrette et les légumes. C’est
  inutilement que l’âne agité frappe le chemin et brait pour protester à cause
  de l’attente... Jaias est en extase.         
   
   
    632.12 - Une femme sort de la maison près du
  jardin et elle le voit là, pâle d’émotion, le visage absent. Elle crie :            
   
  "Jaias ! Qu’as-tu ? Que t’est-il arrivé’ ?"         
   
  Elle accourt, le secoue, le ramène sur la terre...       
   
  "Le Seigneur ! J’ai vu le Seigneur Ressuscité. Je Lui ai baisé les pieds
  et j’ai vu ses plaies. Ils ont menti. Il était vraiment Dieu et il est
  ressuscité. J’avais peur que ce fût une tromperie. Mais c’est Lui ! C’est Lui
  !"          
   
  La femme tremble et frissonne d’émotion et elle murmure :      
   
  "En es-tu vraiment sûr ?"          
   
  "Tu es bonne, femme. Par amour pour Lui, tu nous as pris comme
  serviteurs, ma mère et moi. Ne te refuses pas à croire !..."            
   
  "Si tu en es sûr, je crois. Mais était-il vraiment chair ? Était-il
  chaud ? Respirait-il ? Parlait-il ? Avait-il vraiment une voix ou cela
  t’est-il paru ?"          
   
  "Je suis sûr. C’était la chair tiède d’un vivant, c’était une voix
  véritable, c’était une respiration. Beau comme Dieu, mais Homme comme toi et
  moi. Allons, allons le dire à ceux qui souffrent ou qui doutent."  
  
    632.13 - Le vieillard est seul dans sa
  maison, mais il est serein. Il répare une sorte de siège qui s’est décloué
  d’un côté, et sourit à je ne sais quel rêve.             
   
  Haut de page.         
   
  365> Un coup à la porte. Le vieillard,
  sans laisser son travail, dit :          
   
  "Entrez ! Que voulez-vous, vous qui venez ? Encore de ceux-là ? Je suis vieux
  pour changer ! Même si tout le monde me criait : "Il est mort" moi
  je dis : "Il est vivant". Même si je devais mourir pour le dire.
  Entrez donc !"          
   
  Il se redresse pour aller à la porte pour voir qui frappe sans entrer. Mais
  quand il est tout près, elle s’ouvre et Jésus entre.   
   
  "Oh ! Oh ! Oh ! Mon Seigneur ! Vivant ! J’ai cru ! Et il vient
  récompenser ma foi ! Béni ! Moi je n’ai pas douté. Dans ma douleur, j’ai dit
  : "S’il m’a envoyé l’agneau pour le banquet de joie ,
  c’est signe qu’en ce jour il ressuscitera". Alors j’ai tout compris.             
   
  Quand tu es mort et que la Terre a tremblé, j’ai compris ce que je n’avais
  pas compris encore. Et j’ai paru fou, à Nobé, parce qu’une fois couché le
  soleil du lendemain du sabbat, j’ai préparé le banquet en allant inviter des
  mendiants et en disant : "Il est ressuscité notre Ami !" Déjà on
  disait que ce n’était pas vrai. On disait qu’ils t’avaient enlevé la nuit.
  Mais moi, je ne les ai pas crus car du moment où tu es mort j’ai compris que
  tu mourais pour ressusciter, et que c’était cela le signe de Jonas."       
   
    632.14 - Jésus le laisse parler en souriant.
  Puis il demande :       
   
  "Et maintenant veux-tu encore mourir 
  ou bien rester pour témoigner de ma gloire ?"           
   
  "Ce que tu veux, Seigneur !"      
   
  "Non. Ce que tu veux."    
   
  Le vieillard réfléchit, puis il décide :    
   
  "Ce serait beau de sortir du monde où tu n’es plus comme avant. Mais je
  renonce à la paix du Ciel pour dire aux incrédules : “Moi, je l’ai vu !”    
   
  Jésus lui met la main sur la tête pour le bénir et ajoute :  
   
  "Mais bientôt aussi ce sera la paix et tu viendras à Moi avec le titre
  de confesseur du Christ."     
   
  Et il s’en va. Ici, peut-être par pitié pour le vieillard âgé, il n’a pas
  donné à son apparition et à sa disparition une forme merveilleuse, mais il a
  agi en tout comme s’il était le Jésus d’autrefois, qui entrait et sortait,
  humainement, d’une maison.   
   
  Haut de page.         
   
  366> 
  VI.
  Chez Matthias, le solitaire de Jabès Galaad.       
  Haut de page.       
    632.15 - Le vieil homme
  travaille autour de ses légumes et il monologue :          
   
  "Toutes ces richesses que j’ai pour Lui. Et Lui n’y goûtera jamais plus.
  J’ai travaillé inutilement. Je crois que Lui était le Fils de Dieu, qui est
  mort et ressuscité. Mais ce n’est plus le Maître qui s’assoit à la table du
  pauvre ou du riche et partage avec un même amour, peut-être, certainement,
  même, avec plus d’amour la nourriture avec le pauvre qu’avec le riche.
  Maintenant c’est le Seigneur Ressuscité. Il est ressuscité pour confirmer
  dans la foi, nous, ses fidèles. Et eux disent que ce n’est pas vrai. Que
  personne n’est jamais ressuscité par lui-même. Personne. Non. Aucun homme.
  Mais Lui, si. Parce que Lui est Dieu."         
   
  Il bat des mains pour chasser ses colombes qui descendent pour enlever des
  semences dans la terre fraîchement bêchée et ensemencée et il dit :          
   
  "Inutile désormais que vous ayez des petits ! Lui n’y goûtera plus ! Et
  vous, abeilles inutiles ? Pour qui faites-vous le miel ?      
   
  J’avais espéré l’avoir au moins une fois avec
  moi, maintenant que je suis moins misérable. Tout a prospéré ici, depuis
  qu’il est venu... Ah ! mais avec ces deniers auxquels je n’ai jamais touché,
  je veux aller à Nazareth, chez sa Mère,
  lui dire : "Prends-moi comme serviteur, mais laisse-moi où tu es, car tu
  es encore Lui" Il essuie une larme avec le revers de la main...      
   
    632.16 - "Matthias, as-tu un pain pour
  un pèlerin ?"          
   
  Matthias lève la tête, mais à genoux comme il l’est, il ne voit pas celui qui
  parle derrière la haie élevée qui entoure sa petite propriété perdue dans
  cette solitude verte qu’est cet endroit d’au-delà du Jourdain. Mais il
  répond :      
   
  "Qui tu sois, viens, au nom du Seigneur Jésus."      
   
  Et il se redresse pour ouvrir la grille.  
   
  Il se trouve en face de Jésus, et il reste la main sur le verrou ne pouvant
  plus faire un geste.           
   
  "Tu ne veux pas de Moi comme hôte, Matthias ? Tu l’as fait une fois .
  Tu te plaignais de ne pouvoir plus le faire. Je suis ici et tu ne m’ouvres
  pas ?" dit Jésus en souriant.      
   
  Haut de page.         
   
  367> "Oh ! Seigneur... moi..,
  moi.., je ne suis pas digne que mon Seigneur entre ici... Moi..."  
   
  Jésus passe la main par-dessus la grille et pousse le verrou en disant :  
   
  "Le Seigneur entre où il veut, Mathias."        
   
  Il entre, pénètre dans l’humble jardin, il va à la maison, sur le seuil il
  dit :          
   
  "Sacrifie donc les petits de tes colombes. Enlève de la terre tes
  légumes, et du miel à tes abeilles. Nous partagerons le pain ensemble et ton
  travail n’aura pas été inutile, ni vain ton désir. Et cet endroit te sera
  cher sans que tu ailles là où bientôt il y aura silence et abandon. Je suis
  partout, Matthias. Celui qui m’aime est avec Moi, toujours. Mes disciples
  seront à Jérusalem. C’est là que naîtra mon Église. Fais en sorte d’y être
  pour la Pâque supplémentaire."  
   
  "Pardonne-moi, Seigneur. Mais je n’ai pas su rester dans ce lieu et je
  me suis enfui. J’y étais arrivé à none de la veille de la Parascève, et le
  jour suivant... Oh ! j’ai fui pour ne pas te voir mourir. Pour cela
  seulement, Seigneur."  
   
  "Je le sais. Et je sais que tu es revenu, un des premiers, pour pleurer
  sur mon tombeau. Mais je n’y étais déjà plus. Je sais tout. Voilà, je
  m’assois ici et me repose. Je me suis toujours reposé ici... Et les anges le
  savent."   
   
    632.17 - L’homme se met à travailler, mais
  semble se mouvoir dans une église tant ses gestes sont respectueux. De temps
  en temps il essuie une larme qui veut se mêler à son sourire, pendant qu’il
  va et vient pour prendre les petites colombes, les tuer, les préparer, et
  attiser le feu, cueillir et laver les légumes et mettre sur un plat les
  figues précoces, et dresser la pauvre table avec la meilleure vaisselle.         
   
  Mais quand tout est prêt comment peut-il s’asseoir et manger ? Il veut servir
  et cela lui paraît déjà beaucoup et ne veut rien de plus. Mais Jésus, qui a
  offert et béni, lui offre une moitié du pigeon qu’il a découpé en mettant la
  viande sur un morceau de fouace qu’il a trempé dans la sauce.          
   
  "Oh ! comme à un préféré !" dit l’homme.     
   
  Et il mange en pleurant de joie et d’émotion sans quitter des yeux Jésus qui
  mange... qui boit, qui goûte les légumes, les fruits, le miel, qui lui offre
  sa coupe après avoir absorbé une gorgée de vin. Avant il avait toujours bu de
  l’eau.      
   
  Haut de page.         
   
  368> Le repas est fini.     
   
  "Je suis bien vivant. Tu le vois, et tu es bienheureux. Rappelle-toi
  qu’il y a douze jours je suis mort par la volonté des hommes, mais que
  nulle est la volonté des hommes quand elle n’est pas d’accord avec la volonté
  de Dieu. Et même : la volonté contraire des hommes devient l’instrument
  servile de la Volonté éternelle. Adieu, Matthias. Puisque j’ai dit que sera
  avec Moi celui qui m’a donné à boire quand j’étais le Pèlerin sur lequel il
  était encore permis d’avoir des doutes, ainsi je te dis : tu auras part à mon
  Royaume céleste."            
   
  "Mais maintenant, je te perds, ô Seigneur !"             
   
  "Vois-moi dans tout pèlerin; dans tout mendiant, Moi; dans tout infirme,
  Moi; dans tous ceux qui ont besoin de pain, d’eau et de vêtements, Moi. Je
  suis dans tout homme qui souffre, et ce qui est fait à celui qui souffre,
  c’est à Moi que cela est fait."   
   
  Il ouvre les bras pour bénir et il disparaît. 
  VII.
  Chez Abraham d’Engaddi, qui meurt dans ses bras.  
  Haut de page.        
    632.18 - La place d’Engaddi : un temple
  hypostyle de palmiers bruissants. La fontaine : miroir du ciel d’avril.
  Les colombes : murmure bas d’un orgue.          
   
  Le vieil Abraham
  la traverse avec ses outils de travail sur les épaules. Encore plus âgé, mais
  serein comme quelqu’un qui a trouvé le calme après une grande tempête. Il
  traverse aussi le reste de la ville, va aux vignes près des sources. Les
  belles vignes fertiles, déjà pleines des promesses d’une récolte abondante.
  Il y entre, se met à sarcler, à tailler, à attacher. De temps à autre il se
  relève, s’appuie sur sa pioche, réfléchit. Il lisse sa barbe patriarcale,
  soupire, secoue la tête, en un discours intérieur.       
   
  Un homme tout enveloppé dans son manteau monte la route vers les sources et
  les vignes. Je dis : un homme. Mais c’est Jésus, car c’est son vêtement
  et sa démarche. Mais pour le vieillard c’est un homme. Et l’homme interpelle
  Abraham en disant :       
   
  "Puis-je m’arrêter ici ?"  
   
  "L’hospitalité est sacrée. Je ne l’ai jamais refusée à personne. Viens.
  Entre. Que te soit doux le repos à l’ombre de mes vignes. Veux-tu du lait ?
  Du pain ? Je te donnerai ce que je possède ici."   
   
  "Et Moi, que puis-je te donner ? Je n’ai rien."          
   
  "Celui qui est le Messie m’a tout donné, pour tous les
  hommes. Et quelque chose que je donne, ce n’est rien par rapport à ce que Lui
  m’a donné."  
   
  Haut de page.         
   
  369> "Sais-tu qu’ils l’ont crucifié
  ?"    
   
  "Je sais qu’il est ressuscité. Es-tu de ceux qui l’ont crucifié ? Je ne
  puis te haïr parce que Lui ne veut pas de haine. Mais si je le pouvais je te
  haïrais si tu l’étais."   
   
  "Je ne suis pas de ceux qui l’ont crucifié. Sois en paix. Tu sais donc
  tout de Lui."            
   
  "Tout. Et Élisée... C’est mon fils, tu sais ? Élisée n’est plus revenu de Jérusalem. Il
  m’avait dit : "Permets-moi de partir, père, car je quitte tout bien
  pour prêcher le Seigneur. J’irai à Capharnaüm à la recherche de Jean, et je
  m’unirai aux disciples fidèles".    
   
  "Ton fils t’a donc quitté ? Si vieux et seul ?"             
   
  "C’est ma joie rêvée ce que tu appelles abandon. La lèpre ne
  m’avait-elle pas privé de lui ? Et qui me l’a rendu ? Le Messie. Et est-ce
  que je le perds, peut-être, parce que lui prêche le Seigneur ? Mais non ! Je
  le retrouve aussi dans la vie éternelle.        
    632.19 - Mais tu parles d’une façon qui me
  donne des soupçons. Es-tu un émissaire du Temple ? Viens-tu pour persécuter
  ceux qui croient au Ressuscité ? Frappe ! Je ne fuis
  pas. Je n’imite pas les trois sages d’autrefois .
  Je reste. Car si je tombe pour Lui, je le rejoins au Ciel et s’accomplit ma
  prière de l’année dernière .”    
   
  "C’est vrai. Tu as dit alors :        
   
  “J’ai attendu anxieusement le Seigneur et Lui s’est tourné vers moi”.  
   
  "Comment le sais-tu ? Es-tu un de ses disciples ? Étais-tu avec Lui quand
  je l’ai prié ? Oh ! s’il en est ainsi, aide-moi à Lui faire arriver mon cri
  pour qu’il s’en souvienne."      
   
  Il se prosterne, croyant parler à un apôtre.    
   
  "C’est Moi, Abraham d’Engaddi, et je te dis : Viens."          
   
  Jésus lui ouvre ses bras en se manifestant ainsi et l’invite à s’y précipiter
  et à s’abandonner sur son Cœur.  
   
  À ce moment entre dans la vigne un enfant, suivi d’un jeune homme, en
  criant :        
   
  "Père ! Père ! Nous voici pour t’aider."           
   
  Haut de page.         
   
  370> Mais le cri de l’enfant est couvert
  par le cri puissant du vieillard, un vrai cri de délivrance :     
   
  "Voilà ! Je viens !"            
   
  Et Abraham se jette dans les bras de Jésus, en criant encore :     
   
  "Jésus, Messie Saint ! Entre tes mains je remets mon esprit !"    
   
  Mort bienheureuse ! Mort que j’envie ! Sur le Cœur du Christ, dans la paix
  sereine de la campagne fleurie d’avril...          
   
    632.20 - Jésus dépose avec calme le vieillard
  sur l’herbe fleurie qui ondule à la brise, au pied d’une rangée de vignes, et
  il dit aux enfants restés étonnés et effrayés, tout près de pleurer :      
   
  "Ne pleurez pas. Il est mort dans le Seigneur. Bienheureux ceux qui
  meurent en Lui ! Allez, enfants, prévenir ceux d’Engaddi que le chef de la
  synagogue a vu le Ressuscité et qu’il a vu sa prière exaucée par Lui. Ne
  pleurez pas ! Ne pleurez pas !"   
   
  Il les caresse en les conduisant à la sortie. Puis il revient près du défunt
  et lui remet en ordre la barbe et les cheveux, lui abaisse les paupières
  restées à moitié closes, met en place ses membres et étend sur lui le manteau
  qu’Abraham avait enlevé pour travailler.       
   
  Il reste jusqu’au moment où il entend des voix sur la route. Alors il se
  redresse. Splendide... Ceux qui accourent le voient. Ils crient. Ils vont
  plus vite pour rejoindre Jésus. Mais Lui se dérobe à leurs regards dans
  l’éclat d’un rayon plus vif du soleil.  
  VIII. Élie, l’essénien du Kérith.     
  Haut de page.        
    632.21 - L’âpre solitude de l’âpre montagne
  au fond de laquelle coule le Kérith
  (Carit). Élie, en prière, encore plus décharné et
  plus barbu, vêtu d’un habit de laine rêche, ni gris ni marron, qui le rend
  semblable aux rochers qui l’entourent.             
   
  Il perçoit un son comme si c’était le vent ou le tonnerre. Il lève la tête.
  Jésus est apparu sur un rocher suspendu en équilibre au-dessus d’un précipice
  au fond duquel court le torrent.      
   
  "Le Maître !"          
   
  Il se jette par terre, le visage contre le sol.     
   
  "C’est Moi, Élie. Tu n’as pas senti le tremblement de terre de la
  Parascève  ?"            
   
  "Je l’ai senti et je suis descendu à Jéricho et chez Nikê. Je n’ai trouvé personne de ceux
  qui t’aiment. J’ai demandé de tes nouvelles. Ils m’ont frappé. Puis j’ai
  senti une autre fois la terre qui tremblait, mais plus légèrement et je suis
  revenu ici, pour faire pénitence, en pensant que s’est ouverte la digue de la
  colère céleste."  
   
  Haut de page.         
   
  371> "C’étaient celles de la Miséricorde
  Divine. Je suis mort et ressuscité. Regarde mes plaies. Rejoins sur le Thabor
  les serviteurs du Seigneur et dis-leur que je t’ai envoyé."  
   
  Il le bénit et disparaît. 
  IX.
  À Dorca et à son enfant, au château de Césarée de Philippe.          
  Haut de page.        
    632.22 - L’enfant de Dorca, soutenu par sa mère, fait ses
  premiers pas sur le bastion de la forteresse. Et Dorca, penchée comme elle
  l’est, ne voit pas apparaître le Seigneur. Mais quand, ayant laissé le petit
  un peu libre, elle le voit qui se met à marcher avec assurance et rapidité
  vers le coin du bastion, elle se redresse pour courir afin de l’empêcher de
  tomber et peut-être de périr en passant à travers les mâchicoulis ou passages
  faits exprès pour les armes offensives. Et en le faisant, elle voit Jésus qui
  prend l’enfant sur son cœur et le baise. La femme n’ose pas faire un geste,
  mais elle pousse un cri. Un cri qui fait lever la tête à ceux des cours et
  attire les visages aux fenêtres :       
   
  "Le Seigneur ! Le Seigneur ! Le Messie est ici ! Il est vraiment
  ressuscité."          
   
  Mais avant que les gens puissent accourir, Jésus est déjà disparu.          
   
  "Tu es folle ! Tu rêves ! Un jeu de lumière t’a fait voir un
  fantôme."      
   
  "Oh ! Il était bien vivant ! Regardez mon fils comme il regarde là et
  comme il a dans ses mains une pomme belle comme son petit visage. Il la ronge
  avec ses petites dents et il rit. Moi je n’ai pas de pommes..."         
   
  "Personne n’a des pommes mûres de ces jours-ci, et si fraîches..."
  disent-ils en restant émus.   
   
    632.23 - "Interrogeons Tobie" disent quelques femmes.   
   
  "Et que voulez-vous faire ? Il sait à peine appeler : maman !"       
   
  Des hommes se moquent d’elles. Mais les femmes se penchent sur le petit et
  elles disent :      
   
  "Qui t’a donné la pomme ?"      
   
  Et la bouche, qui sait à peine dire les paroles les plus élémentaires, dit
  avec assurance, tout entière dans un rire de ses petites dents et de ses
  gencives encore vides :        
   
  Haut de page.         
   
  372> "Jésus."         
   
  "Oh !"          
   
  "Hé ! vous l’appelez Yésaï ! Il sait dire son nom."     
   
  "Jésus, toi, ou Jésus le Seigneur ? Quel Seigneur ? Où l’as-tu vu
  ?"       
   
  Les femmes le harcèlent de questions.           
   
  "Là, le Seigneur. Jésus le Seigneur."   
   
  "Où est-il ? Où est-il allé ?"       
   
  "Là."            
   
  Il indique le ciel plein de soleil et il rit, heureux, et il mord sa pomme.          
   
  Et pendant que les hommes s’en vont en hochant la tête, Dorca dit aux
  femmes :     
   
  "Il était beau. Il semblait vêtu de lumière. Et il avait sur les mains
  la marque des clous rouge comme une gemme dans tant de blancheur. J’ai bien
  vu car il tenait l’enfant ainsi" et elle fait le geste de Jésus.   
   
    632.24 - L’intendant
  accourt, se fait répéter le récit, réfléchit, conclut :          
   
  "Le psaume le dit : “Sur la bouche des jeunes enfants et des nourrissons
  tu as mis ta louange parfaite ”.
  Et pourquoi pas la vérité ? Eux sont innocents. Et nous...
  Souvenons-nous de ce jour... Mais non ! Je vais dans le village des
  disciples. Je vais voir si le Rabbi y est... Et pourtant... Il était mort...
  Mais !..."    
   
  Et sur ce "mais !" qu’il finit de conclure intérieurement
  l’intendant s’en va, pendant que les femmes, exaltées, continuent de poser
  des questions au petit qui rit et répète :     
   
  "Jésus, là. Et puis là. Jésus Seigneur"  
   
  Et il indique le lieu où était Jésus, puis le soleil où il l’a vu
  disparaître, heureux, heureux. 
  X. Aux personnes
  rassemblées dans la synagogue de Cédès.      
  Haut de page.        
    632.25 - Les gens de Cédés sont rassemblés dans la synagogue
  et discutent avec le vieux Matthias, le chef de la
  synagogue, sur les derniers événements. La synagogue est plutôt à moitié
  obscure car les portes sont fermées et les rideaux baissés sur les fenêtres,
  lourds rideaux que le vent d’avril a du mal à remuer.          
   
  Haut de page.         
   
  373> Un éclair illumine la pièce. Il
  semble que ce soit un éclair, mais c’est la lumière qui précède Jésus. Et
  Jésus se manifeste, frappant de stupeur un grand nombre de gens. Il ouvre les
  bras et bien visibles apparaissent les blessures aux mains et aux pieds car
  il se montre sur la dernière des trois marches qui conduisent à une porte
  fermée. Il dit :            
   
  "Je suis ressuscité. Je vous rappelle la discussion entre les scribes et
  Moi .
  À cette génération mauvaise j’ai donné le signe que j’avais promis : celui de Jonas.
  À qui m’aime et est fidèle je donne ma bénédiction."     
   
  Rien de plus. Il est disparu.        
   
  "Mais c’était Lui ! D’où ? Et pourtant il était vivant ! Il l’avait dit
  ! Voilà ! Maintenant je comprends. Le signe de Jonas : trois jours dans les
  entrailles de la Terre, et puis la résurrection..."       
   
  Bruit de commentaires... 
  XI.
  À un groupe de rabbins à Giscala.    
  Haut de page.        
    632.26 - Un groupe venimeux de rabbins qui
  essaient d’amener à leurs demandes quelques hommes qui hésitent. Ils
  voudraient obtenir que ces derniers aillent chez Gamaliel qui s’est
  renfermé dans sa maison et ne veut voir personne.       
   
  Ces hommes disent :       
   
  "Nous vous disons qu’il n’est pas ici. Nous ne savons pas où il est. Il
  est venu, il a consulté des rouleaux, il est parti. Il n’a pas dit un mot.          
   
  Il faisait peur tant il était bouleversé et vieilli" répliquent les
  autres.    
   
  De mauvaise grâce les rabbis tournent le dos à ceux qui parlent et ils s’en
  vont en disant :     
   
  "Gamaliel aussi est fou comme Simon
  ! Ce n’est pas vrai que le Galiléen est ressuscité ! Ce n’est pas vrai. Ce
  n'est pas vrai ! Ce n’est pas vrai qu’il est Dieu. Ce n’est pas vrai. Rien
  n’est vrai. Nous seuls sommes dans le vrai."          
   
  L’angoisse même avec laquelle ils disent que ce n’est pas vrai montre leur
  peur que ce soit vrai, leur besoin de se rassurer.      
   
  Ils ont longé les murs de la maison et sont du côté de la tombe de Hillel. Aboyant toujours leurs négations,
  ils lèvent le visage… et s'enfuient en poussant des cris.             
   
  Haut de page.         
   
  374> Le Jésus, très bon avec les bons,
  est là : terrible de puissance et les bras ouverts comme sur la croix... Les
  plaies des mains rougissent comme si elles suintaient du sang. Il ne dit pas
  un mot, mais ses regards foudroient.             
   
  Les rabbis fuient, tombent, se relèvent, se blessent contre les arbres et les
  pierres, fous, rendus fous de peur. Ils ressemblent à des meurtriers ramenés
  en présence de leur victime. 
  XII.
  À Joachim et Marie à Bozra.  
  Haut de page.        
    632.27 - "Marie
  ! Marie ! Joachim et Marie ! Venez dehors."        
   
  Les deux qui sont dans une pièce tranquille, éclairée par une lampe, l’une
  occupée à coudre, l’autre à faire des comptes, lèvent la tête, se
  regardent... Joachim,
  blême de peur, murmure :   
   
  "La voix du Rabbi ! Il vient de l’autre vie..."   
   
  La femme apeurée se serre contre l’homme.            
   
  Mais l’appel se répète et les deux, en se tenant étroitement pour
  s’encourager mutuellement, osent sortir, aller dans la direction de la voix.          
   
  Dans le jardin qu’éclaire la faucille d’une lune nouvelle, resplendit, dans
  une lumière plus forte que plusieurs lunes, Jésus. La lumière l’entoure et en
  fait un Dieu. Le sourire très doux et le regard affectueux font de Lui un
  Homme :    
   
  "Allez dire à ceux de Bozra que vous
  m’avez vu vivant et réel. Et dites-le au Thabor, toi, Joachim, à ceux qui y
  sont venus."       
   
  Il les bénit. Disparaît.      
   
  "Mais c’était Lui ! Ce n’était pas un
  rêve ! Moi... Demain, je vais en Galilée. Il a dit au Thabor, n’est-ce pas
  ?..." 
  XIII.
  À Éphraïm chez Marie de Jacob.   
  Haut de page.        
    632.28 - La femme
  est en train de pétrir de la farine pour faire du pain. Elle se tourne en
  s’entendant appeler et elle voit Jésus. Le visage au sol, les mains par
  terre, muette d’adoration, un peu effrayée.        
   
  Jésus parle :           
   
  "Tu diras à tous que tu m’as vu et que je t’ai parlé. Le Seigneur n’est
  pas soumis au tombeau. Je suis ressuscité le troisième jour comme je l’avais
  promis. Persévérez, vous qui êtes dans ma voie, et ne vous laissez pas
  séduire par les paroles de ceux qui m’ont crucifié. Ma paix à toi."           
   
  Haut de page.         
   
  375> 
  XIV.
  Chez Syntica à Antioche.        
  Haut de page.        
    632.29 - Syntica est en train de préparer un sac de
  voyage. C’est le soir, car une petite lampe est allumée, tremblante, avec une
  clarté très relative, posée sur une table près de la femme occupée à plier
  des vêtements.     
   
  La pièce s’illumine vivement et Syntica lève la tête, étonnée de voir ce qui
  arrive, d’où vient cette lumière si claire dans cette pièce toute close. Mais
  avant qu’elle voie, Jésus la devance :   
   
  "C’est Moi. Ne crains pas. Je me suis montré à plusieurs pour les
  confirmer dans la foi. Je me montre aussi à toi, disciple obéissante et
  fidèle. Je suis ressuscité. Tu vois ? Je n’ai plus de douleur. Pourquoi
  pleures-tu ?"     
   
  La femme, devant la beauté du Glorifié, ne trouve pas les mots... Jésus lui
  sourit pour l’encourager et ajoute :     
   
  "Je suis le même Jésus qui t’a accueilli sur la route près de Césarée .
  Tu savais parler alors que tu étais si craintive et que j’étais pour toi
  l’Inconnu. Et maintenant tu ne sais pas me dire un mot ?"      
   
  "O Seigneur ! J’allais partir... Pour m’ôter du cœur tant d’inquiétude
  et de douleur."    
   
  "Pourquoi de la douleur ? Ne t’a-t-on pas dit que j’étais ressuscité
  ?"   
   
  "On l’a dit et démenti. Mais je ne me suis pas troublée de ces
  contradictions. Je savais que tu ne pouvais pas te corrompre dans un tombeau.
  J’ai pleuré sur ton martyre. J’ai cru, avant même
  qu’on ne m’en parle, à ta résurrection. Et j’ai continué de croire quand il
  en est venu d’autres dirent que ce n’était pas vrai. Mais je voulais aller en
  Galilée. Je pensais : à Lui, on ne peut plus faire de mal. Lui est plus
  Dieu qu'Homme. Je ne sais si je dis bien..."           
   
  "Je comprends ta pensée."         
   
  "Et je disais : je l’adorerai et je verrai Marie.
  Je pensais que tu ne resterais pas beaucoup parmi nous et je hâtais mon
  départ. Je me disais : quand il sera retourné au Père, comme il disait, sa
  Mère sera un peu triste dans sa joie, car c’est une âme mais c’est aussi une
  mère... Et je chercherai à la consoler, maintenant qu’elle est seule...
  J’étais orgueilleuse !"   
   
  Haut de page.         
   
  376> "Non. C’était de la pitié. Je
  dirai ta pensée à ma Mère. Mais n’y va pas. Reste où tu es et continue à
  travailler pour Moi. Maintenant plus qu’avant. Tes frères, les disciples, ont
  besoin du travail de tous pour pouvoir propager ma doctrine. Tu m’as vu.
  Marie est confiée à Jean.
  Que toute ta peine tombe. Tu pourras fortifier ton esprit dans la certitude
  de m’avoir vu et avec la puissance de ma bénédiction."            
   
    632.30 - Syntica a un grand désir de
  l’embrasser, mais elle n’ose pas. Jésus lui dit :        
   
  "Viens."       
   
  Et elle ose se traîner à genoux près de Jésus et elle va Lui baiser les
  pieds, mais elle voit les deux plaies et n’ose pas. Elle prend un coin du
  vêtement et le baise en pleurant et murmure :   
   
  "Que t’ont-ils fait !"         
   
  Puis une demande :         
   
  "Et Jean-Félix
  ?"   
   
  "Il est heureux. Il ne se rappelle plus que l’amour et il vit en lui.
  Paix à toi, Syntica."     
   
  Il disparaît.             
   
  La femme reste dans l’acte d’adoration, à genoux, le visage levé, les mains
  un peu tendues, des larmes sur le visage, un sourire sur la bouche...  
  XV.
  Chez Zacharie
  le lévite.            
  Haut de page.        
    632.31 - Il est dans une petite pièce, assis
  et pensif. La tête penchée sur une main. C’est le lévite Zacharie.   
   
  "Ne sois pas incertain. N’accueille pas les voix qui te troublent. Je
  suis la Vérité et la Vie. Regarde-moi. Touche-moi."            
   
  Le jeune homme a levé son visage aux premières paroles, il a vu Jésus et a
  glissé à genoux. Il crie :   
   
  "Pardonne-moi, Seigneur. J’ai péché. J’ai accueilli en moi le doute sur
  ta vérité."        
   
  "Plus que toi sont coupables ceux qui cherchent à séduire ton esprit. Ne
  cède pas à leurs tentations. Je suis un corps vivant et réel. Sens le poids
  et la chaleur, la consistance et la force de ma main."   
   
  Il lui prend l’avant-bras et le lève avec force en disant :     
   
  "Lève-toi et marche dans les voies du Seigneur, hors du doute et de la
  peur. Et tu seras heureux si tu sais persévérer jusqu’à la fin."      
   
  Haut de page.         
   
  377> Il bénit et
  disparaît.           
   
  Le jeune homme, après un instant d’étourdissement émerveillé, se précipite
  hors de la pièce en criant :     
   
  "Mère ! Père ! J’ai vu le Maître. Ce n’est pas vrai ce que disent les
  autres ! Je n’étais pas fou. Ne continuez pas à croire au mensonge, mais
  bénissez avec moi le Très-Haut qui a eu pitié de son serviteur. Je pars. Je
  vais en Galilée. Je vais trouver quelques-uns des disciples. Je vais leur
  dire de croire. Que Lui est vraiment ressuscité.”       
   
  Il ne prend pas de sac avec de la nourriture et des vêtements. Il prend son
  manteau et s’en va en courant sans donner à ses parents le temps de revenir
  de leur stupeur et de pouvoir intervenir pour le retenir. 
  XVI. À une femme de la
  plaine de Saron,
  qui obtient la guérison de son fils malade.            
  Haut de page.        
    632.32 - Une route littorale, peut-être celle
  qui unit Césarée
  à Joppé,
  ou une autre. Je ne sais pas. Je sais que je vois une campagne à l’intérieur
  et la mer à l’extérieur, bleu vif, après la ligne jaunâtre de la rive. La
  route est certainement une artère romaine, comme en témoigne son pavage.     
   
  Une femme en pleurs marche sur cette route dans les premières heures d’un
  matin serein. L’aurore est née depuis peu. La femme doit être très fatiguée
  car de temps en temps elle s’arrête pour s’asseoir sur une pierre milliaire
  ou sur la route. Puis elle se relève et avance, comme si quelque chose hâtait
  sa marche, malgré une grande fatigue.           
   
  Jésus, un voyageur couvert d’un manteau, se met à côté d’elle. La femme ne le
  regarde pas. Elle avance, absorbée dans sa douleur. Jésus lui demande :  
   
  "Pourquoi pleures-tu, femme ? D’où viens-tu ? Et où vas-tu ainsi toute
  seule ?"       
   
  "Je viens de Jérusalem et je retourne chez moi."    
   
  "C’est loin ?"          
   
  "À mi-chemin entre Joppé et Césarée."          
   
  "À pied ?"    
   
  "Dans la vallée avant Modin
  des voleurs ont pris mon âne et ce qu’il portait."      
   
  "Tu as été imprudente d’aller seule. Ce n’est pas l’habitude d’aller
  seul pour la Pâque."     
   
  Haut de page.         
   
  378>
  "Je n’étais pas venue pour la Pâque. J’étais restée à la maison, car
  j’ai, j’espère l’avoir encore, un enfant malade. Mon mari était allé avec les
  autres. Je l’ai laissé aller en avant et, quatre jours après, je suis partie.
  Car j’ai dit : "Certainement Lui est à Jérusalem pour la Pâque. Je le
  chercherai". J’avais un peu peur, mais j’ai dit : "Je ne fais rien
  de mal. Dieu voit. Je crois et je sais qu’Il est bon. Il ne me repoussera pas
  parce que..."          
   
  Elle s’arrête comme apeurée et jette un coup d’œil rapide sur l’homme qui
  marche près d’elle, si bien couvert qu’on voit à peine ses yeux, les yeux
  uniques de Jésus.             
   
    632.33 - "Pourquoi te tais-tu ? Tu as
  peur de Moi. Crois-tu que je sois un ennemi de celui que tu cherchais ? Car
  tu cherchais le Maître de Nazareth pour Lui demander de venir à ta maison
  pour guérir l’enfant, pendant que ton mari était absent..."  
   
  "Je vois que tu es un prophète. C’est cela. Mais quand je suis arrivée
  dans la ville le Maître était mort."     
   
  Les pleurs l’étouffent...   
   
  "Il est ressuscité. Ne le crois-tu pas ?"            
   
  "Je le sais. Je le crois. Mais moi... Mais moi... Pendant quelques jours
  j’ai espéré le voir moi aussi… On dit qu’il s’est montré à certains. Et j’ai
  tardé de partir… chaque jour, c’était pour moi une douleur car... il est si
  malade mon enfant... Mon cœur était divisé... Aller pour consoler sa mort...
  Rester pour chercher le Maître... Je ne prétendais pas qu’il vînt à ma
  maison, mais qu’il me promît la guérison."    
   
  "Et tu aurais cru ? Tu penses que de loin ?..."           
   
  "Je crois. Oh ! s’il m’avait dit : “Va en paix. Ton fils guérira”, je
  n’aurais pas douté. Mais je ne le mérite pas parce que..." elle pleure,
  en pressant son voile sur sa bouche comme pour s’empêcher de parler.     
   
  "Parce que ton mari est un des accusateurs et des bourreaux de
  Jésus-Christ. Mais Jésus-Christ est le Messie. Il est Dieu. Et Dieu est
  juste, femme. Il ne punit pas un innocent à cause d’un coupable. Il ne
  torture pas une mère parce que le père est pécheur. Jésus-Christ est la Miséricorde
  vivante..."   
   
  "Oh ! Tu es peut-être un de ses apôtres ? Tu sais peut-être où il est ?
  Toi... Peut-être Lui t’a envoyé pour me dire cela. Il a senti, il a vu ma
  douleur, ma foi, et il t’envoie à moi comme le Très-Haut envoya l’archange
  Raphaël à Tobie. Dis-le-moi s’il en est ainsi, et moi, bien que lasse jusqu’à
  en être fiévreuse, je retournerai en arrière pour chercher le Seigneur."  
   
  Haut de page.         
   
  379> "Je ne suis
  pas un apôtre. Mais les apôtres sont encore restés pour
  plusieurs jours à Jérusalem après sa Résurrection..."         
   
  "C’est vrai. Je pouvais le demander à eux."    
   
  "Certainement. Eux continuent le Maître."   
   
  "Je ne croyais pas qu’ils puissent faire des miracles."         
   
  "Ils en ont fait encore..."             
   
  "Mais maintenant... On m’a dit qu’un seul est resté fidèle et je ne
  croyais pas..."           
   
  "Si. Ton mari t’a parlé ainsi, en se moquant de toi dans son délire de
  faux triomphateur. Mais Moi, je te dis que tout homme peut pécher, car Dieu
  seul est parfait. Et il peut se repentir. Et s’il se repent, sa force grandit
  et Dieu augmente ses grâces à cause de sa contrition. N’a-t-Il pas pardonné à
  David, le Seigneur Très-Haut ?"           
   
    632.34 - "Mais qui es-tu ? Qui es-tu
  pour me parler avec tant de douceur et de sagesse, si tu n’es pas apôtre ? Un
  ange, peut-être ? L’ange de mon enfant. Il a peut-être expiré et tu es venu
  pour me préparer..."     
   
  Jésus laisse tomber son manteau de sa tête et de son
  visage et, passant de l’humble aspect d’un pèlerin ordinaire à sa majesté de
  Dieu-Homme, revenu de la mort, il dit avec une douce solennité : "C’est
  Moi. Le Messie qu’on a crucifié en vain. Je suis la Résurrection et la Vie.
  Va, ô femme. Ton fils vit car j’ai récompensé ta foi. Ton fils est guéri. Car
  si le Rabbi de Nazareth a fini sa mission, l’Emmanuel continue la sienne
  jusqu’à la fin des siècles pour tous ceux qui ont foi, espérance et charité
  au Dieu Un et Trin dont le Verbe incarné est une Personne qui, à cause du
  divin amour, a quitté le Ciel pour venir enseigner, souffrir et mourir pour
  donner la Vie aux hommes. Va en paix, femme. Et sois forte dans la foi car le
  temps est venu où dans une famille l’époux sera contre l’épouse, le père
  contre ses enfants et ces derniers contre celui-là, par haine ou par amour
  pour Moi. Mais bienheureux ceux que la persécution n’arrachera pas à ma
  Voie."          
   
  Il la bénit et disparaît.     
   
  Haut de page.         
   
  380> 
  XVII.
  À des bergers sur le grand Hermon.       
  Haut de page.        
    632.35 - Un groupe de troupeaux et de
  bergers. Ils séjournent sur des pentes de magnifiques pâturages. Ils parlent
  des événements de Jérusalem. Ils sont affligés en se disant l’un à l’autre :
  "Nous n’aurons plus sur la Terre l’ami des bergers" et ils rappellent
  les nombreuses rencontres qu’ils ont eues ici et là avec Lui...        
   
  "Rencontres, dit un vieux berger, que nous ne ferons jamais plus."       
   
  Jésus apparaît comme s’il mettait le pied en ce lieu de derrière un bosquet
  enchevêtré où les grands fûts sont embrassés par des buissons bas qui cachent
  la vue du sentier. Ils ne le reconnaissent pas dans l’homme
  solitaire et ils murmurent en le voyant ainsi enveloppé dans un vêtement
  blanc :         
   
  "Qui est-ce ? Un essénien ? Ici ? Un riche
  pharisien ?"      
   
  Ils sont perplexes.             
   
  Jésus leur demande :      
   
  "Pourquoi dites-vous que vous ne rencontrerez plus le Seigneur ? Car
  Celui dont vous parlez, c’est le Seigneur."      
   
  "Nous le savons. Mais tu ne sais pas ce qu’ils Lui ont fait ? Maintenant
  il y en a qui disent qu’il est ressuscité, d’autres non. Mais même s’il est
  ressuscité comme nous préférons le croire, maintenant il s’en est allé.
  Comment peut-il désormais aimer et rester au milieu d’un peuple qui l’a
  crucifié ? Et nous qui l’aimions, même si nous ne l’avions pas tous connu, nous
  sommes tristes de l’avoir perdu."          
   
  "Il y a une manière de l’avoir encore. Lui l’enseignait."     
   
  "Oh ! oui. En faisant ce que Lui enseignait. Alors on a le Royaume des
  Cieux et l’on est avec Lui. Mais avant on doit vivre et puis mourir. Et Lui
  n’est plus parmi nous pour nous réconforter." Ils secouent la tête.        
   
    "Mes petits-enfants, ceux qui vivent
  ce que Lui a enseigné, en gardant son enseignement dans leurs cœurs,
  c’est comme s’ils avaient Jésus dans leurs cœurs. En effet Parole et Doctrine
  sont une seule chose. Lui n’était pas un Maître qui aurait enseigné des
  choses qui n’eussent pas été telles que Lui était. Par conséquent, celui qui
  fait ce que Lui a dit, a Jésus vivant en lui et n’en est pas séparé."    
   
  Haut de page.         
   
  381> "Tu parles bien, mais nous
  sommes de pauvres hommes et... nous voudrions aussi le voir de nos yeux pour
  bien ressentir la joie... Moi je ne l’ai jamais vu , et mon fils non plus;
  ni Jacob,
  celui-ci; ni Melchias,
  celui-là; ni Jacques,
  cet autre; ni Saül.
  Tu vois seulement parmi nous combien ne l’ont pas vu ? Nous le cherchions
  toujours, et quand nous arrivions, Lui était parti."             
   
  "Vous n’étiez pas à Jérusalem ce jour-là ?"   
   
  "Oh ! nous y étions ! Mais quand nous avons su ce qu’ils voulaient Lui
  faire nous nous sommes enfuis comme des fous sur les montagnes, pour revenir
  dans la ville après le sabbat. Nous ne sommes pas coupables de son Sang car
  nous n’étions pas dans la ville. Mais nous avons mal agi d’être lâches. Nous
  l’aurions vu, au moins, et salué. Certainement Lui nous aurait bénis pour
  notre salut... Mais, vraiment, nous n’avons pas eu le courage de le regarder
  au milieu des tourments."   
   
  "Lui vous bénit maintenant. Regarde Celui dont vous
  désirez connaître le Visage."       
   
  Il se manifeste, splendidement divin sur la verdure du pré. Devant leur
  stupeur qui les jette à terre, mais qui aussi cloue leurs pupilles sur le
  visage divin, Lui disparaît dans une lumière éblouissante.  
  XVIII.
  À Sidon, dans la maison de l’enfant né aveugle.     
  Haut de page.        
    632.36 - L’enfant
  joue tout seul sous une tonnelle touffue. Il s’entend appeler et se trouve en
  face Jésus. Bien peu craintif, il Lui demande :   
   
  "Mais tu es le Rabbi qui m’a donné les yeux ? "    
   
  Et il fixe ses yeux limpides d’enfant, d’un bleu pareil à ceux de Jésus, dans
  les yeux divins étincelants.        
   
  "C’est Moi, enfant. Tu n’as pas peur de Moi ?"          
   
  Il lui caresse la tête.         
   
  "Peur, non. Mais maman et moi, nous avons beaucoup pleuré quand le père
  est revenu avant le temps et nous a dit qu’il s’était enfui parce qu’ils
  avaient pris le rabbi pour le faire mourir. Il n’a pas fait la Pâque et doit
  partir de nouveau pour la faire. Mais tu n’es pas mort, alors ?"   
   
  Haut de page.         
   
  382> "Je suis mort. Regarde les
  blessures. Mort sur la croix. Mais je suis ressuscité. Tu diras à ton père de
  rester quelque temps à Jérusalem après la seconde Pâque et de rester aux
  alentours de l’Oliveraie, à Bethphagé.
  Là il trouvera quelqu’un qui lui dira ce que faire."       
   
  "Mon père pensait te chercher. Pour les Tabernacles, il n’a pas pu te
  parler. Il voulait te dire qu’il t’aimait bien à cause des yeux que tu m’as
  donnés. Mais il n’a pas pu le faire ni alors, ni maintenant..."           
   
  "Il le fera avec la foi en Moi. Adieu, enfant. La paix à toi et à ta
  famille."  
  XIX.
  Chez les paysans de Yokhanan (Giocana).        
  Haut de page.        
    632.37 - Les champs de Yokhanan
  sous le baiser de la lune. Silence absolu. Les pauvres demeures des paysans
  dans une nuit étouffante qui oblige à garder ouverte au moins une porte pour
  ne pas mourir de chaleur dans les pièces basses où sont entassés trop de
  corps pour ce qu’elles peuvent contenir.     
   
  Jésus entre dans une pièce. Il semble que ce soit la lune elle-même qui
  allonge son rayonnement pour Lui faire un tapis royal sur le sol de terre
  battue. Il se penche sur un dormeur qui se tient à plat ventre dans le lourd
  sommeil de la fatigue. Il l’appelle. Il passe à un autre, et à un autre. Il
  les appelle tous, ses fidèles et pauvres amis. Il passe léger et rapide comme
  un ange qui vole. Il entre dans d’autres tanières... Puis il va les attendre
  dehors, près d’un bouquet d’arbres. Les paysans, à moitié endormis, sortent
  de leurs taudis. Deux, trois, un seul, cinq ensemble, quelques femmes. Ils
  sont stupéfaits d’avoir été tous appelés ainsi par une voix connue qui a dit
  à tous les mêmes paroles :  
   
  "Venez à la pommeraie."            
   
  Ils y vont, les hommes en finissant d’enfiler leurs pauvres vêtements, et les
  femmes d’arranger leurs tresses, et ils parlent doucement.          
   
  "Il m’a semblé que c’était la voix de Jésus de Nazareth."   
   
  "Peut-être son esprit. Ils l’ont tué. L’avez-vous entendu dire ?"  
   
  "Moi, je ne puis le croire. Il était Dieu."         
   
  "Et pourtant Joël
  l’a vu aussi passer sous la croix..."           
   
  "À moi ils ont dit hier, pendant que j’attendais que le régisseur traite
  ses affaires, que les disciples sont passés par Jezréel et qu’ils ont dit qu’il était
  vraiment ressuscité."      
   
  "Tais-toi ! Tu sais ce qu’a dit le maître. C’est la flagellation pour
  qui dit cela."            
   
  Haut de page.         
   
  383> "La mort, peut-être. Mais ne
  serait-ce pas mieux plutôt que de souffrir ainsi ?"     
   
  "Et maintenant Lui n’y est plus !"        
   
  "Ils sont encore plus mauvais, maintenant qu’ils ont réussi à le
  tuer."          
   
  "Ils sont mauvais parce qu’il est ressuscité."             
   
  Ils parlent doucement en allant vers le point qui leur a été indiqué.      
   
    632.38 - "Le Seigneur !" crie une
  femme en tombant la première à genoux.          
   
  "Son fantôme !" crient d’autres.           
   
  Certains prennent peur.  
   
  "C’est Moi. Ne craignez pas. Ne criez pas. Avancez. C’est vraiment Moi.
  Je suis venu pour confirmer votre foi que je sais attaquée par d’autres. Vous
  voyez ? Mon Corps fait de l’ombre parce que c’est un vrai corps. Vous ne
  rêvez pas, non. C’est bien ma vraie voix. Je suis le même Jésus qui rompait
  le pain avec vous et vous donnait son amour. Maintenant aussi je vous donne
  mon amour. Je vous enverrai mes disciples. Et ce sera encore Moi, Car eux
  vous donneront ce que je vous donnais et ce que je leur ai donné pour pouvoir
  me communiquer à ceux qui croient en Moi.          
   
  Portez votre croix comme Moi j’ai porté la mienne. Soyez patients. Pardonnez.
  Ils vous diront comment je suis mort. Imitez-moi.   Le chemin de la douleur est le chemin du
  Ciel. Suivez-le avec paix et vous aurez mon Royaume. Il n’y a pas d’autre
  chemin que celui de la résignation à la volonté de Dieu, de la générosité, de
  la charité envers tous. S’il y en avait eu un autre, je vous l’aurais
  indiqué. Moi, je suis passé par lui, car c’est le juste chemin. Soyez fidèles
  à la Loi du Sinaï qui est immuable en ses dix commandements, et à ma
  Doctrine. Il en viendra qui vous instruiront pour que vous ne soyez pas
  abandonnés aux menées des mauvais. Je vous bénis. Rappelez-vous toujours que
  je vous ai aimés et que je suis venu parmi vous avant et après ma
  glorification. En vérité je vous dis que beaucoup auraient désiré me voir maintenant,
  et ne me verront pas. Beaucoup de grands. Je me montre à ceux que j’aime
  et qui m’aiment."             
   
  Un homme ose dire :       
   
  "Alors… le Royaume des Cieux existe vraiment ? Tu étais vraiment le Messie
  ? Eux nous influencent..."        
   
  Haut de page.         
   
  384> "N’écoutez pas leurs paroles.
  Rappelez-vous les miennes, et accueillez celles de mes disciples que vous
  connaissez. Ce sont des paroles de vérité. Et ceux qui les accueillent et les
  mettent en pratique, même s’ils sont serviteurs ou esclaves, seront des
  habitants et des cohéritiers de mon Royaume." Il les bénit en ouvrant
  les bras et disparaît.     
   
    632.39 - "Oh ! moi... Je ne crains plus rien,
  moi !"  
   
  "Et moi non plus. Tu as entendu ? Pour nous aussi il y a une place
  !"    
   
  "Il faut être bons !"          
   
  "Pardonner !"        
   
  "Patienter !"          
   
  "Savoir résister."  
   
  "Chercher les disciples."             
   
  "Il est venu chez nous, pauvres serviteurs."  
   
  "Nous le dirons à ses apôtres."  
   
  "Si Yokhanan le savait !"            
   
  "Et Doras
  !"            
   
  "Ils nous tueraient pour qu’on ne parle pas."            
   
  "Mais nous nous tairons. Nous n’en parlerons qu’aux serviteurs du
  Seigneur."  
   
  "Michée,
  ne dois-tu pas aller avec cette charge à Sephoris ? Pourquoi ne vas-tu
  pas à Nazareth
  pour en parler..."          
   
  "À qui ?"     
   
  "À la Mère. Aux apôtres. Ils seront peut-être avec elle..."   
   
  Ils s’éloignent en parlant de leurs projets.  
  XX.
  Sur les terres de Daniel, parent d’Elchias, avec Simon, le membre du
  Sanhédrin.         
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    632.40 - Elchias,
  le pharisien, est en train de discuter avec ses pareils pour savoir ce qu’il
  faut faire du synhédriste Simon
  qui, devenu fou le vendredi saint, parle et dit trop de choses. Les
  avis sont différents. Quelqu’un dit de l’isoler dans quelque endroit désert
  où ses cris ne pourraient être entendus que par un serviteur très fidèle et
  partageant leurs idées, un autre, plus bienveillant, a confiance qu’il
  s’agit d’un malaise passager et qu’il suffirait de le laisser où il est.      
   
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  385> Elchias répond :      
   
  "Je l’ai amené ici, ne sachant où l’amener ailleurs. Mais vous savez que
  je doute beaucoup de mon parent Daniel..."      
   
  D’autres, plus mauvais encore que Elchias, disent :            
   
  "Il veut fuir, aller en mer. Pourquoi ne pas le satisfaire ?"            
   
  "Parce qu’il n’est pas capable de faire des actes ordonnés. Seul en mer
  il périrait et aucun de nous n’est capable de conduire une barque."           
   
  "Et même ! S’il en était ainsi ! Qu’arriverait-il au lieu du
  débarquement, avec ce qu’il dit ? Laissez-lui choisir sa route... En
  présence de tous, et même de ton parent, fais en sorte que lui dise sa
  volonté, et qu’on fasse ce qu’il veut."             
   
  Cette proposition est approuvée, et Elchias, appelant un serviteur, ordonne
  qu’on amène Simon et qu’on appelle Daniel. Ils arrivent l’un et l’autre et si
  Daniel a l’air d’un homme qui se sent mal à l’aise près de certaines gens,
  l’autre a vraiment l’air d’un fou.          
   
  "Écoute-nous, Simon. Tu dis que nous te gardons prisonnier parce que
  nous voulons te tuer..."  
   
  "Vous devez, car tel est le commandement."            
   
  "Tu délires, Simon. Tais-toi et écoute. Où te semble-t-il que tu
  guérirais ?"          
   
  "En mer. En mer. Au milieu de la mer. Là où il n’y a pas de voix. Où il
  n’y a pas de tombeau. Car les tombeaux s’ouvrent et les morts en sortent et
  ma mère dit..."             
   
  "Tais-toi ! Écoute. Nous t’aimons comme notre chair. Veux-tu
  vraiment y aller ?"        
   
  "Bien sûr que je le veux. Car ici les tombeaux s’ouvrent et ma
  mère…"          
   
  "Tu y iras. Nous te conduirons à la mer, nous te donnerons une barque et
  tu…"            
   
  "Mais c’est un homicide cela ! Il est fou ! Il ne peut aller seul
  !" crie l’honnête Daniel.  
   
  "Dieu ne violente pas la volonté de l’homme. Pourrions-nous faire ce que
  Dieu ne fait pas ?"            
   
  "Mais il est fou ! Il n’a plus de volonté. Il est plus dénué qu’un
  nouveau-né ! Vous ne pouvez pas !..."            
   
  "Tais-toi. Tu es un agriculteur, rien d’autre. C’est nous qui savons...
  Demain nous partirons pour la mer. Sois content, Simon. Pour la mer,
  comprends-tu ?"   
   
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  386> "Ah ! je n’entendrai plus les
  voix de la Terre ! Plus les voix... Ah !"          
   
    632.41 - Un long cri, un spasme d’agitation,
  ses yeux et ses oreilles se ferment. Et un autre cri, celui de Daniel qui
  fuit terrorisé.           
   
  "Mais qui est-ce ? Qu’arrive-t-il ? Arrêtez ce fou et ce sot !
  Sommes-nous, peut-être, en train de perdre tous la tête ?" crie Elchias.    
   
  Mais celui qu’Elchias appelle le sot, c’est-à-dire
  son parent Daniel, après avoir couru quelques mètres se prosterne sur le sol,
  pendant que l’autre de son côté écume là où il est dans une convulsion
  effrayante, et crie, crie :          
   
  "Faites-le taire ! Il n’est pas mort et il crie, il crie, il crie ! Plus
  que ma mère, plus que mon père, plus qu’il ne le faisait sur le Golgotha !
  Là, là, vous ne voyez pas là ?"    
   
  Il montre l’endroit où est Daniel tranquille, souriant, le visage levé après
  avoir été le visage au sol.            
   
  Elchias le rejoint et le secoue rudement, furieux, sans s’occuper de Simon
  qui se roule par terre et écume et pousse des cris de bête au milieu du
  cercle terrifié des autres.            
   
  Elchias apostrophe Daniel :       
   
  "Visionnaire fainéant, veux-tu me dire ce que tu fais ?"    
   
  "Laisse-moi. Maintenant je te connais. Et je m’éloigne de toi. J’ai vu,
  bienveillant pour moi, terrible pour vous, Celui que vous voulez me faire
  croire mort. Je m’en vais. Plus que l’argent et n’importe quelle richesse, je
  protège mon âme. Adieu, maudit ! Et, si tu peux, fais en sorte de mériter le
  pardon de Dieu."   
   
  "Mais où vas-tu ? Où ? Moi, je ne veux pas !"            
   
  "As-tu le droit de me garder prisonnier ? Qui te l’a donné ! Je
  t’abandonne ce que tu aimes et je suis ce que j’aime. Adieu" il lui
  tourne le dos rapidement comme tiré par une force surhumaine et descend la
  pente verte des oliviers et des vergers.           
   
  Elchias, et pas lui seul, est livide. La colère les étrangle tous. Elchias
  menace de se venger sur son parent, sur tous ceux qui "avec leurs
  frénésies" dit-il, affirment que le Galiléen est vivant. Il veut parler,
  il veut agir...           
   
  Quelqu’un, je ne sais qui, dit :  
   
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  387> "Nous agirons, nous agirons,
  mais nous ne pourrons pas fermer toutes les bouches et les pupilles de ceux
  qui parlent parce qu’ils voient. Nous sommes vaincus ! Notre crime nous
  accable. Maintenant arrive l’expiation..."         
   
  Et il se bat la poitrine, pris d’une angoisse qui le rend semblable à
  quelqu’un qui monte les marches d’un échafaud.   
   
  "La vengeance de Jéhovah"
  dit-il encore, et c’est toute la terreur millénaire d’Israël qui affleure
  dans sa voix.         
   
  Pendant ce temps, blessé, écumant, effrayant, Simon fait entendre des cris de
  damné :             
   
  "Parricide ,
  m’a-t-il dit ! Faites-le taire ! Taire ! Parricide ! La même parole de ma
  mère ! Les morts ont donc tous les mêmes paroles ?!..." 
  XXI. À une femme de
  Galilée,
  qui obtient la résurrection de son mari.          
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    632.42 - La lune près de se coucher va cacher
  son arc encore mince de lune nouvelle derrière la bosse d’une montagne. Sa
  clarté est donc très relative et dans peu de temps elle ne dominera plus la
  vaste campagne.   
   
  Et pourtant il y a un voyageur sur le chemin solitaire, un petit chemin, un
  sentier au milieu des champs plutôt qu’autre chose. Il marche en tenant
  suspendu par un anneau une lanterne rudimentaire, qui, vieille comme le
  monde, je crois, sert généralement aux charretiers pour s’éclairer la nuit.
  Celle-ci, car le verre n’est pas une chose commune — je crois même que
  c’était une chose tout à fait inconnue car il ne m’est jamais arrivé d’en
  voir dans aucune maison ni comme verre à boire, ni comme vase, ni comme abri
  aux fenêtres — elle a donc pour abriter la flamme quelque chose qui peut être
  aussi bien du mica que du parchemin. La lumière en filtre si faible qu’elle
  peut tout juste servir à éclairer un petit espace autour de la lanterne.
  Pourtant, comme la lune se cache entièrement, la lumière du pauvre fanal
  paraît plus vigoureuse et met une clarté vacillante dans l’obscurité de la
  campagne.        
   
  Le voyageur marche sans s’arrêter...   
   
  Le ciel a un commencement d’aube à l’extrémité de
  l’horizon, mais si faible, pour le moment, qu’elle n’éclaire rien et le
  pauvre lumignon sert encore.        
   
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  388> Près d’un petit
  pont attend, ou se repose, un autre voyageur tout enveloppé dans son manteau.
  Celui du fanal, qui se dirige vers ce pont, s’arrête hésitant. Il se demande s’il doit passer par là ou revenir en arrière, où le
  lit d’un petit torrent a de larges pierres qui
  peuvent servir à passer à travers le peu d’eau du fond.     
   
  Celui qui est assis sur la rive rustique faite d’un tronc d’arbre qui a
  encore son écorce blanche verte, lève la tête pour observer celui qui s’est
  arrêté. Il se lève et dit :        
   
  "Ne me crains pas. Avance. Je suis un bon compagnon, pas un
  voleur."          
   
  C’est Jésus. Je le reconnais à sa voix plutôt qu’à son aspect qui est voilé
  par le crépuscule profond que la lumière n’arrive pas à rompre jusqu’à
  l’endroit où est Jésus. Mais la personne arrêtée hésite encore.    
   
  "Viens, femme. Ne crains pas. Nous irons ensemble, pendant un bout de
  chemin, et ce sera bien pour toi."         
   
  La femme, je sais maintenant que c’est une femme, avance, vaincue par la
  douceur de la voix ou par une force secrète, et elle hoche la tête en
  avançant et en murmurant :     
   
  "Il n’y a plus de bien pour moi."           
   
    632.43 - Maintenant ils avancent côte à côte
  par le chemin assez large pour permettre le passage de deux piétons. L’aube
  qui avance découvre d’un côté du chemin une rigide forêt en miniature de
  grains mûrs qui attendent qu’on les fauche. De l’autre côté les grains, déjà
  coupés, sont étendus en gerbes sur le champ dépouillé de sa gloire de
  moissons mûres.   
   
  "Maudites !" dit à voix basse la femme en jetant un regard sur les
  gerbes qui gisent par terre.         
   
  Jésus se tait.          
   
  Le jour avance. La femme éteint la pauvre lanterne et, pour le faire,
  découvre son visage dévasté par les larmes. Elle lève son visage pour
  regarder vers l’orient où une ligne jaune rose annonce le lever du soleil.
  Elle tend le poing vers l’orient et elle dit encore :    
   
  "Maudit sois-tu !"            
   
  "Le jour ? C’est Dieu qui l’a fait, comme Il a fait le grain. Ce sont
  des bienfaits de Dieu. Il ne faut pas les maudire..." dit doucement
  Jésus.    
   
  "Et moi je les maudis. Je maudis le soleil et les moissons. Et j’ai
  raison de le faire."      
   
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  389> "N’ont-ils pas été bons pour
  toi pendant tant d’années ? Le premier n’a-t-il pas fait mûrir pour toi le
  pain quotidien, le raisin qui se change en vin, les légumes et les fruits du
  jardin, et n’a-t-il pas fait croître les pâturages pour nourrir les brebis et
  les agneaux dont le lait et la viande t’ont nourri et avec la toison desquels
  tu as tissé tes vêtements ? Et le grain n’a-t-il pas donné le pain pour
  toi, pour tes enfants, pour ton père et pour ta mère, pour ton époux ?"           
   
  Elle éclate en sanglots et pousse un cri :        
   
  "Je n’ai plus d’époux ! Eux l’ont tué ! Il était allé travailler, car
  nous avons sept enfants et le peu que nous avions à nous ne suffisait pas
  pour nourrir dix personnes. Hier soir, il est venu en disant : "Je suis
  las et tout drôle" et il s’est jeté sur le lit, brûlant de fièvre. Sa
  mère et moi, nous l’avons secouru comme nous pouvions, pensant appeler
  aujourd’hui le médecin de la ville... Mais il est mort après le chant du coq.
  Le soleil l’a tué. Je vais à la ville, oui, pour prendre ce qu’il faut. En
  revenant, je penserai à prévenir ses frères. J’ai laissé sa mère pour veiller
  son fils et mes enfants.., et je suis partie pour ce qu’il faut faire... Et
  je ne dois pas maudire le soleil brûlant et le grain ?"   
   
  Retenue comme elle l’était d’abord, de sorte que je n’aurais pas pensé que
  c’était une femme, et surtout une femme affligée, maintenant sa douleur a
  rompu les digues et elle déborde avec force. Elle dit tout ce qu’elle n’a pas
  dit dans sa maison "pour ne pas éveiller ses enfants qui dorment dans la
  pièce voisine", tout ce qui lui pesait tellement sur le cœur que cela
  lui donnait l’impression qu’il allait éclater. Souvenirs d’amour, peur de
  l’avenir, douleur de veuve, passent confusément comme des débris arrachés à
  la rive, sur l’eau gonflée d’un fleuve en crue…  
   
    632.44 - Jésus la laisse parler. Car Jésus
  sait compatir à la douleur, il la laisse s’épancher, pour que la créature en
  soit soulagée et la fatigue même qui succède au débordement de la douleur la
  rende capable d’écouter celui qui la console. Alors il lui dit
  doucement :    
   
  "À Naïm
  et à Nazareth,
  et dans les villages situés entre les deux, il y a des disciples du Rabbi de
  Nazareth. Va les trouver..."    
   
  "Et que veux-tu qu’ils fassent ? Si Lui était encore là  !... Mais
  eux ? Eux ne sont pas saints ! Mon mari était à Jérusalem ce jour-là. Et il
  sait... Oh ! non ! Il savait ! Il ne sait plus rien ! Il est mort !"             
   
  "Que faisait ton mari ce jour-là ?"       
   
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  390> "Quand la clameur de la rue le
  réveilla, il courut sur la terrasse de la maison où il était avec ses frères,
  et il vit passer le Rabbi que l’on conduisait au Prétoire, et avec les autres
  galiléens il le suivit jusqu’à ce qu’il fût mort. On lui jeta des pierres, à
  lui et aux autres, quand on découvrit qu’il était galiléen, là-haut sur la
  montagne, et on les repoussa plus bas. Mais ils furent là jusqu’à ce que tout
  fût accompli. Puis... ils s’éloignèrent... Et maintenant lui est mort. Oh !
  si au moins je savais qu’à cause de sa pitié pour le Rabbi, il est en paix
  !"         
   
  Jésus ne répond pas à ce désir, mais il dit :    
   
  "Alors il aura vu qu’il y avait des disciples sur le Golgotha. Peut-être
  que tous les galiléens furent comme ton mari ?"            
   
  "Oh ! non. Beaucoup, et même de Nazareth, l’injurièrent. On le sait.
  Quelle honte !"       
   
  "Et alors si beaucoup de gens même à Nazareth n’ont pas eu l’amour pour
  leur Jésus, et pourtant Lui leur a pardonné, et beaucoup se sanctifieront
  dans l’avenir, pourquoi veux-tu juger de la même manière les disciples du
  Christ ? Veux-tu être, toi, plus sévère que Dieu ? Dieu accorde beaucoup à
  celui qui pardonne..."      
   
  "Il n’est plus là le bon Rabbi ! Il n’y est plus ! Et mon mari est
  mort."   
   
  "Le Rabbi a donné à ses disciples le pouvoir de faire ce que Lui
  faisait."          
   
  "Je veux le croire. Mais il n’y avait que Lui pour vaincre la mort. Lui
  seulement !"          
   
  "Et ne lit-on pas qu’Élie rendit l’esprit au fils de la veuve de Sarepta
  ? [17] En vérité je te dis
  qu’Élie était un grand prophète, mais que les serviteurs du Sauveur qui est
  mort et ressuscité parce qu’il était le Fils du vrai Dieu incarné pour
  racheter les hommes, ont un pouvoir encore plus grand parce que Lui sur la
  croix leur a pardonné leurs péchés à eux d’abord, connaissant par sa divine
  sagesse la véritable douleur de leurs esprits contrits, il les a sanctifiés
  après sa Résurrection par un nouveau pardon et leur a infusé l’Esprit Saint
  pour qu’ils puissent me représenter dignement à la fois par la parole et les
  actions, afin que le monde ne reste pas désolé après mon départ."           
   
    632.45 - La femme recule vivement,
  stupéfaite. Elle rejette son voile en arrière pour bien voir son compagnon.
  Elle ne le reconnaît pas pourtant. Elle croit avoir mal compris. Pourtant
  elle n’ose plus parler...     
   
  Haut de page.         
   
  391>   "As-tu peur de Moi ? Tu m’as cru
  d’abord un voleur prêt à te prendre l’argent que tu as dans ton sein, destiné
  à acheter ce qui est nécessaire pour la sépulture. Et tu as eu peur.
  Maintenant tu as peur de savoir que je suis Jésus ? Et Jésus n’est-il pas Celui
  qui donne et ne prend pas ? Celui qui sauve et ne ruine pas ? Reviens en
  arrière, femme. Je suis la Résurrection et la Vie. Ils ne sont pas
  nécessaires le linceul et les aromates pour celui qui n’est pas mort, qui
  n’est plus mort, car je suis Celui qui vainc la mort et récompense celui
  qui a foi. Va ! Va à ta maison ! Ton mari est vivant. Aucune foi en
  Moi ne reste sans récompense."      
   
  Il fait le geste de la bénir et de s’en aller.       
   
  La femme sort de sa pétrification. Elle ne demande pas, elle ne doute pas...
  Non. Elle tombe à genoux pour adorer. Puis, finalement, elle ouvre la bouche
  et fouillant dans son sein, en tire une bourse, petite, une pauvre bourse de
  pauvres gens auxquels la misère interdit des honneurs solennels pour leurs
  morts, et elle dit en offrant la bourse :   
   
  "Je n’ai pas autre chose... Rien d’autre pour te dire ma reconnaissance,
  pour t’honorer, pour..."   
   
  "Je n’ai pas besoin d’argent, femme. Tu le porteras à mes apôtres."       
   
  "Oh ! oui. J’irai avec mon mari... Mais que te donner alors, mon
  Seigneur ? Quoi ? Toi, qui m’es apparu... ce miracle.., et moi, qui ne t’ai
  pas reconnu… et moi, si fâchée… oui, si injuste jusqu’avec les
  choses..."  
   
  "Oui. Et tu ne pensais pas qu’elles sont parce que Moi je suis, et que
  tout est bon de ce que Dieu a fait. S’il n’y avait pas eu le soleil, s’il n’y
  avait pas eu les grains, tu n’aurais pas eu cette grâce que tu viens
  d’avoir."           
   
  "Mais quelle douleur, pourtant !..."     
   
  La femme pleure en y pensant.             
   
  Jésus sourit et lui montre ses mains en disant :      
   
  "Ceci est une minime partie de ma douleur. Et je l’ai consumée toute
  entière sans me plaindre, pour votre bien."   
   
  La femme se baisse jusqu’au sol pour reconnaître :            
   
  "C’est vrai. Pardonne ma plainte."       
   
    632.46 - Jésus disparaît dans sa lumière et
  quand elle lève le visage, elle se voit seule. Elle se lève, regarde autour
  d’elle. Rien ne peut gêner sa vue car maintenant c’est plein jour et il n’y a
  que des champs de moissons tout autour. La femme se dit à elle-même :           
   
  Haut de page.         
   
  392> "Et pourtant je n’ai pas
  rêvé !"    
   
  Le démon, peut-être, la tente pour la faire douter car elle a un instant
  d’incertitude pendant qu’elle soupèse la bourse dans ses mains.            
   
  Mais ensuite la foi a le dessus et elle tourne le dos à l’endroit où elle se
  dirigeait, pour revenir sur ses pas, rapide comme si le vent la portait, sans
  qu’elle se fatigue, le visage éclairé d’une joie plus grande qu’une joie
  humaine tant elle est paisible. Elle répète à chaque instant :       
   
  "Comme Il est bon le Seigneur ! Il est vraiment Dieu ! Il est Dieu.
  Que soit béni le Très-Haut et Celui qu’Il a envoyé."    
   
  Elle ne sait pas dire autre chose. Et sa litanie se mêle maintenant au chant
  des oiseaux. La femme est tellement absorbée qu’elle n’entend pas les saluts
  de certains moissonneurs qui la voient passer et lui demandent d’où elle
  vient à cette heure...            
   
  L’un d’eux la rejoint et lui dit :             
   
  "Marc
  va-t-il mieux  ? Tu es allée chercher le médecin ?"             
   
  "Marc est mort au chant du coq et il est ressuscité, car le Messie du
  Seigneur a fait cela" répond-elle, en allant toujours rapidement.            
   
  "La douleur l’a rendue folle !" murmure l’homme.            
   
  Et il secoue la tête en rejoignant ses compagnons qui ont commencé à faucher
  le grain.    
   
  Les champs se peuplent de plus en plus. Mais la curiosité triomphe chez
  beaucoup qui se décident à suivre la femme qui accélère toujours plus sa
  marche.       
   
    632.47 - Elle va, elle va. Voici une très
  pauvre maisonnette basse, solitaire, perdue dans la campagne. Elle s’y dirige
  en serrant les mains sur son cœur.          
   
  Elle y entre, mais à peine y a-t-elle posé le pied qu’une vieille femme se
  jette dans ses bras en criant :    
   
  "Oh ! ma fille, quelle grâce du Seigneur ! Prends courage, fille, car ce
  que je dois te dire est chose si grande, si heureuse, que..."            
   
  "Je le sais, mère. Marc n’est plus mort. Où est-il ?"            
   
  "Tu le sais... Et comment ?"       
   
  "J’ai rencontré le Seigneur. Je ne l’ai pas reconnu, mais Lui m’a parlé
  et quand il Lui a plu, il m’a dit : “Ton mari vit”. Mais ici... quand ?"           
   
  Haut de page.         
   
  393> "J’avais ouvert la fenêtre
  alors, et je regardais le premier rayon de soleil qui tombait sur le figuier.
  Oui, vraiment ainsi. Le premier rayon a touché alors le figuier contre la
  pièce... quand j’ai entendu un profond soupir, comme pour quelqu’un qui
  s’éveille. Je me suis tournée effrayée et j’ai vu Marc qui s’asseyait et
  rejetait en arrière le drap que je lui avais jeté sur le visage, et qui
  regardait en haut avec un visage, un visage... Puis il m’a regardée et a dit
  : “Mère, je suis guéri !” Moi... Il s’en est fallu de peu que je meure, moi,
  et lui m’a secouru et a compris qu’il avait été mort. Il ne se rappelle rien.
  Il dit qu’il se rappelle jusqu’au moment où on l’a mis au lit et ensuite plus
  rien jusqu’au moment où il a vu un ange, une espèce d’ange qui avait le
  visage du Rabbi de Nazareth et qui lui a dit : “Lève-toi !” Et il s’est levé.
  Exactement à l’heure où le soleil surgissait tout entier."        
   
  "À l’heure où il m’a dit : “Ton mari vit”. Oh ! mère, quelle grâce !
  Comme Dieu nous a aimés !"       
   
    632.48 - Ceux qui arrivent les trouvent
  embrassées et en pleurs. Ils croient que Marc est mort et que sa femme, dans
  un instant de lucidité, a compris son malheur. Mais Marc, qui entend les
  voix, apparaît, serein, avec un enfant dans les bras et les autres attachés à
  sa tunique et il dit à haute voix :            
   
  "Me voici. Bénissons le Seigneur !"     
   
  Ceux qui sont
  survenus l’assaillent de questions et, comme toujours dans les choses
  humaines, s’élève la contradiction. Les uns croient à une véritable
  résurrection, les autres, les plus nombreux, qu’il était tombé en catalepsie,
  mais qu’il n’était pas mort. Il y en a qui admettent que le Christ est apparu
  à Rachel,
  et d’autres qui disent que ce sont toutes des fables car "Lui est
  mort" disent certains, et d’autres :   
   
  "Il est ressuscité, mais il est tellement indigné, il doit l’être, qu’il
  ne fait plus de miracles pour son peuple assassin."   
   
  "Dites ce que bon vous semble, dit l’homme qui perd patience, et
  dites-le où vous voulez. Il suffit
  que vous ne le disiez pas ici où le Seigneur m’a ressuscité. Et
  allez-vous-en, ô malheureux ! Et veuille le Ciel vous ouvrir le cerveau pour
  que vous croyez. Mais pour l’instant allez-vous-en et laissez-nous en
  paix."        
   
  Il les pousse dehors et ferme la porte.             
   
    632.49 - Il serre sur son cœur sa femme et sa
  mère et il dit :       
   
  "Nazareth n’est pas loin. J’y vais proclamer le miracle."    
   
  Haut de page.         
   
  394> "C’est ce que veut le
  Seigneur, Marc. Nous porterons cet argent à ses disciples. Allons bénir le
  Seigneur. Comme nous sommes. Nous sommes pauvres, mais Lui aussi l’était, et
  ses apôtres ne nous mépriseront pas."  
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